CA Douai, ch. 2 sect. 1, 20 novembre 2025, n° 25/01204
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 20/11/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE :
N° RG 25/01204 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WCEN
Ordonnance rendue le 28 janvier 2025 par le président du tribunal judiciaire de Lille
APPELANTS
Monsieur [P] [O]
né le 20 Mars 1989 à [Localité 7] (Maroc)
de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Monsieur [D] [O]
né le 01 Janvier 1944 à [Localité 11] (Maroc)
de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
S.A.S. Sucre Stock
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Emilie Guillemant, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
S.C.I. Phijale, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Aurélie Jeanson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 01 octobre 2025 tenue par Déborah Bohée magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Déborah Bohée, présidente de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Carole Catteau, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Déborah Bohée, présidente et Béatrice Capliez, adjoint administratif, faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er octobre 2025
****
EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE
Suivant acte notarié du 1er décembre 2023, la société civile Phijale a consenti à M. [P] [O], pour le compte de la SAS Sucré Stock en cours de formation et immatriculée le 19 décembre 2023, un bail commercial portant sur des locaux situés à [Localité 8].
M. [P] [O] et M. [D] [O] sont intervenus à l'acte afin de se porter caution solidaire des engagements de la société Sucré Stock.
La société Phijale a fait délivrer le 29 juillet 2024 un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail puis a fait assigner la société Sucré Stock et MM. [O] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille par acte du 27 septembre 2024.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 28 janvier 2025 dont appel, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a rendu la décision suivante :
- Constatons l'acquisition à effet du 29 août 2024, de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 1er décembre 2023, portant sur les locaux situés à [Adresse 10],
- Ordonnons , à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signi'cation de la présente ordonnance l'expulsion de la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 9], avec le concours, en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte,
- Disons, en cas de besoin, que le sort des meubles sera régie conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- Fixons à titre provisionnel l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 30 août 2024,
- Condamnons à titre provisionnel la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O], solidairement entre eux, au paiement de cette indemnité et ce, jusqu'à libération effective des lieux ;
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O], solidairement entre eux à payer à la société Phijale la somme provisionnelle de 6 476,62 euros termes du 1er octobre 2023 au 1er juillet 2024 inclus, hors frais de procédure,
- Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de la signification de la présente ordonnance,
- Disons n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O], solidairement entre eux à payer à la société Phijale la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] solidairement entre eux, aux dépens, y incluant les frais de procédure taxés à la somme de 1333,76 euros, y incluant le commandement de payer du 29 juillet 2024, de la dénonciation aux cautions, à l'exclusion des coûts des actes inutiles,
- Rappelons que l'exécution provisoire est de droit.
La SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] ont interjeté appel de cette ordonnance le 3 mars 2025.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 23 juin 2025 par la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] qui demandent à la cour de:
- Reformer l'ordonnance de référé rendu par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lille le 28 janvier 2025 (RG 24/01571), en ce qu'elle a statué en ces termes :
« - Constatons l'acquisition à effet du 29 août 2024, de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 1er décembre 2023, portant sur les locaux situés à [Adresse 10],
- Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O] et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 10], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte,
- Disons en cas de besoin que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L433-1 et suivants et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- Fixons à titre provisionnel l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 30 août 2024,
- Condamnons à titre provisionnel la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O], solidairement entre eux au paiement de cette indemnité et ce jusqu'à libération effective des lieux,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O] solidairement entre eux, à payer à SCI Phijale la somme provisionnelle de 6476,62 euros (six mille quatre cent soixante-seize euros et soixante-deux centimes), termes du 1er octobre 2023 au 1er juillet 2024, inclus, hors frais de procédure,
- Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de la signification de la présente ordonnance,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O] solidairement entre eux, aux dépens, y incluant les frais de procédure taxés à la somme de 1 333,70 euros, y incluant le commandement de payer du 29 juillet 2024, de la dénonciation aux cautions, à l'exclusion des coûts des actes inutiles,
- Confirmer l'ordonnance de référé rendu par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lille le 28 janvier 2025 (RG 24/01571), en ce qu'il a statué en ces termes :
- Disons n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale ;
Par conséquent, statuant à nouveau,
- Débouter purement et simplement la société Phijale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Phijale à verser à la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Phijale aux entiers frais et dépens.
