Livv
Décisions

CA Paris, Pôle 5 ch. 5, 20 novembre 2025, n° 22/01471

PARIS

Arrêt

Infirmation

PARTIES

Demandeur :

Société Industrielle Pour Le Développement De La Sécurité - SIDES (SASU)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Renard

Conseiller :

Mme Soudry

Avocats :

Me Ohana, Me Boccon Gibod

T. com. Rennes, du 16 déc. 2021, n° 2020…

16 décembre 2021

Exposé du litige

La Société Industrielle pour le Développement de la Sécurité (ci-après société SIDES) exerce une activité de fabrication, vente et exportation de matériels de lutte contre l'incendie.

A l'occasion d'appels d'offres sur le territoire algérien, la société SIDES a noué une relation contractuelle avec M. [E].

Par jugement du 4 mai 2017, le tribunal de commerce de Nantes a prononcé l'ouverture d'une procédure de sauvegarde à l'égard de la société SIDES.

Au mois de juillet 2017, la société Armoric Holding a acquis l'intégralité des titres de la société SIDES.

Par jugement du 21 mars 2018, le tribunal de commerce de Nantes a adopté un plan de sauvegarde d'une durée de dix ans.

M. [E] a émis quatre factures entre le 3 septembre 2018 et le 1er mars 2019 à destination de la société SIDES.

Par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 29 janvier 2020, M. [E], se plaignant de l'arrêt de toute relation depuis le mois de janvier 2019, a mis en demeure la société SIDES de lui payer l'indemnité due en application des dispositions de l'article L.442-I II du code de commerce ainsi que de s'acquitter des factures impayées.

Par acte du 29 octobre 2020, M. [E] a assigné la société SIDES devant le tribunal de commerce de Rennes en paiement des factures impayées et en indemnisation des préjudices résultant d'une rupture brutale des relations commerciales établies.

Par jugement du 16 décembre 2021, le tribunal de commerce de Rennes a :

- Jugé que la loi française est applicable et s'est déclaré compétent pour juger tant des conditions de la rupture de la relation commerciale que des demandes au titre des factures impayées ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 8.320,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2019, date d'exigibilité de la dernière facture, et ce, jusqu'à complet paiement ;

- Jugé que la relation entre les parties peut être qualifiée de relation commerciale établie au sens de l'article L.442-1 II du code de commerce ;

- Jugé qu'il y a eu une rupture brutale de ces relations commerciales établies, en l'absence de tout délai de préavis ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 20.293 euros à titre de dommages et intérêts, portant intérêt au taux légal à compter du jugement, en réparation de son préjudice financier ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- Débouté M. [E] du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouté la société SIDES de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société SIDES à verser à M. [E] la somme de 12.372,92 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société SIDES aux entiers dépens de l'instance ;

- Dit que l'exécution provisoire du jugement n'était pas écartée.

Par déclaration du 13 janvier 2022, la société SIDES a interjeté appel du jugement en ce qu'il a :

- Jugé que la loi française était applicable et s'est déclaré compétent pour juger tant des conditions de la rupture de la relation commerciale que des demandes au titre des factures impayées ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 8.320,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2019, date d'exigibilité de la dernière facture, et ce, jusqu'à complet paiement ;

- Jugé que la relation entre les parties pouvait être qualifiée de relation commerciale établie au sens de l'article L.442-1 II du code de commerce ;

- Jugé qu'il y avait eu une rupture brutale de ces relations commerciales établies, en l'absence de tout délai de préavis ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 20.293 euros, à titre de dommages et intérêts, portant intérêt au taux légal à compter du jugement, en réparation de son préjudice financier ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- Débouté la société SIDES de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société SIDES à verser à M. [E] la somme de 12.372,92 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société SIDES aux entiers dépens de l'instance ;

- Dit que l'exécution provisoire du jugement n'était pas écartée.

