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Décisions

CA Paris, Pôle 4 ch. 9, 20 novembre 2025, n° 24/12408

PARIS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Bnp Paribas Personal Finance (SA)

Défendeur :

BNP Paribas Personal Finance (SA)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Durand

Conseillers :

Mme Arbellot, Mme Coulibeuf

Avocats :

Me Zaza, Me Boulaire, Me Mendes Gil

Juge des contentieux de la protection de…

22 avril 2024

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Le 16 mai 2016 à son domicile, M. [U] [E] a signé avec la société Soler - société Languedocienne pour les énergies renouvelables (ci-après la société Soler) un bon de commande portant sur l'installation de 12 micro onduleurs pour un total de 9 600 euros.

Cet équipement a été financé à l'aide d'un crédit de même montant souscrit le même jour par ce dernier auprès de la société BNP Paribas Personal Finance sous l'enseigne Cetelem remboursable après un moratoire de 180 jours en 180 mensualités de 81,09 euros hors assurance soit 88,64 euros avec assurance incluant des intérêts au taux nominal de 5,65 % soit un TAEG de 5,80 %.

Par jugement du 11février 2021, le tribunal de commerce de Marseille a ouvert une procédure de liquidation judiciaire de la société Soler et désigné Maître [O] [L] en qualité de mandataire liquidateur.

Par acte du 27 février 2023, M. [E] a fait assigner Maître [O] [L] en qualité de mandataire ad hoc de la société Soler et la société BNP Paribas Personal Finance devant le juge des contentieux de la protection de [Localité 9] en nullité du contrat de vente et subséquemment du contrat de crédit, privation de la créance de restitution de la banque et condamnation de celle-ci à lui rembourser la totalité du prix de vente, les intérêts conventionnels et les frais outre des dommages et intérêts au titre de l'enlèvement du matériel litigieux et de son préjudice moral et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 22 avril 2024, le juge des contentieux de la protection de [Localité 9] a :

- déclaré irrecevable la demande de M. [E] contre la société BNP Paribas Personal Finance,

- condamné M. [E] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

- condamné M. [E] aux dépens.

Après avoir rappelé les dispositions des article 2224 du code civil prévoyant une prescription de cinq ans, le juge a relevé que M. [E] avait été en mesure de connaître le défaut de rentabilité qu'il invoquait au plus tard deux mois après l'installation en cas de facture bimensuelle au réel et sinon au plus tard 6 mois après l'installation, à réception de la facture de régularisation en cas de mensualisation. Il a retenu que l'installation était fonctionnelle au plus tard au 15 juin 2016 date de la livraison de l'installation et que M. [E] ne produisait pas la moindre facture malgré la demande qui lui avait été faite par la partie adverse par lettre officielle du 2 mai 2023.

Il a considéré que la seule lecture du bon de commande permettait de relever des oublis manifestes à même d'interroger tout consommateur même non initié sur la régularité de l'acte puisqu'il n'existait aucune mention ni sur l'identité du client ni sur le prix ni sur le produit et qu'il était totalement vierge de sorte que le point de départ de la prescription devait être fixé au jour du contrat et que l'action était prescrite depuis le 15 décembre 2021 et donc irrecevable.

Par déclaration électronique du 5 juillet 2024, M. [E] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions n° 2 notifiées par voie électronique le 2 juin 2025, il demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable sa demande contre la société BNP Paribas Personal Finance, l'a condamné à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté le surplus des demandes et l'a condamné aux dépens et statuant à nouveau et y ajoutant,

- de déclarer ses demandes recevables et bien fondées,

- de prononcer la nullité du contrat de vente,

- de prononcer la nullité du contrat de prêt affecté,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui rembourser l'ensemble des sommes versées par lui au titre de l'exécution normale du contrat de prêt litigieux, à savoir les sommes de :

- 9 600 euros correspondant à l'intégralité du prix de vente de l'installation,

- 6 946,74 euros correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par lui à la banque en exécution du prêt souscrit,

- en tout état de cause de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à lui verser l'intégralité des sommes suivantes :

- 5 000 euros au titre du préjudice moral,

- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- de débouter la société BNP Paribas Personal Finance de l'intégralité de ses prétentions, fins et conclusions contraires,

- de condamner la société BNP Paribas Personal Finance à supporter les dépens de l'instance.

