CA Paris, Pôle 1 - ch. 10, 6 novembre 2025, n° 24/10589
PARIS
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRAN'AISE
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
(n° 455 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/10589 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJSJC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2024-Juge de l'exécution de Bobigny- RG n° 24/01326
APPELANTE
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF), établissement public national à caractère industriel et commercial, créé par décret n2006-1140 en date du 13/09/2006, inscrit au RCS de Paris sous le numéro 495 120 008, agissant poursuites et diligences de son Directeur général, Monsieur [W] [D], domicilié en cette qualité au siège social.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Claire-marie DUBOIS-SPAENLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P498
INTIMÉE
S.A.R.L. COMPAGNON DU BATIMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Xavier MARTINEZ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 82
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Dominique GILLES, Président de chambre
Madame Violette BATY, Conseiller
Monsieur Cyril CARDINI, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Violette BATY, Conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Dominique GILLES, Président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 6 juin 2014, la SCI TD Montargis a consenti un bail « commercial », à effet du 6 juin 2014, pour une durée de 24 mois, à MM. [O] [X] et [M] [R], sur les locaux sis à [Adresse 5], le lot n°C du bâtiment 26, moyennant un loyer annuel de base de 22 200 euros hors taxes, hors charges et hors TVA.
Le contrat prévoit que le bailleur « autorise expressément les preneurs ci-dessus à adjoindre à leurs côtés la SARL TB ELEC (désormais dénommée la SARL Compagnon du bâtiment) ('). Les preneurs attestent et s'engagent conjointement et solidairement les uns envers les autres, quand bien même la résiliation du bail par l'un des preneurs interviendrait, aux obligations financières co-contractuelles en exécution du présent bail et aux obligations pécuniaires co-contractuelles provenant de l'inexécution du même bail (')».
MM. [O] [X], [M] [R] et la SARL TB ELEC, désignés preneurs, concluaient en outre avec la SCI TD Montargis un bail portant le seul intitulé « convention », par acte du même jour, portant sur le lot n°C du bâtiment 26 sis à [Adresse 5], d'un montant de 2 150 euros par mois en principal hors charges et hors taxes, ramené à 1.850 euros par mois.
Par acte authentique en date du 1er avril 2021, l'Etablissement Public Foncier d'Ile-De-France (ci-après l'EPFIDF) a fait l'acquisition auprès de la SCI TD Montargis du local donné à bail, l'acte de vente précisant en page 103 que les locataires se sont maintenus dans les lieux après la date d'expiration du bail de sorte que le bail précaire s'est mué en bail commercial.
Excipant du défaut de paiement du loyer contractuellement prévu à compter de juillet 2021, l'EPFIDF a d'une part, émis des titres de recette à l'encontre de la société Compagnon du bâtiment, à hauteur de la somme de 58 150,52 euros pour la période comprise entre le 2eme trimestre 2021 et le 1er trimestre 2023, les 24 février 2022, 3 mars 2022, 4 mai 2022 et 30 mai 2023 et d'autre part, fait délivrer trois commandements de payer visant la clause résolutoire aux preneurs, les 2, 3 et 7 novembre 2023.
Sur le fondement de ces titres de recette, il a notifié, le 16 octobre 2023, à la CRCAM de [Localité 6] et d'Ile-de-France et à la société Compagnon du bâtiment dont les destinataires ont accusé réception respectivement les 20 et 19 octobre 2023, une saisie administrative à tiers détenteur pour la somme de 58 150,52 euros. Cette saisie s'est révélée fructueuse à hauteur de 15 710,49 euros.
Par acte du 1er décembre 2023, la société Compagnon du bâtiment a fait assigner l'EPFIDF devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir prononcer la nullité de la saisie administrative à tiers détenteur.
Par jugement réputé contradictoire du 22 mai 2024, le juge de l'exécution a :
- prononcé la nullité de la saisie à tiers détenteur, et en conséquence, en a ordonné la mainlevée ;
- condamné l'EPFIDF à verser à la société Compagnon du bâtiment la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'EPFIDF aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, le juge a relevé que le défendeur n'ayant pas constitué avocat, il n'avait pas été en mesure de transmettre le titre sur lequel était fondé l'avis à tiers détenteur litigieux.
Par déclaration du 6 juin 2024, l'EPFIDF a formé appel de cette décision en toutes ses dispositions, laquelle a été signifiée le 4 juillet 2024 à étude à la SARL Compagnon du bâtiment intimée.
