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Décisions

CA Douai, ch. 2 sect. 2, 20 novembre 2025, n° 24/05977

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/05977

20 novembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 2

ARRÊT DU 20/11/2025

****

MINUTE ELECTRONIQUE

N° RG 24/05977 - N° Portalis DBVT-V-B7I-V52Z

et N° RG 25/537 - N° Portalis DBVT-V-B7J-V76V JONCTION

Ordonnance de référé (N° 24/00278) rendue le 11 décembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer

APPELANTE dans l'instance enrôlée sous le RG n° 24/5977

et INTIMEE dans l'instance enrôlée sous le RG n° 25/537

SAS Foncière des arts, venant aux droits de la SAS Foncière des arts patrimoine,

ayant son siège [Adresse 4]

[Localité 5]

représentée dans les deux instances par Me Yves Marchal, avocat constitué, substitué par Me Sylvain Verbrugghe, avocats au barreau de Lille, avocat plaidant

INTIMÉS dans l'instance enrôlée sous le RG n° 24/5977

et APPELANTS dans l'instance enrôlée sous le RG n° 25/537

Madame [X] [M]

née le 26 février 2002 à [Localité 7]

de nationalité française

demeurant [Adresse 1]

[Localité 7]

défaillante dans l'instance RG 24/5977, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 3 février 2025 (à étude),

et représentée dans l'instance RG 25/537 par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué

Monsieur [G] [F]

né le 24 octobre 1998 à [Localité 7]

de nationalité française

demeurant [Adresse 2]

[Localité 6]

défaillant dans l'instance RG 24/5977, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 3 février 2025 (à étude),

et représentée dans l'instance RG 25/537 par Me Alex Dewattine, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 16 septembre 2025 tenue par Stéphanie Barbot, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Stéphanie Barbot, présidente de chambre

Nadia Cordier, conseiller

Anne Soreau, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT dans l'instance RG 24/5977 et CONTRADICTOIRE dans l'instance RG 25/537, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Stéphanie Barbot, présidente et Marlène Tocco, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 8 juillet 2025

****

FAITS ET PROCEDURE

Par un acte du 27 juin 2017, la société Foncière des arts (la société FAP) a consenti à M. et Mme [P] un bail commercial, d'une durée de neuf ans à compter du 1er juillet 2017, portant sur un local situé [Adresse 3], à destination principale de débit de boissons avec exploitation d'une licence IV, et, à titre accessoire, de petite restauration, pour un loyer annuel de 12 000 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement.

Par un acte du 17 novembre 2023, intitulé « transport de bail », le bail a été cédé à Mme [M] à compter du 1er novembre 2023, pour le temps restant à courir.

M. [F] est intervenu à cet acte, qu'il a signé, afin de se porter codébiteur solidaire, vis-à-vis de la société FAP, pour le paiement des loyers, charges, indemnités d'occupation échues ou à échoir et de l'exécution des conditions du bail.

Le 31 mai 2024, la société FAP a signifié à la locataire et à son codébiteur solidaire un commandement de payer la somme de 5 813,20 euros au titre des loyers et charges dus au 31 mai 2024, en visant la clause résolutoire stipulée dans le bail.

Les 5 et 6 août 2024, la société FAP a assigné Mme [M], M. [F] et M. et Mme [P] en référé, afin, pour l'essentiel, de voir expulser la locataire sous astreinte, condamner solidairement l'ensemble des défendeurs au paiement des loyers et charges impayés et d'une indemnité d'occupation, et condamner la locataire à lui transférer la licence IV.

Par une ordonnance du 11 décembre 2024, rendue en l'absence de comparution de la locataire et de son codébiteur solidaire, le président du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, statuant en matière de référé, a pour l'essentiel :

- donné acte à la société FAP de son désistement d'instance à l'égard de M. et Mme [P] ;

- constaté la résiliation du bail au 10 juillet 2024 ;

- ordonné l'expulsion de Mme [M] ;

- rejeté la demande de fixation d'astreinte [demandée accessoirement à la mesure d'expulsion] ;

- condamné solidairement, à titre provisionnel, Mme [M] et M. [F] à payer à la société FAP la somme de 10 534,50 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 22 juillet 2024 ;

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [M] au montant mensuel du loyer et des charges en cours, avec indexation selon les modalités prévues au bail ;

- condamné solidairement Mme [M] et M. [F] à payer à la société Foncière des arts :

' cette indemnité d'occupation ;