Aux termes de ses conclusions n° 1 notifiées par voie électronique le 3 janvier 2025, la société BNP Paribas Personal Finance demande à la cour :

- de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de M. [E] à son encontre, en ce qu'il l'a condamné à lui payer la somme de 300 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a rejeté le surplus des demandes et en ce qu'il a condamné M. [E] aux dépens,

- à titre principal, de déclarer irrecevables l'action et l'ensemble des demandes formées par M. [Z], au vu de la prescription quinquennale, de rejeter toutes autres demandes dont le bien-fondé dépend de celles prescrites,

- à défaut, de déclarer irrecevable la demande de M. [E] en nullité du contrat conclu avec la société Soler, de déclarer, par voie de conséquence, irrecevable la demande de M. [E] en nullité du contrat de crédit, de dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées, de débouter M. [E] de sa demande en nullité du contrat conclu avec la société Soler ainsi que de sa demande en nullité du contrat de crédit et de sa demande en restitution des mensualités réglées,

- en tout état de cause de déclarer irrecevable la demande de M. [E] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins de l'en débouter, de déclarer irrecevable la demande de M. [E] visant à sa condamnation à des dommages et intérêts et à tout le moins de l'en débouter,

- de condamner en conséquence M. [E] à lui régler la somme de 9 600 euros en restitution du capital prêté, de débouter M. [E] de ses demandes de condamnation de la banque à lui régler les sommes de 9 600 euros et de 8 306,36 euros qui ne correspondent pas aux sommes qu'il a réglées, de limiter la restitution des mensualités réglées aux sommes effectivement réglées par l'emprunteur,

- en tout état de cause, de déclarer irrecevables les demandes de M. [E] visant à la privation de sa créance ainsi que ses demandes de dommages et intérêts, à tout le moins de le débouter de ses demandes,

- subsidiairement, en cas de nullité des contrats, de déclarer irrecevable la demande de M. [E] visant à la décharge de l'obligation de restituer le capital prêté, à tout le moins de la rejeter et de condamner, en conséquence M. [E] à lui payer la somme de 9 600 euros en restitution du capital prêté,

- très subsidiairement, de limiter la réparation qui serait due par elle eu égard au préjudice effectivement subi par l'emprunteur à charge pour lui de l'établir et eu égard à la faute de l'emprunteur ayant concouru à son propre préjudice, de limiter, en conséquence, la décharge à concurrence du préjudice subi à charge pour M. [E] d'en justifier, en cas de réparation par voie de dommages et intérêts, de limiter la réparation à hauteur du préjudice subi et de dire et juger que M. [E] reste tenu de restituer l'entier capital à hauteur de 9 600 euros,

- à titre infiniment subsidiaire si la cour devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge de l'emprunteur, d'enjoindre à M. [E] de restituer, à ses frais, le matériel installé au mandataire liquidateur de la société Soler, dans un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt et de dire et juger qu'à défaut de restitution, M. [E] restera tenu du remboursement/restitution du capital prêté,

- de débouter M. [E] de toutes autres demandes, fins et conclusions,

- d'ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,

- en tout état de cause, de condamner M. [E] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil.

La déclaration d'appel a été signifiée au mandataire liquidateur de la société venderesse par acte du 29 août 2024 délivré à personne morale et les conclusions de l'appelant lui ont été signifiées en leur premier état par acte du 8 octobre 2024 délivré selon les mêmes modalités. Les conclusions de la société BNP Paribas Personal Finance ont été signifiées au mandataire liquidateur de la société venderesse par acte du 28 janvier 2025 délivré à domicile. Le mandataire liquidateur de la société venderesse n'a pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 septembre 2025 et l'affaire a été appelée à l'audience du 23 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, la cour constate :

- que le contrat de vente du 16 mai 2016 est soumis aux dispositions du code de la consommation dans leur version postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 dès lors qu'il a été conclu dans le cadre d'un démarchage à domicile et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 fixée au 1er juillet 2016,

- que le contrat de crédit affecté est soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010, de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016,

- qu'il convient de faire application des dispositions du code civil en leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats.