Il a, parallèlement à cette procédure, saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution du jugement. Par ordonnance du 29 octobre 2024, le premier président a fait droit à sa demande au motif que l'EPFIF apportait la preuve des titres exécutoires ayant fondé la saisie administrative à tiers détenteur.
Par conclusions d'appelant n°2 du 2 juillet 2025, il demande, au visa des articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, de l'article L. 145-5 du code de commerce, de l'article 1728 du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile, à la cour de :
- le déclarer recevable et bien-fondé en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- débouter la société Compagnon du bâtiment de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Compagnon du bâtiment au paiement des entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant,
- condamner la société Compagnon du bâtiment à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- condamner la société Compagnon du bâtiment au paiement des entiers dépens d'appel.
Par conclusions du 2 août 2024, la société Compagnon du bâtiment demande à la cour de :
In limine litis :
- déclarer irrecevables les demandes de l'EPFIF comme nouvelles en application de l'article 564 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- débouter l'EPFIF de l'ensemble de ses demandes et moyens ;
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire, sur le fond,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
A titre infiniment subsidiaire, en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la saisie litigieuse mais en faisant droit à la demande de substitution au motif suivant :
- prononcer la nullité de la saisie administrative à tiers détenteur par l'EPFIF en raison de la violation des règles prévues aux articles L. 511-1 et suivants et R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
A titre infiniment, infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement en faisant droit au motif nouveau ;
- prononcer la mainlevée de la saisie au visa des articles L. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
En tout état de cause,
- ordonner la mainlevée de la mesure d'exécution ;
- confirmer le jugement en faisant droit aux moyens ci-avant énoncés ;
- condamner l'EPFIDF à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, dont distraction au profit de Me Xavier Martinez, avocat ;
Y ajoutant,
- condamner l'EPFIDF à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Xavier Martinez, avocat à la Cour,
- débouter l'EPFIDF toutes demandes et moyens contraires.
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes de l'EPFIDF
Se fondant sur l'article 564 du code de procédure civile, la société Compagnon du bâtiment fait valoir qu'à défaut pour l'appelante d'avoir comparu en première instance, les demandes de cette dernière sont nécessairement nouvelles et donc irrecevables.
L'EPFIF réplique qu'il présente seulement les moyens de défense qu'il n'a pu opposer aux demandes présentées en première instance, faute d'avoir été touché par l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution.
Réponse de la Cour :
Selon l'article 564 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Sont recevables en appel les nouvelles prétentions des parties qui tendent à faire écarter les prétentions adverses (CC. Civ. 2e 25 mars 1998, no 95-21.809).
Dès lors que l'appelant n'était pas représenté devant le premier juge et présente en appel des prétentions tendant à voir débouter la société Compagnon du bâtiment de l'ensemble de ses demandes en première instance, ces demandes sont recevables.
La fin de non-recevoir sera écartée.
Sur la contestation de la validité de la saisie administrative à tiers détenteur
L'EPFIDF conclut à la validité de la saisie critiquée en expliquant que le titre exécutoire fondant la mesure a été délivré en application de l'article 192 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 1992, à la suite du bail du 6 juin 2014 qui s'est mué en bail commercial conformément aux dispositions de l'article 145-5 du code de commerce et en l'absence de congé délivré par les preneurs, au titre des trimestres de loyers impayés pour la période allant du 2ème trimestre 2021 au 1er trimestre 2023 ; que la procédure de saisie administrative à tiers détenteur n'est soumise à aucune procédure de recouvrement amiable préalable , ajoutant que les intéressés n'avaient pas réagi au commandement de payer préalablement délivré ; qu'elle obéit à des règles propres et qu'il ne peut lui être opposé les dispositions relatives à la saisie-attribution de sorte que les exceptions de nullité ne sont pas opérantes ; que le litige sur les titres dont elle justifie être signataire relève du juge du fond du tribunal judiciaire de Bobigny déjà saisi.
En réponse, l'intimée, au soutien de sa demande de confirmation du jugement critiqué ayant annulé la saisie et ordonné sa mainlevée, considère que la mesure n'est fondée sur aucun titre exécutoire, alors qu'il ne lui a été délivré qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Elle estime par ailleurs que l'avis à tiers détenteur pouvant être assimilé à une saisie-attribution, les formalités prévues aux articles R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution doivent être respectées, ce qui n'est pas le cas de l'avis critiqué.
