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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 9 - a, 20 novembre 2025, n° 24/14367

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 24/14367

20 novembre 2025

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A

ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2025

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/14367 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJ4ZK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 mai 2024 - Juge des contentieux de la protection de PANTIN - RG n° 23/01472

APPELANTS

Monsieur [T] [Z]

né le 8 octobre 1947 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Aïchata BA, avocat au barreau de PARIS

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de DOUAI

Madame [M] [Z]

née le 12 juillet 1951 à [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Aïchata BA, avocat au barreau de PARIS

ayant pour avocat plaidant Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉES

La SAS TROISEL, SAS prise en la personne de son représentant légal domicilié en

cette qualité audit siège

N° SIRET : 508 367 646 00025

[Adresse 2]

[Localité 6]

DÉFAILLANTE

La société CA CONSUMER FINANCE, société anonyme agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 542 097 522 03309

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

- DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 23 avril 2014, dans le cadre d'un démarchage à domicile, M. [T] [Z] a acquis de la société Troisel une installation photovoltaïque au prix de 31 000 euros.

Cet équipement a été financé au moyen d'un crédit affecté de même montant souscrit le même jour auprès de la société Sofinco aux droits de laquelle vient désormais la société CA Consumer Finance, par M. [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z], remboursable après un différé de 11 mois en 144 mensualités de 323,96 euros chacune hors assurance au taux contractuel annuel de 5,978 % soit un TAEG de 6,40 %.

Les panneaux photovoltaïques ont été installés le 5 novembre 2014 et les fonds ont été débloqués au profit du vendeur sur la base d'une fiche d'installation validée par M. [Z] et sur la base d'une demande de financement du même jour.

Le raccordement au réseau électrique a été effectué et de l'électricité est revendue, la première facture de revente d'électricité ayant été émise le 20 mai 2015 alors que le contrat d'achat de l'énergie produite remonte au 18 novembre 2014.

Les époux [Z] ont soldé l'intégralité du crédit par remboursement anticipé du 17 juillet 2015.

Par actes de commissaire de justice des 30 août et 15 septembre 2023, M. et Mme [Z] ont fait assigner les sociétés Troisel et CA Consumer Finance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pantin en nullité du contrat de vente et subséquemment du contrat de crédit, privation de la banque de sa créance de restitution au regard des fautes commises et condamnation à leur payer le prix de vente de l'installation, les intérêts et frais payés en exécution du contrat de prêt, un préjudice moral évalué à 5 000 euros et une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 21 mai 2024 auquel il convient de se reporter, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Pantin a :

- déclaré irrecevable comme prescrite l'action en nullité et responsabilité exercée par M. et Mme [Z],

- condamné in solidum M. et Mme [Z] aux dépens et à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé s'agissant du dol fondé sur une présentation fallacieuse de la rentabilité et d'une fausse promesse d'un autofinancement, que la date à prendre en compte était celle de la première facture soit celle du 20 mai 2015 de telle sorte que la prescription était acquise au moment de l'assignation en 2023.

S'agissant de la nullité formelle, il a considéré que les différentes étapes de l'installation avaient duré plusieurs mois du 23 avril 2014 au 19 novembre 2014 date de la facturation des matériels, au cours desquelles les équipements avaient été livrés, installés et acceptés, avec déblocage des fonds, délivrance des autorisations administratives, et signature d'un contrat de rachat d'énergie avec EDF, et que cette période était suffisante pour que les acquéreurs puissent tirer les conséquences d'éventuelles irrégularités du contrat de sorte que le délai de prescription était expiré depuis le 19 novembre 2019, prenant comme point de départ du délai la facture émise le 19 novembre 2014.

S'agissant de l'action en responsabilité à l'encontre de la banque, il a relevé que les fonds avaient été débloqués le 28 novembre 2014 de sorte que l'action était également prescrite.

