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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 1, 20 novembre 2025, n° 25/00501

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 25/00501

20 novembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 20/11/2025

****

MINUTE ELECTRONIQUE :

N° RG 25/00501 - N° Portalis DBVT-V-B7J-V73Q

Ordonnance (N° 24/00705) rendue le 17 décembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

S.A.S. Hurry up, représentée par son président Monsieur [S] [B],

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Sophie Potier, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

S.C.I. Népal, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 6]

[Localité 5]

représentée par Me Florence Mas, avocat constitué, assistée par Me Sylvain Verbrugghe, avocats au barreau de Lille, avocat plaidant

DÉBATS à l'audience publique du 01 octobre 2025 tenue par Déborah Bohée magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Déborah Bohée, présidente de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Carole Catteau, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Déborah Bohée, présidente et Béatrice Capliez, adjoint administratif, faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 24 septembre 2025

****

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé du 6 mars 2018, la société Matal, aux droits de laquelle a succédé le société Rent+ ( selon acte de vente du 21 décembre 2018), puis la SCI Népal ( suivant acte de vente du 18 juillet 2022) a consenti à la société Hurry Up un bail commercial, portant sur des locaux à usage de bureaux situés à Fretin (59), [Adresse 2] pour une durée de neuf années à compter du 1er avril 2018.

La SCI Népal a fait délivrer un commandement de payer les loyers le 19 avril 2023, puis un commandement d'avoir à respecter les clauses du bail visant la clause résolutoire valant mise en demeure au sens de l'article L.145-17 1° du code du commerce, le 13 septembre 2023.

Autorisée par ordonnance sur requête, la société Hurry Up a fait assigner la SCI Népal par acte du 22 septembre 2023 devant le juge des référés aux fins de suspension des effets de la clause résolutoire, le bailleur concluant à titre reconventionnel à la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire. L'affaire a fait l'objet d'un retrait du rôle puis a été réenrôlée à la demande de la SCI Népal.

Par ordonnance du 17 décembre 2024 dont appel, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a statué en ces termes :

- Constatons l'acquisition à effet du 13 octobre 2023, de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 6 mars 2018, portant sur les locaux situés à [Localité 7] (59), [Adresse 2].

- Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SAS Hurry Up et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Localité 7] (59), [Adresse 1], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier,

- Disons n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte ;

- Disons, en cas de besoin, que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- Fixons à titre provisionnel, l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 14 octobre 2023,

- Condamnons à titre provisionnel la SAS Hurry Up au paiement de cette indemnité et ce, jusqu'à libération effective des lieux,

- Déboutons la SCI Nepal de sa demande en paiement des loyers du 4ème trimestre 2024 et de ses demandes accessoires ( intérêts, capitalisation, droit proportionnel),

- Disons n'y avoir lieu à statuer sur la demande de remise en état des lieux,

- Condamnons la SAS Hurry Up à payer à la SCI Nepal la somme de 800 euros (huit cents euros) au titre des frais irrépétibles,

- Condamnons la SAS Hurry Up aux dépens, y incluant le coût du commandement de payer du 13 septembre 2023 mais à l'exclusion du coût du commandement de payer du 19 avril 2023, et du coût des procés-verbaux de constat auquel la bailleresse a fait procéder de sa propre initiative,

- Disons n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article A444-32 du code de commerce,

- Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire par provision.

La société Hurry Up a interjeté appel de cette ordonnance le 27 janvier 2025.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 1er juillet 2025, la société Hurry Up demande à la cour, de :

- Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 17 décembre 2024 en ce qu'elle a constaté l'application de la clause résolutoire du contrat de bail, ordonné l'expulsion de la SAS HURRY UP et débouté cette dernière de ses demandes.

- Juger que la SCI NEPAL ne démontre aucune violation des dispositions du bail le commandement délivré étant par ailleurs trop imprécis quant aux obligations visées;

- Débouter la SCI NEPAL de toutes ses demandes, y compris celle concernant l'indemnité procédurale.