' 1 200 euros au titre de la clause pénale ;

- rejeté la demande de la société FAP tendant au transfert de la licence IV et concernant le dépôt de garantie ;

- rejeté la demande de fixation d'astreinte ;

- dit que les sommes dues porteraient intérêts à compter du commandement de payer pour la somme de 5 813,20 euros et, pour le surplus, à compter de l'ordonnance ;

- ordonné la capitalisation des intérêts ;

- condamné la société FAP aux dépens de l'instance engagés à l'égard de M. et Mme [P] ;

- condamné in solidum Mme [M] et M. [F] :

' aux dépens, en ce compris le coût du commandement ;

' et au paiement d'une indemnité procédurale de 1 200 euros.

Le 20 décembre 2024, la société FAP a relevé appel de ce jugement (affaire enrôlée sous le numéro RG 24/5977), en intimant uniquement Mme [M] et M. [F] et en limitant sa critique aux chefs :

- fixant l'indemnité d'occupation ;

- rejetant sa demande de transfert de la licence IV ;

- rejetant sa demande au titre du dépôt de garantie ;

- et rejetant sa demande de fixation d'astreinte.

Le 21 janvier 2025, Mme [M] et M. [F] ont également relevé appel de ce jugement (affaire enrôlée sous le numéro RG 25/537), en intimant uniquement la société FAP, et en critiquant tous ses chefs, exceptés ceux défavorables à la société FAP (i.e. les rejets de l'astreinte, de la demande de transfert de la licence IV et de la demande au titre du dépôt de garantie).

PRETENTIONS DES PARTIES

* Dans l'instance RG 24/5977, initiée par la société FAP :

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 mars 2025, la société FAP demande à la cour d'appel de :

Vu l'article 1103 du code civil ;

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile ;

Vu les articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :

' rejette ses demandes au titre du transfert de la licence IV et au titre du dépôt de garantie ;

' rejette sa demande de fixation d'astreinte ;

Statuant de nouveau :

- condamner Mme [M] à lui transférer la propriété de la licence IV;

- dire que la décision à intervenir sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30e jour de sa signification et qu'à l'issue d'une période de deux mois, l'astreinte sera portée à 1 000 euros par jour de retard pendant un mois ;

- dire que la juridiction se réservera la liquidation de l'astreinte ;

- condamner solidairement, à titre provisionnel, Mme [M] et M. [F] à lui payer la somme de 3 500 euros à titre indemnité procédurale, ainsi que les dépens, en ceux compris les frais du commandement.

Mme [M] et M. [F] n'ont pas conclu dans cette instance.

* Dans l'instance RG 25/537, initiée par Mme [M] et M. [F] :

Par leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 avril 2025, Mme [M] et M. [F] demandent à la cour d'appel de :

- réformer l'ordonnance entreprise en ses chefs relatifs :

' à la résiliation du bail ;

' à l'expulsion ;

' à leur condamnation solidaire au paiement de l'arriéré de loyers et charges ;

' à la fixation du montant de l'indemnité d'occupation et à leur condamnation solidaire au paiement de cette indemnité ;

' à leur condamnation solidaire au paiement d'une clause pénale ;

' aux intérêts et à la capitalisation des intérêts ;

' aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

Et statuant à nouveau,

Vu les articles 1104 et 1105 du code civil ;

Vu l'article L. 145-41 du code de commerce ;

- suspendre les effets de la clause résolutoire et préciser que cette clause ne jouera pas si le locataire s'acquitte de l'ensemble des sommes dues à la bailleresse ;

Par conséquent,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société Foncière des arts ;

- condamner la société FAP à payer à Mme [M] une indemnité procédurale de 1 500 euros, ainsi qu'aux dépens.

Par ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 juin 2025, la société FAP demande à la cour d'appel de :

- déclarer sa demande recevable et bien fondée et, en conséquence,

Vu l'article 1103 du code civil ;

Vu les articles 834 et 835 du code de procédure civile ;

Vu les articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- réformer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle :

' rejette ses demandes de transfert de la licence IV et au titre du dépôt de garantie ;

' rejette sa demande de fixation d'astreinte ;

Statuant de nouveau :

' condamner Mme [M] à lui transférer la propriété de la licence IV ;

' dire que la décision à intervenir sera assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 30e jour de sa signification et qu'à l'issue d'une période de deux mois, l'astreinte sera portée à 1 000 euros par jour de retard pendant un mois ;

' dire que la juridiction se réservera la liquidation de l'astreinte ;

- confirmer l'ordonnance entreprise pour le surplus, sauf à mettre à jour le compte des sommes dues au 25 février 2025 et, en conséquence, condamner solidairement, à titre provisionnel, Mme [M] et M. [F] au paiement de la somme de 13 106,07 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dues au 25 février 2025 ;

- condamner solidairement, à titre provisionnel, Mme [M] et M. [F] à lui payer la somme de 3 500 euros à titre indemnité procédurale, ainsi que les dépens, en ceux compris les frais du commandement.