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.

Sur la recevabilité de l'action en nullité de la vente

M. [E] demande la nullité du contrat de vente pour dol et pour non-respect des dispositions impératives du code de la consommation ce à quoi la banque oppose la prescription.

Il fait valoir que si le contrat a été conclu le 16 mai 2016, soit plus de cinq ans avant l'introduction de l'instance, ses demandes sont parfaitement recevables et que c'est à tort qu'une prescription quinquennale a été retenue car il est un consommateur profane et :

- qu'il n'est pas en mesure de déceler par lui-même les irrégularités dénoncées,

- qu'il résulte clairement de l'article 2224 du code civil que le point de départ de la prescription quinquennale extinctive de droit commun n'est pas fixé au jour des faits susceptibles de fonder une action en justice mais que par principe ce point de départ doit être reporté à la date à laquelle le titulaire du droit d'agir les a connus ou aurait dû les connaître, la loi présumant que le justiciable a nécessairement et légitimement ignoré les faits qui lui permettent d'agir, et se prévaut à cet égard d'une consultation des Professeurs [V] [W] et [P] [I],

- que dès lors le point de départ ne peut être que le moment où le titulaire du droit d'agir a eu effectivement connaissance non seulement du préjudice subi et ce dans toute son ampleur, ou de son aggravation, mais encore de surcroît du fait générateur de responsabilité, et que c'est à la banque de le démontrer, et que cette date ne peut être que celle à laquelle il a saisi un avocat,

- qu'il ne peut être considéré qu'il a commis une faute en ne décelant pas les causes de nullité,

- que doit s'appliquer la jurisprudence relative à la confirmation, soulignant que dès lors que la Cour de cassation reconnaît que la reproduction des articles relatifs à la nullité ne suffit pas à permettre au consommateur de connaître les causes de nullité affectant l'acte et de le confirmer, le même raisonnement doit être retenu en ce qui concerne le point de départ de la prescription, que c'est ce qui a d'ailleurs été fait par un arrêt du 25 mars 2025,

- que la jurisprudence européenne applique le principe d'effectivité qui commande d'écarter un régime de prescription qui serait basé sur une présomption de connaissance parfaite par le consommateur des irrégularités renfermées dans le contrat, et ce dès la signature de celui-ci,

- que dès lors le point de départ de la prescription ne peut donc être, en matière de nullité formelle, la date de la signature du contrat d'autant que la banque ne lui a pas signalé les causes de nullité, ce qu'il lui appartenait pourtant de faire, si bien que son ignorance légitime a été entretenue par la banque,

- qu' aucune prescription ne saurait lui être opposée.

Il ne développe pas de moyens spécifiques quant à la prescription de son action en nullité pour dol. Il fait état de réticences dolosives quant aux caractéristiques de l'installation, de l'absence de présentation de la rentabilité de celle-ci, de la présentation du contrat comme sans grande conséquence.

La banque qui oppose en premier lieu la prescription se prévaut des dispositions des articles 2224 du code civil et L. 110-4 du code du commerce et fait valoir que les règles de prescription reposent sur le principe selon lequel « nul n'est censé ignorer la loi » et qu'ainsi tout justiciable est censé connaître la loi, et donc la règle applicable, de sorte que seule la découverte ultérieure de faits allégués à l'appui de la règle de droit peut décaler le point de départ du délai de prescription, et ce encore sous la réserve que l'on ne puisse considérer que le requérant aurait dû connaître lesdits faits. Elle ajoute que la réforme de la prescription a entendu réduire et unifier le délai de prescription à 5 ans dans un but de sécurité juridique. Elle relève que l'action repose sur le non-respect de la réglementation sur la régularité formelle du contrat conclu hors établissement, réglementation qui est d'origine purement interne et ne résulte de la transposition d'aucune directive.