- Condamner la SCI NEPAL au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Hurry Up soutient en substance que son bailleur a délivré de mauvaise foi le commandement dans l'objectif d'obtenir son départ alors que, selon elle, aucune des infractions dénoncées n'est établie. Elle estime également que le juge des référés ne pouvait constater l'acquisition de la clause résolutoire alors que le commandement délivré est nul, faute de mentionner les voies de recours, que la clause résolutoire est imprécise, que le commandement visant la clause résolutoire est également imprécis quant aux obligations qui auraient fait l'objet d'une violation. Elle plaide également que le premier juge n'a pas tenu compte des avenants et accords obtenus de son précédent bailleur s'agissant notamment de la surface des locaux donnés à bail, encaissant même les loyers et reprenant ainsi les contrats en cours, tels qu'ils existaient au moment où elle a acquis l'immeuble. Elle conteste au demeurant l'ensemble des griefs imputés par le bailleur estimant qu'ils ne sont pas établis. Elle ajoute avoir été contrainte de quitter les locaux ce qui lui cause un préjudice conséquent.

Par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 24 avril 2025 la SCI Népal demande à la cour de :

- Confirmer l'ordonnance du 17 décembre 2024 en toutes ses dispositions,

- Condamner la société Hurry Up au paiement à la SCI Népal d'une somme de 5 000 euros correspondant aux frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- La condamner aux frais et entiers dépens.

La SCI Népal expose avoir fait dresser de nombreux constats permettant d'établir plusieurs infractions au contrat de bail commises par la société preneuse et l'avoir mise en demeure d'y remédier, avant de délivrer le commandement visant la clause résolutoire, qui liste l'ensemble des infractions et les clauses du bail violées et relève que certaines de celles-ci ne sont même pas contestées par la société Hurry Up.

Répondant à l'appelante, elle rappelle que la nullité du commandement, au demeurant nullement établie, ne relève pas de l'office du juge des référés, que les motifs invoqués au soutien du congés sont justifiés, que la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail n'est nullement imprécise et que le commandement liste précisément les stipulations du bail, les infractions du preneur et les démarches attendues pour y remédier.

Elle en déduit que la décision critiquée qui a notamment constaté l'acquisition de la clause résolutoire est parfaitement justifiée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2025.

MOTIFS DE L'ARRÊT

En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur les chefs non contestés de l'ordonnance

L'ordonnance n'est pas contestée en ce que le premier a juge a :

- dit n'y avoir lieu à astreinte,

- débouté la SCI Népal de sa demande en paiement du loyer du 4ème trimestre 2024 et de ses demandes accessoires ( intérêts, capitalisation, droit proportionnel),

- dit n'y avoir lieu de statuer sur la demande de remise en état des lieux.

Elle est donc définitive de ces chefs.

Sur la nullité du commandement visant la clause résolutoire signifié le 13 septembre 2023

C'est par de justes motifs en droit et en fait adoptés par la cour que le premier juge, après avoir rappelé l'office du juge en matière de référé ainsi que les règles propres à la clause résolutoire et au formalisme du commandement de payer, telles que mentionnées à l'article L.145-41 du code du commerce, a relevé qu'il n'était nullement prévu que les voies de recours doivent être mentionnées dans le commandement, à peine de nullité, et que la clause résolutoire stipulée au contrat de bail visant le défaut de paiement du loyer ou 'l'inobservation de l'une quelconque des clauses du présent contrat' était habituelle et suffisamment précise, et ne remettait pas en cause son apparente validité et a conséquence retenu que ces moyens étaient inopérants avec l'évidence requise au stade du référé.

Sur la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire

Aux termes des articles 834 et 835 du code de procédure civile , 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend' et ' le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'

Puis, selon l'article L. 145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'

La résiliation de plein droit du bail, par l'effet d'une clause résolutoire, doit être constatée par le juge dès lors qu'est établi un manquement du locataire à l'une des obligations visées par la clause résolutoire, sans que le juge dispose d'un quelconque pouvoir d'appréciation quant à la gravité du manquement reproché.

