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Décisions

CA Paris, Pôle 5 - ch. 3, 20 novembre 2025, n° 22/07434

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 22/07434

20 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2025

(n° 200, 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07434 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUNX

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Février 2022 -Tribunal judiciaire de PARIS - 18ème chambre 2ème section - RG n°19/12664

APPELANTE ET INTIMEE INCIDENTE

S.A.S.U. MONTERO, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 1]

[Localité 6]

Immatriculée au rcs de [Localité 7] sous le numéro 841 333 966

Représentée par Me Jean PATRIMONIO de la SELAS C.E.J. AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque A 707

INTIMÉE ET APPELANTE INCIDENTE

S.C.I. L'OLIVIER VICTORIA, prise en la personne de sa gérante, Mme [Y] [W] épouse [G], domiciliée en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Localité 5]

Immatriculée au rcs de [Localité 7] sous le numéro 821 610 375

Représentée par Me Delphine MENGEOT, avocate au barreau de PARIS, toque D 1878

Ayant pour avocat plaidant Me Paul ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS, toque D 1878

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 917 et suivants du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Stéphanie DUPONT, conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport

Mme Stéphanie DUPONT a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre

Mme Stéphanie DUPONT, conseillère

Mme Hélène BUSSIÈRE, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Carole TREJAUT

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Nathalie RECOULES, présidente de chambre et par Mme Véronique COUVET, Greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte sous seing privé du 18 décembre 2010, la SCI Delimoges Frères, aux droits de laquelle se présente la société SCI l'Olivier Victoria (ci-après la SCI l'Olivier Victoria), a donné à bail à la société Epicure productions divers locaux à usage commercial, composés de trois pièces principales dont une entrée, avec sas et accueil, une salle de spectacle et une pièce servant de loge, au sein d'un ensemble immobilier situé [Adresse 4], pour une durée de neuf années commençant le 1er juillet 2011 et expirant le 30 juin 2020 et moyennant un loyer principal indexable d'un montant initial de 2.490 euros par mois, payable mensuellement, le 1er de chaque mois et à terme à échoir.

Les lieux sont destinés à l'usage de bureaux et salle de spectacle, le preneur pouvant 'y exercer toutes activités artistiques ou pédagogiques, à l'exclusion de toute autre'.

La société Epicure productions a cédé son fonds de commerce, incluant le droit au bail, à la société Carpe diem production, par acte du 23 mars 2013, laquelle a, à son tour, cédé le fonds de commerce exploité dans les lieux loués, incluant le droit au bail, à la société Montero, le 5 août 2018.

Par acte signifié le 27 décembre 2018, la société bailleresse a fait délivrer à la société Montero un commandement de payer visant la clause résolutoire, au motif d'un arriéré locatif constitué au 5 décembre 2018 et s'élevant à la somme de 6.716,68 euros.

Par ordonnance de référé du 28 mars 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a :

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire,

- condamné solidairement la société Montero et la société Carpe diem production à payer à la SCI l'Olivier Victoria la somme provisionnelle de 13.131,34 euros correspondant aux loyers impayés au 28 février 2019,

- constaté la remise d'un chèque de 610,84 euros à la barre, à valoir sur le montant de la dette, sous réserve de son encaissement,

- suspendu les poursuites et les effets de la clause résolutoire, à condition que la société Montero se libère de la provision allouée en 24 acomptes mensuels d'égal montant de 547 euros sauf la dernière mensualité qui sera majorée du solde,

- dit que ces acomptes mensuels seront à verser en plus des loyers et charges courants, payés aux termes prévues par le contrat de bail,

- dit que le premier paiement de ces acomptes devra intervenir avant le 5 du mois suivant celui de la signification de la décision et les suivants avant le 5 de chacun des mois suivants,

- dit qu'à défaut de règlement d'un seul acompte ou d'un seul des loyers courants à leur échéance :

- l'intégralité de la dette sera immédiatement exigible,

- les poursuites pour son recouvrement pourront reprendre,

- la clause résolutoire produira son plein et entier effet,

- il pourra être procédé, si besoin avec le concours de la force publique, à l'expulsion de la société Montero et de tous occupants de son chef hors des lieux loués,

- la société Montero devra payer à la SCI l'Olivier Victoria, à titre de provision à valoir sur l'indemnité d'occupation, une somme égale au montant du loyer mensuel résultant du bail outre les charges à compter de la date de prise d'effet de la clause résolutoire.