Elle considère que les irrégularités alléguées, et donc le fait à l'appui de l'action en nullité, étaient décelables dès la signature du bon de commande, que la jurisprudence relative à la confirmation d'un contrat nul n'est pas applicable, que la jurisprudence sur le TAEG n'est pas transposable puisque l'omission de la mention n'est pas dissimulée et est donc parfaitement décelable.

S'agissant de l'action en nullité pour dol, elle relève qu'en application « de l'article 1304 » du code civil le point de départ de la prescription est la découverte des man'uvres ou de l'erreur, mais qu'encore faut-il toutefois que le requérant justifie des éléments de fait qui induisent qu'il n'a eu connaissance du dol ou n'a été en mesure de le connaître que postérieurement à la souscription du contrat, que la copie du bon de commande ne démontre nullement les promesses alléguées, que l'installation est fonctionnelle et que le point de départ ne peut en ce cas être repoussé postérieurement au contrat de telle sorte que la demande est ici prescrite.

Réponse de la cour

Selon l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

En application de l'article L. 110-4 du code de commerce, les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

En application de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction ancienne applicable au litige, dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans. Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé ; dans le cas d'erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.

Le contrat de vente dont l'annulation est demandée a été conclu le 16 mai 2016 et M. [E] a engagé l'instance par une assignation délivrée le 27 février 2023 soit plus de 6 ans et demi plus tard.

Toute l'argumentation de l'appelant qui se garde d'ailleurs de donner une date concrète de point de départ de la prescription qui pourrait lui être opposée, vise en fait à voir repousser le point de départ du délai de prescription de son action en nullité formelle du contrat à la date à laquelle il a pu avoir connaissance effective des conséquences juridiques des irrégularités de pure forme. Le suivre dans cette voie reviendrait en réalité à écarter tout délai de prescription hormis le délai butoir de l'article 2232 du code civil, puisque seule la date à laquelle il l'invoque pourrait alors être retenue comme point de départ de la prescription.

En l'espèce le fait permettant d'agir en nullité est l'absence des mentions obligatoires sur le bon de commande et c'est donc la date de signature de ce bon de commande qui doit être retenue comme point de départ de prescription puisque cette absence y était parfaitement visible, et non la connaissance juridique des conséquences de cette absence.

Au cas précis, M. [E] était en mesure de constater dès ce moment que ne figuraient pas les mentions dont il déplore l'omission sans avoir à se livrer à des calculs ou à une analyse complexe du bon litigieux.

La jurisprudence relative à la confirmation du contrat n'est pas transposable à la prescription, le mécanisme de la prescription et celui de la confirmation étant différents et répondant également à des objectifs différents.

En effet la prescription répond à une exigence de sécurité juridique et a pour but d'éviter la remise en cause d'un contrat dans un temps raisonnable, étant relevé que la réforme de la prescription de 2008 a précisément entendu réduire ce temps à cinq ans pour accroître la sécurité juridique. Permettre une action sur le fondement d'une nullité formelle alors même que le contrat est en cours depuis beaucoup plus longtemps, que le matériel a été utilisé pendant une très longue durée et pourrait avoir de fait pratiquement épuisé sa valeur, voire que certaines des dispositions érigées en causes de nullités formelles pourraient ne plus avoir la moindre utilité faute de pouvoir encore être invoquées (garanties) sans que ceci puisse être opposé puisque le propre des nullités formelles est de n'exiger aucun préjudice en lien et d'avoir un caractère purement automatique, revient à supprimer toute sécurité juridique.