MOTIVATION

1°- Sur la jonction

Il y a lieu de joindre les appels enrôlées sous les numéros RG 24/5977 et RG 25/537, qui sont dirigés contre la même décision et opposent les mêmes parties.

2°- Sur l'étendue de la saisine de la cour d'appel

En premier lieu, au vu des déclarations d'appel respectives, la cour d'appel n'est pas saisie du chef constatant le désistement d'instance de la société FAP à l'égard de M. et Mme [P].

En second lieu, il ne résulte pas du dispositif des conclusions respectives des parties que soit critiqué le chef de dispositif de l'ordonnance entreprise constatant la résiliation du bail au 10 juillet 2024. Celui-ci ne peut donc qu'être confirmé.

En troisième lieu, Mme [M] et M. [F] demandent, dans le dispositif des conclusions notifiées au soutien de leur appel (instance RG 25/537) :

' d'abord, l'infirmation de l'ordonnance entreprise des chefs relatifs :

- à l'expulsion ;

- à leur condamnation solidaire au paiement de l'arriéré de loyers et charges ;

- à la fixation du montant de l'indemnité d'occupation et à leur condamnation solidaire au paiement de cette indemnité ;

- à leur condamnation solidaire au paiement d'une clause pénale ;

- aux intérêts et à la capitalisation des intérêts ;

- aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;

' ensuite, que la cour d'appel, statuant à nouveau :

- suspende les effets de la clause résolutoire, en précisant que cette clause ne jouera pas si le locataire s'acquitte de l'ensemble des sommes dues ;

- rejette toutes les demandes de la société FAP ;

- et condamne cette société au paiement d'une indemnité de procédure.

Néanmoins, dans les motifs de leurs écritures, Mme [M] et M. [F] se contentent de faire valoir que celle-ci est en mesure d'apurer sa dette locative avec des délais de paiement, sans émettre d'autres critiques concernant les chefs dont ils demandent l'infirmation. Dans ces conditions, la cour d'appel ne peut que confirmer les chefs suivants, non remis en cause par la société FAP dans l'une comme dans l'autre des procédures d'appel où cette société a conclu :

- la condamnation solidaire de Mme [M] et de M. [F] au paiement de l'arriéré de loyers et charges - sous réserve de l'examen, ci-après, de la demande d'actualisation de sa créance formée par la société FAP ;

- la fixation du montant de l'indemnité d'occupation et à la condamnation solidaire de la locataire et de son codébiteur solidaire au paiement de cette indemnité ;

- la condamnation solidaire des mêmes au paiement d'une clause pénale ;

- la fixation des intérêts et à la capitalisation de ceux-ci ;

- les dépens de première instance et l'article 700 du code de procédure civile.

En dernier lieu, il résulte du dispositif de ses conclusions notifiées dans les deux instances d'appel que la société FAP demande l'infirmation de l'ordonnance entreprise des chefs suivants :

- le rejet de sa demande de transfert de la licence IV ;

- le rejet de la demande relative au dépôt de garantie ;

- le rejet de sa demande de fixation d'une astreinte, accessoire à la demande de transfert de la licence IV.

Elle demande, en outre, l'actualisation de sa créance locative, qui a augmenté depuis la première instance.

Il convient donc, à présent, de statuer sur les chefs dont l'infirmation est demandée.

3°- Sur la demande de « mise à jour » des sommes dues au 25 février 2025 formée par le bailleur

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile :

Le président du tribunal judiciaire (') dans les limites de sa compétence, [peut] toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il résulte du dispositif de ses conclusions prises dans l'instance RG 25/537 que la société FAP demande notamment :

- la confirmation de l'ordonnance du chef condamnant solidairement Mme [M] et M. [F], à titre provisionnel, à lui payer la somme de 10 534 euros, selon décompte arrêté au 22 juillet 2024 - soit moins de 15 jours après la date de résiliation du bail ;

- la confirmation de cette ordonnance du chef relatif à la fixation et à la condamnation de l'indemnité d'occupation due à compter de la résiliation du bail ;

- mais que soit mis à jour le compte des sommes dues au 25 février 2025, en condamnant Mme [M] et M. [F] à lui payer solidairement la somme de 13 106,07 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation.