Elle fait enfin valoir qu'ayant quitté les locaux depuis longtemps à une date proche de la limite contractuelle fixée, en remettant les clés à l'ancien propriétaire, elle n'est redevable à titre personnel d'aucune somme à l'égard de l'appelant ; que les titres de recettes sont contestables en raison de l'absence de procédure de recouvrement amiable préalable prévue par l'article 192 du décret du 7 novembre 1992, d'une part, de justification de la qualité de leur signataire d'autre part ; enfin, que la saisie ne lui a pas été dénoncée tout comme le titre exécutoire, ce, en méconnaissance de l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Elle considère qu'en tout état de cause, la saisie est infondée dès lors que n'occupant plus les lieux, aucune dette de nature contractuelle ne peut lui être imputée et ajoute qu'une procédure est en cours devant le tribunal judiciaire de Bobigny, de sorte que la mainlevée de la saisie attribution doit être prononcée.
Réponse de la Cour :
En vertu de l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
Constitue un titre exécutoire au sens de l'article L.111-3 6°du même code, les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.
Les titres exécutoires émis par une personne morale de droit public ne peuvent donner lieu à une mesure d'exécution forcée s'ils n'ont pas été notifiés au débiteur (Cass. 2e civ. 10-11-1998, P. n° 95-20.139).
Selon l'article 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 1992, « L'ordre de recouvrer fonde l'action de recouvrement. Il a force exécutoire dans les conditions prévues par l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales.
Le comptable public muni d'un titre exécutoire peut poursuivre l'exécution forcée de la créance correspondante auprès du redevable, dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
Le cas échéant, il peut également poursuivre l'exécution forcée de la créance sur la base de l'un ou l'autre des titres exécutoires énumérés par l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ».
Selon l'article 192 du même décret, « L'ordre de recouvrer émis dans les conditions prévues à l'article 28 est adressé aux redevables sous pli simple ou, le cas échéant, par voie électronique, soit par l'ordonnateur, soit par l'agent comptable.
L'ordonnateur peut ne pas émettre un ordre de recouvrer correspondant à une créance dont le montant, qui ne peut excéder un seuil précisé par décret, est fixé par délibération de l'organe délibérant (alinéa applicable à compter du 01 janvier 2023).
Tout ordre de recouvrer donne lieu à une procédure de recouvrement amiable. Pendant la procédure amiable, l'agent comptable peut notifier au redevable une mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales. En cas d'échec du recouvrement amiable, il appartient à l'agent comptable de décider l'engagement d'une procédure de recouvrement contentieux.
L'exécution forcée par l'agent comptable peut, à tout moment, être suspendue sur ordre écrit de l'ordonnateur ».
Selon l'article L. 257 du livre des procédures fiscales, les comptables publics peuvent notifier au redevable une mise en demeure de payer pour le recouvrement des créances dont ils ont la charge. Lorsqu'une saisie-vente est diligentée, la notification de la mise en demeure de payer tient lieu de commandement prescrit par les articles L. 142-3 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution.
En application de l'article R. 257-1 du livre des procédures fiscales, la mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 indique les références du ou des titres exécutoires dont elle procède ainsi que le montant des sommes restant dues.
Aux termes de l'article L.262 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable antérieurement au 1er janvier 2024 : « 1. Les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement peuvent faire l'objet d'une saisie administrative à tiers détenteur notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables.
Dans le cas où elle porte sur plusieurs créances, de même nature ou de nature différente, une seule saisie peut être notifiée.
L'avis de saisie administrative à tiers détenteur est notifié au redevable et au tiers détenteur. L'exemplaire qui est notifié au redevable comprend, sous peine de nullité, les délais et voies de recours.
La saisie administrative à tiers détenteur emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution. Les articles L. 162-1 et L. 162-2 du même code sont applicables. Par dérogation au deuxième alinéa de l'article L. 162-1, lorsque le montant de la saisie administrative à tiers détenteur est inférieur à un montant, fixé par décret, compris entre 500 € et 3 000 €, les sommes laissées au compte ne sont indisponibles, pendant le délai prévu au même deuxième alinéa, qu'à concurrence du montant de la saisie. .
La saisie administrative à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès sa réception, les fonds dont le versement est ainsi demandé au paiement des sommes dues par le redevable, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers saisi deviennent effectivement exigibles.
La saisie administrative à tiers détenteur s'applique également aux gérants, administrateurs, directeurs ou liquidateurs des sociétés pour les sommes dues par celles-ci.(')».