Par déclaration électronique du 31 juillet 2024, M. et Mme [Z] ont interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions n° 2 déposée électroniquement le 3 juin 2025 auxquelles il convient de se rapporter, ils demandent à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau au besoin en y ajoutant,

- de déclarer leurs demandes recevables et bien fondées,

- de prononcer la nullité du contrat de vente conclu avec la société Troisel,

- de condamner la société Troisel à procéder à ses frais à l'enlèvement de l'installation litigieuse et à la remise en état de l'immeuble,

- de prononcer en conséquence la nullité du contrat de crédit,

- de condamner la société CA Consumer Finance à leur restituer l'intégralité des mensualités du prêt versées entre les mains de la banque, à savoir les sommes de :

- 31 000 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- 20 114,24 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par eux en exécution du prêt souscrit,

- en tout état de cause, de prononcer la déchéance du droit aux intérêts,

- de condamner solidairement les deux sociétés à leur payer les sommes de :

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société CA Consumer Finance et la société Troisel de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires,

- de les condamner solidairement à supporter les dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions déposées électroniquement le 11 juin 2025 auxquelles il convient de se rapporter, la société CA Consumer Finance demande à la cour :

à titre principal,

- de confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

subsidiairement, et pour le cas où la cour d'appel considérerait que l'action des époux [Z] n'est pas prescrite,

- de les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

à titre encore plus subsidiaire et pour le cas où la cour d'appel viendrait à prononcer la résolution et l'annulation du contrat de vente et, par voie de conséquence, la résolution et l'annulation du contrat de prêt,

- de juger qu'elle avait droit au remboursement du capital prêté de sorte qu'il n'y a lieu à aucune restitution,

- de débouter les appelants de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

- en tout état de cause, de condamner solidairement M. et Mme [Z] aux dépens et à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La déclaration d'appel et les conclusions de M. et Mme [Z] ont été signifiées à la société Troisel par acte du 18 octobre 2024 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile. Cette société n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 juin 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 24 septembre 2025 pour être mise en délibéré au 20 novembre 2025.

La cour ayant constaté à l'audience du 24 septembre 2025, que la copie du bon de commande en noir et blanc produite était difficilement lisible, il a été demandé au conseil des appelants de produire sous huitaine l'original du bon de commande ou une copie lisible.

Le 29 septembre 2025, le conseil de M. et Mme [Z] a indiqué que ses clients n'avaient plus en leur possession l'original du bon de commande et a produit une nouvelle copie en noir et blanc du dit bon de commande.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente conclu le 23 avril 2014 entre la société Troisel et M. [Z] est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur rédaction en vigueur au jour du contrat, issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993, dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile,

- que le contrat de crédit affecté conclu le même jour entre M. et Mme [Z] et la société Sofinco est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité des demandes

En nullité des contrats

La banque soulève la prescription de l'action en nullité formelle comme de l'action en nullité pour dol en soutenant que le point de départ du délai de prescription de l'action en nullité du contrat principal pour méconnaissance des dispositions de l'ancien article L. 121-23 du code de la consommation doit être fixé au jour de la signature du contrat puisque, à ce moment, l'acquéreur était en mesure de vérifier la conformité du bon de commande à ces dispositions, et qu'il semble évident que les époux [Z] n'ont pas pu mettre 10 ans pour s'apercevoir d'une prétendue irrégularité.

S'agissant du dol, elle soutient que les appelants ont eux-mêmes produit aux débats les factures de revente d'électricité à EDF et ce, dès la première datant du 21 mai 2015 pour la période du 21 mai 2014 au 20 mai 2015 de sorte que dès cette date, ils ont été en mesure d'apprécier la prétendue absence de rentabilité qu'ils invoquent ce qui rend leur action engagée en 2023 largement prescrite. Elle note par ailleurs que le bon de commande ne prévoit aucun engagement de rentabilité.