Les motifs de ses conclusions (p. 7) confirment que cette dernière somme inclut uniquement les loyers, charges et indemnités d'occupation.

Or, la société FAP ne demande pas l'infirmation des chefs de l'ordonnance déterminant le montant de chacun des éléments intégrés dans le calcul de cette somme, c'est-à-dire les loyers, les charges et le montant de l'indemnité d'occupation.

En particulier, il n'est ni soutenu ni établi que des charges échues au 22 juillet 2024 - date du décompte sur lequel s'est basé le premier juge - auraient été omises par ce dernier, ni que de nouvelles charges se seraient ajoutées depuis le 22 juillet 2024.

Par ailleurs, du fait de la confirmation du chef relatif à l'indemnité d'occupation, celle-ci est due de plein droit depuis le 10 juillet 2024, date de la résiliation du bail, sans qu'il soit besoin d'une disposition particulière dans le présent arrêt.

La demande d'actualisation de la dette locative apparaissant donc inutile, la cour d'appel la dira sans objet.

Il convient donc de confirmer l'ordonnance entreprise du chef condamnant solidairement Mme [M] et M. [F] à payer une provision de 10 534 euros, selon décompte arrêté au 22 juillet 2024, et, y ajoutant, la cour d'appel précisera que devra être déduite de la créance locative actuelle de la bailleresse, qui inclut les indemnités d'occupation échues depuis le 22 juillet 2024, la somme de 7 000 euros correspondant au total des quatre versements, reconnus par la société FAP (v. p. 7 de ses conclusions dans l'instance RG 25/537) et intervenus en août, en septembre et en novembre 2024, soit postérieurement au 22 juillet 2024.

4°- Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire formée par la locataire et son codébiteur solidaire

L'article L. 145-41 du code de commerce dispose que :

Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

L'article 1343-5 du code civil, auquel renvoie ce texte, réglemente ainsi l'octroi des délais de paiement par le juge :

Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.

Il peut subordonner ces mesures à l'accomplissement par le débiteur d'actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette.

L'alinéa 2 de l'article L. 145-41 précité autorise donc le juge à accorder au locataire débiteur des délais en suspendant les effets de la clause résolutoire. Si le juge, qui doit être explicitement saisi d'une demande en ce sens, accueille celle-ci, il doit constater que la clause est acquise et le fait que ses effets doivent être suspendus pendant le délai accordé pour apurer la dette, la clause étant réputée ne pas avoir joué en cas de paiement dans le délai (Civ. 3e, 4 mars 2009, n° 08-14.557). L'octroi de délais par le juge implique la suspension des effets de la clause résolutoire.

Le juge ne peut rejeter la demande en paiement du bailleur en retenant que le locataire a apuré la dette locative postérieurement au délai d'un mois suivant la délivrance du commandement de payer et en déduisant qu'il n'y a pas lieu au jeu de la clause résolutoire ; il doit, pour rejeter une telle demande, octroyer des délais de paiement ou constater qu'il en avait été accordé (Civ. 3e, 4 mai 2011, n° 10-16.939). Dès lors que les paiements intervenus ont permis d'apurer la totalité de la dette locative, le juge peut accorder rétroactivement un délai de paiement et constater que la clause résolutoire n'a pas joué (Civ. 3e, 12 mai 2016, n° 15-14.117).

En l'espèce, tel qu'il a été indiqué ci-dessus, faute de critique soulevée par la locataire et son codébiteur solidaire, le chef de dispositif de l'ordonnance constatant la résiliation de plein droit du bail au 10 juillet 2024, par l'effet de la clause résolutoire insérée au bail et de la vaine délivrance d'un commandement de payer, a été confirmé.

Cela étant, il résulte de la jurisprudence ci-dessus rappelée que, même en cas de résiliation pour non-paiement intégral des causes du commandement dans le mois suivant sa délivrance, rien n'interdit au juge d'accorder des délais de paiement au locataire, fût-ce a posteriori.