En l'espèce, l'EPFIDF produit au débat en cause d'appel pour justifier de la régularité de la mesure d'exécution forcée entreprise :
- la notification par voie recommandée de la saisie à tiers détenteur sur compte bancaire, adressée le 16 octobre 2023 à l'établissement bancaire dans lequel la société Compagnon du bâtiment détient un compte, la CRCAM de [Localité 6] et d'Ile-de-France,
- la notification par lettre recommandée de ladite saisie à la partie intimée, laquelle vise les différents titres fondant la saisie et émis pour le recouvrement des créances recouvrées d'un montant total de 58 150,52 euros et détaille par titre de recette le montant de chacune desdites créances et la référence de l'échéance recouvrée,
- les titres visés à la notification de saisie qu'il indique à ses écritures avoir émis en application de l'article 192 du décret du 7 novembre 1992.
La notification au débiteur de la saisie mentionne notamment les délais et modalités de contestation conformément aux dispositions de l'article L.262 du livre des procédures fiscales précité, renvoyant à l'article L.281 du livre des procédures fiscales.
Il ne résulte pas des écritures des parties que lesdites modalités et les délais de contestation n'ont pas été respectées par la société Compagnon du Bâtiment.
S'agissant des moyens de contestation se rattachant à la régularité en la forme de l'acte de poursuite et de sa dénonciation, relevant de la compétence du juge de l'exécution en application dudit article L. 281 précité, il sera relevé d'une part, que la mesure d'exécution mise en 'uvre par l'établissement public répond en l'espèce aux conditions de forme spécialement définies à l'article L.262 du livre des procédures fiscales.
D'autre part, tant la notification de la saisie administrative à tiers détenteur à l'établissement bancaire que celle adressée à la débitrice, l'informant du détail de la créance recouvrée, comportent en l'espèce les énonciations prévues audit article à peine de nullité.
La société Compagnon du Bâtiment n'est donc pas légitime à soulever la nullité de l'acte pour défaut de respect des formalités prévues par les formalités prévues aux articles R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution se rapportant au procès-verbal délivré de saisie attribution par le commissaire de justice et à la dénonciation de la saisie attribution par le commissaire de justice au débiteur.
Concernant également la contestation de la saisie administrative poursuivie en exécution des titres émis par l'EPFIDF, il ressort des pièces versées au débat que la saisie a été entreprise en exécution de titres émis par M. [W] [D], dont il est justifié la qualité de directeur général de l'établissement public, en recouvrement de loyers impayés en exécution d'un bail commercial souscrit le 6 juin 2014, et en application de l'article 192 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 1992 précité.
Ledit texte prévoit que le titre doit être adressé au redevable et qu'une phase de recouvrement amiable pouvant inclure l'envoi d'une mise en demeure de payer au redevable visant le titre émis, doit précéder la mise en 'uvre de l'exécution forcée.
En l'occurrence, s'il est établi l'émission de titres de recette par le directeur général de l'EPFIDF en application du décret du 7 novembre 1992, il n'est pas démontré aux pièces produites par l'appelant qu'ils ont effectivement été adressés à la société Compagnon du Bâtiment en l'informant des voies de contestation, avant la délivrance de l'acte de saisie administrative, ni même à l'occasion d'une tentative de recouvrement amiable préalable pouvant donner lieu à l'envoi d'une mise en demeure de payer au visa des titres émis, avant la notification du premier acte d'exécution forcée.
Or la notification du titre à recouvrer, préalablement à toute voie d'exécution, est une formalité substantielle à défaut de laquelle tous les actes subséquents sont nuls.
Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision déférée ayant prononcé la nullité de la saisie à tiers détenteur, et en conséquence, en a ordonné la mainlevée.
La solution du litige commande également de confirmer les dispositions dudit jugement sur les demandes accessoires.
L'EPFIDF succombant dans son recours, supportera les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et sera condamné à payer à la partie intimée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Déboute la société Compagnon du Bâtiment de la fin de non-recevoir des demandes présentées par l'Etablissement Public Foncier d'Ile-De-France.
Confirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny,
Y ajoutant,
Laisse la charge des dépens d'appel à la partie appelante conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la partie appelante à payer à la partie intimée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Le greffier, Le Président,
AU NOM DU PEUPLE FRAN'AIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 10
ARRÊT DU 06 NOVEMBRE 2025
(n° 455 , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/10589 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJSJC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Mai 2024-Juge de l'exécution de Bobigny- RG n° 24/01326
APPELANTE
ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE (EPFIF), établissement public national à caractère industriel et commercial, créé par décret n2006-1140 en date du 13/09/2006, inscrit au RCS de Paris sous le numéro 495 120 008, agissant poursuites et diligences de son Directeur général, Monsieur [W] [D], domicilié en cette qualité au siège social.
