Livv
Décisions

CA Rouen, ch. de la proximite, 20 novembre 2025, n° 25/00086

ROUEN

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Franfinance (SA)

Défendeur :

Athena (SELARL)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

M. Tamion

Conseiller :

Mme Houzet

Avocats :

Me Menou, Me Michaud, Me Carel, Me Scotto di Liguori

Juge des Contentieux de la Protection [L…

29 novembre 2024

FAITS ET PROCÉDURE

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [G] [R] et Mme [T] [L], épouse [R] ont signé le 22 novembre 2018 avec Ia SASU SVH Energie un bon de commande d'installation d'un système de panneaux photovoltaïques et d'une pompe à chaleur, moyennant un prix total de 27.090 euros toutes taxes comprises.

Pour financer cette installation, M. et Mme [R] ont signé le même jour une offre de prêt de ce montant consenti par la SA Franfinance, remboursable en 170 mensualités de 210,04 euros, au taux nominal de 3,83%, soit un taux effectif global de 3,90%.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés et les fonds débloqués entre Ies mains du vendeur sur la base d'une attestation de fin de travaux signée par M. et Mme [R] le 28 juin 2019.

Par jugement du 23 juin 2021, le tribunal de commerce d'Angers a prononcé l'ouverture de la liquidation judiciaire de la société SVH Energie et désigné Ia Selarl Athena, représentée par Mme [J] [B], en qualité de mandataire liquidateur.

Considérant qu'ils ont donné leur consentement au contrat sur la base d'une erreur sur la rentabilité de l'opération, que la société SVH Energie, en sa qualité de professionnel, n'a pas respecté ses obligations telles que prévues par le code de Ia consommation et que la SA Franfinance a commis une faute en débloquant les fonds sans avoir procédé préalablement à la vérification de la validité du bon de commande, de la bonne exécution de la prestation ainsi que du bon fonctionnement de l'installation, par actes de commissaire de justice des 2 et 3 août 2023, M. et Mme [R] ont assigné l'établissement financier et la société SVH Energie, représentée par son liquidateur, devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Bernay aux fins, notamment de prononcer la nullité ou la résolution du contrat principal et la nullité subséquente du contrat de crédit accessoire, d'obtenir la privation de la SA Franfinance de son droit à restitution du capital prêté et subsidiairement l'indemnisation de leurs préjudices.

Par jugement contradictoire du 14 novembre 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bernay a :

* déclaré recevable l'action diligentée par M. [G] [R] et Mme [T] [R] ;

* prononcé la nullité du contrat conclu le 22 novembre 2018 entre la société SVH Energie et M. [G] [R] et Mme [T] [R] ;

* imposé à M. [G] [R] et Mme [T] [R] de mettre à la disposition de la société par actions simplifiée unipersonnelle SVH Energie, représentée par la Selarl Athena en la personne de Mme [B], liquidateur judiciaire, l'ensemble du matériel acquis auprès de la société SVH Energie inscrite au RCS de [Localité 8] n°833 656 218 suivant bon de commande signé Ie 22 novembre 2018, le tout sans frais pour la SASU SVH Energie ;

* dit que Ia société par actions simplifiée unipersonnelle SVH Energie représentée par la Selarl Athena en la personne de Mme [B], liquidateur judiciaire, devra indiquer à M. [G] [R] et Mme [T] [R] ses intentions quant à la restitution du matériel acquis le 22 novembre 2018 dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement ;

* dit que M. [G] [R] et Mme [T] [R] seront dispensés de restituer à la société anonyme Fran'nance le montant du crédit affecté ;

* condamné la société anonyme Franfinance à restituer à M. [G] [R] et Mme [T] [R] la somme de 9031,72 euros au titre du capital, des intérêts et frais du contrat de crédit affecté du 22 novembre 2018 avec les intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;

* rejeté la demande de dommages et interets formée par M. [G] [R] et Mme [T] [R] contre la société anonyme Franfinance ;

* debouté la société anonyme Franfinance de l'intégralité de ses demandes;

* condamné la société anonyme Fran'nance à payer à M. [G] [R] et Mme [T] [R] la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

* condamné la société anonyme Franfinance aux dépens de l'instance ;

* dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement ;

* rejeté toute autre demande plus ample ou contraire.

Pour se déterminer ainsi, le premier juge a en premier lieu rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Franfinance, laquelle soutenait que M. et Mme [R] n'avaient pas mis en cause le liquidateur judiciaire, ni déclaré leur créance, retenant que l'action en nullité du contrat de vente exercée par ces derniers du fait de la violation des dispositions du code de la consommation, n'est pas une action en paiement au sens de l'article L622- 21 du code de commerce, la restitution du prix n'étant que la conséquence de l'annulation de la vente.

ll a en second lieu considéré que les dispositions du code de Ia consommation n'avaient pas été respectées, relevant diverses irrégularités affectant le bon de commande, de sorte que Ie contrat encourait l'annulation.

