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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 8, 21 novembre 2025, n° 25/01406

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 25/01406

21 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT DU 21 NOVEMBRE 2025

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 25/01406 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CKVR3

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Décembre 2024 -Président du TJ de [Localité 8] - RG n° 24/55520

APPELANTE

S.A.S. WHATEVER agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 7]

Représentée par Me Jean CAGNE de la SELARL BONNA AUZAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque A 244

INTIMÉE

S.A.S. OPEN FLATS agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Paul-marie GAURY, avocat au barreau de PARIS, toque : G 553

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 octobre 2025, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Florence LAGEMI, Président,

Marie-Catherine GAFFINEL, Conseiller,

Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Catherine CHARLES

ARRÊT :

- Contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Florence LAGEMI, Président de chambre et par Catherine CHARLES, Greffier, présent lors de la mise à disposition

Par acte du 1er juin 2017, la société G2B a donné à bail commercial à la société Whatever des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 9] pour une durée de 9 ans.

Par acte du 1er mars 2018, la société Whatever a consenti un bail de sous-location à la société Open Flats portant sur ces mêmes locaux (lot n°25 de copropriété), à compter du 1er mars 2018 pour une durée de neuf ans, moyennant un loyer en principal de 39.600 euros par an hors taxes et 3600 euros de charges hors taxes, payable par quart, d'avance, les 1er avril, 1er juillet, 1er octobre et 1er janvier.

Selon protocole n°2 valant avenant au bail du 1er mars 2018, signé le 15 mars 2022, les sociétés Whatever et Open Flats ont notamment convenu que :

- le nouveau loyer s'élèverait à 36.000 euros par an hors charges et hors taxes à compter du 1er avril 2022,

- le preneur était redevable de la somme de 25.328,27 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 31 mars 2022 ;

Par acte du 27 octobre 2023, la société Whatever a fait délivrer à la société Open Flats un commandement d'avoir à payer la somme de 8.529,71 euros, visant la clause résolutoire.

Par acte du 15 janvier 2024, la société Whatever a, de nouveau, fait délivrer à la société Open Flats un commandement d'avoir à payer la somme de 12.723,46 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er janvier 2024, visant la clause résolutoire.

Le même jour, elle a également fait délivrer un autre commandement visant la clause résolutoire pour inexécution des obligations locatives en impartissant à la société Open Flats de remettre en l'état initial les locaux dans le délai d'un mois.

Par acte notarié du 14 mars 2024, la société G2B a vendu les locaux à la SCI YB Immo.

Par actes des 28 juin et 8 août 2024, la société Whatever a fait assigner la société Open Flats et M. [X] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, expulsion et condamnation, à titre provisionnel, au paiement d'une indemnité d'occupation et de l'arriéré locatif.

Par ordonnance du 16 décembre 2024, le premier juge a :

- dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de la société Whatever ;

- laissé à chaque partie la charge de ses dépens ;

- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.

Par déclaration du 6 janvier 2025, la société Whatever a relevé appel de cette décision en critiquant l'ensemble de ses chefs de dispositif.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 16 septembre 2025, la société Whatever demande à la cour de :

- la juger recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer en totalité l'ordonnance de référé rendue le 16 décembre 2024 ;

Et, statuant à nouveau,

A titre principal :

- constater l'acquisition de la clause résolutoire par l'effet des commandements signifiés le 15 janvier 2024 ;

A titre subsidiaire :

- prononcer la résiliation de plein droit du bail de sous-location du fait de la résiliation du bail principal ;

A titre infiniment subsidiaire :

- prononcer la résiliation de plein droit du bail de sous-location du fait de la résiliation du bail principal ;

En tout état de cause :

- débouter la société Open Flats de toutes ses demandes ;

- ordonner en conséquence l'expulsion de la société Open Flats ainsi que celle de tous occupants de son chef des locaux situés [Adresse 3] à [Localité 8] ;

- ordonner l'expulsion de la société Open Flats et de tout occupant introduit de son chef, avec, au besoin, l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;