Le chef portant condamnation de la locataire et de son codébiteur solidaire ayant également été confirmé, toujours en raison de l'absence de critique soulevée à ce titre, il est incontestable qu'au 22 juillet 2024, date du décompte sur lequel s'est appuyé le premier juge, la dette locative, incontestable, représentait un total de 10 534,50 euros.

Or, non seulement le dispositif des conclusions d'appel de Mme [M] et de M. [F] ne contient aucune demande expresse de délais de paiement, mais en outre, depuis le mois de novembre 2024, et donc depuis le prononcé de l'ordonnance entreprise, et bien que le montant de la dette locative se soit accru d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges mensuels (montant de l'indemnité d'occupation due), depuis le 22 juillet 2024 (date d'arrêté des comptes en première instance), Mme [M] et M. [F] n'établissent pas avoir procédé au moindre paiement, fût-il partiel, de leur dette.

Leur demande de suspension des effets de la clause résolutoire sera donc rejetée, par voie d'ajout à l'ordonnance entreprise, le premier juge n'ayant pas été saisi de cette demande en l'absence de comparution de la locataire et de son codébiteur solidaire.

Le chef de la décision entreprise ordonnant l'expulsion de la locataire doit donc être confirmé, comme celui rejetant la demande d'astreinte formée accessoirement à la demande d'expulsion.

5°- Sur la demande de transfert de la propriété de la licence IV formée par le bailleur

La société FAP demande, par voie d'infirmation de l'ordonnance dont appel, que soit ordonné le transfert de la propriété de la licence IV à son profit conformément aux clauses du bail.

Mme [M] et M. [F] n'ont pas conclu sur ce point. Ils sont donc réputés s'approprier les motifs du premier juge.

L'article 3 du bail (et non l'article 4, comme l'écrit à tort la société FAP, à la suite d'une erreur matérielle manifeste) stipule notamment que :

Le preneur déclare affecter expressément la licence de IVe catégorie dont il est titulaire à l'exploitation d'un débit de boissons dans les lieux loués.

En cas d'une interruption d'exploitation de la licence IV dans les lieux loués ou d'une non-exploitation pendant plus de six mois, le présent bail serait résilié de plein droit par le jeu de la clause résolutoire prévue ci-après.

Il s'engage en conséquence à ne pas la céder séparément des autres éléments du fonds de commerce ni à la transférer dans un autre lieu sans l'accord écrit du bailleur.

Au cas de résiliation du bail du fait du preneur ou du non-renouvellement du bail à la suite d'un congé, qu'elle qu'en soit la cause, il s'engage à en transférer la propriété au bailleur ou à tout autre personne désignée par lui, sans pouvoir prétendre à aucune sorte d'indemnité et ce, à titre de dommages-intérêts ce qui est expressément accepté par le preneur.

Il s'agit-là d'une condition essentielle sans laquelle le présent bail n'aurait pas été consenti.

Pour rejeter la demande de transfert de la licence IV, en exécution de cette clause, le premier juge a retenu que le juge des référés ne dispose pas des pouvoirs pour allouer des dommages et intérêts, qui supposent que soient examinés au fond les obligations et manquement respectifs des parties. Il n'y a pas lieu à référé sur la demande de transfert de la licence, à titre de dommages et intérêts.

La cour d'appel estime que ces motifs, desquels il ressort qu'il existe une contestation sérieuse quant à l'application de cette clause, sont justifiés et méritent donc adoption.

Ce n'est donc qu'à titre surabondant qu'elle relève qu'il existe également une contestation sérieuse tenant au caractère potentiellement excessif de cette clause, et ce à plus forte raison que le bail contient déjà une clause pénale indemnitaire, qui a justifié la condamnation de Mme [M] et de M. [F] au paiement de la somme de 1 200 euros à ce titre.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée sur ce point.

6°- Sur la demande d'infirmation du chef rejetant la demande relative au dépôt de garantie, formée par le bailleur

L'ordonnance entreprise rejette, dans son dispositif, la demande au titre du dépôt de garantie.

La société FAP demande l'infirmation de ce chef, sans que Mme [M] et M. [F] concluent en réponse sur cette demande.

L'article 14 du bail stipule que :

Pour garantir l'exécution des conditions du présent bail, un dépôt de garantie correspondant à trois mois de loyer hors taxes et hors charges sera conservé par le parieur rembourser au preneur en fin de bail.

[...]

En cas de résiliation du présent bail pour inexécution de ses conditions ou pour une cause quelconque imputable au preneur, le dépôt de garantie indexée restera acquis au bailleur à titre de dommages et intérêts , sans préjudice de tous autres recours et actions.