Il a par voie de conséquence, constaté la nullité du contrat de crédit affecté, accessoire à la vente, en application de l'article L.312-55 du code de Ia consommation, sans examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme [R] et le moyen subsidiaire tiré de l'erreur ayant vicié leur consentement.

ll a estimé que M. et Mme [R] devaient être considérés comme profanes, que l'établissement financier ne rapporte pas la preuve qu'ils étaient valablement informés des dispositions applicables à leur situation et à leurs droits en tant que consommateurs, Ies conditions générales de vente figurant au verso du bon de commande étant rédigées dans une police minuscule en grande partie illisible.

Le premier juge a par ailleurs relevé que le prêteur, spécialiste de la distribution du crédit affecté dans le cadre d'un démarchage à domicile, a été en mesure de constater que le contrat de vente n'était pas conforme aux dispositions du code de la consommation, et a manqué à ses obligations en libérant le capital emprunté sans procéder aux vérifications de la régularité du contrat principal, et considéré que les emprunteurs ont subi un préjudice consistant à ne pas pouvoir obtenir auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire Ia restitution du prix de vente du matériel, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de Ia banque, ce qui justifie qu'elle soit privée de sa créance de restitution du capital emprunté, l'absence de restitution du capital emprunté permettant de réparer l'intégralité du préjudice subi par M. et Mme [R].

Le premier juge a in fine prononcé la condamnation de la société Franfinance à restituer Ies sommes versées par Ies emprunteurs, constater le caractère sans objet des demandes subsidiaires formées par ces derniers et a rejeté leur demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral en l'absence de preuve d'un préjudice distinct.

Par déclaration enregistrée au greffe le 6 janvier 2025, la SA Franfinance a interjeté appel dudit jugement et a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la Selarl Athena prise en la personne de Mme [J] [B], en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS SVH Energie par acte d'huissier délivré à personne morale les 21 février et 10 avril 2025. M. et Mme [R] ont pour leur part fait signifier leurs conclusions le 9 mai 2025.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 9 septembre 2025.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 25 juillet 2025, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, la SA Franfinance demande à la cour de :

- réformer le jugement du juge des contentieux de la protection de [Localité 7] du 29 novembre 2024 sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts formée par M. et Mme [R] à son encontre,

En conséquence et statuant à nouveau :

- condamner solidairement M. et Mme [R] à lui régler la somme de 35.706,80 euros, déduction faite des sommes déjà versées,

subsidiairement, si par extraordinaire, la cour devait considérer qu'elle a commis une faute la privant de son droit à restitution,

- ordonner l'inscription au passif de la société SVH Energie de la somme de 35.706,80 euros, représentant le montant du capital et des intérêts escomptés,

En toute hypothèse,

- débouter M. et Mme [R] de l'intégralité de leurs demandes,

- condamner, au titre de la première instance, in solidum M. et Mme [R] à lui régler la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance,

- condamner Mme [J] [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de Ia société SVH Energie à la garantir de l'intégralité des condamnations mises à sa charge,

- condamner, au titre de Ia procédure d'appeI, M. et Mme [R] à lui régler in solidum la somme de 2800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que Ies dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct dans Ies conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que le contrat litigieux ne contrevient nullement aux dispositions du code de la consommation, le bon de commande étant conforme aux exigences légales applicables en la matière,

que les juridictions françaises estiment de façon constante et claire que les contrats consentis par la société SVH Energie sont conformes aux dispositions du code de la consommation,

que s'agissant des délais de livraison et d'exécution, le bon de commande comporte une mention à cet égard,

qu'en l'absence de choix mentionné, il est cohérent de considérer l'option la plus longue pour le client, soit 'entre le 15e et le 30e jour suivant la livraison des produits' 'dans un délai maximum de 5 mois',

que concernant I'indication des coordonnées du mediateur de Ia consommation, M. et Mme [R] n'indiquent pas quelles conséquences ils entendent tirer de l'argumentation qu'ils developpent, étant précisé que la nullité ne saurait être prononcée pour ce motif,

que s'agissant du prix, la jurisprudence pose comme principe que le bon de commande n'a pas à détailler le prix de chaque produit ou de chaque prestation,

qu'en ce qui concerne le numéro individuel d'identification de la taxe sur la valeur ajoutée du vendeur, cette information obéit au régime des dispositions de l'article R. 111-2 du code de la consommation, pris pour l'application de l'article L. 111-2, selon lequel le professionnel n'a pas l'obligation de communiquer cette information lors de la vente dans ses documents contractuels ou pré-contractuels, mais seulement de mettre celle-ci à la disposition du consommateur,

que s'agissant du droit de rétractation, la nullité ne saurait être encourue, l'article L 221-20 du code de la consommation ne prévoyant pas cette sanction,