M. et Mme [Z] s'opposent à cette analyse en faisant valoir que si le contrat a été conclu le 23 avril 2014, il sont des consommateurs profanes et :

- qu'ils ne sont pas en mesure de déceler par eux-mêmes les irrégularités dénoncées,

- qu'il résulte clairement et par principe de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévalent à cet égard d'une consultation des Professeurs [O] [U] et [A] [S] du 10 novembre 2021,

- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité,

- qu'ils se sont engagés sur la base d'un contrat de vente irrégulier car ne comprenant pas toutes les mentions obligatoires, ce qui a entraîné pour eux un défaut d'information préjudiciable dont ils n'ont pu se rendre compte que bien après la signature du bon de commande et relèvent que si la loi impose à la banque de vérifier la régularité du bon de commande avant le déblocage des fonds, c'est précisément parce qu'un consommateur normalement diligent ne peut identifier les irrégularités que l'instrumentum pourrait renfermer,

- que pour que le point de départ de la prescription soit la date du contrat, il eut fallu qu'ils aient été en mesure de déceler par eux-mêmes l'irrégularité affectant l'acte, c'est-à-dire sans l'intervention d'un tiers sachant ou d'un expert et que l'irrégularité ressorte de la seule lecture de l'acte, c'est-à-dire sans devoir procéder à des calculs ou des analyses et que tel n'était pas le cas et se prévalent de la jurisprudence relative à la confirmation ainsi que d'un arrêt du 12 mars 2025, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription et soulignent qu'il est question de mentions absentes,

- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, celle de la signature du contrat d'autant que la banque ne leur a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire,

- qu'en application de ces principes établis, aucune prescription ne saurait leur être opposée car ils ont légitimement ignoré les faits leur permettant d'agir, et notamment la faute commise par la banque, et ce n'est que lorsqu'ils ont saisi un avocat que leur attention a été attirée à cet égard.

Ils ne développent pas de moyens spécifiques quant à la prescription de leur action en nullité pour dol. Ils font état de réticences dolosives quant aux caractéristiques de l'installation, de l'absence de présentation de la rentabilité de celle-ci, de la présentation du contrat comme sans grande conséquence.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Selon l'article 2224 du même code, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Les contrats dont l'annulation est demandée ont été conclus le 23 avril 2014 et M. et Mme [Z] ont engagé l'instance par assignations délivrées les 30 août et 15 septembre 2023, au vendeur et à la société CA Consumer Finance.

Toute l'argumentation des appelants qui se gardent d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait leur être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de leur action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle ils ont pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme. Les suivre dans cette voie reviendrait en réalité à écarter tout délai de prescription hormis le délai butoir de l'article 2232 du code civil, puisque seule la date à laquelle ils l'invoquent pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.

En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence.

La jurisprudence de la Cour de cassation relative aux erreurs commises en matière de taux effectif global, selon laquelle le point de départ de la prescription quinquennale doit être reporté lorsque l'erreur n'était pas décelable lors de la conclusion du contrat n'est pas applicable, puisque précisément, en l'espèce, M. et Mme [Z] étaient en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont ils déplorent l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux.

La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas non plus transposable à la prescription.

En effet la prescription répond à une exigence de sécurité juridique et a pour but d'éviter la remise en cause d'un contrat dans un temps raisonnable, étant relevé que la réforme de la prescription de 2008 a précisément entendu réduire ce temps à cinq ans pour accroître la sécurité juridique. Permettre une action sur le fondement d'une nullité formelle alors même que le contrat est en cours depuis beaucoup plus longtemps, que le matériel a été utilisé pendant une très longue durée et pourrait avoir de fait pratiquement épuisé sa valeur, voire que certaines des dispositions érigées en causes de nullités formelles pourraient ne plus avoir la moindre utilité faute de pouvoir encore être invoquées (garanties) sans que ceci puisse être opposé puisque le propre des nullités formelles est de n'exiger aucun préjudice et d'avoir un caractère purement automatique, revient à supprimer toute sécurité juridique.

De plus, considérer comme il est finalement soutenu que l'ignorance des textes permet de repousser indéfiniment le point de départ de la prescription d'une action en nullité, revient à supprimer la prescription quinquennale de ce type d'action en nullité purement formelle, et ce alors même que la prescription d'une nullité pour dol ou pour erreur serait bien plus courte et effective puisque c'est au jour de la découverte du dol ou de l'erreur (et non du fait que le dol ou l'erreur sont en droit des causes de nullité) que commence le délai de prescription. Or le dol et l'erreur impliquent une appréciation et ne permettent pas une nullité automatique et suivre ce raisonnement conférerait donc à l'action en nullité purement formelle quelle que soit sa gravité, une automaticité et une longévité que n'aurait pas l'action en nullité pour vice du consentement.