Prétentions et moyens des parties

Par ses dernières conclusions notifiées le 27 janvier 2025, la société SIDES demande de :

- Infirmer le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a :

- Jugé que la loi française était applicable et s'est déclaré compétent pour juger tant des conditions de la rupture de la relation commerciale que des demandes au titre des factures impayées ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 8.320,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2019, date d'exigibilité de la dernière facture, et ce, jusqu'à complet paiement ;

- Jugé que la relation entre les parties pouvait être qualifiée de relation commerciale établie au sens de l'article L.442-1 II du code de commerce ;

- Jugé qu'il y avait eu une rupture brutale de ces relations commerciales établies, en l'absence de tout délai de préavis ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 20.293 euros, à titre de dommages et intérêts, portant intérêt au taux légal à compter du jugement, en réparation de son préjudice financier,

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- Débouté M. [E] du surplus de ses demandes, fins et conclusions ;

- Débouté la société SIDES de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société SIDES à verser à M. [E] la somme de 12.372,92 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société SIDES aux entiers dépens de l'instance ;

- Dit que l'exécution provisoire du jugement n'était pas écartée ;

Et statuant à nouveau,

A titre principal,

- Juger que le droit français et l'article L.442-1 II du code de commerce ne sont pas applicables au présent litige ;

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

- Juger que M. [E] ne justifie pas de la réalité des prestations prétendument effectuées au bénéfice de la société SIDES ;

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes de condamnation formées au titre des factures impayées ;

A titre subsidiaire,

- Juger que M. [E] ne justifie pas de la réalité des prestations prétendument effectuées au bénéfice de la société SIDES ;

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes de condamnation formées au titre des factures impayées ;

- Juger que la responsabilité de la société SIDES ne peut être engagée du fait de l'impossibilité pour la société SIDES de maintenir sa relation d'affaires avec M. [E] ;

- Juger que le décret exécutif n°19-12 du 24 janvier 2019 de l'Etat algérien constitue un cas de force majeure lequel exonère la société SIDES de toute responsabilité ;

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées sur le fondement de l'article L.442-1 II du code de commerce ;

A titre encore plus subsidiaire,

- Juger que le préavis ne peut être supérieur à une durée de trois mois ;

- Juger que M. [E] ne justifie pas de la réalité de son préjudice tant matériel que moral ;

- Débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes de condamnations financières ;

En tout état de cause,

- Condamner M. [E] à payer à la société SIDES la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées le 7 octobre 2022, M. [E] demande, au visa de la convention du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires, de l'article 1103 du code civil français, de l'article 106 du code civil algérien, des articles L.110-3, L.442-1, L.442-6-I-5 du code de commerce, de l'article 700 du code de procédure civile, de :

- Confirmer le jugement rendu le 16 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Rennes en ce qu'il a :

- Jugé que la loi française était applicable et s'est déclaré compétent pour juger tant des conditions de la rupture de la relation commerciale que des demandes au titre des factures impayées ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 8.320,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2019, date d'exigibilité de la dernière facture, et ce, jusqu'à complet paiement ;

- Jugé que la relation entre les parties pouvait être qualifiée de relation commerciale - établie au sens de l'article L.442-1 II du code de commerce ;

- Jugé qu'il y avait eu une rupture brutale de ces relations commerciales établies, en l'absence de tout délai de préavis ;

- Condamné la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral ;

- Débouté la société SIDES de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamné la société SIDES à verser à M. [E] la somme de 12.372,92 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société SIDES aux entiers dépens de l'instance ;

- Condamner la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 17.972 euros portant intérêt au taux légal à compter du 16 décembre 2021, en réparation de son préjudice matériel résultant de la brutalité de la rupture de la relation commerciale ;

- Débouter la société SIDES de ses demandes, fins et conclusions ;

- Condamner la société SIDES à payer à M. [E] la somme de 1.325 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 février 2025.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les missions confiées à M. [E] par la société SIDES

La société SIDES affirme que l'activité de M. [E] consistait en la réalisation de tâches administratives ( retrait de cahier des charges, présence lors d'ouvertures d'offres, achats de documents) réalisées pour elle-même, sur le territoire algérien, aux fins de soumissions à des appels d'offres d'entreprises ou d'institutions algériennes. Elle fait valoir que les prérogatives de M. [E] étaient très limitées et qu'il n'avait aucun pouvoir de négociation ou d'engagement. Elle conclut à l'application de la Convention de Rome.