que la rentabilité économique d'une installation photovoltaïque ne constitue une caractéristique essentielle de celle-ci qu'à la condition que les parties l'aient fait entrer dans le champ contractuel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce dès lors que le bon de commande ne comporte aucune mention concernant une telle rentabilité ou un autofinancement,

que M. et Mme [R] ne font état d'aucune doléance sur le fonctionnement de l'installation et plus particulièrement de la pompe à chaleur,

qu'ils ne sauraient obtenir la résolution du contrat de vente, alors qu'ils se contentent de procéder par voie d'affirmation,

qu'au contraire, ils ont procédé à de nombreux actes tant positifs que d'abstention qui manifestent leur volonté de se prévaloir de la confirmation des prétendues nullités,

que sur les demandes de restitution entre le vendeur et les demandeurs, elle s'en rapporte à justice,

que le jugement devra être infirmé en ce qu'il a dit que le prêteur doit être privé de son droit à restitution du capital, alors qu'elle n'a pas manqué à ses obligations en libérant le capital emprunté sans procéder aux vérifications de la régularité du contrat,

qu'aucune cause de nullité n'affectant le contrat de vente initial n'étant carcatérisée, aucune faute de la banque ne saurait être retenue,

que M. et Mme [R] ont attesté avoir obtenu une livraison totale de l'installation et l'ont ainsi autorisée à débloquer les fonds au profit du vendeur,

que la Cour de cassation rappelle régulièrement que la banque dispensatrice de crédit, qui n'a pas à s'immiscer dans les affaires de son client pour apprécier l'opportunité des opérations auxquelles il procède, n'est pas tenue en cette qualité d'une obligation de conseil envers l'emprunteur, sauf si elle en a pris l'engagement, ni d'une obligation de mise en garde sur les risques de l'opération financée,

qu'elle retient également que « ne commet pas de faute, le prêteur qui verse les fonds au vendeur au vu d'un bon attestant de la bonne livraison. »,

que la faute des emprunteurs devra être retenue pour avoir réceptionné sans restriction ni réserve le bien objet du financement conforme au bon de commande,

qu'en outre, M. et Mme [R] n'établissent la preuve d'aucun préjudice, ni que la pompe à chaleur ne serait pas fonctionnelle,

que ce préjudice ne saurait être caractérisé par le fait qu'ils ne pourront obtenir auprès du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel,

qu'une jurisprudence récente est venue rappeler que si le vendeur en liquidation judiciaire ne récupérerait pas son matériel, il ne pouvait y avoir de privation de restitution du capital pour le prêteur en l'absence de préjudice des acheteurs qui conservent leur installation (Cour d'appel de Paris 19 septembre 2024, RG n°23/02003 - 10 octobre 2024, RG n°23/01605),

Sur les demandes subsidiaires, qu'elle n'a pas manqué à son devoir de mise en garde en cas de risque manifeste de surendettement, alors que M. et Mme [R] ont rempli la fiche de dialogue et que les éléments déclarés ont été justifiés par la production des avis d'imposition et des justificatifs de ressources,

qu'elle n'avait pas à les aviser de risques prétendus relatifs aux installations photovoltaïques, au regard de promesses d'autofinancement non établies en l'espèce, alors en outre qu'elle n'a pas à s'immiscer dans les relations de son client avec les tiers,

qu'ils ont parfaitement pu respecter le remboursement de leurs échéances contractuelles,

qu'elle n'a pas non plus manqué à son obligation d'information et de conseil

que la jurisprudence instaure une présomption d'existence et de régularité de la fiche d'information précontractuelle, présomption qui ne peut être combattue que par la démonstration émanant du débiteur de son irrégularité, de telle sorte qu'aucune déchéance du droit aux intérêts ne peut être encourue,

que sur la formation de l'intermédiaire de crédit, la mention de l'identité figure sur le contrat de crédit, et l'obligation de produire l'attestation de formation pèse sur l'employeur de l'intermédiaire de crédit et non sur la banque,

qu'ils ne subissent aucun préjudice moral du fait du comportement fautif qui pourrait lui être reproché justifiant l'octroi de dommages-intérêts.

Dans l'hypothèse où la nullité du contrat de vente et celle du contrat de crédit seraient confirmées, elle sollicite l'inscription au passif de la société des sommes résultant des condamnations qui pourraient être mises à sa charge.

Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 5 mai 2025, auxquelles il convient de se référer pour l'exposé des motifs, M. et Mme [R] demandent à la cour de :

A titre principal :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 29 novembre 2024 rendu par le juge des contentieux de la protection près le tribunal de proximité de Bernay;

A titre d'appel incident,

infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté leur demande de dommages et interets formée à l'encontre de la société anonyme Franfinance,

En conséquence, statuant à nouveau :

les juger recevables et bien-fondés en leurs demandes,

A titre principal:

Juger que le bon de commande signé le 22 novembre 2018 ne satisfait pas Ies mentions obligatoires prévues en matière de démarchage à domicile,

Juger que leur consentement a été vicié pour cause d'erreur sur la rentabilité économique de l'opération,

En conséquence,

Juger qu'ils n'étaient pas informés des vices et n'ont jamais eu l'intention de Ies réparer ni eu la volonté de confirmer I'acte nul,

Et par conséquent .