Les seuls cas d'exclusion de prescription résultent soit de situations d'incapacité telles la tutelle ou la minorité qui empêchent la partie concernée d'exercer ses droits dans le délai imparti mais le fait de ne pas être juriste n'est pas une cause d'exclusion, soit de l'extrême gravité des faits poursuivis ce à quoi une nullité formelle, fût-elle prévue par le code de la consommation, ne peut en aucun cas être assimilée.

La cour relève en outre que s'il a pu être jugé dans le cadre du mécanisme de confirmation des contrats que les acheteurs pouvaient légitimement ignorer les vices du contrat c'est-à-dire concrètement le régime juridique des nullités, c'est que ce mécanisme répond à des exigences différentes puisqu'il consiste à tirer des conséquences du comportement du consommateur pour en déduire une volonté dont on peut donc légitimement exiger qu'elle soit particulièrement éclairée. La prescription ne résulte pas d'une volonté supposée des parties mais de l'écoulement du temps au-delà duquel les engagements ne peuvent pas être remis en cause.

Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes ou d'interdire le principe même de la prescription.

Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession de tous les éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre. En l'espèce, M. et Mme [Z] disposaient du bon de commande dès sa signature et l'absence de mentions qu'ils dénoncent n'était pas dissimulé.

A titre superfétatoire, il convient de relever que ce délai n'emporte aucune atteinte au principe d'égalité des armes vis-à-vis de la banque, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.

Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle qui n'était donc recevable que jusqu'au 22 avril 2019 inclus, cette action est prescrite et M. et Mme [Z] sont irrecevables à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en annulation formée à ce titre.

S'agissant de la demande en nullité pour dol, commis par le vendeur, c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. et Mme [Z] ont pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat, que doit être fixé le point du délai du délai de prescription.

Dès lors qu'ils invoquent des réticences dolosives quant aux caractéristiques de l'installation au regard des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, de l'absence de présentation de la rentabilité de celle-ci, de la présentation du contrat comme sans grande conséquence, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils ont eu connaissance de ces éléments invoqués comme dolosifs et où ils ont pu réaliser l'erreur qui aurait été provoquée, indépendamment du bien-fondé de cette demande de nullité.

M. et Mme [Z] ont connu les caractéristiques des éléments installés au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation dès cette installation réalisée le 5 novembre 2014 et ils ont en outre été rendus destinataires d'une facture laquelle est produite au dossier de la banque et datée du 19 novembre 2014, reprenant dans le détail les caractéristiques de l'installation.

En outre dès lors qu'ils ont signé un contrat de crédit le jour de l'achat, ils ne pouvaient ignorer que le contrat n'était pas sans grande conséquence mais qu'ils devaient effectivement payer l'achat d'autant que le crédit a été intégralement remboursé en juillet 2015 soit plus de cinq ans avant d'assigner.

Dès lors qu'ils invoquent des man'uvres et tromperies destinées à leur faire croire que l'installation serait autofinancée et rentable financièrement, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle ils ont pris connaissance de la production réelle de leur installation.

M. et Mme [Z] ne contestent pas être dotés d'une installation fonctionnelle, productive d'énergie revendue depuis plusieurs années, et la première facture de production du 21 mai 2015 concernant la production du 21 mai 2014 au 20 mai 2015 atteste de ce qu'ils connaissaient cette production plus de cinq ans avant d'assigner le vendeur et le prêteur en 2023.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande en annulation formée à ce titre.

S'agissant de la demande en annulation du contrat de crédit

Par application des dispositions de l'article L. 311-1, 9° du code de la consommation, l'irrecevabilité de l'action en annulation du contrat de vente entraîne aussi celle de l'action en annulation du contrat de crédit dès lors que les requérants n'opposent aucune cause d'annulation propre au contrat de crédit. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Dès lors que le contrat de vente et crédit ne sont pas annulés, ils se poursuivent et la demande en paiement en raison de la « privation de la créance de restitution » est sans objet puisqu'il n'y a pas de créance de restitution.

