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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-5, 20 novembre 2025, n° 23/03310

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 23/03310

20 novembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80A

Chambre sociale 4-5

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 20 NOVEMBRE 2025

N° RG 23/03310

N° Portalis DBV3-V-B7H-WGUX

AFFAIRE :

[F] [L] épouse [GY]

C/

S.A.S. SOCIETE NOUVELLE SOFRAPAIN

Société DELIFRANCE S.A

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 25 Octobre 2023 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : E

N° RG : 21/00058

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me David METIN

Me Jérôme LAMBERTI

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [F] [L] épouse [GY]

née le 16 Juin 1980 à [Localité 6]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentant : Me David METIN de l'AARPI METIN & ASSOCIES, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 159

APPELANTE

****************

S.A.S. SOCIETE NOUVELLE SOFRAPAIN

N° SIRET : 510 036 304

[Adresse 4]

[Localité 3] / FRANCE

Représentant : Me Jérôme LAMBERTI de la SELARL BLB et Associés Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 456, substitué par Me Jean-François BOULET, avocat au barreau de PARIS

Société DELIFRANCE S.A

N° SIRET : 313 167 173

[Adresse 4]

[Localité 3] / FRANCE

Représentant : Me Jérôme LAMBERTI de la SELARL BLB et Associés Avocats, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 456, substitué par Me Jean-François BOULET, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 30 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Thierry CABALE, Président chargé du rapport et de Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thierry CABALE, Président,

Monsieur Stéphane BOUCHARD, Conseiller,

Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente, placée

Greffier lors des débats : Mme Nouha ISSA,

Greffier lors du prononcé : Madame Caroline CASTRO FEITOSA

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée, Mme [F] [L] a été engagée à compter du 22 mars 2004 par la SASU Société Nouvelle Sofrapain.

En dernier lieu, la salariée occupait le poste de chef de groupe production avec le statut de cadre.

Les relations contractuelles étaient régies par la convention collective nationale de la Boulangerie-Pâtisserie.

La SASU Société Nouvelle Sofrapain appartient depuis son rachat en 2009 au groupe Nutrixo, groupe de dimension internationale qui a pour activité la meunerie, la boulangerie-viennoiserie et la pâtisserie-traiteur et qui appartient au groupe français coopératif agricole et agro-alimentaire Vivescia industries.

La société a fait l'objet de réorganisations successives, conduisant à la fermeture du site de [Localité 10] et à la suppression de 73 emplois dans le cadre d'un accord majoritaire de plan de sauvegarde de l'emploi signé le 15 mars 2019.

La salariée a exercé un mandat de membre du comité d'entreprise. La période de protection de la salariée a expiré le 4 mai 2020.

Par courrier du 13 mai 2020, la salariée a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique. Cet entretien préalable a été reporté à deux reprises, en dernier lieu au 25 juin 2020.

Par courrier du 28 juillet 2020 reçu le 29 juillet 2020, l'inspection du travail a été saisie d'une demande d'autorisation de licenciement pour motif économique que celle-ci a rejetée par une décision du 24 septembre 2020.

Mme [L] a été licenciée pour motif économique par courrier du 12 octobre 2020.

Le 19 octobre 2020, elle a accepté le congé de reclassement proposé par la Société Nouvelle Sofrapain.

Par requête reçue au greffe le 22 janvier 2021, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Versailles pour que soit retenue une situation de co-emploi à l'égard d'une autre société du groupe, la société Délifrance SA, et pour obtenir diverses condamnations, essentiellement au titre de la rupture du contrat de travail, à l'encontre de cette société et de la SASU Société Nouvelle Sofrapain.

Par jugement du 25 octobre 2023, auquel renvoie la cour pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes a :

- dit que l'affaire est recevable en la forme,

à titre principal, à l'égard de la société Sofrapain,

- dit que la demande de juger que le licenciement de Mme [L] lui a été notifié, sans autorisation administrative et donc, en violation de son statut protecteur est mal fondée,

à titre subsidiaire, à l'égard de la société Délifrance,

- dit que la demande de juger que la SA Délifrance a la qualité de co-employeur à l'égard de Mme [L], salariée de la SAS Nouvelle Sofrapain, par l'existence d'un lien de subordination et/ou l'existence d'une triple confusion d'intérêts, d'activités et de direction conduisant à la perte totale d'autonomie de la société Sofrapain est mal fondée,

en conséquence,

- dit que la demande de juger que la rupture du contrat de Mme [L] est dénuée de cause réelle et sérieuse, est mal fondée,

- dit en l'état actuel que l'article 1235-3 du code du travail est applicable,

à titre infiniment subsidiaire à l'égard de la société Sofrapain,

- dit que la demande de juger que le licenciement pour motif économique de Mme [L] est dénué de cause réelle et sérieuse, est mal fondée,

sur les demandes dirigées contre la société Délifrance,

- dit que la demande de condamner la société Délifrance SA à verser à Mme [L] la somme de 26 900 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, est mal fondée,

sur les demandes dirigées contre la société Sofrapain,

- dit que la demande de juger que la société Société Nouvelle Sofrapain n'a pas respecté les dispositions de l'accord majoritaire s'agissant des offres valables d'emploi, est mal fondée,

sur les autres demandes,

- dit que la demande de fixer la moyenne des salaires à la somme de 4 477,50 euros est bien fondée,

- fixé le salaire moyen de Mme [L] à la somme de 4 477,50 euros,

en conséquence,

- débouté Mme [L] de l'intégralité de ses demandes sauf en sa demande de fixer son salaire moyen à la somme de 4 477,50 euros,

- rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties,

- dit que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens.