Juger que la nullité du bon de commande du 22 novembre 2018 n'a fait I'objet d'aucune confirmation,

A titre subsidiaire: .

Juger que Ia société SVH Energie n'a pas exécuté ses obligations découlant du bon de commande du 22 novembre 2018,

Juger que I'inexécution de la société SVH Energie est suffisamment grave,

Prononcer la résolution du contrat de vente conclu le 22 novembre 2018 avec la société SVH Energie,

En conséquence de l'annulation ou la résolution du contrat principal :

Juger qu'ils tiennent le matériel à disposition de la société SVH Energie, représentée par Mme [J] [B],

Juger qu'à défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, la société SVH Energie est réputée y avoir renoncé,

Prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 22 novembre 2018 avec l'établissement bancaire Franfinance,

Juger que l'établissement bancaire Franfinance a commis une faute Iors du déblocage des fonds au bénéfice de la société SVH Energie,

Juger qu'ils justifient d'un préjudice en lien avec les fautes de la banque,

Juger que l'établissement bancaire Franfinance est privé de son droit à réclamer restitution du capital prêté,

Condamner l'établissement bancaire Franfinance, à restituer l'intégralité des sommes qu'ils ont versées au titre du capital, des intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit affecté du 22 novembre 2018, soit la somme de 9.031 ,72 euros, à parfaire,

A titre subsidiaire :

Juger que l'établissement bancaire Franfinance a manqué à son devoir de mise en garde,

Condamner l'établissement bancaire Franfinance à leur payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif,

Juger que l'établissement bancaire Franfinance a manqué a son obligation d'information et de conseil,

Prononcer la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 22 novembre 2018 et condamner l'établissement bancaire à leur rembourser l'intégralité des intérêts, frais et accessoires déjà versés,

A titre infiniment subsidiaire:

Juger que si la banque ne devait être privée que de son droit à percevoir Ies intérêts, frais et accessoires du prêt ils continueront de rembourser mensuellement le prêt sur la base d'un nouveau tableau d'amortissement produit par la banque,

En tout état de cause :

Condamner l'établissement bancaire Franfinance à leur payer la somme de 5000 euros au titre de leur préjudice moral,

débouter la société SVH Energie et l'établissement bancaire Franfinance de l'intégralité de leurs demandes,

condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de pRémière instance et d'appel.

M. et Mme [R] font valoir que la nullité du contrat de vente est encourue pour méconnaissance des dispositions du code de Ia consommation, le bon de commande étant affecté de nombreux vices relativement aux mentions obligatoires devant y figurer en application des dispositions d'ordre public dudit code,

que le bon de commande est en réalité un formulaire prérempli, de manière succincte et générale, comprenant des cases à cocher, et comprenant donc très peu d'informations personnalisées,

qu'il est mentionné au titre de la marque 'pack GSE Solar' puis 'GSE Solar', sans que ne soient précisés le modèle et les références des panneaux dans cette marque, ni les caractéristiques essentielles, comme le poids, la superficie, la puissance globale des panneaux, leur catégorie monocristallin ou polycristallin,

qu'il n'est pas non plus précisé par les modalités d'installation des panneaux,

que le contrat de vente se limite à mentionner la fourniture d'un onduleur et d'une pompe à chaleur, sans la moindre indication quant à ses caractéristiques essentielles,

qu'en outre, les conditions générales sont retranscrites en très petits caractères et sont en grande partie illisibles

qu'en ce qui concerne Ie délai et les modalités de livraison des biens, le bon de commande ne répond pas aux exigences de l'article L 111-1 3° du code de la consommation, en ce qu'il ne renseigne pas suffisamment le consommateur sur le délai de livraison et d'exécution de travaux, alors que le vendeur prend en outre en charge les démarches administratives auprès d'ERDF et le raccordement au réseau électrique,

qu'il n'est pas mentionné le prix de chaque élément ni celui de la pose du matériel,

que les coordonnées du médiateur n'y figurent pas non plus, ni le numéro d'identification d'assujettissement à Ia TVA du vendeur,

que le bon de commande contient également une mention erroneé quant au point de depart de la faculté de se rétracter, le bordereau de rétractation ne contenant aucune information sur la durée et le point de départ du délai de rétractation.