- ordonner l'enlèvement des biens et facultés mobilières se trouvant dans les lieux en un lieu approprié aux frais, risques et périls de la société Open Flats qui disposera d'un délai d'un mois pour les retirer à compter de la sommation qui sera délivrée par l'huissier chargé de l'exécution ;

- ordonner que le montant du dépôt de garantie reste acquis à la société Whatever conformément aux termes du bail ;

- assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte d'un montant de 100 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision à intervenir et ce jusqu'au jour de complète libération des lieux et de remise des clés ;

- condamner à titre provisionnel la société Open Flats à lui payer la somme de 9.900 euros HT soit la somme de 11.880 euros TTC au titre du protocole du 11 décembre 2020 stipulant :«Il est expressément convenu entre les Parties comme condition essentielle de leurs consentements que la concession faite par le Bailleur sera remise en cause dans l'hypothèse où le Locataire venait à ne pas régler ses loyers dans les délais contractuellement prévus pendant la durée du bail » ;

- condamner à titre provisionnel la société Open Flats à lui payer la somme de 27.105,79 euros au titre du loyer et des charges des deux premiers trimestres de l'année 2024 ;

- condamner à titre provisionnel la société Open Flats à lui payer une indemnité d'occupation majorée de 20% en application du bail, égale à 11.881,18 euros HT par trimestre soit 14.257,42 euros TTC, du jour de la résiliation à celui de la libération des locaux et de la restitution des clés, dire que cette indemnité d'occupation sera indexée selon les dispositions du contrat ayant lié les parties ;

- condamner à titre provisionnel la société Open Flats à lui verser une somme de 72.000 euros TTC au titre des travaux de remise en état ;

- condamner à titre provisionnel la société Open Flats à lui payer la somme de 6.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner à titre provisionnel la société Open Flats aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 23 septembre 2025, la société Open Flats demande à la cour de :

- déclarer l'appel de la société Whatever irrecevable en l'absence d'effet dévolutif ;

- déclarer irrecevables les demandes formées pour la première fois en cause d'appel par la société Whatever au titre d'une prétendue résiliation de plein droit pour trouble du voisinage et au titre d'une prétendue résiliation de plein droit du fait de la résiliation du bail principal ;

- confirmer l'ordonnance du 16 décembre 2024 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé ;

- infirmer l'ordonnance du 16 décembre 2024 en ce qu'elle l'a déboutée de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile, des dépens et de ses autres demandes ;

Et statuant à nouveau :

- débouter la société Whatever de toutes ses demandes ;

- condamner la société Whatever à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Whatever aux dépens de première instance et d'appel ;

A titre subsidiaire :

- juger nul et de nul effet le commandement de payer du 15 janvier 2024 compte tenu du fait que la société Whatever n'est plus titrée concernant le bien qu'elle occupe ;

- juger nul et de nul effet le commandement de payer du 15 janvier 2024 compte tenu de l'imprécision de la clause relative aux charges ;

- juger qu'elle est en droit de demander le remboursement des charges des 5 dernières années, soit la somme de 27.380 euros TTC en l'absence de clause claire et précise dans le bail et de justificatifs de ces charges ;

- juger nul et de nul effet le commandement du 15 janvier 2024 de remettre dans un délai d'un mois en l'état initial les locaux et d'en justifier par tout moyen, compte tenu de son imprécision et de l'impossibilité d'exécuter dans le délai d'un mois ;

A titre infiniment subsidiaire

- juger qu'il lui soit octroyé un échéancier de 24 mois pour le paiement des sommes qu'elle serait condamnée à régler à la société Whatever ;

- juger en conséquence la suspension des effets de la clause résolutoire du bail visée dans le commandement pendant le cours desdits délais ;

Si par extraordinaire, la juridiction devait la condamner à remettre les locaux en leur état initial et constater l'acquisition de la clause résolutoire :

- juger qu'il lui soit octroyé un délai de six mois pour réaliser lesdits travaux à compter de la signification du jugement ;

- juger en conséquence la suspension des effets de la clause résolutoire du bail visée dans le commandement pendant le délai de 6 mois ;

En tout état de cause :

- débouter la société Whatever de toutes ses demandes, fins et prétention ;

- condamner la société Whatever à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Whatever aux dépens de première instance et d'appel.