M. [E] soutient qu'il représentait la société SIDES sur le territoire algérien depuis 2002 et qu'il intervenait pour les appels d'offres techniques ou commerciales ainsi que pour toutes les démarches administratives et financières auprès de clients et d'institutions algériens en relation avec les projets de la société SIDES. Il prétend que la Convention de La Hat est applicable.

Il est constant qu'il n'existe pas de contrat écrit liant les parties.

Dans une attestation délivrée par la société SIDES datée du 18 décembre 2017, celle-ci indique confier à M. [E] des missions telles que :

« - retrait de cahier des charges pour appels d'offres,

- représentation de SIDES lors d'ouvertures des offres techniques ou commerciales,

- retrait de cautions de soumissions, de bonne exécution auprès des banques correspondantes,

- achat de documents tels que BAOSEM et première évaluation des A.O qui peuvent intéresser SIDES,

- voyages dans toutes les régions d'Algérie (entre autres pour SONATRACH, ENAFOR, ENTP) pour dépôt des offres techniques et commerciales. »

Le directeur de zone export de la société SIDES, qui a établi l'attestation, précise que des missions techniques étaient également confiées à M. [E], telles des interventions sur les matériels fournis par la société SIDES.

D'autres attestations datées de novembre 2011 à janvier 2019 versées aux débats indiquent que la société SIDES « mandate » M. [E] pour déposer des documents dans le cadre d'appels d'offres, ou pour le dépôt de garanties de bonne exécution, de garanties de soumission, de garanties bancaires, de dossiers techniques, d'offres'

En conséquence, ainsi que l'ont retenu, à juste titre, les premiers juges, M. [E] était chargé d'effectuer en Algérie pour le compte de la société SIDES des missions de représentation et partiellement d'après-vente, afin de permettre à celle-ci de gagner des marchés de fourniture de matériels et de véhicules destinés principalement à la lutte contre les incendies, de développer son activité à l'exportation vers l'Algérie, et d'apporter un service de qualité à ses clients par cette présence de proximité. M. [E] a agi en qualité d'intermédiaire.

Sur la loi applicable

La société SIDES revendique l'application de la loi algérienne tandis que M. [E] conclut à l'application de la loi française. Il se prévaut également du caractère de loi de police des dispositions sur la rupture brutale des relations commerciales.

L'exception relative à l'existence d'une "loi de police", au sens de la législation de l'État membre concerné, doit être interprétée de manière stricte en ce qu'elle tend à faire échec aux règles de conflit de lois applicables.

La loi de police vise des dispositions nationales dont l'observation a été jugée cruciale pour la sauvegarde de l'organisation politique, sociale ou économique de l'Etat membre concerné, au point d'en imposer le respect à toute personne se trouvant sur le territoire national de cet Etat membre ou à tout rapport juridique localisé dans celui-ci (CJCE du 23 novembre 1999, Arbalde e.a. (C-369/96 et C-376/96)).

L'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce dans sa rédaction applicable au litige dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers, de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (...) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d'inexécution par l'autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »

Ces dispositions instaurent une action indemnitaire en raison de la rupture brutale des relations commerciales établies sans qu'ait été respecté un préavis d'une durée raisonnable.

Les dispositions de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce, quand bien même elles ont, en droit interne, un caractère impératif, contribuent à un intérêt public de moralisation de la vie des affaires et sont susceptibles également de participer au meilleur fonctionnement de la concurrence. Elles visent davantage à la sauvegarde des intérêts privés d'une partie, celle victime d'une rupture brutale de relations commerciales établies, en lui laissant un délai suffisant pour se reconvertir. Dès lors, ces dispositions ne peuvent être regardées comme cruciales pour la sauvegarde de l'organisation économique du pays au point d'en exiger l'application à toute situation entrant dans son champ d'application, quelle que soit la loi applicable au contrat.

L'action ouverte au ministre de l'économie ne saurait, à elle-seule, permettre la qualification de loi de police et révéler la mise en cause d'un intérêt public dépassant la protection des seuls intérêts privés.