Ils indiquent que si la cour devait infirmer le jugement de première instance en ce qu'il a prononcé la nullité du bon de commande en violation des dispositions du code de la consommation, il conviendra de retenir que leur consentement a été vicié pour cause d'erreur sur la rentabilité économique de l'opération,

que la rentabilité a constitué un élément essentiel du contrat et déterminant de leur consentement obtenu alors que la société venderesse a présenté l'opération comme autofinancée par le rendement du matériel livré qu'ils n'auraient pas acquis à un prix aussi élevé sans la promesse d'une rentabilité économique, laquelle n'a pas été tenue ainsi que cela résulte du rapport d'expertise sur investissement établi le 27 juin 2022 par M. [O] [U], expert mathématique et financier.

que l'absence d'opposition à l'installation, l'absence d'exercice du droit de rétractation alors que le bon de commande est du reste entaché d'irrégularités, la signature d'un document de réception sans réserve et son envoi à la banque valant demande de déblocage des fonds, ou encore le paiement des échéances du contrat de crédit ne sauraient valoir confirmation du bon de commande litigieux et couvrir la nullité de l'acte.

Ils font valoir qu'en application des dispositions des articles 1186 du code civil et L. 312-55 du code de Ia consommation, en conséquence de l'annulation du contrat de vente du 22 novembre 2018, le contrat de crédit affecté à cette vente devra être également annulé,

qu'aux termes d'une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la banque doit être déchue de sa créance de restitution du capital emprunté, dès lors qu'elle a procédé au déblocage des fonds, sans s'assurer de la régularité formelle du contrat principal, de l'exécution de la prestation ou encore du bon fonctionnement de l'installation,

que la privation de la créance de restitution de la banque revêt un caractère hautement dissuasif pour l'établissement financier et est conforme au droit européen, préconisant l'application de sanctions en cas de violation des règles régissant les crédits aux consommateurs qui doivent être « effectives, proportionnées et dissuasives. » (article 23 de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs),

qu'ils justifient de l'existence d'aucun préjudice en lien avec la faute commise invoquant une récente jurisprudence de la Cour de cassation qui a retenu au cas de liquidation judiciaire du vendeur, ne permettant pas au consommateur de se retourner contre ce dernier pour obtenir la restitution du prix de vente, que le consommateur, privé de la contrepartie de Ia restitution du bien vendu, justifiait d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de services annulé en lien de causalité avec la faute de la banque.(Cour de cassation, chambre civile 1, 10 juiIIet 2024, 23-16.303).

Ils expliquent qu'en raison de l'annulation du contrat et de la liquidation judiciaire du vendeur, ils ne peuvent espérer une remise en état initial de leur bien immobilier ni une restitution du prix, et sont soumis au choix du liquidateur qui décidera ou non de la restitution du matériel,

que leur préjudice est d'autant plus caractérisé que l'installation présente des dysfonctionnements, qu'ainsi, la pompe à chaleur installée, non conforme au bon de commande, ne fonctionne pas et il leur est impossible de leur électricité en l'absence changement de compteur.

Ils s'estiment fondés à solliciter le remboursement de la somme totale de 9031,72 euros correspondant aux mensualités du prêt en principal, intérêts et accessoires.

A titre subsidiaire, ils soutiennent que la banque a manqué à son devoir de mise en garde et à son obligation d'information et de conseil envers un emprunteur non averti,

qu'ils n'ont pas été informés préalablement à la conclusion du contrat de crédit affecté des éléments leur permettant de s'engager en toute connaissance de cause ainsi que des difficultés financières liées au remboursement du prêt finançant une installation non rentable, de sorte que la responsabilite contractuelle de la banque est engagée et justifie l'allocation d'une somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire un prêt excessif.

Ils ajoutent que l'établissement bancaire n'a pas vérifié leurs capacités financières et ne leur a pas apporté des explications personnalisées et adaptées à leur situation, ainsi que prescrit par l'article L 341-2 du code de la consommation

qu'il devra justifier que l'intermédiaire de crédit intervenu à leur domicile avait bien reçu la formation obligatoire pour ce type d'opérations.

que les informations précontractuelles prescrites à l'article R. 312-2 : 1° du code précité relatives à 'l'identité, l'adresse du prêteur ainsi que, le cas échéant, l'identité et l'adresse de l'intermédiaire de crédit concerné' ne sont pas précisées.

que du fait de ces manquements, la déchéance du droit aux intérêts devra être prononcée.

Ils indiquent avoir en tout etat de cause, subi un préjudice moral qu'ils évaluent à la somme de 5000 euros, en raison du comportement particulièrement fautif de la banque, s'étant endettés sur 14 années pour financer une installation qui s'est avérée peu rentable.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1- Sur la nullité du contrat conclu entre la société SVH Energie et M. et Mme [R]

La SA Franfinance reproche au premier juge d'avoir annulé le contrat de vente aux motifs qu'il ne comportait pas la marque ou la puissance de l'onduleur, ni la puissance ou les caractéristiques essentielles de la pompe à chaleur.

Elle indique que le bon de commande rappelle que les acheteurs sont restés en possession d'un double du bon de commande et de la plaquette commerciale de la société reprenant le descriptif précis des packs souscrits, qu'ils n'ont jamais dénié posséder, qu'ils ont donc pu connaître avec précision le détail et les caractéristiques des biens commandés qui ont été livrés et installés avant de signer l'attestation de fin de travaux.