La clôture de la procédure a été prononcée le 24 septembre 2025.

Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

Sur l'effet dévolutif de la déclaration d'appel

Selon l'article 562 du code de procédure civile, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du dispositif de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

Aux termes de l'article 915-2 du même code, applicable à l'instance, l'appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l'article 906-2 et à l'article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d'appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent.

La société Open Flats soutient que l'appelante sollicite l'infirmation de la décision sans indiquer les chefs critiqués.

Mais, dans sa déclaration d'appel, la société Whatever a mentionné « appel tendant à obtenir la réformation ou l'annulation de l'ordonnance de référé, dont appel, rendu le 16 décembre 2024 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a « Disons n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes de la société Whatever ; Laissons à chaque partie la charge de ses dépens ; Rejetons les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile » ».

Ainsi, la société Whatever a expressément visé les chefs du dispositif de l'ordonnance qu'elle critiquait de sorte que la cour est régulièrement saisie.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Open Flats

Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Et l'article 32 du même code prévoit qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir.

La société Open Flats soutient que la société G2B ayant résilié le bail principal le 2 juin 2023, la société Whatever est devenue occupante sans droit ni titre et n'a plus qualité à agir pour solliciter le paiement des loyers ou contester les travaux réalisés. Elle considère que seule la nouvelle propriétaire, la société YB Immo, peut agir en paiement et en expulsion, la société Whatever ayant elle-même déclaré que le bail avait été résilié avec cette dernière.

La société Whatever réplique que tant le bail principal que le bail de sous-location n'ont pas été résiliés le 2 juin 2023 et sont restés en vigueur et que la société Open Flats a continué à payer les loyers tels que prévus dans le bail. Elle rappelle qu'en sa qualité de locataire principal, elle est responsable des agissements de la société Open Flats à l'égard de son propre nouveau bailleur, la société YB Immo, et dispose à ce titre d'une qualité et d'un intérêt à agir.

Il n'est pas contesté que la société Whatever et la société Open Flats ont conclu un bail de sous-location le 1er mars 2018 pour une durée de neuf ans à compter du 1er mars 2018.

Le point 2 de l'exposé de ce bail rappelle les mentions du bail principal selon lesquelles la société Whatever « restera tenue et seule responsable de l'exécution des clauses et conditions du bail et notamment de l'activité, du paiement des loyers, charges et accessoires », que « le preneur [la société Whatever] devra faire son affaire personnelle, dont il demeure personnellement tenu à l'égard du bailleur de la libération des lieux loués occupés par le sous-locataire, à la date de la résiliation visées ci-dessus » et que « la durée de la sous-location ne devra pas être supérieure à la durée du bail. Ainsi, en cas de résiliation du bail ou en fin de bail par l'effet d'un congé du preneur ou d'un congé avec refus de renouvellement, le Preneur [la société Whatever] devra faire son affaire personnelle du départ ou de l'éviction du sous-locataire à la même époque. »

Si par courrier du 2 juin 2023, la société Whatever, représentée par M. [N], a informé la société Open Flats que le bail qu'elle avait conclu avec la société G2B a été résilié par acte du 2 juin 2023 à effet au 2 septembre 2023 et qu'en conséquence, le bail de sous-location était également résilié à effet de la même date, il est établi que M. [N] a, le 6 juin suivant, adressé un nouveau mail à la société Open Flats lui indiquant qu'elle pouvait « ignorer le courrier de résiliation du bail [d'Open Flats] qu'[il] avait fait partir le 2 juin. »

Il convient de relever que M. [N], en qualité de gérant de la société G2B, avait autorisé, par lettre du 29 février 2018, la société Whatever à sous-louer les locaux à la société Open Flats et s'était engagé à ne pas résilier le bail de la société Whatever pendant la durée de la sous-location. C'est d'ailleurs à la suite du mail que lui a adressé la société Open Flats le 3 juin 2023 lui rappelant cet engagement, que M. [N] a, le 6 juin suivant, renoncé à se prévaloir de la résiliation du bail à l'égard de la société Open Flats.

