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Décisions

CA Douai, ch. 8 sect. 1, 20 novembre 2025, n° 24/02565

DOUAI

Arrêt

Autre

CA Douai n° 24/02565

20 novembre 2025

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 8 SECTION 1

ARRÊT DU 20/11/2025

N° de MINUTE : 25/834

N° RG 24/02565 - N° Portalis DBVT-V-B7I-VSLE

Jugement (N° 23/06248) rendu le 11 Mars 2024 par le Juge des contentieux de la protection de [Localité 9]

APPELANTE

Madame [R] [Y]

née le [Date naissance 3] 1963 à [Localité 10] - de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie Boulaire, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

INTIMÉS

Maître [O] [K] ès qualité de mandataire ad hoc de la société Energies System, Société à responsabilité limitée au capital de 7 500,00 €, immatriculée au RCS de [Localité 11] sous le n°489637199, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 2] [Adresse 8]

[Localité 7]

Défaillant à qui la déclaration d'appel a été signifiée par acte du 09 août 2024 remis à personne

SA Cofidis venant aux droits de la SA Groupe Sofemo

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Me Xavier Hélain, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 18 juin 2025 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Anne-Sophie Joly

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Yves benhamou, président de chambre

Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Catherine Ménegaire, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Anne-Sophie Joly, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 5 juin 2025

- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:

Dans le cadre d'un démarchage à domicile, selon bon de commande en date du 3 décembre 2010, Mme [R] [Y] a conclu avec la SARL ENERGIES SYSTEM un contrat afférent à la fourniture et à la pose d'un installation de panneaux photovoltaïque pour un montant de 21.490 euros TTC.

Afin de financer une telle installation Mme [R] [Y] selon offre préalable en date du 3 décembre 2010, s'est vu consentir par la SA GROUPE SOGEMO aux droits de laquelle vient à présent la SA COFIDIS, un crédit d'un montant de 21.490 euros au taux annuel de 5,53 % et remboursable en 156 mensualités de 207,32 euros hors assurance facultative.

Le 21 septembre 2016 la SARL ENERGIES SYSTEM a été radiée du registre du commerce et de sociétés de Nîmes.

Par ordonnance en date du 28 février 2022, le président du tribunal de commerce de Nîmes a désigné Maître [O] [K] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL ENERGIES SYSTEM afin qu'elle soit représentée valablement dans l'instance contentieuse à intervenir.

Par actes de commissaire de justice en date du 9 mars 2023, Mme [R] [Y] a fait assigner en justice Maître [O] [K] en qualité de mandataire ad hoc de la SARL ENERGIES SYSTEM et la SA COFIDIS venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO afin notamment de voir prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Par jugement réputé contradictoire en date du 11 mars 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, a:

- déclaré Mme [R] [Y] irrecevable en ses demandes,

- rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné Mme [R] [Y] aux dépens de l'instance,

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 2024, Mme [R] [Y] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions.

Vu les dernières conclusions de Mme [R] [Y] en date du 19 mai 2025, et tendant notamment à voir:

- constater le désistement d'appel de Mme [R] [Y] à l'encontre de la société Energies System et de Maître [O] [K],

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il:

' déclare Mme [R] [Y] irrecevable en ses demandes,

' rejette les demandes fondées sur le dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' rappelé que l'exécution provisoire est de droit,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- déclarer les demandes de Mme [R] [Y] recevables et bien fondées,

- constater les irrégularités affectant le bon de commande et dès lors le contrat conclu entre d'une part Mme [R] [Y] et d'autre part la société ENERGIES SYSTEM,

- constater que la société COFIDIS venant aux droits de la société GROUPE SOFEMO a donc commis une faute dans le déblocage des fonds au préjudice de Mme [R] [Y] et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté.

Vu les dernières conclusions de la SA COFIDIS en date du 22 mai 2025, et tendant notamment à voir confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions.

Pour sa part Maître [O] [K] es qualité de mandataire ad hoc de la société ENERGIES SYSTEM, société radiée du registre du commerce et des sociétés a été assigné devant la cour par acte de commissaire de justice en date du 9 août 2024 signifié à personne. Toutefois subséquemment cet intimé n'a pas constitué avocat ni donc conclu en cause d'appel.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties qui ont constitué avocat et conclu devant la cour, il convient de se référer à leurs écritures respectives.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 juin 2025.

- MOTIFS DE LA COUR:

- Sur le désistement d'appel de l'appelante à l'égard de Maître [O] [K] es qualité de mandataire ad hoc de la société ENERGIES SYSTEM:

L'article 400 du code de procédure civile prévoit notamment que le désistement de l'appel est possible en toutes matières, sauf dispositions contraires.

De plus l'article 401 du même code quant à lui dispose:

'Le désistement de l'appel n'a besoin d'être accepté que s'il contient des réserves ou si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente.'

Au cas particulier le désistement d'appel de Mme [R] [Y] à l'égard de la société ENERGIES SYSTEM et de son mandataire ad hoc n'a pas été explicitement accepté par l'autre intimé, la SA COFIDIS.

Toutefois la partie à l'égard de laquelle il est fait, à savoir Maître [O] [K] es qualité de mandataire ad hoc de la société ENERGIES SYSTEM n'a pas constitué avocat ni conclu en cause d'appel et par suite, n'a pas formé un appel incident ou une demande incidente.

Il convient dès lors de constater le désistement d'appel de Mme [R] [Y] à l'égard de Maître [O] [K] es qualité de mandataire ad hoc de la société ENERGIES SYSTEM.