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Claire-marie DUBOIS-SPAENLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P498
INTIMÉE
S.A.R.L. COMPAGNON DU BATIMENT
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Xavier MARTINEZ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 82
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 01 Octobre 2025, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Dominique GILLES, Président de chambre
Madame Violette BATY, Conseiller
Monsieur Cyril CARDINI, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Violette BATY, Conseiller dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER
ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Dominique GILLES, Président de chambre et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 6 juin 2014, la SCI TD Montargis a consenti un bail « commercial », à effet du 6 juin 2014, pour une durée de 24 mois, à MM. [O] [X] et [M] [R], sur les locaux sis à [Adresse 5], le lot n°C du bâtiment 26, moyennant un loyer annuel de base de 22 200 euros hors taxes, hors charges et hors TVA.
Le contrat prévoit que le bailleur « autorise expressément les preneurs ci-dessus à adjoindre à leurs côtés la SARL TB ELEC (désormais dénommée la SARL Compagnon du bâtiment) ('). Les preneurs attestent et s'engagent conjointement et solidairement les uns envers les autres, quand bien même la résiliation du bail par l'un des preneurs interviendrait, aux obligations financières co-contractuelles en exécution du présent bail et aux obligations pécuniaires co-contractuelles provenant de l'inexécution du même bail (')».
MM. [O] [X], [M] [R] et la SARL TB ELEC, désignés preneurs, concluaient en outre avec la SCI TD Montargis un bail portant le seul intitulé « convention », par acte du même jour, portant sur le lot n°C du bâtiment 26 sis à [Adresse 5], d'un montant de 2 150 euros par mois en principal hors charges et hors taxes, ramené à 1.850 euros par mois.
Par acte authentique en date du 1er avril 2021, l'Etablissement Public Foncier d'Ile-De-France (ci-après l'EPFIDF) a fait l'acquisition auprès de la SCI TD Montargis du local donné à bail, l'acte de vente précisant en page 103 que les locataires se sont maintenus dans les lieux après la date d'expiration du bail de sorte que le bail précaire s'est mué en bail commercial.
Excipant du défaut de paiement du loyer contractuellement prévu à compter de juillet 2021, l'EPFIDF a d'une part, émis des titres de recette à l'encontre de la société Compagnon du bâtiment, à hauteur de la somme de 58 150,52 euros pour la période comprise entre le 2eme trimestre 2021 et le 1er trimestre 2023, les 24 février 2022, 3 mars 2022, 4 mai 2022 et 30 mai 2023 et d'autre part, fait délivrer trois commandements de payer visant la clause résolutoire aux preneurs, les 2, 3 et 7 novembre 2023.
Sur le fondement de ces titres de recette, il a notifié, le 16 octobre 2023, à la CRCAM de [Localité 6] et d'Ile-de-France et à la société Compagnon du bâtiment dont les destinataires ont accusé réception respectivement les 20 et 19 octobre 2023, une saisie administrative à tiers détenteur pour la somme de 58 150,52 euros. Cette saisie s'est révélée fructueuse à hauteur de 15 710,49 euros.
Par acte du 1er décembre 2023, la société Compagnon du bâtiment a fait assigner l'EPFIDF devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny aux fins de voir prononcer la nullité de la saisie administrative à tiers détenteur.
Par jugement réputé contradictoire du 22 mai 2024, le juge de l'exécution a :
- prononcé la nullité de la saisie à tiers détenteur, et en conséquence, en a ordonné la mainlevée ;
- condamné l'EPFIDF à verser à la société Compagnon du bâtiment la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné l'EPFIDF aux entiers dépens.
Pour statuer ainsi, le juge a relevé que le défendeur n'ayant pas constitué avocat, il n'avait pas été en mesure de transmettre le titre sur lequel était fondé l'avis à tiers détenteur litigieux.
Par déclaration du 6 juin 2024, l'EPFIDF a formé appel de cette décision en toutes ses dispositions, laquelle a été signifiée le 4 juillet 2024 à étude à la SARL Compagnon du bâtiment intimée.
Il a, parallèlement à cette procédure, saisi le premier président de la cour d'appel d'une demande de sursis à exécution du jugement. Par ordonnance du 29 octobre 2024, le premier président a fait droit à sa demande au motif que l'EPFIF apportait la preuve des titres exécutoires ayant fondé la saisie administrative à tiers détenteur.
Par conclusions d'appelant n°2 du 2 juillet 2025, il demande, au visa des articles L. 111-2 et L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution, de l'article L. 145-5 du code de commerce, de l'article 1728 du code civil et de l'article 700 du code de procédure civile, à la cour de :
- le déclarer recevable et bien-fondé en son appel ;
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- débouter la société Compagnon du bâtiment de l'ensemble de ses demandes ;
- condamner la société Compagnon du bâtiment au paiement des entiers dépens de première instance ;
Y ajoutant,
- condamner la société Compagnon du bâtiment à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- condamner la société Compagnon du bâtiment au paiement des entiers dépens d'appel.