L'ordonnance a été signifiée à la société Montero le 29 avril 2019, à domicile par remise de l'acte à l'étude de l'huissier ayant instrumenté.

Le 1er juillet 2019, la SCI l'Olivier Victoria a fait délivrer à la société Montero un acte de déchéance du terme des délais de paiement, faute de règlement du loyer du mois de juin 2019 dans son intégralité, et un commandement de quitter les lieux.

Par acte d'huissier du 28 octobre 2019, la société Montero a fait assigner la SCI l'Olivier Victoria devant le tribunal de grande instance de Paris, aux fins essentielles de suspension des effets de la clause résolutoire et d'octroi d'un délai de paiement de la dette locative en 24 mensualités.

Le 30 octobre 2019, la société bailleresse a fait dresser, par ministère d'huissier de justice, un procès-verbal d'expulsion, signifié à la société Montero, le 8 novembre 2019, selon les formalités prévues à l'article 659 du code de procédure civile.

Le 27 novembre 2019, la SCP Chaplais & Briedj, huissiers de justice, a dressé un nouveau procès-verbal d'expulsion sur réintégration.

Par jugement du 30 décembre 2019, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris a débouté la société Montero de sa demande de réintégration sous astreinte et de sa demande de condamnation de la SCI l'Olivier Victoria à lui payer la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 17 février 2022, le tribunal judiciaire de Paris a :

constaté l'acquisition, au 27 janvier 2019, de l'effet de la clause résolutoire insérée au bail conclu le 18 décembre 2010 sur les locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 8],

débouté la société Montero de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail conclu le 18 décembre 2010 sur les locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 8],

enjoint à la SCI l'Olivier Victoria de remettre à la société Montero des quittances au titre du loyer et des charges acquittés du 1er janvier 2019 au 27 janvier 2019 et au titre des indemnités d'occupation acquittées pour la période allant du 28 janvier 2019 au 27 novembre 2019, dans le délai de deux mois courant à compter de la signification du présent jugement et sous astreinte provisoire de 5 euros par jour de retard pendant une durée de deux mois, à l'expiration de ce délai,

condamné la SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero la somme de 4.994 euros, en restitution du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021 et capitalisation des intérêts échus pendant plus d'une année à compter du 7 janvier 2021,

condamné la société SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero :

la somme de 1.097 euros en restitution de la taxe foncière 2018 non justifiée,

la somme de 420 euros en restitution des provisions sur charges payées et non justifiées,

la somme de 2.290,82 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021 et capitalisation des intérêts échus depuis plus d'une année à compter du 7 janvier 2021,

débouté la société Montero de sa demande de restitution du chèque n°186 tiré sur la Société Générale sous astreinte,

débouté la société Montero de ses demandes en paiement des sommes de 150.000 euros au titre de la perte du fonds de commerce, 10.000 euros au titre des frais de déménagement, 15.000 euros au titre du trouble commercial, ainsi que de sa demande d'indemnisation et d'expertise judiciaire s'agissant de la perte d'exploitation,

débouté la société SCI l'Olivier Victoria de sa demande de dommages et intérêts,

débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SCI l'Olivier Victoria aux dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

rappelé que les jugements de première instance sont assortis de droit de l'exécution provisoire,

rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Par déclaration du 11 avril 2022, la société Montero a interjeté appel du jugement en critiquant les chefs du jugement suivants :

constate l'acquisition, au 27 janvier 2019, de l'effet de la clause résolutoire insérée au bail conclu le 18 décembre 2010 sur les locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 8],

déboute la société Montero de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail conclu le 18 décembre 2010 sur les locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 8],

déboute la société Montero de ses demandes en paiement des sommes de 150.000 euros au titre de la perte du fonds de commerce, 10.000 euros au titre des frais de déménagement, 15.000 euros au titre du trouble commercial, ainsi que de sa demande d'indemnisation et d'expertise judiciaire s'agissant de la perte d'exploitation,

déboute la société Montero de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI l'Olivier Victoria a interjeté appel incident par conclusions déposées et notifiées le 7 octobre 2022.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 juin 2025.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses uniques conclusions déposées et notifiées le 7 juillet 2022, la société Montero demande à la cour de :

Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 27 janvier 2019 pour le bail conclu le 18 décembre 2010 sur les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 8],

débouté la société Montero de sa demande de délai de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire inséré au bail conclu le 18 décembre 2010, sur les locaux commerciaux situés [Adresse 3] à [Localité 8],

débouté la société Montero de ses demandes en paiement des sommes de 150.000 euros au titre de la perte du fonds de commerce, 10.000 euros au titre des frais de déménagement, 15.000 euros au titre du trouble commercial ainsi que de sa demande d'indemnisation et d'expertise judiciaire s'agissant de la perte d'exploitation,

débouté la société Montero de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau de ces seuls chefs :

constater que la dette locative a été apurée,

dire n'y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire,

Subsidiairement :

suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au bail à compter du commandement de payer et autoriser la société Montero à se libérer de sa dette locative jusqu'au 28 octobre 2019 et ce, rétroactivement à compter du 28 février 2019,

En conséquence

Vu l'expulsion pratiquée par la SCI l'olivier Victoria :

condamner la SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero les sommes de :

150.000 € au titre de la perte du fonds de commerce,

10.000 € au titre des frais de déménagement,

15.000 € au titre du trouble commercial,

condamner la SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero la somme de 7.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

désigner tel expert qu'il plaira à la présente juridiction afin de déterminer la perte d'exploitation subie par la société Montero du fait de l'expulsion de la SCI l'Olivier Victoria

condamner la SCI l'Olivier Victoria aux entiers dépens de première instance et d'appel lesquels comprendront les frais de la procédure de référé et les frais de la procédure d'expulsion que Maître Jean Patrimonio, avocat du C.E.J. Avocats associés pourra recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société Montero fait valoir :

Sur l'absence d'acquisition de la clause résolutoire,

- que l'ordonnance de référé n'ayant pas autorité de chose jugée au principal, en vertu de l'article 488 du code de procédure civile, le juge du fond est libre d'apprécier la situation et peut accorder moins de délais qu'en a accordés le juge des référés ;

- que la créance du bailleur n'est pas justifiée à hauteur du montant principal allégué, le premier juge ayant considéré que le remboursement de la taxe foncière et les charges appelées n'étaient pas justifiés ;

Sur la créance de la société Montero

- que la SCI l'Olivier Victoria a procédé à l'expulsion à ses risques et périls alors même que le juge du fond était saisi ;

- que les décomptes produits par la SCI l'Olivier Victoria sont insuffisants à apporter la preuve de sa créance, s'agissant de tableaux excel incomplets ; que les frais d'huissier de 294,14 euros qui figurent dans ces tabelaux ne peuvent servir à mettre en oeuvre la clause résolutoire ; que la somme de 1 097 euros qui figure dans le décompte doit être retirée de la créance de la SCI ;

- qu'aucun justificatif des charges n'est communiqué de sorte que les charges appelées en 2019 doivent être déduites de la créance, soit la somme de 1920 euros ;

Sur le préjudice de la société Montero,

- que l'expulsion pratiquée à tort par la SCI l'Olivier Victoria a entrainé la perte du fonds de commerce de la société Montero qui doit être indemnisée de ce chef, étant précisé que SCI l'Olivier Victoria savait que la société Montero avait saisi le juge du fond au moment de l'expulsion.

Dans ses uniques conclusions déposées et notifiées le 7 octobre 2022, la société l'Olivier Victoria demande à la cour de :

déclarer mal fondée la société Montero en son appel ;

déclarer la SCI l'Olivier Victoria bien fondée en son appel incident,

Y faisant droit,

infirmer le jugement déféré à la cour en ce qu'il a condamné la SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero les sommes suivantes :

' 4.994 € en restitution du dépôt de garantie, avec intérêts aux taux légal à compter du 7 janvier 2021 et capitalisation des intérêts ;

' 1.097 € en restitution de la taxe foncière 2018 ;

' 420 € en restitution des provisions sur charges ;

' 2.290,82 € avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 2021, et capitalisation des intérêts ;

et en ce qu'il a :

enjoint la SCI l'Olivier Victoria de remettre à la société Montero des quittances au titre du loyer et charges acquittées du 1er janvier 2019 au 27 janvier 2019 et au titre des indemnités d'occupation du 28 janvier 2019 au 27 novembre 2019, dans le délai de deux mois courant à compter de la signification du jugement, sous astreinte provisoire de 5 € par jour de retard pendant une durée de deux mois, à l'expiration de ce délai.

débouté SCI l'Olivier Victoria de sa demande à titre de dommages et intérêts et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et l'a condamnée aux dépens

confirmer le jugement pour le surplus ;

Et statuant à nouveau sur l'appel incident,

débouter la société Montero de ses diverses demandes de restitution avec capitalisation des intérêts et de remise des quittances ;

condamner la société Montero à régler à la société SCI L'OLIVIER VICTORIA à verser la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

condamner la société Montero à payer à la SCI L'OLIVIER VICTORIA la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile inhérent à la première instance ;

En tout état de cause,

débouter la société Montero de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner la société Montero à payer à la SCI l'Olivier Victoria la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Montero aux dépens de première instance et d'appel.