Les dispositions de l'article L.442-6, I, 5° du code de commerce ne relèvent dès lors pas d'une loi de police.

Il convient en conséquence de déterminer la loi applicable au présent litige par application des règles de conflit de lois.

La société SIDES affirme qu'il y a lieu d'appliquer la convention de Rome du 19 juin 1980 tandis que M. [E] se prévaut des dispositions de la convention de la Haye du 14 mai 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires et à la représentation.

Il sera relevé que les parties ne discutent pas le fait que l'action en indemnisation engagée sur le fondement de la rupture brutale des relations commerciales établies relève de la matière contractuelle.

L'article 21 de la convention de Rome de 1980, intitulé « Relations avec d'autres conventions », prévoit que : « La présente convention ne porte pas atteinte à l'application des conventions internationales auxquelles un Etat contractant est ou sera partie. »

Or selon l'article 1er de la Convention de la Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d'intermédiaires, " (cette) convention détermine la loi applicable aux relations à caractère international se formant lorsqu'une personne, l'intermédiaire, a le pouvoir d'agir, agit ou prétend agir avec un tiers pour le compte d'une autre personne, le représenté.

Elle s'étend à l'activité de l'intermédiaire consistant à recevoir et à communiquer des propositions ou à mener des négociations pour le compte d'autres personnes.

La Convention s'applique, que l'intermédiaire agisse en son nom ou au nom du représenté et que son activité soit habituelle ou occasionnelle ".

Dès lors, il convient d'appliquer la Convention de la Haye du 14 mars 1978, qui est spécifique à l'activité d'intermédiaire et antérieure à la convention de Rome de 1980.

En vertu de l'article 5 de la convention de la Haye, « la loi interne choisie par les parties régit le rapport de représentation entre le représenté et l'intermédiaire. Le choix de cette loi doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause ».

L'article 6 ajoute que :

« Dans la mesure où elle n'a pas été choisie dans les conditions prévues à l'article 5, la loi applicable est la loi interne de l'Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l'intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle.

Toutefois, la loi interne de l'Etat dans lequel l'intermédiaire doit exercer à titre principal son activité est applicable, si le représenté a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle dans cet [5].

Lorsque le représenté ou l'intermédiaire a plusieurs établissements professionnels, le présent article se réfère à l'établissement auquel le rapport de représentation se rattache le plus étroitement. »

M. [E] revendique l'application de l'article 5 alinéa 2 alors que la société SIDES se prévaut de l'article 6 alinéa 1er en l'absence de contrat.

M. [E] invoque l'existence d'un choix de loi tacite par les parties comme étant la loi française du fait que :

- la langue employée par les parties était le français,

- les documents régissant leur relation (attestations, mandats') étaient rédigés en français et signés en France,

- il était professionnellement domicilié sur le territoire français à [Localité 9],

- les sommes qui lui étaient versées étaient payées en euros sur son compte bancaire ouvert auprès d'une banque française,

- il se rendait fréquemment en France pour rendre compte de ses missions à la société SIDES.

La société SIDES affirme qu'en l'absence de contrat écrit, il convient de faire application des dispositions de l'article 6 de la convention. Dans l'hypothèse d'une application de l'article 5 alinéa 2, elle fait valoir que l'usage de la langue française ne saurait être déterminant dès lors qu'elle est communément utilisée en Algérie dans le domaine des affaires. Elle ajoute que M. [E] ne disposait d'aucune domiciliation professionnelle en France. Elle observe que les factures de M. [E] sont libellées en dinars puis converties en euros.

En l'espèce, les parties n'ont formalisé aucun choix exprès sur la loi applicable à leurs relations commerciales.

Elles n'ont conclu aucun contrat écrit.

En l'absence de loi interne choisie par les parties, il convient de faire application des dispositions de l'article 6 de la convention de [Localité 6].

Si M. [E] se prévaut d'un domicile professionnel en France, il apparaît que cette domiciliation est située chez des tiers « M. et Mme [T] ». En outre, il ressort de l'ensemble des documents versés aux débats que M. [E] avait son domicile tant professionnel que personnel en Algérie et qu'il y exerçait son activité professionnelle.