Par conclusions du 2 août 2024, la société Compagnon du bâtiment demande à la cour de :
In limine litis :
- déclarer irrecevables les demandes de l'EPFIF comme nouvelles en application de l'article 564 du code de procédure civile ;
En conséquence,
- débouter l'EPFIF de l'ensemble de ses demandes et moyens ;
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
A titre subsidiaire, sur le fond,
- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
A titre infiniment subsidiaire, en tout état de cause,
- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé la saisie litigieuse mais en faisant droit à la demande de substitution au motif suivant :
- prononcer la nullité de la saisie administrative à tiers détenteur par l'EPFIF en raison de la violation des règles prévues aux articles L. 511-1 et suivants et R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
A titre infiniment, infiniment subsidiaire,
- confirmer le jugement en faisant droit au motif nouveau ;
- prononcer la mainlevée de la saisie au visa des articles L. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
En tout état de cause,
- ordonner la mainlevée de la mesure d'exécution ;
- confirmer le jugement en faisant droit aux moyens ci-avant énoncés ;
- condamner l'EPFIDF à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause de première instance ainsi qu'aux entiers dépens de première instance, dont distraction au profit de Me Xavier Martinez, avocat ;
Y ajoutant,
- condamner l'EPFIDF à lui régler la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Xavier Martinez, avocat à la Cour,
- débouter l'EPFIDF toutes demandes et moyens contraires.
SUR CE,
Sur la recevabilité des demandes de l'EPFIDF
Se fondant sur l'article 564 du code de procédure civile, la société Compagnon du bâtiment fait valoir qu'à défaut pour l'appelante d'avoir comparu en première instance, les demandes de cette dernière sont nécessairement nouvelles et donc irrecevables.
L'EPFIF réplique qu'il présente seulement les moyens de défense qu'il n'a pu opposer aux demandes présentées en première instance, faute d'avoir été touché par l'assignation à comparaître devant le juge de l'exécution.
Réponse de la Cour :
Selon l'article 564 du code de procédure civile, « A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait ».
Sont recevables en appel les nouvelles prétentions des parties qui tendent à faire écarter les prétentions adverses (CC. Civ. 2e 25 mars 1998, no 95-21.809).
Dès lors que l'appelant n'était pas représenté devant le premier juge et présente en appel des prétentions tendant à voir débouter la société Compagnon du bâtiment de l'ensemble de ses demandes en première instance, ces demandes sont recevables.
La fin de non-recevoir sera écartée.
Sur la contestation de la validité de la saisie administrative à tiers détenteur
L'EPFIDF conclut à la validité de la saisie critiquée en expliquant que le titre exécutoire fondant la mesure a été délivré en application de l'article 192 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 1992, à la suite du bail du 6 juin 2014 qui s'est mué en bail commercial conformément aux dispositions de l'article 145-5 du code de commerce et en l'absence de congé délivré par les preneurs, au titre des trimestres de loyers impayés pour la période allant du 2ème trimestre 2021 au 1er trimestre 2023 ; que la procédure de saisie administrative à tiers détenteur n'est soumise à aucune procédure de recouvrement amiable préalable , ajoutant que les intéressés n'avaient pas réagi au commandement de payer préalablement délivré ; qu'elle obéit à des règles propres et qu'il ne peut lui être opposé les dispositions relatives à la saisie-attribution de sorte que les exceptions de nullité ne sont pas opérantes ; que le litige sur les titres dont elle justifie être signataire relève du juge du fond du tribunal judiciaire de Bobigny déjà saisi.
En réponse, l'intimée, au soutien de sa demande de confirmation du jugement critiqué ayant annulé la saisie et ordonné sa mainlevée, considère que la mesure n'est fondée sur aucun titre exécutoire, alors qu'il ne lui a été délivré qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire.
Elle estime par ailleurs que l'avis à tiers détenteur pouvant être assimilé à une saisie-attribution, les formalités prévues aux articles R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution doivent être respectées, ce qui n'est pas le cas de l'avis critiqué.