Le bail de sous-location s'est ainsi poursuivi au cours de l'année 2024. La société Whatever a continué à émettre des appels de loyers et la société Open Flats à les régler, au moins jusqu'aux différents commandements de payer. La cour relève en outre que le 16 novembre 2023, la société Open Flat, revendiquant être titulaire d'un bail de sous-location, a informé la société Whatever du déroulement de travaux dans les locaux loués.

La société Whatever admet toutefois que la vente du bien par la société G2B à la société YB Immo le 14 mars 2024 a eu pour effet de résilier le bail principal. Si elle ne s'explique pas sur les modalités et conditions de cette résiliation, elle produit trois factures émanant de la société YB Immo pour les échéances des 1er avril, 1er juillet et 1er octobre 2024 portant sur le paiement d'une « indemnité d'occupation » pour les 2ème, 3ème et 4ème trimestre pour le local situé [Adresse 3] au 1er étage. Ainsi, il convient de retenir qu'à compter de la vente du bien, la société Whatever n'était plus titulaire d'un bail.

Pour autant, la société Whatever, seule signataire du bail de sous-location, conserve, en vertu de celui-ci, une qualité et un intérêt à agir contre son propre locataire, notamment pour solliciter son expulsion afin de respecter ses propres obligations à l'égard de son bailleur. En effet, la société Whatever est débitrice à l'égard de son bailleur d'une obligation de faire libérer les lieux. Elle dispose également en vertu du bail la liant à la société Open Flats du droit de percevoir les sous-loyers jusqu'à la date de résiliation du bail principal.

Sur la demande d'acquisition de la clause résolutoire

Selon l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge des contentieux de la protection peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Selon l'article 835 du même code, le juge des contentieux de la protection peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En vertu de ces textes, il est possible, en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un bail en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en 'uvre régulièrement. La circonstance que le juge du fond soit saisi d'une demande de résiliation du bail n'empêche pas le juge des référés de statuer, l'ordonnance constatant l'acquisition de la clause résolutoire n'ayant pas au principal l'autorité de la chose jugée et ne s'imposant pas au juge du fond saisi aux mêmes fins.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Faute d'avoir payé ou contesté les causes du commandement de payer dans le délai imparti, prévu au bail, le locataire ne peut remettre en cause l'acquisition de la clause résolutoire sauf à démontrer la mauvaise foi du bailleur lors de la délivrance du commandement de payer. L'existence de cette mauvaise foi doit s'apprécier lors de la délivrance de l'acte ou à une période contemporaine à celle-ci.

Au cas présent, la société Whatever a fait délivrer, le 15 janvier 2024, à la société Open Flats un commandement de payer visant la clause résolutoire pour la somme de 12.723,46 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 1er janvier 2024 (échéance du 1er trimestre 2024).

La clause résolutoire du contrat mentionne qu'à défaut de paiement à l'échéance d'un seul terme de loyer, charges, taxes, frais ou accessoires, du rappel de loyer, le bail sera résilié de plein droit si bon semble au bailleur.

Il n'est pas contesté que les causes du commandement n'ont pas été acquittées dans le mois de cet acte.

La société Open Flats soutient que les sommes mentionnées dans le commandement sont erronées dès lors que les charges n'étaient pas dues, pour ne pas avoir été listées de façon claire et précise dans le bail et que la société Whatever « n'étant plus titrée concernant le bien qu'elle occupe », le commandement est nul.

Mais, d'une part, il n'appartient pas au juge des référés d'annuler un commandement de payer mais seulement de tirer, le cas échéant, toutes conséquences de son irrégularité sur l'acquisition de la clause résolutoire.

D'autre part, le commandement de payer adressé à la société Open Flats ne concernait que le loyer et les charges de l'échéance du 1er trimestre 2024 dus au 1er janvier 2024, conformément au bail et à son avenant de sorte que les contestations soulevées par la société Open Flats sur la régularisation des charges pour les années 2019 à 2023 sont inopérantes.

Enfin, comme exposé précédemment, à la date du commandement de payer, la société Whatever était titulaire d'un bail.