Cependant, la mise en oeuvre de la clause résolutoire, prévue par l'alinéa 1 de ce texte, est subordonnée à certaines conditions. En particulier, il doit être établi un manquement du locataire à une clause expresse du bail, ce manquement doit être visé par la clause résolutoire, la résiliation de plein droit du bail prévue par l'article L. 145-41 précité ne pouvant sanctionner qu'un manquement pour lequel la mise en oeuvre de la clause résolutoire est prévue (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 21-19.099), et le manquement doit persister au-delà du délai d'un mois après la délivrance d'un commandement ou d'une mise en demeure.

En l'espèce, le bail liant les parties contient une clause résolutoire (article 24) , en vertu de laquelle le bailleur a fait délivrer le 13 septembre 2023 au preneur un commandement d'avoir à respecter les clauses du bail.

Ce commandement faisait suite à une mise en demeure notifiée le 17 avril 2023, demandant au locataire de :

- Justifier de la souscription d'une police d'assurance et du paiement des primes, conformément aux stipulations du bail ;

- Libérer différents espaces occupés irrégulièrement ;

- Retirer les équipements enfouis dans les espaces communs, et plus particulièrement le réseau de fibre ;

- Libérer les espaces de stationnement et retirer les panneaux d'interdictions de stationner installés;

- Débarrasser les espaces communs de tout encombrement ;

- Procéder aux réparations des toilettes privatives et de l'étanchéité des fenêtres des bureaux.

Contrairement à ce que soutient la société Hurry Up, le commandement qui reprend précisément les stipulations du bail et les manquements à chacune n'est manifestement pas imprécis, permet au locataire d'en prendre connaissance et d'y remédier le cas échéant, sans qu'aucune mauvaise foi manifeste du bailleur ne soit caractérisée.

C'est ensuite par de justes motifs en droit et en fait approuvés par la cour que le premier juge, après avoir examiné chacune des infractions dénoncées par le bailleur et les éléments de preuve versés à l'appui, et notamment les différents constats réalisés dans les locaux les 24 janvier, 21 mars, 2 mai et 5 juillet 2023, a retenu que quand bien même le preneur aurait obtenu du précédent propriétaire la mise à disposition d'un bureau supplémentaire pour laquelle un loyer aurait été réglé, a relevé que l'installation d'une porte avant d'accéder au couloir commun ou l'exploitation à son profit de plusieurs places de stationnement ont eu pour effet de privatiser à son profit une superficie bien supérieure à celle du bureau supplémentaire évoqué, ce qui constituait des infractions au contrat de bail visées dans le commandement du 13 septembre 2023, ayant persisté plus d'un mois après sa délivrance, de sorte qu'il ne pouvait que constater que les conditions de l'acquisition de la clause résolutoire étaient remplies, sans pouvoir apprécier la gravité de ces manquements.

Il s'ensuit que c'est à bon droit que le premier juge, ayant retenu que le commandement visant la clause résolutoire avait été délivré dans les formes prévues à l'article L.145-41 du code du commerce était demeuré infructueux, a constaté que le bail s'est trouvé résilié de plein droit à l'expiration du délai d'un mois, soit le 13 octobre 2023 et accueilli la demande d'expulsion présentée par le bailleur.

L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ces chefs.

Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement d'une indemnité d'occupation

Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, le maintien dans les lieux de la société Hurry Up après l'acquisition de la clause résolutoire est fautif et cause un préjudice non sérieusement contestable à la SCI Népal qui ne peut disposer de son bien dont le bail a pris fin.

C'est ainsi à juste titre qu'il a retenu que le bailleur était fondé à obtenir à titre provisionnel la fixation d'une indemnité d'occupation mensuelle fixée au montant du loyer dû si le bail s'était poursuivi, à compter du 14 octobre 2023, jusqu'à la complète libération des lieux.

L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ces chefs.

Sur les autres demandes

La société Hurry Up, partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel, en ce non compris les frais de l'article A. 444-32 du code du commerce, et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés à l'occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.

Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner la société Hurry Up à verser à la SCI Népal une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Statuant dans les limites de l'appel,

Confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Hurry Up aux dépens d'appel, en ce non compris les frais de l'article A444-32 du code du commerce,

Condamne la société Hurry Up à verser à la SCI Népal une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

La présidente

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