Aux termes de l'article L. 221-9 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.

L'article L. 221-5 du même code indique que, 'préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ; [...]

Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L.112-4 ;

3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;

5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;

6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.

La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat [...].

Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement.

L'article L. 242-1 du code de la consommation dans sa version applicable au litige prévoit que les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

En l'espèce, il résulte du bon de commande signé le 22 novembre 2018 que celui-ci a été signé hors établissement dans le cadre d'un démarchage à domicile, concernant la vente et la pose de dix modules photovoltaïques et d'une pompe à chaleur.

S'il est acquis que le prix global de l'opération est suffisant et que le contrat n'a pas à entrer dans le détail du prix unitaire des biens ou à faire la distinction entre le coût de la main d'ouvre et le coût des biens objets du contrat et si l'erreur qui affecte le délai de rétractation n'est pas sanctionnée par la nullité du contrat, ledit délai s'en trouvant prorogé, le premier juge a justement relevé que le bon de commande ne mentionne pas les caractéristiques essentielles des biens vendus puisque, si la marque et la puissance globale des panneaux est bien indiquée, il n'est pas précisé la marque des onduleurs, étant seulement mentionné 'micro onduleur enphase', ni la puissance, l'espace prévu ayant été laissé vierge et que quant à la pompe à chaleur, il est simplement indiqué : Pack GSE Pac'System 'pompe à chaleur A/E incluant une centrale de traitement de l'air, installation incluse', sans autre précision.

L'absence de ces caractéristiques essentielles tant en ce qui concerne la centrale solaire que la pompe à chaleur ne permettait pas aux acquéreurs de se renseigner auprès d'autres professionnels afin de comparer cette offre avec d'autres propositions et d'exercer leur droit à rétractation.

Le bon de commande méconnaît donc les dispositions de l'article L. 221-5 du code de la consommation, n'étant pas justifié de la remise d'une plaquette commerciale explicitant dans le détail les éléments commandés, étant observé que le bon de commande doit se suffire à lui-même.

Le premier juge a également à juste titre relevé l'absence de précision quant au délai de livraison et d'exécution des travaux fixés alors que le bon de commande prévoit :

'Pré-visite : La visite du technicien interviendra au plus tard dans les 2 mois à compter de la signature du bon de commande.

Livraison des produits : La livraison des produits interviendra dans les 3 mois de la pré-visite du technicien.

Installation des produits : L'installation des produits sera réalisée :

Option 1 : entre le 15e et le 30e jour suivant la livraison des produits (stockage des produits et transfert des risques chez le client)

Option 2 : le jour de la livraison des produits (cf. article 4 des conditions générales de vente)

Délai de raccordement et de mise en service (offre pack GSE Solar) = SVH Energie s'engage à adresser la demande de raccordement auprès d'ERDF et/ou des régies d'électricité des réceptions du récépissé de la déclaration préalable de travaux et à procéder au règlement du devis. Une fois Ies travaux de raccordement de l'installation réalisés, la mise en service pourra intervenir dans Ies délais fixés par ERDF et/ou Ies régies d'électricité.'.

Il est en effet établi que le respect de cette obligation n'est pas rempli s'il n'existe pas de calendrier prévisionnel des prestations promises, alors que le contrat conclu implique des opérations à la fois matérielles de livraison et d'installation du matériel commandé, mais également des démarches administratives.

M. et Mme [R] n'ont donc pas été mis en mesure de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécuterait les différentes phases du contrat, et notamment celle de pose des modules et celle de réalisation des prestations à caractère administratif, ce conformément aux dispositions de l'article L 111-1 3° du code de la consommation, dès lors que les possibles dates de livraison prévues au bon de commande ne sont pas remplies par les époux [R], la circonstance tenant au fait qu'aucune des options prévues à la page « modalités » du bon de commande n'est cochée, n'étant pas constitutive d'une absence de précision, mais équivalant à l'absence d'information requise par l'article L. 111-1 susmentionné.

Il s'ensuit que la nullité du bon de commande est également encourue de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner le surplus des moyens et d'aborder en particulier les demandes formées à titre subsidiaire et infiniment subsidiaire, de résolution du contrat principal sur le fondement du vice du consentement en raison d'une erreur sur la rentabilité économique de l'opération, au demeurant non établie, le bon de commande mettant en exergue la seule possibilité d'une autoconsommation et non de revente du surplus d'Energie, ou en raison de manquements graves dans l'exécution par le vendeur de ses obligations et celles liées à la déchéance du droit aux intérêts de la banque.

