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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 20 novembre 2025, n° 25/00995

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 25/00995

20 novembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 20/11/2025

****

MINUTE ELECTRONIQUE :

N° RG 25/00995 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WBPO

Ordonnance (N° 24/01607) rendue le 17 décembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

S.C.I. Société Foncière [Localité 6], agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, substituée par Me Sébastien Carnel, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉE

Société Majestic Designs,

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

défaillante, à qui la déclaration d'appel et l'avis de fixation ont été signifiées le 21 mars 2025 à étude

DÉBATS à l'audience publique du 08 octobre 2025 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Déborah Bohée, présidente de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Carole Catteau, conseiller

ARRÊT RENDUE PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025 (délibéré avancé, initialement prévu le 18 décembre 2025 ) et signé par Déborah Bohée, présidente et Béatrice Capliez, adjoint administratif, faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er octobre 2025

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte sous seings privés du 29 août 1996 la société d'[Adresse 5] et environs, aux droits de laquelle intervient la SCI Foncière de Lille, a consenti au syndicat Sud PTT auquel a succédé en dernière date la société Multimédia maintenance informatique et télécommunication, devenue la société Majestic designs, immatriculée au RCS de Lille Métropole n° 791 368 749, un bail commercial portant sur des locaux situés à Villeneuve d'Ascq, [Adresse 1], pour une durée de neuf années à compter du 1er septembre 1996.

Par acte du 8 octobre 2024 la SCI Foncière de Lille a assigné la société Majestic designs devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail à raison du défaut de paiement des loyers.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire en date du 17 décembre 2024, le président du tribunal a :

- déclaré inopposable aux créanciers inscrits la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail,

- débouté la SCI Foncière de Lille de sa demande de constatation de la clause résolutoire insérée au bail,

- débouté la SCI Foncière de Lille de ses demandes accessoires (expulsion, indemnités d'occupation),

- condamné la société Majestic designs à lui payer la somme provisionnelle de 17 015,40 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et taxes, selon décompte arrêté terme d'octobre 2024 inclus,

- dit que les sommes dues porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la décision,

- débouté la SCI Foncière de Lille de sa demande pour frais irrépétibles la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Majestic designs aux dépens,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 février 2025 la SCI Foncière de Lille a relevé appel du jugement aux fins d'annulation ou de réformation en ce qu'il a déclaré inopposable aux créanciers la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et l'a déboutée de cette demande, de ses demandes accessoires et de sa demande pour frais irrépétibles.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 18 mars 2025 la SCI Foncière de Lille demande à la cour de :

- réformer le jugement en ce qu'il a déclaré inopposable aux créanciers la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, l'a déboutée de cette demande, de ses demandes accessoires et de sa demande pour frais irrépétibles,

statuant à nouveau,

- constater l'acquisition de la clause résolutoire contenue au bail et visée au commandement de payer du 19 août 2024,

- prononcer la résiliation de plein droit du bail commercial,

- ordonner l'expulsion de la société Majestic designs et de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

- condamner par provision la société Majestic designs au paiement d'une indemnité d'occupation par mois correspondant au montant des loyers et des charges jusqu'à parfaite libération des lieux et remise des clés à la Société foncière [Localité 6],

- déclarer opposable aux créanciers inscrits la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire,

- condamner la société Majestic designs à lui payer la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

en tout état de cause,

- confirmer l'ordonnance entreprise sur tous les autres points du dispositif n'ayant pas fait l'objet de l'appel,

- débouter la société Majestic designs de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes,

- la condamner à lui payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- la condamner aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel.

La déclaration d'appel et les conclusions de l'appelante ont été signifiées à l'intimée par acte du 21 mars 2025, dans les conditions de l'article 659 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures de l'appelant pour l'exposé de ses moyens.

MOTIFS

A titre liminaire la cour relève que les chefs de l'ordonnance non mentionnés dans la déclaration d'appel ne lui ont pas été déférés et sont donc définitifs ; il n'y a pas lieu de les confirmer, une telle demande étant sans objet.

Sur l'opposabilité aux créanciers inscrits de la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail

Le premier juge a déclaré inopposable aux créanciers inscrits la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, constatant que le SCI Foncière de Lille ne justifiait pas avoir effectué la formalité prévue à l'article L. 143-2 du code de commerce.