La SCI l'Olivier Victoria fait valoir :

Sur la déchéance du terme et l'expulsion,

- que la société Montero n'a pas respecté les délais de paiement accordés par le juge des référés dans l'ordonnance du 28 mars 2019 ;

- que la société Montero est de mauvaise foi lorsqu'elle écrit qu'elle a régulièrement payé les loyers alors que les relevés de compte bancaire qu'elle produit aux débats établissent le contraire ; qu'elle est encore de mauvaise foi lorsqu'elle ment à la préfecture de police, saisie d'une demande de concours de la force publique par la bailleresse, en lui disant avoi saisi le juge de l'exécution 2 mois avant la saisine effective de ce juge ;

- que la société Montero a réintégré les locaux après l'expulsion du 30 octobre 2019 en cassant les serrures ;

Sur le rejet d'une nouvelle demande de délais de paiement,

- que la société Montero ne démontre pas être dans une situation justifiant l'octroi de délais de paiement ;

- qu'il ne saurait être accordé à la société Montero des délais de paiement compte tenu de sa mauvaise foi ;

- que le juge des référés a accordé des délais de paiement à la société Montero que celle-ci n'a pas respectés ;

- que le premier juge a retenu à juste titre qu'un locataire qui n'a pas respecté les délais accordés par une ordonnance de référé passée en force de chose jugée ne peut solliciter de nouveaux délais sur le fond ;

Sur la demande de condamnation au titre de la perte du fonds de commerce, frais de déménagement, trouble commercial et perte d'exploitation,

- que la SCI l'Olivier Victoria n'a pas commis de faute dans l'exécution de l'ordonnance de référé du 28 mars 2019 ;

- que l'expulsion est entièrement imputable à la société Montero ;

Sur la demande de restitution du dépôt de garantie,

- que la cession du fonds de commerce à la société Montero est inopposable à la SCI l'Olivier Victoria compte tenu du non-respect des dispositions de l'article 1690 du code civil ;

- que la société Montero ne lui a versé aucun dépôt de garantie ;

Sur la demande de restitution des loyers et charges de décembre 2019,

- que les sommes versées par la société Montero postérieurement à son expulsion correspondent au paiement de son arriéré locatif ;

Sur la demande de condamnation au paiement de la somme de 1.097 euros,

- que la société Montero ne précise pas en quoi cette somme ne serait pas due ;

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- que la société Montero a fait preuve de mauvaise foi et qu'il lui avait déjà été accordé des délais de paiement qu'elle n'a pas respectés.

SUR CE,

Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans un bail commercial prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le constat de l'acquisition de la clause résolutoire suppose :

- l'existence d'une clause résolutoire dans le bail,

- un manquement à une obligation contractuelle sanctionné par la clause résolutoire,

- la délivrance d'un commandement d'avoir à se conformer au bail,

- la persistance du manquement contractuel au delà du délai de régularisation d'un mois à compter de la signification du commandement prévu au bail conformément aux dispositions de l'article L145-41 du code de commerce.

Pour que le commandement produise ses effets et permette la mise en oeuvre de la clause résolutoire, il doit être précis pour permettre à son destinataire de rémédier au manquement contractuel reproché et ne pas être délivré de mauvaise foi.

Si la clause résolutoire est régulièrement mise en oeuvre, le juge est tenu de constater son acquisition sans avoir à se prononcer sur la gravité de l'infraction.

Par ailleurs, il est constant qu'un commandement de payer délivré pour une somme supérieure au montant réel de la dette reste valable à hauteur de la somme effectivement due. (Cass. Civ. 3ème 27 octobre 1993, n°91-19416)

En l'espèce, le bail stipule, en son article 14 intitulé clause résolutoire, qu' 'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou de charges ou d'inexécution d'une seule des clauses du bail, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter, contenant déclaration par le bailleur de son intention d'user du bénéfice de la présente clause, délivré par acte extrajudiciaire et resté infructueux, le présent bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur, sans que celui-ci ait à remplir aucune formalité'.