S'agissant de l'action en responsabilité de la banque

M. et Mme [Z] imputent à la banque des fautes dans le déblocage des fonds sans vérification du bon de commande comme sur la foi d'une attestation incomplète et pré-remplie et évoquent un manquement de la banque à son devoir de conseil vis-à-vis des consommateurs profanes dans l'incapacité de déceler les irrégularités des contrats qui leur sont soumis.

La société CA Consumer Finance rétorque que l'action est prescrite en demandant confirmation de la décision querellée sur ce point.

Le fait générateur est celui du déblocage des fonds qui a été réalisé selon l'historique de compte produit par la banque en sa pièce 7, le 28 novembre 2014 soit bien plus de cinq ans avant la délivrance des assignations en 2023, le crédit ayant été remboursé en intégralité le 17 juillet 2015 soit bien avant la mise en paiement de la première échéance du crédit de sorte que cette demande est donc également prescrite.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action en responsabilité de M. et Mme [Z] contre la société CA Consumer Finance.

S'agissant de la demande en déchéance du droit aux intérêts contractuels

M. et Mme [Z] demandent à la cour de prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de banque et de condamner celle-ci à lui rembourser l'ensemble des intérêts versés par elle au titre de l'exécution normale du contrat de prêt affecté car la banque :

- a manqué à son devoir d'explication de l'article L. 312-14 du code de la consommation et à son devoir de conseil et de mise en garde,

- a manqué à son obligation d'information précontractuelle,

- n'a pas délivré un contrat conforme puisqu'il se contente d'indiquer « panneaux photovoltaïques », éléments insuffisants pour permettre à la banque de connaître le matériel ainsi que ses caractéristiques essentielles, en contradiction avec les articles L. 311-1 et L. 311-18 du code de la consommation,

- devra justifier de la consultation et de la réponse du FICP, d'une analyse complète de sa solvabilité et de ce que le crédit a été distribué par un professionnel qualifié, compétent, donc formé.

La banque réplique que ces demandes sont mal fondées.

S'agissant spécifiquement du devoir de conseil et de mise en garde qui se résout en dommages et intérêts qui ne sont pas réclamés et non en une déchéance du droit aux intérêts contractuels, il doit être rappelé que la banque n'a pas de devoir de conseil quant à l'opportunité économique du projet qu'elle finance. Son devoir de mise en garde ne porte que sur le risque d'endettement. Toutefois, M. et Mme [Z] qui ne produisent pas de pièce relative à leur situation financière n'établissent aucun risque d'endettement excessif et ne démontrent pas avoir rencontré de difficultés financières particulières pour rembourser intégralement et de manière anticipée le crédit dont ils étaient bénéficiaires.

La cour observe que la demande de remboursement des frais et intérêts est une demande autonome qui a bien été formée en première instance, qu'il ne s'agit pas d'un moyen de défense puisque la banque n'a pas formé de demande en paiement et ce d'autant que le crédit a été remboursé par anticipation et que dès lors qu'elle a été formulée en première instance, elle doit être déclarée recevable.

S'agissant du devoir d'explication, l'article L. 311-8 du code de la consommation dispose que le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur. Aucune forme n'est toutefois prescrite en ce qui concerne ces explications qui s'appuient sur la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) prévue par l'article L. 311-6 du code de la consommation.

En réalité, M. et Mme [Z] reprochent plutôt à la banque un défaut de vérification de leurs capacités financières et l'octroi d'un crédit excessif au regard de leurs facultés contributives.

La cour constate que M. et Mme [Z] ne contestent pas avoir eu remise des FIPEN et ils ont déclaré et justifié de revenus de 3 997 euros par mois pour le couple, sans avoir aucune personne à charge tout en étant propriétaires de leur logement, sans déclarer non plus aucune charge d'emprunt. Les revenus de M. et Mme [Z] leur permettaient donc d'honorer le remboursement des mensualités du crédit prévu sur 144 mois à hauteur de 323,96 euros par mois sans dépasser un taux d'endettement supérieur à 8,5 % de leurs revenus. Le moyen ne peut donc prospérer.