Selon cet article, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits, au domicile déclaré par eux dans leurs inscriptions. Le jugement ne peut intervenir qu'après un mois écoulé depuis la notification.

L'inopposabilité de la résiliation du bail est acquise de plein droit aux créanciers inscrits lorsque le bailleur manque à l'obligation de notification prévue à cet article, seuls les créanciers ayant qualité pour se prévaloir d'un défaut de notification. En outre, il est justifié de l'absence d'inscription en l'espèce.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement, sans qu'il y ait lieu de déclarer opposables aux créanciers inscrits la 'demande' de constatation d'acquisition de la clause résolutoire.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et ses conséquences

En application de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut, dans les limites de sa compétence, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Il peut, en vertu de l'article 835 du même code, dans les limites de sa compétence, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite et, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Selon L. 145-41, alinéa 1, du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

La résiliation de plein droit du bail par l'effet d'une clause résolutoire, doit être constatée par le juge dès lors qu'est établi un manquement du locataire à l'une des obligations visées par la clause résolutoire persistant au-delà du délai d'un mois après la délivrance d'un commandement, peu importe la gravité du manquement reproché.

En l'espèce, le bail commercial contient un article 24 intitulé 'clause résolutoire' qui dispose : 'à défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer ou de remboursements de frais, charges ou prestations qui en constituent l'accessoire, ou d'exécution de l'une ou l'autre des conditions du présent bail, et un mois après un commandement de payer ou d'exécuter resté sans effet, et contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans qu'il soit besoin de former une demande en justice. Et dans le cas où le preneur se refuserait à évacuer les lieux, son expulsion pourrait avoir lieu sans délai sur une simple ordonnance de référé rendue par Monsieur le Président du tribunal de grande instance de Lille et exécutoire par provision nonobstant appel'.

Le premier juge, constatant que la pièce versée aux débats désignée dans le bordereau comme étant un commandement de payer en date du 19 août 2024 (pièce n° 6) n'était pas un commandement mais un décompte locatif et qu'il ne pouvait donc pas constater l'acquisition de la clause résolutoire, a rejeté la demande de la bailleresse

Il est justifié en appel d'un commandement de payer les loyers pour un montant de 18 744,67 euros, visant cette clause résolutoire, mentionnant l'intention du bailleur de s'en prévaloir et le délai d'un mois, délivré à la société Majestic designs le 19 août 2024.

Il n'est justifié d'aucun paiement dans le délai d'un mois suivant la délivrance de ce commandement et le décompte actualisé au 1er septembre 2025 fait état d'un solde restant dû par le preneur s'élevant à 32 720,91 euros.

Il convient en conséquence de constater l'acquisition de la clause résolutoire au 19 septembre 2024 et de faire droit aux demandes d'expulsion et de condamnation au paiement d'une indemnité d'occupation à titre provisionnel, due à compter du 1er novembre 2024 eu égard à la condamnation prononcée par le premier juge incluant le loyer du mois d'octobre.

Sur les demandes accessoires

Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile, il convient de mettre les dépens d'appel à la charge de l'intimée, qui succombe, et d'allouer à la SCI Foncière de Lille une indemnité de procédure qui sera fixée, pour la procédure de première instance et d'appel, à la somme globale de 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel,

Réforme le jugement en ce qu'il a déclaré inopposable aux créanciers inscrits la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail, a débouté la SCI Foncière de Lille de sa demande de constatation de la clause résolutoire insérée au bail, de ses demandes accessoires (expulsions, indemnités d'occupation) et de sa demande pour frais irrépétibles ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à déclarer opposable aux créanciers inscrits la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;

Constate l'acquisition au 19 septembre 2024 de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial consenti par la SCI Foncière de Lille à la société Majestic designs portant sur des locaux situés [Adresse 1] à Villeneuve d'Ascq ;

Ordonne à défaut de restitution volontaire des lieux, l'expulsion de la société Majestic designs et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 7], avec, en tant que de besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier ;

Fixe à titre provisionnel l'indemnité mensuelle d'occupation due par la société Majestic designs à la SCI Foncière de Lille au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi ;

Condamne à titre provisionnel la société Majestic designs au paiement de cette indemnité jusqu'à libération effective des lieux et restitution des clés, à compter du 1er novembre 2024 ;

Condamne la société Majestic designs à payer à la SCI Foncière de Lille la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Majestic designs aux dépens de l'instance d'appel.

Le greffier

La présidente

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