2 - Sur la confirmation de la nullité

La SA Franfinance soutient qu'à supposer démontrées les causes de nullité du contrat de prestation et fourniture de biens et services conclu avec la société SVH Energie, M. et Mme [R] ont couvert ces nullités en exécutant volontairement et spontanément le contrat de prestation de services, en réceptionnant sans réserve ni grief les travaux et prestations accomplis, en l'autorisant expressément à verser une somme de 27.090 euros à la société SVH Energie, en régularisant un mandat de prélèvement, en ayant régulièrement réglé leurs échéances contractuelles, qu'ils se sont de plus vus remettre, lors de la conclusion du contrat de vente, un bon de commande comportant des mentions au recto et au verso, leur permettant de prendre conscience des éventuels vices l'affectant et de renoncer au contrat.

Aux termes de l'article 1182 du code civil applicable en l'espèce, 'la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.

La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.

L'exécution volontaire emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers'

Si la nullité relative peut être couverte tacitement par l'exécution volontaire du contrat au visa de l'article 1182 précité, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est néanmoins subordonnée à la preuve que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer.

Il sera précisé que la nullité encourue sur le fondement des articles L.221-5 et L. 111-1 du code de la consommation est relative.

À titre liminaire, le seul rappel des textes au verso du bon de commande ne permet pas de considérer que M. et Mme [R], clients profanes dans le domaine du photovoltaïque, avaient connaissance de l'irrégularité susvisée (Civ., 1ère, 24 janvier 2024 n°22-19.339).

Ni l'attestation de livraison et d'installation signée le 28 juin 2019 aux termes de laquelle ils reconnaissent que le bien a été livré et installé, en conformité avec le bon de commande signé, ni l'encaissement du chèque de remise, ne permettent suffisamment d'établir que les époux [R] ont voulu, en juin 2019, en connaissance de cause, ratifier le bon de commande signé le 22 novembre 2018 et entaché de nullité, lequel contenait ainsi que l'a au demeurant relevé le premier juge, la reproduction des conditions générales par l'utilisation d'une police formée de très petits caractères les rendant en grande partie illisibles, peu important que les époux [R] n'aient pas exercé leur droit de rétractation, délai de réflexion accordé au consommateur sans considération de l'existence ou non d'un vice et peu important qu'ils n'aient pas immédiatement manifesté leur opposition.

Il conviendra en conséquence de prononcer l'annulation du bon de commande conclu le 22 novembre 2018 avec la SASU SVH Energie, représentée par son liquidateur, la Selarl Athena.

3 - Sur les conséquences de la nullité du contrat principal et du contrat de crédit affecté

L'article 1178 du code civil dispose qu'un contrat qui ne remplit pas les conditions requises pour sa validité est nul. La nullité doit être prononcée par le juge, à moins que les parties ne la constatent d'un commun accord.

Le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé.

Les prestations exécutées donnent ainsi lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9 du code précité.

L'annulation d'un contrat entraîne normalement la remise des parties en l'état antérieur à sa conclusion.

Le premier juge, appliquant les règles ci-avant exposées, a pu justement décider que la liquidation judiciaire de la SASU SVH Energie, représentée par son liquidateur, la Selarl Athena, en sa qualité de mandataire liquidateur devra informer M. et Mme [R] de ses intentions quant au sort du matériel selon les modalités et dans les délais prévus au jugement, mais prenant effet à compter de la signification de la présente décision et indiquer qu'à défaut de reprise du matériel dans ce délai, M. et Mme [R] pourront en disposer à leur gré en l`état.

Par ailleurs, aux termes de l'article L. 312-55 du code de la consommation, en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur.

Il est constant que l'annulation d'un contrat de crédit affecté, en conséquence de celle d'un contrat de vente, emporte pour l'emprunteur l'obligation de rembourser à la banque le capital emprunté, sauf en cas d'absence de livraison du bien vendu ou de faute de la banque dans la remise des fonds prêtés présentant un lien causal avec le préjudice subi par l'emprunteur. Toutefois, l'emprunteur demeure tenu de restituer ce capital, dès lors qu'il n'a subi aucun préjudice causé par la faute de la banque (Civ 1ère, 11 mars 2020,18-26.189 ; Cass. Civ. 1ère, 2 février 2022, n° 20-17.066).

Il est en outre admis que le banquier commet une faute en débloquant les fonds sans s'être assuré de la régularité formelle du contrat principal au regard des dispositions protectrices du consentement du consommateur ou de sa complète exécution ( Cass. Civ. 1ère, 10 décembre 2014, n° 13-26.585, 14-12.290 ; Cass. Civ. 1ère, 26 septembre 2018, n° 17-14.951), et qu'une telle faute est de nature à le priver en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l'emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Cass. Civ. 1ère, 7 décembre 2022, n° 21-21.389), étant ajouté que, si la banque n'est pas tenue de se livrer à un examen approfondi du bon de commande au regard de la réglementation applicable en matière de démarchage à domicile ou de la jurisprudence, il lui incombe de s'assurer, avant de débloquer les fonds, que le bon de commande n'est pas entaché d'une irrégularité manifeste.