Aucune mauvaise foi de la société bailleresse lors de la délivrance du commandement de payer n'étant démontrée, les contestations formées par la société Open Flats pour s'opposer aux effets du commandement de payer sont dépourvues de tout caractère sérieux.

Il y a donc lieu de constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies à la date du 15 février 2024, sans qu'il ne soit besoin d'apprécier la portée du second commandement.

Sur les demandes de provisions

La société Whatever sollicite que la société Open Flats soit condamnée à lui verser à titre provisionnel :

- la somme de 27.105,79 euros au titre du loyer et des charges des deux premiers trimestres de l'année 2024 ;

- une indemnité d'occupation majorée de 20% en application du bail, égale à 11.881,18 euros HT par trimestre soit 14.257,42 euros TTC, du jour de la résiliation à celui de la libération des locaux et de la restitution des clés ;

- la somme de 9.900 euros HT soit la somme de 11.880 euros TTC au titre du protocole du 11 décembre 2020 ;

- la somme de 72.000 euros au titre des travaux de remise en état.

La société Open Flats soulève plusieurs contestations en faisant valoir que le juge des référés n'est pas compétent, au regard de la désignation d'un juge de la mise en état, pour accorder des provisions et en faisant valoir que les charges facturées depuis 2019 n'étaient pas dues. Elle sollicite ainsi leur remboursement.

Sur la compétence du juge des référés

Selon l'article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut être accordé une provision au créancier, ou ordonné l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'article 789 du même code dispose :

« Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour : [']

3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. ['] ;

4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées ;

5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ; »

A partir de la désignation du juge de la mise en état, le juge de référés est incompétent pour ordonner les mesures qui relèvent de la compétence du juge de la mise en état.

Pour justifier de la désignation du juge de la mise en état dans la procédure qu'elle a introduite contre la société Whatever devant le tribunal judiciaire de Paris, la société Open Flats se borne à produire un bulletin du juge de la mise en état du 19 mars 2025 qui a renvoyé l'affaire pour conclusions récapitulatives et éventuelle clôture et fixation à l'audience du 25 juin 2025. S'il est incontestable qu'un juge de la mise en état est bien désigné au jour où la cour statue, la société Open Flats ne démontre pas qu'au jour de l'introduction de l'instance devant le juge des référés, un juge de la mise en état était déjà désigné. Il s'ensuit que le juge des référés est compétent pour statuer sur les demandes de provisions formées par la société Whatever.

Sur les loyers, charges et indemnités d'occupation

La société Whatever produit :

- la facture correspondant à l'échéance de loyer dû au 1er janvier 2024 pour un montant de 12.541,39 euros TTC,

- la facture du 13 mars 2024 d'un montant de 1.381,21 euros correspondant à la régularisation des charges et des taxes foncières pour l'année 2024 ainsi qu'à la refacturation du remplacement de deux extincteurs à la suite de l'incendie du 23 janvier 2024 dans le local loué par la société Open Flats et de l'enlèvement de déchet le 12 mars 2024 ;

- la facture du 1er avril 2024 d'un montant de 13.183,19 euros TTC correspondant à l'échéance du 2ème trimestre.

Si la société Open Flats conteste le montant des charges pour les années 2019, 2021, 2022 et 2023, elle reste taisante sur les provisions pour charges appelées en 2024 et sur la facture du 13 mars 2024. En l'absence de contestation sérieuse, la société Open Flats est condamnée à verser la somme provisionnelle de 13.922,60 euros (12.541,39 + 1.381,21 euros) au titre des factures des 1er janvier et 13 mars 2024.

En revanche, s'agissant de la facture du 1er avril 2024, postérieure à la vente du bien par la société G2B, le paiement des sous-loyers se heurte à une contestation sérieuse. En effet, la revendication par société Whatever de la résiliation de son bail principal à compter du 14 mars 2024, pourrait conduire à retenir qu'étant occupante sans droit ni nitre, il ne lui appartient plus de percevoir les sous-loyers.