De plus, considérer comme il est finalement soutenu que l'ignorance des textes permet de repousser indéfiniment le point de départ de la prescription d'une action en nullité, revient à supprimer la prescription quinquennale de ce type d'action en nullité purement formelle, et ce alors même que la prescription d'une nullité pour dol ou pour erreur serait bien plus courte et effective puisque c'est au jour de la découverte du dol ou de l'erreur (et non du fait que le dol ou l'erreur sont en droit des causes de nullité) que commence le délai de prescription. Or le dol et l'erreur impliquent une appréciation et ne permettent pas une nullité automatique et suivre ce raisonnement confèrerait donc à l'action en nullité purement formelle quelle que soit sa gravité, une automaticité et une longévité que n'aurait pas l'action en nullité pour vice du consentement.

Les seuls cas d'exclusion de prescription résultent soit de situations d'incapacité telles la tutelle ou la minorité qui empêchent la partie concernée d'exercer ses droits dans le délai imparti mais le fait de ne pas être juriste n'est pas une cause d'exclusion, soit de l'extrême gravité des faits poursuivis ce à quoi une nullité formelle, fût-elle prévue par le code de la consommation, ne peut en aucun cas être assimilée.

La cour relève en outre que s'il a pu être jugé dans le cadre du mécanisme de confirmation des contrats que les acheteurs pouvaient légitimement ignorer les vices du contrat c'est-à-dire concrètement le régime juridique des nullités, c'est que ce mécanisme répond à des exigences différentes puisqu'il consiste à tirer des conséquences du comportement du consommateur pour en déduire une volonté dont on peut donc légitimement exiger qu'elle soit particulièrement éclairée. La prescription ne résulte pas d'une volonté supposée des parties mais de l'écoulement du temps au-delà duquel les engagements ne peuvent pas être remis en cause. Elle ne sanctionne pas une faute.

Il ne résulte pas de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union Européenne que le principe d'effectivité doive être interprété en ce sens qu'il impose à une juridiction nationale d'écarter les règles de prescription internes ou d'interdire le principe même de la prescription. Le principe d'effectivité doit permettre au consommateur d'avoir un temps suffisant. Il doit donc aussi être apprécié à l'aune de la durée de prescription prévue par les textes.

Les dispositions de droit interne relatives à la prescription sont ainsi conformes aux principes européens d'effectivité des droits, notamment ceux du consommateur, dans la mesure où il est prévu que le délai ne commence à courir à l'encontre du titulaire d'un droit qu'à partir du moment où il se trouve en possession des éléments lui permettant d'évaluer sa situation au regard de ses droits, et qu'est aménagé un délai suffisamment long pour lui permettre de les mettre en 'uvre ce qui est clairement le cas d'un délai de cinq ans. En l'espèce, M. [E] disposait du bon de commande dès sa signature et l'absence de mentions qu'elle dénonce n'était pas dissimulée.

A titre superfétatoire, il convient de relever que ce délai n'emporte aucune atteinte au principe d'égalité des armes vis-à-vis de la banque, dès lors que les obligations dont l'emprunteur est créancier à l'égard du banquier dispensateur de crédit s'éteignent par la mise à disposition des fonds prêtés, alors que celles de l'emprunteur s'échelonnent pendant toute la durée de leur amortissement et qu'elles ne font pas obstacle à la faculté offerte au consommateur d'opposer ces mêmes droits au prêteur, par voie d'exception, pendant toute la durée de la relation contractuelle, étant observé que les obligations des parties à un contrat de crédit ne sont pas identiques, le versement des fonds par l'établissement bancaire étant une obligation à exécution instantanée, alors que le remboursement des mensualités par l'emprunteur est une obligation à exécution successive de sorte que le régime de la prescription est nécessairement différencié. Cette absence d'atteinte au principe d'égalité des armes est patente dans la mesure où les dispositions des articles L. 311-52 du code de la consommation reprises à l'article R. 312-35 prévoient un délai de prescription abrégé de deux années pour les actions en paiement engagées par le prêteur à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur soit un délai plus de deux fois plus court que celui prévu à l'article 2224 du code civil.

Plus de cinq années s'étant écoulées entre la date de signature du contrat et celle de l'action en nullité formelle qui n'était donc recevable que jusqu'au 15 mai 2021 inclus, cette action est prescrite et M. [E] est irrecevable à solliciter l'annulation du contrat sur le fondement des articles L. 111-1 et suivants du code de la consommation dans leur version applicable au litige.