Elle fait enfin valoir qu'ayant quitté les locaux depuis longtemps à une date proche de la limite contractuelle fixée, en remettant les clés à l'ancien propriétaire, elle n'est redevable à titre personnel d'aucune somme à l'égard de l'appelant ; que les titres de recettes sont contestables en raison de l'absence de procédure de recouvrement amiable préalable prévue par l'article 192 du décret du 7 novembre 1992, d'une part, de justification de la qualité de leur signataire d'autre part ; enfin, que la saisie ne lui a pas été dénoncée tout comme le titre exécutoire, ce, en méconnaissance de l'article R. 211-3 du code des procédures civiles d'exécution.
Elle considère qu'en tout état de cause, la saisie est infondée dès lors que n'occupant plus les lieux, aucune dette de nature contractuelle ne peut lui être imputée et ajoute qu'une procédure est en cours devant le tribunal judiciaire de Bobigny, de sorte que la mainlevée de la saisie attribution doit être prononcée.
Réponse de la Cour :
En vertu de l'article L.111-2 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier muni d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l'exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
Constitue un titre exécutoire au sens de l'article L.111-3 6°du même code, les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d'un jugement.
Les titres exécutoires émis par une personne morale de droit public ne peuvent donner lieu à une mesure d'exécution forcée s'ils n'ont pas été notifiés au débiteur (Cass. 2e civ. 10-11-1998, P. n° 95-20.139).
Selon l'article 28 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 1992, « L'ordre de recouvrer fonde l'action de recouvrement. Il a force exécutoire dans les conditions prévues par l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales.
Le comptable public muni d'un titre exécutoire peut poursuivre l'exécution forcée de la créance correspondante auprès du redevable, dans les conditions propres à chaque mesure d'exécution.
Le cas échéant, il peut également poursuivre l'exécution forcée de la créance sur la base de l'un ou l'autre des titres exécutoires énumérés par l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution ».
Selon l'article 192 du même décret, « L'ordre de recouvrer émis dans les conditions prévues à l'article 28 est adressé aux redevables sous pli simple ou, le cas échéant, par voie électronique, soit par l'ordonnateur, soit par l'agent comptable.
L'ordonnateur peut ne pas émettre un ordre de recouvrer correspondant à une créance dont le montant, qui ne peut excéder un seuil précisé par décret, est fixé par délibération de l'organe délibérant (alinéa applicable à compter du 01 janvier 2023).
Tout ordre de recouvrer donne lieu à une procédure de recouvrement amiable. Pendant la procédure amiable, l'agent comptable peut notifier au redevable une mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 du livre des procédures fiscales. En cas d'échec du recouvrement amiable, il appartient à l'agent comptable de décider l'engagement d'une procédure de recouvrement contentieux.
L'exécution forcée par l'agent comptable peut, à tout moment, être suspendue sur ordre écrit de l'ordonnateur ».
Selon l'article L. 257 du livre des procédures fiscales, les comptables publics peuvent notifier au redevable une mise en demeure de payer pour le recouvrement des créances dont ils ont la charge. Lorsqu'une saisie-vente est diligentée, la notification de la mise en demeure de payer tient lieu de commandement prescrit par les articles L. 142-3 et L. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution.
En application de l'article R. 257-1 du livre des procédures fiscales, la mise en demeure de payer prévue à l'article L. 257 indique les références du ou des titres exécutoires dont elle procède ainsi que le montant des sommes restant dues.
Aux termes de l'article L.262 du livre des procédures fiscales dans sa version applicable antérieurement au 1er janvier 2024 : « 1. Les créances dont les comptables publics sont chargés du recouvrement peuvent faire l'objet d'une saisie administrative à tiers détenteur notifiée aux dépositaires, détenteurs ou débiteurs de sommes appartenant ou devant revenir aux redevables.
Dans le cas où elle porte sur plusieurs créances, de même nature ou de nature différente, une seule saisie peut être notifiée.
L'avis de saisie administrative à tiers détenteur est notifié au redevable et au tiers détenteur. L'exemplaire qui est notifié au redevable comprend, sous peine de nullité, les délais et voies de recours.
La saisie administrative à tiers détenteur emporte l'effet d'attribution immédiate prévu à l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution. Les articles L. 162-1 et L. 162-2 du même code sont applicables. Par dérogation au deuxième alinéa de l'article L. 162-1, lorsque le montant de la saisie administrative à tiers détenteur est inférieur à un montant, fixé par décret, compris entre 500 € et 3 000 €, les sommes laissées au compte ne sont indisponibles, pendant le délai prévu au même deuxième alinéa, qu'à concurrence du montant de la saisie. .
La saisie administrative à tiers détenteur a pour effet d'affecter, dès sa réception, les fonds dont le versement est ainsi demandé au paiement des sommes dues par le redevable, quelle que soit la date à laquelle les créances même conditionnelles ou à terme que le redevable possède à l'encontre du tiers saisi deviennent effectivement exigibles.