Il convient en conséquence d'infirmer la décision de ce chef et de dire que la loi algérienne est applicable au litige.

Sur les demandes d'indemnisation au titre l'article L442-1 II du code de commerce

La loi algérienne étant applicable, il convient de rejeter les demandes d'indemnisation de M. [E] au titre de son préjudice financier et de son préjudice moral fondées uniquement sur l'article L. 442-1 II du code de commerce français (ancien article L 442-6 I 5° du code commerce français). Le jugement sera infirmé de ces chefs.

Sur les demandes en paiement de factures

La loi algérienne s'applique à ces demandes.

M. [E] demande le paiement de quatre factures :

- une facture n° 215 en date du 3 septembre 2018 d'un montant de 230.471 dinars algériens;

- une facture n° 216 en date du 2 novembre 2018 d'un montant de 355.566 dinars algériens;

- une facture n° 217 en date du 2 janvier 2019 d'un montant de 373.352 dinars algériens;

- une facture n° 218 en date du 1er mars 2019 d'un montant de 160.097 dinars algériens.

Il se prévaut des dispositions des articles 106, 107 et 111 du code civil algérien qui sont analogues aux dispositions du droit français, sur la force obligatoire des contrats, et de l'article 30 du code de commerce algérien qui prévoit la liberté de la preuve à l'égard des commerçants.

Il affirme que le détail du remboursement de frais demandé est expliqué dans chaque facture et qu'il justifie de l'exécution des missions confiées. Il précise que concernant ses émoluments, ils ont été calculés au temps passé conformément à la pratique établie depuis le début des relations. Il fait valoir que la société SIDES n'a pas protesté à la réception des factures. Il revendique la conversion des factures impayées selon le cours de l'euro à leur date d'exigibilité.

La société SIDES soutient que M. [E] ne justifie ni de la réalité des prestations prétendument effectuées à son bénéfice ni des frais engagés.

Selon l'article 106 du code civil algérien, le contrat fait la loi des parties. Il ne peut être révoqué, ni modifié que de leur consentement mutuel ou pour les causes prévues par la loi.

L'article 107 du code civil algérien dispose que : « Le contrat doit être exécuté conformément à son contenu et de bonne foi. Il oblige non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à tout ce que la loi, l'usage et l'équité considèrent comme une suite nécessaire de ce contrat d'après la nature de l'obligation. »

L'article 30 du code de commerce algérien prévoit que :

« Tous contrats commerciaux se constatent :

Par actes authentiques,

Par actes sous signatures privées,

Par une facture acceptée,

Par la correspondance,

Par les livres des parties,

Dans le cas où le tribunal croira devoir l'admettre, par la preuve testimoniale ou tout autre moyen. »

En l'espèce, les factures produites aux débats sont étayées par des justificatifs (pièces 15 et 31) ainsi que par des échanges de courriels avec le directeur de la zone export de la société SIDES (pièce 8) et rapportent la preuve de l'exécution des diligences de M. [E] et des frais engagés pour le compte de la société SIDES.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a fait droit aux demandes en paiement de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société SIDES succombe partiellement en ses prétentions. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées. La société SIDES supportera les dépens de l'instance d'appel. Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Infirme le jugement du 16 décembre 2021 du tribunal de commerce de Rennes sauf en ce qu'il a condamné la Société Industrielle pour le Développement de la Sécurité à payer à M. [E] la somme de 8.320,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 1er mai 2019, date d'exigibilité de la dernière facture, et ce, jusqu'à complet paiement, condamné la Société Industrielle pour le Développement de la Sécurité à verser à M. [E] la somme de 12.372,92 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la Société Industrielle pour le Développement de la Sécurité aux entiers dépens de l'instance ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit que la loi algérienne est applicable au litige ;

Rejette les demandes d'indemnisation de M. [E] au titre de son préjudice financier et de son préjudice moral sur le fondement de l'article L. 442-1 II du code de commerce français (ancien article L 442-6 I 5° du code commerce français) ;

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Société Industrielle pour le Développement de la Sécurité aux dépens de l'instance d'appel.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site