S'agissant de la demande en nullité pour dol commis par le vendeur, c'est à la date à laquelle le dol a été découvert et non là encore à la date à laquelle M. [E] a pu avoir connaissance de ses conséquences juridiques à savoir le fait que le dol est en droit une cause de nullité du contrat ce qu'il ne soutient d'ailleurs pas, que doit être fixé le point du délai du délai de prescription.

Dès lors qu'il invoque des réticences dolosives quant aux caractéristiques de l'installation au regard des dispositions de l'article L. 111-1 du code de la consommation, de l'absence de présentation de la rentabilité de celle-ci, de la présentation du contrat comme sans grande conséquence, le point de départ de la prescription doit être fixée à la date à laquelle il a eu connaissance de ces éléments invoqués comme dolosifs et où il a pu réaliser l'erreur qui aurait été provoquée, indépendamment du bien-fondé de cette demande de nullité.

Il convient de relever que le bon de commande ne porte pas sur une installation de panneaux photovoltaïques mais sur celle de 12 micro onduleurs en remplacement de précédents modèles. M. [E] disposait donc déjà d'une installation photovoltaïque qui fonctionnait sans quoi il n'aurait pas juste acquis 12 micro onduleurs.

Il a connu les caractéristiques des éléments installés au sens de l'article L. 111-1 du code de la consommation dès que cette installation a été réalisée et au plus tard lors de la première facture d'électricité. Il ne produit aucune pièce à cet égard mais il n'a jamais soutenu que le matériel ne fonctionnait pas. Il ne donne aucun élément sur la nature de l'installation qu'il possédait déjà. S'il s'agissait d'une installation en autoconsommation ou en revente il connaissait nécessairement le rendement de son installation avec les nouveaux micro onduleurs bien plus de cinq ans avant d'assigner le vendeur et le prêteur. Ce n'est donc pas la prétendue étude effectuée par "[J] [H], expertise mathématique et financière" qui lui a permis de découvrir comme il le soutient que la rentabilité prétendument annoncée n'était pas atteinte. Il doit en outre être souligné que celle-ci n'a, au surplus, aucun caractère contradictoire, est établie par une personne dont les qualifications ne sont ni mentionnées ni justifiées et procède à des calculs de rentabilité financière à partir de données de production solaire dont l'exactitude ne peut avoir été débattue et la source est inconnue, prend en outre pour acquis qu'il y aurait une promesse d'autofinancement et discute au surplus du rendement théorique des seuls panneaux alors que seuls des onduleurs ont été ici fournis.

En outre, dès lors qu'il a signé un contrat de crédit le jour de l'achat, il ne pouvait ignorer que le contrat n'était pas sans grande conséquence mais qu'il devait effectivement payer cet achat d'autant que la première échéance de crédit a été appelée le 7 décembre 2016.

Dès lors cette demande en nullité pour dol est également prescrite.

Sur l'action contre la banque

1- en lien avec la validité des contrats

En application de l'article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté n'est anéanti que si le contrat principal est résolu ou annulé. Dès lors que l'action en nullité de la vente est prescrite pour les nullités formelles et pour dol, la demande en nullité du contrat de crédit ne peut prospérer. Cette demande est irrecevable, le jugement devant être confirmé sur ce point.

2- au titre d'une faute

Dès lors que le contrat de vente et crédit ne sont pas annulés, ils se poursuivent et la demande en paiement en raison de la « privation de la créance de restitution » est sans objet puisqu'il n'y a pas de créance de restitution.

***

M. [E] impute à la banque des fautes dans le déblocage des fonds sans vérification de la validité du bon de commande et en l'absence de toute demande de sa part sans vérifier l'exécution complète du contrat, ce à quoi la banque oppose la prescription faisant valoir que son point de départ serait en ce cas la date de déblocage des fonds et au surplus que le contrat n'est pas annulé et que l'installation étant fonctionnelle il n'y a pas de préjudice puisque l'installation fonctionne et que le déblocage des fonds devait dès lors avoir lieu.