Sur le protocole transactionnel

Au terme du protocole transactionnel signé avec la société Open Flats le 11 décembre 2020 sur lequel s'appuie la société Whatever, « le bailleur accepte d'accorder au locataire une exonération de loyer sur le 4ème trimestre 2020. Cette exonération a pour objectif de permettre au locataire de sortir de cette crise [Covid-19] particulièrement dans la meilleure situation économique possible, afin d'être en mesure d'honorer auprès du bailleur ses prochaines échéances de loyer dans les mois et les années à venir.

[..]Il est expressément convenu entre les Parties comme condition essentielle de leurs consentements que la concession faite par le Bailleur sera remise en cause dans l'hypothèse où le Locataire venait à ne pas régler ses loyers dans les délais contractuellement prévus pendant la durée du bail. »

Il n'est pas contesté que la somme de 11.880 euros réclamée par la société Whatever correspond à l'exonération qu'elle avait accordée à la société Open Flats aux termes de ce protocole.

Le non-paiement par la société Open Flats des échéances de loyers et indemnités d'occupation depuis le 1er janvier 2024 justifie, avec l'évidence requise en référé, la mise en 'uvre de la clause précitée du protocole. La société Open Flats est ainsi condamnée à verser à la société Whatever la somme provisionnelle de 11.880 euros.

Sur la demande au titre des travaux de remise en état

La société Whatever sollicite la somme de 72.000 euros au titre de la remise en état de l'appartement.

Il résulte des échanges de mails entre les parties et des procès-verbaux de constat dressés les 3 décembre 2023 et 3 février 2024 que la société Open Flats a effectué des travaux de démolition et réaménagement qui affectent la distribution du local, sans l'accord de la société Whatever. Mais, cette dernière ne démontre pas que la société YB Immo, qui a acquis les locaux le 14 mars 2024 postérieurement à la réalisation des travaux et ne pouvait donc les ignorer, l'a mise en demeure de procéder à la remise en état des locaux. La demande de la société Whatever se heurte en conséquence à une contestation sérieuse.

Sur la demande de la société Open Flats de remboursement de charges

La société Open Flats sollicite le remboursement de la somme de 27.380,40 euros au titre des charges qu'elle a réglées en 2019, 2021, 2022 et 2023 en soutenant que le bail ne comporte pas d'inventaire des charges comme le prévoit l'article L.145-40-2 du code de commerce et qu'en conséquence elles ne peuvent lui être refacturées.

Mais, le bail mentionne qu'il est consenti moyennant un loyer annuel et « 3600 euros de charges hors taxes, en ce compris les charges communes générales et taxes (Sauf la taxe foncière à la charge du preneur) » .

La société Open Flats ne peut donc sérieusement contester qu'elle n'avait pas connaissance que les charges communes générales et la taxe foncière lui seraient facturées.

Or, il ressort des factures de régularisation et des relevés de compte individuel de copropriété dressés par le syndic de l'immeuble que la répartition des charges communes générales a été effectuée selon les tantièmes du lot n°25 et que ces documents mentionnent expressément les charges récupérables. Ainsi, la société Whatever justifie des charges appelées et refacturées.

Surtout, la société Open Flats qui s'appuie uniquement sur le montant des charges appelées pour fonder sa demande, omet de mentionner les régularisations effectuées par la société Whatever en sa faveur, ayant conduit cette dernière à porter à son crédit les sommes 2.873,76 euros pour les charges et taxe foncière des années 2019 et 2020, 1455,87 euros pour les charges de l'année 2021, et 851,86 euros pour celles de l'année 2022 de sorte que les charges refacturées étaient même inférieures à celles annoncées dans le bail.

S'agissant de la régularisation pour l'année 2023, la société Whatever produit également le relevé de compte individuel de copropriété comportant le détail des charges pour le lot n°23 avec la précision que les charges récupérables s'élèvent à 2094,49 euros justifiant suffisamment de la régularisation effectuée. Quant aux taxes foncières, si au terme de l'avis d'imposition, elles s'élèvent à 4.707 euros pour les deux lots détenus par la société G2B, il convient de relever que la société Whatever n'a refacturé à la société Open Flats que la somme de 2.385,04 euros.

La demande de provision au titre du remboursement des charges et taxes foncières se heurte en conséquence à une contestation sérieuse.