S'agissant des conséquences qu'il convient de tirer de la faute commise par la banque, la Cour de cassation juge désormais que si, en principe, à la suite de l'annulation de la vente, l'emprunteur obtient du vendeur la restitution du prix, de sorte que l'obligation de restituer le capital à la banque ne constitue pas, en soi, un préjudice réparable, il en va différemment lorsque le vendeur est en liquidation judiciaire. Considérant que des suites de l'annulation du contrat de vente, l'emprunteur n'est plus propriétaire de l'installation qu'il avait acquise, laquelle doit pouvoir être restituée au vendeur ou retirée pour éviter des frais d'entretien ou de réparation et que l'impossibilité pour l'emprunteur d'obtenir la restitution du prix est, selon le principe d'équivalence des conditions, une conséquence de la faute de la banque dans l'examen du contrat principal, la Cour de cassation pose pour principe que lorsque la restitution du prix à laquelle le vendeur est condamné, par suite de l'annulation du contrat de vente ou de prestation de service, est devenue impossible du fait de l'insolvabilité du vendeur ou du prestataire, l'emprunteur, privé de la contrepartie de la restitution du bien vendu, justifie d'une perte subie équivalente au montant du crédit souscrit pour le financement du prix du contrat de vente ou de prestation de services annulé en lien de causalité avec la faute de la banque qui, avant de verser au vendeur le capital emprunté, n'a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal, et ce, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation (Cass. Civ. 1ère, 10 juillet 2024, n°22-24.754).

En l'espèce, le premier juge a prononcé la nullité du contrat principal en raison des irrégularités formelles affectant le bon de commande, et retenu une faute de la banque, qui n'a pas vérifié que l'opération qu'elle finançait était conforme aux dispositions légales sur le démarchage à domicile et ne s`est pas non plus assurée de la parfaite exécution du contrat. La banque conteste pour sa part tout manquement.

En sa qualité de professionnelle du crédit à la consommation, la banque aurait pu déceler la nullité manifeste du bon de commande, avant d'accorder le prêt, puis de libérer les fonds, si elle avait procédé; comme elle le devait, à la vérification de la validité du contrat principal au regard des dispositions impératives du code de la consommation.

La faute du prêteur a en conséquence participé à la nullité de ce contrat entaché d'irrégularités manifestes et est de nature à le priver de sa créance de restitution, sous réserve de la démonstration par M. et Mme [R] d'un préjudice et d'un lien de causalité entre la faute de la banque et ce préjudice.

En l'espèce, il n'est pas discutable que la société SVH Energie a été placée en liquidation judiciaire suivant jugement du tribunal de commerce d'Angers le 23 juin 2021, que M. et Mme [R] ont subi un préjudice, indépendamment de l'état de fonctionnement de l'installation, consistant à ne pas pouvoir obtenir du vendeur placé en liquidation judiciaire, la restitution du prix de vente du matériel dont ils ne sont plus propriétaires, et qu'ils sont tenus de restituer, alors qu'ils ne sont plus en mesure de déclarer leur créance, préjudice qui n'aurait pas été subi sans la faute de la banque qui a financé auprès du fournisseur un contrat manifestement nul.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que M. et Mme [R] ne seront pas tenus de rembourser le crédit affecté, cette absence de restitution du capital emprunté réparant l'intégralité du préjudice qu'ils ont subi et en ce qu'il a condamné la SA Franfinance à leur payer la somme de 9031,72 euros au titre des mensualités du prêt, en principal, intérêts et frais, avec intérêts au taux légal à compter de la décision.

4 - Sur la demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral

En application de l'article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Au cas d'espèce, il n'est pas justifié d'un préjudice distinct qui ne soit déjà réparé par la dispense de restitution du capital emprunté de sorte que la demande indemnitaire formulée par M. et Mme [R] sera rejetée, par confirmation du jugement entrepris.

5 - Sur la demande d'inscription au passif de la société SVH Energie

La demande d'inscription au passif formée par la SA Franfinance de la somme de 35.706,80 euros, représentant le montant du capital et des intérêts escomptés est sans objet et en tout état de cause infondée.

6 - Sur les frais du procès

Le sort des dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ont été exactement appréciés par le premier juge. Il convient de confirmer la décision de ces chefs.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la SA Franfinance sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2000 euros, la SA Franfinance étant déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ses dispositions soumises à la cour sauf à préciser les modalités et délais de remise du matériel des suites de l'appel,

Statuant à nouveau de ce chef,

Dit que la SASU SVH Energie, représentée par son liquidateur, la Selarl Athena, en la personne de M. [B], mandataire liquidateur, devra informer M. [G] [R] et Mme [T] [L], épouse [R] de ses intentions quant au sort du matériel dans le délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt,

Y ajoutant,

Condamne la SA Franfinance aux dépens d'appel,

Condamne la SA Franfinance à payer à M. [G] [R] et Mme [T] [L], épouse [R] la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SA Franfinance de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

© LIVV - 2025

 

[email protected]

CGUCGVMentions légalesPlan du site