Réponse de la cour

Il résulte des articles susmentionnés que la prescription est de 5 ans et que son point de départ est ici au plus tard la date de déblocage des fonds, et même si aucune demande de déblocage n'est produite, il résulte de l'historique de compte que M. [E] a commencé à rembourser les mensualités le 7 décembre 2016 et qu'il a régulièrement payé les mensualités et ce jusqu'à ce qu'il procède au remboursement anticipé de son prêt le 16 mars 2018. Les fonds ont donc été déloqués bien plus de cinq ans avant la délivrance de l'assignation le 27 février 2023 ce que M. [E] savait. Elle est donc prescrite. Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré cette demande irrecevable comme prescrite.

***

M. [E] impute également à la banque un manquement à son devoir de conseil sur l'opportunité économique du projet et à son devoir de mise en garde ce à quoi la banque oppose la prescription.

Réponse de la cour

Même si la banque avait un devoir de conseil sur l'opportunité économique du projet, ce qui n'a pas encore été reconnu, le point de départ de l'action est la date à laquelle la rentabilité est connue et il a été établi qu'elle l'était plus de cinq ans avant la délivrance de l'assignation. Cette demande est donc prescrite et le jugement doit être confirmé sur ce point.

S'agissant du devoir de mise en garde qui ne porte que sur le risque d'endettement de l'emprunteur non averti, l'action en responsabilité de l'emprunteur non averti à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde se prescrit par cinq ans à compter du jour du premier incident de paiement, permettant à l'emprunteur d'appréhender l'existence et les conséquences éventuelles d'un tel manquement. Il n'y a pas eu d'impayé et le crédit a été intégralement remboursé par anticipation le 16 mars 2018 soit moins de cinq ans avant l'assignation délivrée le 27 février 2023 de sorte que cette demande n'est pas prescrite et que le jugement doit être infirmé sur ce point.

Toutefois, il résulte des éléments produits par la banque que M. [E] qui était marié avec deux enfants à charge, était propriétaire de son logement, disposait de revenus pour la famille s'élevant à 4 400 euros par mois et faisait face à des charges de 720 euros par mois au titre de sa résidence principale de telle sorte que le crédit d'un montant 88,64 euros par mois avec assurance ne représentait pas de risque d'endettement excessif si bien que cette demande doit être rejetée.

***

M. [E] demande encore condamnation de la banque à l'indemniser de son préjudice moral faisant valoir qu'il en a incontestablement subi un, notamment du fait de la prise de conscience d'avoir été dupé par le vendeur et de s'être engagé dans un système qui le contraint sur de nombreuses années, compte tenu de la non-réalisation des performances et du rendement annoncés par le vendeur ce à quoi la banque s'oppose au fond.

Réponse de la cour

Cette demande se fonde sur des éléments qui ne sont pas retenus, est formée contre la banque alors que les agissements dénoncés ne sont pas ceux de cette dernière. M. [E] doit donc être débouté sur ce point, le jugement étant infirmé en ce qu'il a déclaré cette demande irrecevable.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

M. [E] qui succombe doit être condamné aux dépens d'appel avec en application de l'article 699 du code de procédure civile, distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil pour ceux dont elle a fait l'avance.

Il apparaît en outre équitable de lui faire supporter les frais irrépétibles de la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite la demande au titre du devoir de mise en garde et la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevable comme prescrite l'action en nullité du contrat de vente ;

Déclare recevable l'action de M. [U] [E] contre la société BNP Paribas Personal Finance au titre du devoir de mise en garde mais la rejette ;

Déclare recevable l'action de M. [U] [E] contre la société BNP Paribas Personal Finance au titre de son préjudice moral mais la rejette ;

Condamne M. [U] [E] à payer à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [E] aux dépens d'appel avec en application de l'article 699 du code de procédure civile, distraction au profit de la Selas Cloix & Mendes Gil pour ceux dont elle a fait l'avance ;

Rejette toute autre demande.

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