L'article L. 311-1, 5° du code de la consommation en sa version applicable au contrat définit au sens du chapitre, la notion de coût total du crédit dû par l'emprunteur. Quant à l'article L. 311-18, il précise que le contrat de crédit doit être établi par écrit ou sur un autre support durable et comporter un encadré, inséré au début du contrat, pour informer l'emprunteur des caractéristiques essentielles du crédit. L'article R. 311-5 définit les informations que doit contenir le contrat, de manière claire et lisible, et notamment en son j), en cas de crédit servant à financer l'acquisition de bien ou service déterminé, ce bien ou ce service et son prix au comptant.

L'article L. 311-48 prévoit notamment que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l'emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16,'L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l'article L. 311-17'et les articles L. 311-43 et'L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.

Le contrat de crédit signé par M. et Mme [Z] comporte bien mention des biens financés à savoir des panneaux photovoltaïques et du prix au comptant à savoir 31 000 euros, ce qui est conforme à la réglementation, sans que les textes n'exigent de voir figurer au contrat de crédit de développement quant aux caractéristiques essentielles des matériels objets de la vente. Le crédit détaille également de manière suffisamment précise le coût total de l'emprunt, les frais, les intérêts et le montant des cotisations d'assurance. Le moyen n'est donc pas fondé.

Selon l'article L. 311-8 du code de la consommation alinéa 3 en sa version applicable au contrat, les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à'l'article L. 311-10'sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à'l'article L. 6353-1 du code du travail établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré.

Il est acquis que c'est à l'employeur des personnes chargées de distribuer les crédits qu'il appartient de s'inscrire au registre unique et de tenir à la disposition des autorités les attestations de formation de ses personnels et non à la banque elle-même de sorte qu'aucune déchéance du droit aux intérêts n'est encourue à ce titre.

Sur la solvabilité, elle a bien été vérifié et M. et Mme [Z] ont validé une fiche de dialogue et remis des pièces attestant de leur solvabilité comme cela a été indiqué plus haut. En revanche, la banque ne démontre pas avoir consulté le fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) tel que le prévoit l'article L. 311-9 du code de la consommation. Elle encourt donc la déchéance du droit aux intérêts.

Il doit être constaté que M. et Mme [Z] indiquent dans leurs écritures avoir réglé une somme de 20 114,24 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés en exécution du prêt souscrit, alors qu'il est patent qu'ils ont remboursé leur crédit de manière anticipé le 17 juillet 2015 soit bien avant la mise en paiement de la première échéance du crédit et qu'ils ne contestent pas avoir réglé à ce titre une somme de 33 196,44 euros à la banque selon sa pièce 8. Le capital emprunté était d'un montant de 31 000 euros, aussi les emprunteurs ont-il réglé au mieux la somme de 2 196,44 euros en frais, intérêts et le cas échéant indemnité de remboursement anticipé, le document de la banque ne détaillant pas les sommes remboursées.

Selon le deuxième alinéa de l'article L. 311-48 du code de la consommation, lorsque le prêteur n'a pas respecté les obligations fixées aux'articles L. 311-8 et L. 311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Il convient dès lors de limiter cette déchéance à la somme symbolique de 1 euro dès lors que les emprunteurs ont remboursé intégralement le crédit le 17 juillet 2015 bien avant la mise en paiement de la première échéance du crédit ce qui démontre qu'ils étaient en capacité de le faire nonobstant un éventuel défaut du prêteur dans la vérification de leur solvabilité.

Il convient dès lors de condamner la banque à leur rembourser cette somme.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

M. et Mme [Z] qui succombent pour partie en leur appel doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel.

Il apparaît en outre équitable de leur faire supporter in solidum la charge des frais irrépétibles engagés la société CA Consumer Finance à hauteur de la somme de 750 euros par société sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Prononce la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société CA Consumer Finance ;

Condamne en conséquence la société CA Consumer Finance à verser une somme de 1 euro à M. [T] [Z] et à Mme [M] [F] épouse [Z] ;

Condamne M. [T] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] in solidum à payer la somme de 750 euros à la société CA Consumer Finance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [T] [Z] et Mme [M] [F] épouse [Z] in solidum aux dépens d'appel ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

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