La saisie administrative à tiers détenteur s'applique également aux gérants, administrateurs, directeurs ou liquidateurs des sociétés pour les sommes dues par celles-ci.(')».
En l'espèce, l'EPFIDF produit au débat en cause d'appel pour justifier de la régularité de la mesure d'exécution forcée entreprise :
- la notification par voie recommandée de la saisie à tiers détenteur sur compte bancaire, adressée le 16 octobre 2023 à l'établissement bancaire dans lequel la société Compagnon du bâtiment détient un compte, la CRCAM de [Localité 6] et d'Ile-de-France,
- la notification par lettre recommandée de ladite saisie à la partie intimée, laquelle vise les différents titres fondant la saisie et émis pour le recouvrement des créances recouvrées d'un montant total de 58 150,52 euros et détaille par titre de recette le montant de chacune desdites créances et la référence de l'échéance recouvrée,
- les titres visés à la notification de saisie qu'il indique à ses écritures avoir émis en application de l'article 192 du décret du 7 novembre 1992.
La notification au débiteur de la saisie mentionne notamment les délais et modalités de contestation conformément aux dispositions de l'article L.262 du livre des procédures fiscales précité, renvoyant à l'article L.281 du livre des procédures fiscales.
Il ne résulte pas des écritures des parties que lesdites modalités et les délais de contestation n'ont pas été respectées par la société Compagnon du Bâtiment.
S'agissant des moyens de contestation se rattachant à la régularité en la forme de l'acte de poursuite et de sa dénonciation, relevant de la compétence du juge de l'exécution en application dudit article L. 281 précité, il sera relevé d'une part, que la mesure d'exécution mise en 'uvre par l'établissement public répond en l'espèce aux conditions de forme spécialement définies à l'article L.262 du livre des procédures fiscales.
D'autre part, tant la notification de la saisie administrative à tiers détenteur à l'établissement bancaire que celle adressée à la débitrice, l'informant du détail de la créance recouvrée, comportent en l'espèce les énonciations prévues audit article à peine de nullité.
La société Compagnon du Bâtiment n'est donc pas légitime à soulever la nullité de l'acte pour défaut de respect des formalités prévues par les formalités prévues aux articles R. 211-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution se rapportant au procès-verbal délivré de saisie attribution par le commissaire de justice et à la dénonciation de la saisie attribution par le commissaire de justice au débiteur.
Concernant également la contestation de la saisie administrative poursuivie en exécution des titres émis par l'EPFIDF, il ressort des pièces versées au débat que la saisie a été entreprise en exécution de titres émis par M. [W] [D], dont il est justifié la qualité de directeur général de l'établissement public, en recouvrement de loyers impayés en exécution d'un bail commercial souscrit le 6 juin 2014, et en application de l'article 192 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 1992 précité.
Ledit texte prévoit que le titre doit être adressé au redevable et qu'une phase de recouvrement amiable pouvant inclure l'envoi d'une mise en demeure de payer au redevable visant le titre émis, doit précéder la mise en 'uvre de l'exécution forcée.
En l'occurrence, s'il est établi l'émission de titres de recette par le directeur général de l'EPFIDF en application du décret du 7 novembre 1992, il n'est pas démontré aux pièces produites par l'appelant qu'ils ont effectivement été adressés à la société Compagnon du Bâtiment en l'informant des voies de contestation, avant la délivrance de l'acte de saisie administrative, ni même à l'occasion d'une tentative de recouvrement amiable préalable pouvant donner lieu à l'envoi d'une mise en demeure de payer au visa des titres émis, avant la notification du premier acte d'exécution forcée.
Or la notification du titre à recouvrer, préalablement à toute voie d'exécution, est une formalité substantielle à défaut de laquelle tous les actes subséquents sont nuls.
Dans ces conditions, il convient de confirmer la décision déférée ayant prononcé la nullité de la saisie à tiers détenteur, et en conséquence, en a ordonné la mainlevée.
La solution du litige commande également de confirmer les dispositions dudit jugement sur les demandes accessoires.
L'EPFIDF succombant dans son recours, supportera les dépens d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et sera condamné à payer à la partie intimée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
Déboute la société Compagnon du Bâtiment de la fin de non-recevoir des demandes présentées par l'Etablissement Public Foncier d'Ile-De-France.
Confirme le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Bobigny,
Y ajoutant,
Laisse la charge des dépens d'appel à la partie appelante conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
Condamne la partie appelante à payer à la partie intimée la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Le greffier, Le Président,