- Sur la recevabilité des demandes nouvelles formées par l'appelante en cause d'appel:

L'article 564 du code de procédure civile dispose:

'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'article 565 du même code quant à lui prévoit que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

En première instance Mme [R] [Y] a sollicité la nullité des contrats de vente et de crédit affecté ainsi que la privation de la société COFIDIS de sa créance de restitution. Or, elle vient pour la première fois en cause d'appel se placer sur le seul terrain de la responsabilité civile pour voir engager la responsabilité de la société COFIDIS.

Ce faisant Mme [R] [Y] entend modifier l'objet du litige en soumettant à la cour des demandes nouvelles

De telles demandes nouvelles doivent donc être déclarées irrecevables.

- Sur la recevabilité de l'action:

' Sur la recevabilité de l'action sur le terrain du dol:

L'article 2224 du code civil prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent pas cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'article 2224 du code civil précité a vocation à s'appliquer également dans le cadre d'une action sur le fondement du dol.

En principe sur le fondement de cette disposition la prescription commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été signé.

En application des dispositions de l'article 1304 du code civil dans sa rédaction résultant de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 et applicable au présent litige, le point de départ de l'action en nullité pour dol est la découverte de celui-ci.

S'agissant de leur action sur le fondement du dol, Mme [R] [Y] fait valoir qu'elle a été intentionnellement trompée par le vendeur sur un autofinancement de l'installation promis par celui-ci.

Ainsi la découverte du dol doit être considérée comme acquise dès réception de la première facture d'achat d'énergie électrique qui permettait à l'acheteur d'apprécier la rentabilité de l'installation.

La première facture d'achat d'énergie électrique ainsi qu'il ressort des justificatifs produits par l'appelante, est en date du 5 avril 2012 (pièce n°7 de Mme [R] [Y]).

Or, dans le cas présent Mme [R] [Y] a initié son action par actes de commissaire de justice en date du 9 mars 2023.

Dès lors l'action en nullité du contrat de vente sur le fondement du dol et l'action en responsabilité dirigée contre l'établissement bancaire pour participation au dol sont prescrites pour avoir été introduites largement plus de cinq ans après la réception par la consommatrice de la première facture d'électricité.

' Sur la recevabilité de l'action sur le fondement du non respect des dispositions du code de la consommation:

L'article 2224 du code civil précité a vocation à s'appliquer également dans le cadre d'une action tendant à voir constater des irrégularités affectant le bon de commande au regard dispositions du code de la consommation.

En principe la prescription commence à courir à compter du jour où l'acte irrégulier a été signé.

S'agissant de l'action en nullité du contrat de vente fondée pour non-respect des dispositions du code de la consommation, et d le'action en responsabilité contre l'établissement de crédit pour déblocage des fonds sans vérification de la régularité et l'exécution complète du contrat, le point de départ du délai de prescription doit donc être fixé en bonne logique, le jour de la signature du bon de commande soit le 3 décembre 2010. En effet c'est à ce moment précis que Mme [R] [Y] était en mesure de vérifier la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation même si elle pouvait ne pas en appréhender toutes les conséquences juridiques. Ces irrégularités afférentes à l'absence de certaines mentions étaient parfaitement visibles (voir le bon de commande: pièce n°1 de la SA COFIDIS) par des consommateurs normalement avisés et vigilants qui plus est informés par les associations de consommateurs. D'évidence la qualité de consommateur de Mme [R] [Y] ne suffit pas à elle seule à permettre de considérer qu'elle aurait été dans l'impossibilité de détecter les irrégularités affectant le bon de commande dès sa signature.

Au surplus il convient de souligner que l'argumentation des appelants reviendrait en réalité à rendre imprescriptible une action fondée sur les irrégularités affectant le bon de commande au regard des dispositions du code de la consommation.

Cette solution serait à la fois juridiquement très contestable et génératrice d'une très grave insécurité juridique.

Là encore le bon de commande ayant été signé le 23 février 2012, et l'assignation introductive d'instance ayant été délivrée par actes de commissaire de justice en dates du 9 mars 2023, l'action en nullité du contrat de vente pour non respect des dispositions du code de la consommation et l'action en responsabilité corrélative contre la SA COFIDIS encourt également la prescription.

Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement querellé en ce qu'il déclaré Mme [R] [Y] irrecevable en ses demandes.

- Sur les autres points déférés à la cour dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel:

Par des motifs pertinents que la cour adopte, le premier juge dans la décision entreprise, a à bon droit:

' rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamné Mme [R] [Y] aux dépens de l'instance,

' rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Le jugement querellé sera donc confirmé sur ces points.

- Sur l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel:

Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SA COFIDIS les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

Il convient dès lors de condamner Mme [R] [Y] à payer à la SA COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de Mme [R] [Y] les les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.

Il y a lieu en conséquence de débouter Mme [R] [Y] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.

- Sur le surplus des demandes:

Au regard des considérations qui précédent, il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.

- Sur les dépens d'appel:

Il convient de condamner Mme [R] [Y] qui succombe, aux entiers dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

Statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu en dernier ressort, et par mise à disposition au greffe,

En la forme;

- Constate le désistement d'appel de Mme [R] [Y] à l'égard de Maître [O] [K] es qualité de mandataire ad hoc de la société ENERGIES SYSTEM,

- Constate l'irrecevabilité des demandes nouvelles formées par Mme [R] [Y] devant la cour tendant notamment à voir constater les irrégularités affectant le bon de commande et dès lors le contrat de vente conclu entre d'une part Mme [R] [Y] et d'autre part la société ENERGIES SYSTEM,

Au fond:

- Confirme en toutes ses dispositions le jugement querellé,

Y ajoutant,

- Condamne Mme [R] [Y] à payer à la SA COFIDIS la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- La déboute de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,

- Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

- Condamne Mme [R] [Y] qui succombe, aux entiers dépens d'appel.

Le greffier

Anne-Sophie JOLY

Le président

Yves BENHAMOU

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