A l'appui de sa demande d'infirmation, la société FAP fait valoir, dans les motifs de ses conclusions (et ce à l'occasion des deux instances d'appel), que :

- elle n'avait pas demandé au juge des référés une quelconque condamnation concernant le dépôt de garantie, mais seulement de ne pas déduire ce dépôt des condamnations à intervenir contre la locataire, compte tenu de la clause ci-dessus reproduite, qui attribue le dépôt de garantie au bailleur en cas de résiliation du bail pour faute du preneur. Il s'agissait, pour elle, de répondre par avance à une telle demande du preneur, ou d'éviter au juge saisi de déduire automatiquement le dépôt de garantie des sommes dues ;

- compte tenu de la clause ci-dessus reproduite, la demande de restitution de son montant formée par le preneur aurait souffert d'une contestation sérieuse ;

- en rejetant la demande du bailleur concernant le dépôt de garantie, le premier juge a non seulement statué ultra petita, mais il a de surcroît tranché une difficulté de fond

tenant à la validité de la clause de conservation de dépôt de garantie et à la répétition de son montant au profit du preneur ;

- statuant de nouveau, la cour d'appel « ne déduira tout simplement donc pas le dépôt de garantie des sommes dues. »

Toutefois, si, à l'occasion des deux instances d'appel, la société FAP demande d'abord, dans le dispositif de ses conclusions, l'infirmation du chef rejetant la demande au titre du dépôt de garantie, elle ne forme ensuite, après le « statuant à nouveau », aucune demande similaire à celle formulée dans les motifs - autrement dit, une demande tendant à ce que le dépôt de garantie ne soit pas déduit des sommes dues.

Outre la circonstance que l'ordonnance de référé est dépourvue de l'autorité de la chose jugée sur le chef relatif au dépôt de garantie, en tout état de cause, il ne résulte pas de la motivation de l'ordonnance entreprise que le juge des référés aurait déduit le dépôt de garantie de la provision réclamée par la bailleresse au titre des loyers et charges (10 534,50 euros) . D'ailleurs, le montant de la provision allouée par le premier juge correspond très exactement à ce montant.

Néanmoins, dès lors que, selon les mentions de l'ordonnance entreprise, le premier juge n'était saisi d'aucune demande relative au dépôt de garantie, la cour d'appel infirmera le chef de dispositif rejetant la demande prétendument formée à ce titre et, statuant à nouveau, constatera que le premier juge n'était saisi par la société FAP d'aucune demande concernant le dépôt de garantie.

7°- Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La procédure de première instance ayant pour origine un défaut de paiement de la locataire et de son codébiteur solidaire, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a mis les dépens à leur charge, ainsi que du chef relatif à l'article 700 du code de procédure civile.

En appel, chacune des parties succombant pour partie, celles-ci conserveront la charge des dépens qu'elles ont exposés au titre des deux instances d'appel dont la jonction a été ordonnée ci-dessus.

Quant aux demandes respectives d'indemnité procédurale formées à hauteur d'appel, dans les deux instances d'appel jointes, elles seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour d'appel, statuant dans les limites de sa saisine,

- ORDONNE la jonction des appels enregistrés sous les numéros RG 24/5977 et RG 25/537 ;

- CONFIRME l'ordonnance entrepris, sauf en ce qu'elle rejette la demande de la société Foncière des arts au titre du dépôt de garantie ;

Statuant de nouveau du chef infirmé,

- CONSTATE que la société Foncière des arts n'a formé aucune demande au titre du dépôt de garantie ;

Y ajoutant,

- REJETTE la demande suspension des effets de la clause résolutoire formée par Mme [M] et M. [F] ;

- DIT sans objet la demande d'actualisation de sa créance locative formée par la société Foncière des arts ;

- DIT que la somme de 7 000 euros, correspondant aux versements intervenus entre le 22 juillet 2024 et le mois de novembre 2024, doit être déduite de la créance locative détenue par la société Foncière des arts à l'égard de Mme [M] et M. [F] et qui a été augmentée des indemnités d'occupation échues depuis la résiliation du bail, dans les conditions fixées par l'ordonnance entreprise ;

- DIT que chacune des parties gardera la charge des dépens qu'elle a exposés au titre des instances d'appel ci-dessus jointes ;

- Vu l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE les demandes formées au titre des instances d'appel jointes.

Le greffier

La présidente

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