- Débouter purement et simplement la société Phijale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 1er août 2025 par la société Phijale qui demande à la cour de:
- Débouter la société Sucré Stock, M. [P] [O] et Monsieur [D] [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer l'ordonnance de référé du 28 janvier 2025 (RG 24/01571) en toutes des dispositions ;
Y ajoutant
- Condamner la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] solidairement entre eux au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] solidairement entre eux aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2025.
Le conseil des appelants a indiqué par message notifié au RPVA le 23 septembre 2025 ne plus intervenir dans cette affaire.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le chef non contesté de l'ordonnance
L'ordonnance n'est pas contestée en ce que le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale.
Il est donc définitif de ce chef.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
La société Sucré Stock et MM. [O] exposent en substance que les sommes visées au commandement de payer ont été réglées, de sorte que c'est à tort que le juge des référés a constaté la résiliation du contrat de bail et prononcé l'expulsion de la société.
La société Phijale rappelle qu'un mois après la délivrance du commandement de payer sa locataire reste encore lui devoir la somme de 6 476,02 euros, de sorte que c'est à juste titre que le juge des référés a constaté la résiliation du bail. Elle ajoute que la dette de loyers s'est depuis accrue et que le local n'est plus exploité depuis le mois d'avril 2025.
Sur ce, aux termes des articles 834 et 835 du code de procédure civile , 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend' et ' le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'
Puis, aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'
La résiliation de plein droit du bail, par l'effet d'une clause résolutoire, doit être constatée par le juge dès lors qu'est établi un manquement du locataire à l'une des obligations visées par la clause résolutoire, sans que le juge dispose d'un quelconque pouvoir d'appréciation quant à la gravité du manquement reproché.
Cependant, la mise en 'uvre de la clause résolutoire, prévue par l'alinéa 1 de ce texte, est subordonnée à certaines conditions. En particulier, il doit être établi un manquement du locataire à une clause expresse du bail, ce manquement doit être visé par la clause résolutoire, la résiliation de plein droit du bail prévue par l'article L. 145-41 précité ne pouvant sanctionner qu'un manquement pour lequel la mise en 'uvre de la clause résolutoire est prévue (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 21-19.099), et le manquement doit persister au-delà du délai d'un mois après la délivrance d'un commandement ou d'une mise en demeure.
En l'espèce, comme l'a relevé le premier juge, le bail liant les parties contient une clause résolutoire, en vertu de laquelle le bailleur a fait délivrer le 29 juillet 2024 au preneur un commandement de payer la somme en principal de 6 265,34 euros, le commandement mentionnant clairement un acompte de 7 332,22 euros déjà versé. Si les appelants soutiennent avoir versé des sommes complémentaires ou que des saisies ont été opérées sur leur compte, il n'est produit aux débats aucune pièce permettant d'établir que les causes du commandement ont été honorées dans le mois suivant sa délivrance.
En conséquence, le commandement de payer la somme de 6 265,34 euros délivré le 29 juillet 2024 étant demeuré infructueux, le bail s'est trouvé résilié de plein droit à l'expiration d'un délai d'un mois, le 29 août 2024, ce que le juge des référés a justement constaté, en ordonnant l'expulsion des occupants.
L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ces chefs.
Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement d'une indemnité d'occupation
Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, le maintien dans les lieux de la société preneuse après l'acquisition de la clause résolutoire est fautif et cause un préjudice non sérieusement contestable à la société Phijale qui ne peut disposer de son bien dont le bail a pris fin.
C'est ainsi à juste titre qu'il a retenu que le bailleur était fondé à obtenir à titre provisionnel la fixation d'une indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 30 août 2024, jusqu'à la complète libération des lieux par la société Sucré Stock et MM. [O].
L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ce chef.
Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement de l'arriéré
La société Phijale justifie par la production du bail, du commandement de payer et du décompte que la société preneuse a cessé de lui régler son loyer et ses charges et restait lui devoir à la date du commandement le 29 juillet 2024, la somme de 6 265,34 euros correspondant aux loyers impayés d'octobre 2023 à juillet 2024 compris, au paiement de laquelle la société Sucré Stock et MM. [O] seront condamnés solidairement à titre provisionnel.
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
L'ordonnance déférée doit en conséquence être infirmée sur le quantum de la condamnation provisionnelle, le premier juge ayant retenu une dette de 6 476,62 euros qui ne correspond pas au décompte produit.
Sur les autres demandes
La société Sucré Stock et MM. [O], parties perdantes, seront condamnés solidairement aux dépens d'appel, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner solidairement la société Sucré Stock et MM. [O] à verser à la société Phijale une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme l'ordonnance déférée sauf sur le montant de la condamnation provisionnelle,
L'infirme de ce chef et statuant à nouveau,
Condamne solidairement la société Sucré Stock et MM. [P] [O] et [D] [O] à payer à la société Phijale la somme de provisionnelle de 6 265,34 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation, charges impayées, sur la période octobre 2023 et juillet 2024 compris, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
Y ajoutant,
Condamne solidairement la société Sucré Stock et MM. [P] [O] et [D] [O] aux dépens d'appel,
Condamne solidairement la société Sucré Stock et MM. [P] [O] et [D] [O] à verser à la société Phijale une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
La présidente
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 20/11/2025
****
MINUTE ELECTRONIQUE :
N° RG 25/01204 - N° Portalis DBVT-V-B7J-WCEN
Ordonnance rendue le 28 janvier 2025 par le président du tribunal judiciaire de Lille
APPELANTS
Monsieur [P] [O]
né le 20 Mars 1989 à [Localité 7] (Maroc)
de nationalité française
demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Monsieur [D] [O]
né le 01 Janvier 1944 à [Localité 11] (Maroc)
de nationalité française
demeurant [Adresse 2]
[Localité 4]
S.A.S. Sucre Stock
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Emilie Guillemant, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
S.C.I. Phijale, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
ayant son siège social [Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Me Aurélie Jeanson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 01 octobre 2025 tenue par Déborah Bohée magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Béatrice Capliez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Déborah Bohée, présidente de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Carole Catteau, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Déborah Bohée, présidente et Béatrice Capliez, adjoint administratif, faisant fonction de greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 1er octobre 2025
****
EXPOSE DES FAITS ET DU LITIGE
Suivant acte notarié du 1er décembre 2023, la société civile Phijale a consenti à M. [P] [O], pour le compte de la SAS Sucré Stock en cours de formation et immatriculée le 19 décembre 2023, un bail commercial portant sur des locaux situés à [Localité 8].
M. [P] [O] et M. [D] [O] sont intervenus à l'acte afin de se porter caution solidaire des engagements de la société Sucré Stock.
La société Phijale a fait délivrer le 29 juillet 2024 un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail puis a fait assigner la société Sucré Stock et MM. [O] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille par acte du 27 septembre 2024.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 28 janvier 2025 dont appel, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a rendu la décision suivante :
- Constatons l'acquisition à effet du 29 août 2024, de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 1er décembre 2023, portant sur les locaux situés à [Adresse 10],
- Ordonnons , à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signi'cation de la présente ordonnance l'expulsion de la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 9], avec le concours, en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte,
- Disons, en cas de besoin, que le sort des meubles sera régie conformément aux articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- Fixons à titre provisionnel l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 30 août 2024,
- Condamnons à titre provisionnel la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O], solidairement entre eux, au paiement de cette indemnité et ce, jusqu'à libération effective des lieux ;
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O], solidairement entre eux à payer à la société Phijale la somme provisionnelle de 6 476,62 euros termes du 1er octobre 2023 au 1er juillet 2024 inclus, hors frais de procédure,
- Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de la signification de la présente ordonnance,
- Disons n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O], solidairement entre eux à payer à la société Phijale la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] solidairement entre eux, aux dépens, y incluant les frais de procédure taxés à la somme de 1333,76 euros, y incluant le commandement de payer du 29 juillet 2024, de la dénonciation aux cautions, à l'exclusion des coûts des actes inutiles,
- Rappelons que l'exécution provisoire est de droit.
La SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] ont interjeté appel de cette ordonnance le 3 mars 2025.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 23 juin 2025 par la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] qui demandent à la cour de:
- Reformer l'ordonnance de référé rendu par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lille le 28 janvier 2025 (RG 24/01571), en ce qu'elle a statué en ces termes :
« - Constatons l'acquisition à effet du 29 août 2024, de la clause résolutoire contenue dans le contrat de bail du 1er décembre 2023, portant sur les locaux situés à [Adresse 10],
- Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O] et de tout occupant de son chef des lieux situés à [Adresse 10], avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d'un serrurier, sans qu'il soit besoin de prononcer une astreinte,
- Disons en cas de besoin que le sort des meubles sera réglé conformément aux articles L433-1 et suivants et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,
- Fixons à titre provisionnel l'indemnité mensuelle d'occupation au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 30 août 2024,
- Condamnons à titre provisionnel la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O], solidairement entre eux au paiement de cette indemnité et ce jusqu'à libération effective des lieux,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O] solidairement entre eux, à payer à SCI Phijale la somme provisionnelle de 6476,62 euros (six mille quatre cent soixante-seize euros et soixante-deux centimes), termes du 1er octobre 2023 au 1er juillet 2024, inclus, hors frais de procédure,
- Disons que les sommes dues porteront intérêts au taux légal, à compter de la signification de la présente ordonnance,
- Condamnons la SAS Sucré Stock, M [P] [O] et M [D] [O] solidairement entre eux, aux dépens, y incluant les frais de procédure taxés à la somme de 1 333,70 euros, y incluant le commandement de payer du 29 juillet 2024, de la dénonciation aux cautions, à l'exclusion des coûts des actes inutiles,
- Confirmer l'ordonnance de référé rendu par le juge des référés près le tribunal judiciaire de Lille le 28 janvier 2025 (RG 24/01571), en ce qu'il a statué en ces termes :
- Disons n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale ;
Par conséquent, statuant à nouveau,
- Débouter purement et simplement la société Phijale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- Condamner la société Phijale à verser à la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la société Phijale aux entiers frais et dépens.
- Débouter purement et simplement la société Phijale de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 1er août 2025 par la société Phijale qui demande à la cour de:
- Débouter la société Sucré Stock, M. [P] [O] et Monsieur [D] [O] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;
- Confirmer l'ordonnance de référé du 28 janvier 2025 (RG 24/01571) en toutes des dispositions ;
Y ajoutant
- Condamner la SAS Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] solidairement entre eux au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la société Sucré Stock, M. [P] [O] et M. [D] [O] solidairement entre eux aux entiers dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 septembre 2025.
Le conseil des appelants a indiqué par message notifié au RPVA le 23 septembre 2025 ne plus intervenir dans cette affaire.
En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu'elles ont transmises, telles que susvisées.
MOTIFS DE L'ARRÊT
Sur le chef non contesté de l'ordonnance
L'ordonnance n'est pas contestée en ce que le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé sur les prétentions au titre de la clause pénale.
Il est donc définitif de ce chef.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire
La société Sucré Stock et MM. [O] exposent en substance que les sommes visées au commandement de payer ont été réglées, de sorte que c'est à tort que le juge des référés a constaté la résiliation du contrat de bail et prononcé l'expulsion de la société.
La société Phijale rappelle qu'un mois après la délivrance du commandement de payer sa locataire reste encore lui devoir la somme de 6 476,02 euros, de sorte que c'est à juste titre que le juge des référés a constaté la résiliation du bail. Elle ajoute que la dette de loyers s'est depuis accrue et que le local n'est plus exploité depuis le mois d'avril 2025.
Sur ce, aux termes des articles 834 et 835 du code de procédure civile , 'Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend' et ' le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.'
Puis, aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, 'Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.'
La résiliation de plein droit du bail, par l'effet d'une clause résolutoire, doit être constatée par le juge dès lors qu'est établi un manquement du locataire à l'une des obligations visées par la clause résolutoire, sans que le juge dispose d'un quelconque pouvoir d'appréciation quant à la gravité du manquement reproché.