Sur la demande de délai de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire

Il résulte de l'article L. 145-41 du code de commerce que le juge peut accorder des délais de paiement et suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire.

Selon l'article 1343-5, alinéa 1, du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années le paiement des sommes dues.

En cause d'appel et tant qu'aucune décision constatant la résolution du bail n'est passée en force de chose jugée, la cour, saisie d'une demande de délais, peut les accorder et suspendre les effets de la clause résolutoire en les subordonnant au règlement des causes du commandement.

La société Open Flats sollicite à titre subsidiaire l'octroi de délais de paiement en demandant de pouvoir s'acquitter de sa dette sur une durée de 24 mois. Elle fait état de ses difficultés financières à la suite de la pandémie du Covid et notamment de ses pertes d'un montant de 1.322.000 euros et de sa réorganisation qui l'a conduit à se séparer de 7 appartements parisiens sur un parc initial de 36 appartements.

Toutefois, comme le souligne la société Whatever, elle ne produit aucune pièce démontrant ses difficultés financières alléguées. Elle ne justifie pas davantage de ses facultés actuelles de paiement.

Sa demande sera donc rejetée.

En conséquence, il convient de constater la résiliation du bail à la date du 16 février 2024.

La société Open Flats étant devenue occupante sans droit ni titre à compter de cette date, ce qui est constitutif d'un trouble manifestement illicite, son expulsion et celle de tous occupants de son chef doit être ordonnée.

Compte tenu de l'incendie survenu dans les locaux loués par la société Open Flats en janvier 2024, de la nature des travaux qu'elle a effectués, de la mise en demeure adressée par le syndic le 13 mars 2024 à la société G2B soutenant que l'activité de location saisonnière exercée générait des troubles importants de voisinage, il convient d'assortir l'expulsion de la société Open Flats d'une astreinte selon les conditions prévues au dispositif.

Sur la demande relative au dépôt de garantie

La société Whatever sollicite dans le dispositif de ses conclusions que le dépôt de garantie lui reste acquis, mais n'articule aucun moyen au soutien de cette demande.

En application de l'alinéa 3 de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'absence de moyen développé au soutien de cette prétention qui, au regard des stipulations du bail, s'analyse en une demande en paiement de sommes dues en application d'une clause pénale, susceptible d'être minorée par le juge du fond, il n'y a lieu à référé sur celle-ci.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

La société Open Flats succombant à l'instance est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la société Whatever la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Dit que la cour est valablement saisie,

Infirme l'ordonnance critiquée,

Statuant à nouveau,

Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société Open Flats,

Constate l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 15 février 2024,

Dit que la société Open Flats devra libérer les lieux qu'elle occupe au [Adresse 4] [Localité 1], dans le mois suivant la signification du présent arrêt ;

Dit qu'à défaut de départ volontaire dans le délai précité, la société Open Flats sera tenue, à l'expiration de ce délai, au paiement d'une astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, qui sera due pendant une période de deux mois à l'issue de laquelle il pourra être statué sur une nouvelle astreinte et autorise la société Whatever à procéder à son expulsion et celle de tous occupants de son chef, avec si besoin, le concours de la force publique et d'un serrurier ;

Dit que le sort des biens mobiliers trouvés dans les lieux sera régi par les dispositions des articles L.433-1 et suivants, R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de la société Open Flats tendant à voir déclarer le commandement de payer nul ;

Condamne la société Open Flats à payer à la société Whatever, à titre provisionnel, la somme de 13.922,60 euros au titre des factures du 1er janvier et 13 mars 2024 ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision au titre de l'échéance du 2ème trimestre 2024 et des indemnités d'occupation ;

Condamne la société Open Flats à payer à la société Whatever la somme provisionnelle de 11.880 euros TTC euros au titre de l'exécution du protocole transactionnel du 11 décembre 2020 ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de remboursement des charges et taxes foncières, de provision au titre de la remise en état des lieux et de conservation du dépôt de garantie ;

Rejette les demandes de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire ;

Condamne la société Open Flats aux dépens de première instance et d'appel et à verser à la société Whatever la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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