Par acte extrajudiciaire du 27 décembre 2018, la SCI l'Olivier Victoria a fait délivrer à la société Montero un commandement de payer la somme de 6.716,68 euros en principal, ledit commandement reproduisant la clause résolutoire insérée au bail et mentionnant le délai d'un mois prévu à l'article L.145-41 du code de commerce.

La somme de 6.716,68 euros réclamée dans ce commandement est précisée. Elle correspond pour :

- 1.097 euros au paiement de la taxe foncière 2018,

- 2.649,84 euros au loyer du mois de novembre 2018,

- 160 euros à la provision sur charges du mois de novembre 2018,

- 2.649,84 euros au loyer du mois de décembre 2018,

- 160 euros à la provision sur charges du mois de décembre 2018.

Si la société Montero conteste les sommes réclamées au titre de la taxe foncière et des provisions sur charges, ce commandement n'en reste pas moins valable pour les loyers des mois de novembre 2018 et décembre 2018.

Or, il résulte du décompte produit aux débats par la SCI l'Olivier Victoria que la société Montero ne s'est pas acquittée des loyers des mois de novembre 2018 et décembre 2018 dans le mois suivant le commandement. La société Montero n'apporte pas la preuve de paiements dans le mois suivant le commandement que la SCI l'Olivier Victoria aurait omis de prendre en considération dans son décompte.

Le fait que la société Montero se soit ultérieurement acquittée de la totalité de sa dette vis à vis de la SCI l'Olivier Victoria n'est pas de nature à priver d'effet la clause résolutoire.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 27 janvier 2019.

Sur la demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire

Selon l'article L.145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 (anciennnement 1244-1) du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation du bail, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1244-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 applicable en l'espèce eu égard à la date du bail, dispose que 'compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues'.

Si, en application de l'article 488 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé n'a pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, comme le soutient la société Montero, il n'en demeure pas moins que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le juge du fond, qui constate que ces délais n'ont pas été respectés, ne peut en accorder de nouveaux ( 3e Civ., 2 avril 2003, pourvoi n° 01-16.834).

En l'espèce, l'ordonnance de référé du 28 mars 2019 est passée en force de chose jugée pour avoir été signifiée à la société Montero par acte du 29 avril 2019 et pour ne pas avoir été frappée d'appel.

En vertu de cette ordonnance et des clauses du bail, la société Montero devait payer une mensualité de 547 euros au titre de sa dette locative pour la première fois avant le 5 mai 2019 puis avant le 5 des mois suivants et payer le loyer et la provision sur charges courants le 1er de chaque mois, sous peine de voir la clause résolutoire produire son plein et entier effet.

Or, il résulte des pièces produites aux débats que la société Montero a payé la mensualité de remboursement de sa dette locative de mai 2019, le 6 mai 2019, soit avec un jour de retard, et le loyer et la provision sur charges courants avec retard à compter du mois de mai 2019.

Dans ces conditions, dans la mesure où la société Montero n'avait pas respecté les délais de paiement qui lui avaient été accordés dans l'ordonnance de référé du 28 mars 2019 passée en force de chose jugée, le premier juge ne pouvait pas accorder de nouveaux délais de paiement à la société Montero même dans le but de réduire les premiers délais octroyés.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Montero de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire insérée au bail du 18 décembre 2010.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la société Montero au titre de la perte de son fonds de commerce, des frais de déménagement et du trouble commercial

Faute pour la société Montero d'avoir respecté les délais de paiement qui lui avaient été accordés dans l'ordonnance de référé du 28 mars 2019, la clause résolutoire, dont l'acquisition avait été constatée dans la même ordonnance, a repris son plein et entier effet.

Dans ces conditions, la SCI l'Olivier Victoria n'a pas commis de faute en faisant procéder à l'expulsion de la société Montero en exécution de l'ordonnance de référé du 28 mars 2019 après que celle ci était passée en force de chose et après que la société Montero avait manqué aux délais de paiement qui lui avaient été accordés.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la société Montero de ses demandes de dommages et intérêts au titre de la perte de son fonds de commerce, de frais de déménagement et d'un trouble commercial.

Sur la demande de remise de quittances

La SCI l'Olivier Victoria sollicite l'infirmation du jugement querellé en ce qu'il l'a enjointe à remettre à la société Montero des quittances de loyer et d'indemnité d'occupation et le rejet de cette demande.