Cependant, la mise en 'uvre de la clause résolutoire, prévue par l'alinéa 1 de ce texte, est subordonnée à certaines conditions. En particulier, il doit être établi un manquement du locataire à une clause expresse du bail, ce manquement doit être visé par la clause résolutoire, la résiliation de plein droit du bail prévue par l'article L. 145-41 précité ne pouvant sanctionner qu'un manquement pour lequel la mise en 'uvre de la clause résolutoire est prévue (Civ. 3e, 8 juin 2023, n° 21-19.099), et le manquement doit persister au-delà du délai d'un mois après la délivrance d'un commandement ou d'une mise en demeure.
En l'espèce, comme l'a relevé le premier juge, le bail liant les parties contient une clause résolutoire, en vertu de laquelle le bailleur a fait délivrer le 29 juillet 2024 au preneur un commandement de payer la somme en principal de 6 265,34 euros, le commandement mentionnant clairement un acompte de 7 332,22 euros déjà versé. Si les appelants soutiennent avoir versé des sommes complémentaires ou que des saisies ont été opérées sur leur compte, il n'est produit aux débats aucune pièce permettant d'établir que les causes du commandement ont été honorées dans le mois suivant sa délivrance.
En conséquence, le commandement de payer la somme de 6 265,34 euros délivré le 29 juillet 2024 étant demeuré infructueux, le bail s'est trouvé résilié de plein droit à l'expiration d'un délai d'un mois, le 29 août 2024, ce que le juge des référés a justement constaté, en ordonnant l'expulsion des occupants.
L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ces chefs.
Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement d'une indemnité d'occupation
Comme l'a pertinemment relevé le premier juge, le maintien dans les lieux de la société preneuse après l'acquisition de la clause résolutoire est fautif et cause un préjudice non sérieusement contestable à la société Phijale qui ne peut disposer de son bien dont le bail a pris fin.
C'est ainsi à juste titre qu'il a retenu que le bailleur était fondé à obtenir à titre provisionnel la fixation d'une indemnité d'occupation mensuelle due à compter du 30 août 2024, jusqu'à la complète libération des lieux par la société Sucré Stock et MM. [O].
L'ordonnance déférée doit en conséquence être confirmée de ce chef.
Sur la demande de condamnation provisionnelle au paiement de l'arriéré
La société Phijale justifie par la production du bail, du commandement de payer et du décompte que la société preneuse a cessé de lui régler son loyer et ses charges et restait lui devoir à la date du commandement le 29 juillet 2024, la somme de 6 265,34 euros correspondant aux loyers impayés d'octobre 2023 à juillet 2024 compris, au paiement de laquelle la société Sucré Stock et MM. [O] seront condamnés solidairement à titre provisionnel.
Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la présente décision.
L'ordonnance déférée doit en conséquence être infirmée sur le quantum de la condamnation provisionnelle, le premier juge ayant retenu une dette de 6 476,62 euros qui ne correspond pas au décompte produit.
Sur les autres demandes
La société Sucré Stock et MM. [O], parties perdantes, seront condamnés solidairement aux dépens d'appel, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l'équité et la situation des parties commandent de condamner solidairement la société Sucré Stock et MM. [O] à verser à la société Phijale une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant dans les limites de l'appel,
Confirme l'ordonnance déférée sauf sur le montant de la condamnation provisionnelle,
L'infirme de ce chef et statuant à nouveau,
Condamne solidairement la société Sucré Stock et MM. [P] [O] et [D] [O] à payer à la société Phijale la somme de provisionnelle de 6 265,34 euros au titre des loyers, indemnités d'occupation, charges impayées, sur la période octobre 2023 et juillet 2024 compris, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision,
Y ajoutant,
Condamne solidairement la société Sucré Stock et MM. [P] [O] et [D] [O] aux dépens d'appel,
Condamne solidairement la société Sucré Stock et MM. [P] [O] et [D] [O] à verser à la société Phijale une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
La présidente