Toutefois, elle n'articule aucun moyen à l'appui de ces demandes.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé sur ce point.

Sur les demandes en paiement formées par la société Montero

Sur le trop versé par la société Montero d'un montant de 2.290,82 euros

Après examen des pièces produites aux débats, il apparait que c'est par une analyse exacte et complète des faits et des pièces, que la cour adopte et à laquelle elle renvoie, que le tribunal a retenu que la société Montero avait trop versé la somme de 2.290,82 euros à la SCI l'Olivier Victoria par rapport aux sommes appelées par cette dernière.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero la somme de 2.290,82 euros.

Sur la restitution du dépôt de garantie

Les moyens soutenus par la SCI l'Olivier Victoria à l'appui de sa demande d'infirmation du jugement querellé en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Montero la somme de 4.994 euros à titre de restitution du dépôt de garantie ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte et auxquels elle renvoie.

S'il n'est pas apporté la preuve du respect des formalités de l'article 1690 du code civil lors de la cession du fonds de commerce entre la société Carpe diem production et la société Montero, incluant la cession du droit au bail, intervenue par acte sous seing privé du 5 août 2018, il apparait que la SCI l'Olivier Victoria a su et accepté, de manière certaine et non équivoque, la cession du droit au bail au profit de la société Montero. Cela résulte de la mention de la société Montero comme locataire, à compter du loyer du mois de septembre 2018, dans le décompte produit aux débats par la SCI l'Olivier Victoria, de la reconnaissance de la qualité de locataire de la société Montero par la SCI l'Olivier Victoria dans le commandement de payer du 27 décembre 2018 qui vise la cession du fonds de commerce du 5 août 2018 et du fait pour la SCI l'Olivier Victoria de se prévaloir des clauses du bail à l'encontre de la société Montero.

La société Montero est donc bien fondée à se prévaloir des clauses du bail à l'appui de sa demande de remboursement du dépôt de garantie peu important que le dépôt de garantie n'ait pas été versé directement au bailleur par la société Montero.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé sur ce point.

Sur la restitution des provisions pour charges

Pour conserver les sommes versées au titre des provisions sur charges, en les affectant à sa créance de remboursement d'un ensemble de dépenses et de taxes en application du contrat de bail commercial, le bailleur doit justifier le montant des dépenses et faute d'y satisfaire, doit restituer au preneur les sommes versées au titre des provisions.

En l'espèce, le bailleur a appelé des provisions sur charges auprès de la locataire mais ne produit pas les justificatifs des charges dont il s'est acquitté.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero la somme de 420 euros au titre de la restitution des provisions sur charges.

Sur la somme de 1.097 euros

Dans le décompte produit aux débats par la SCI l'Olivier Victoria, la somme de 1.097 euros correspond à la taxe foncière 2018.

Sans production aux débats de son avis d'imposition au titre de la taxe foncière 2018, la SCI l'Olivier Victoria ne justifie pas du bien-fondé de la facturation de cette somme à sa locataire.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SCI l'Olivier Victoria à payer à la société Montero la somme de 1.097 euros au titre de la taxe foncière 2018.

Sur la demande de dommages et intérêts formée par la SCI l'Olivier Victoria pour procédure abusive

Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive, peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

Par ailleurs, l'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui, un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

La méprise de la société Montero sur l'étendue de ses droits, étant observé qu'il a été partiellement fait droit à ses demandes en première instance, ne caractérise pas un abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice. La présentation des faits sous un jour favorable à ses demandes et son comportement vis à vis de la Préfecture de police à l'occasion de l'expulsion ne caractérisent pas non plus un abus dans l'exercice de son droit d'agir en justice.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté la SCI l'Olivier Victoria de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les parties succombent partiellement en leurs demandes.

En conséquence, il convient de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a condamné la SCI l'Olivier Victoria aux dépens de première instance, en ce non compris les dépens de la procédure de référé, et de condamner la société Montero aux dépens de la procédure d'appel.

Par ailleurs, l'équité commande de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés par elles en première instance et de les débouter de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 17 février 2022 en toutes ses dispositions soumises à la cour,

Y ajoutant,

Condamne la société Montero aux dépens de la procédure d'appel,dont distraction au profit de Maître Jean Patrimonio, avocat du C.E.J. avocats associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

La greffière La présidente

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