Par déclaration au greffe du 24 novembre 2023, Mme [L] a interjeté appel de ce jugement.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 3 juillet 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, Mme [L] demande à la cour de :

- la recevoir en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

à titre principal, à l'égard de la société Sofrapain,

- infirmer le jugement en ce qu'elle a été déboutée de ses demandes afférentes à la violation de son statut protecteur : indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, indemnité de licenciement nul,

statuant à nouveau,

- juger que son licenciement lui a été notifié, sans autorisation administrative et donc, en violation de son statut protecteur,

en conséquence,

- condamner la société Société Nouvelle Sofrapain à lui verser les sommes suivantes :

* 13 432 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 1 343 euros au titre des congés payés afférents,

* une indemnité de licenciement nul, sur le fondement des dispositions de l'article L.1235-3-1 du code du travail, d'un montant de 70 000 euros nets de CSG et de CRDS et de charges sociales,

à titre subsidiaire, à l'égard de la société Délifrance SA,

- infirmer le jugement en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de reconnaissance d'une situation de co-emploi et partant, de ses demandes afférentes : indemnité compensatrice de préavis et indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau,

- juger que la SA Délifrance SA a la qualité de co-employeur à l'égard de Mme [L], salariée de la SAS Société Nouvelle Sofrapain, de par l'existence d'un lien de subordination et/ou l'existence d'une triple confusion d'intérêts, d'activités et de direction conduisant à la perte totale d'autonomie de la société Sofrapain,

en conséquence,

- juger que la rupture de son contrat est dénuée de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la SA Délifrance SA à lui verser les sommes suivantes :

* 13 432 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 1 343 euros au titre des congés payés afférents,

* indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu du préjudice à ce jour,

à titre principal,

- juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

- condamner en conséquence la SA Délifrance SA à lui verser la somme de 70 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire,

- condamner la SA Délifrance SA à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail (plafonnée) à hauteur de 60 500 euros,

à titre infiniment subsidiaire, à l'égard de la société Sofrapain,

- infirmer le jugement en ce que le conseil a jugé que son licenciement était justifié et l'a ainsi déboutée de ses demandes afférentes : indemnité compensatrice de préavis et congés payés et indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

statuant à nouveau,

- juger que son licenciement pour motif économique est dénué de cause réelle et sérieuse,

en conséquence,

- condamner la SAS Société Nouvelle Sofrapain à lui verser la somme de 13 432 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 1 343 euros au titre des congés payés afférents,

à titre principal,

- juger que doit être écarté le plafonnement prévu par l'article L.1235-3 du code du travail en raison de son inconventionnalité, ce plafonnement violant les dispositions de l'article 24 de la Charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT et le droit au procès équitable,

- condamner en conséquence la SAS Société Nouvelle Sofrapain à lui verser la somme de 70 000 euros nets de CSG et de CRDS à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

à titre subsidiaire et 'compte du préjudice à ce jour',

- condamner la SAS Société Nouvelle Sofrapain à lui verser une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L.1235-3 du code du travail (plafonnée) à hauteur de 60 500 euros,

- infirmer le jugement en ce que le conseil a estimé que la société avait respecté les dispositions de l'accord majoritaire s'agissant des offres valables d'emploi et l'a débouté de sa demande d'indemnisation,

statuant à nouveau,

- juger que la SAS Société Nouvelle Sofrapain n'a pas respecté les dispositions de l'accord majoritaire s'agissant des offres valables d'emploi,

en conséquence,

- condamner la SAS Société Nouvelle Sofrapain à lui verser la somme de 26 900 euros à titre de dommages et intérêts,

- infirmer le jugement en ce qu'elle a été déboutée de sa demande de communication de documents sous astreinte,

statuant à nouveau,

- ordonner à la SA Délifrance SA la remise de l'attestation destinée au Pôle emploi, du certificat de travail et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les 30 jours suivant la notification de l'arrêt,

- ordonner à la SAS Société Nouvelle Sofrapain la remise de l'attestation destinée au Pôle Emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes à la décision à intervenir et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard dans les 30 jours suivant la notification de l'arrêt,

- dire qu'en application de l'article L.131-3 du code des procédures civiles d'exécution la cour se réserver le droit de liquider l'astreinte sur simple requête,

- infirmer le jugement en ce qu'elle a été déboutée de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- condamner in solidum la SAS Société Nouvelle Sofrapain et la SA Délifrance SA à lui verser la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que ces sommes porteront intérêt à compter de la mise en demeure de la société du 9 décembre 2020, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil,

- ordonner la capitalisation judiciaire des intérêts sur le fondement de l'article 1343-2 du code civil,

- condamner in solidum la SAS Société Nouvelle Sofrapain et la SA Délifrance SA aux entiers dépens y compris les éventuels frais d'exécution de l'arrêt à intervenir,

- débouter la SAS Société Nouvelle Sofrapain et la SA Délifrance SA de toutes leurs demandes.

Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par le Rpva le 3 septembre 2025, auxquelles il est renvoyé pour un exposé complet des moyens, les sociétés Société Nouvelle Sofrapain et Délifrance SA demandent à la cour de :

à l'égard de la Société Nouvelle Sofrapain,

- confirmer le jugement qui a débouté Mme [L] de ses demandes afférentes à la prétendue violation de son statut protecteur,

- juger que la Société Nouvelle Sofrapain n'avait pas à obtenir d'autorisation administrative préalable et débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé le licenciement bien fondé sur une cause économique réelle et sérieuse,

- débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

- confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que la Société Nouvelle Sofrapain a respecté les dispositions de l'accord majoritaire s'agissant des offres valables d'emploi,

- débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes de ce chef,

à l'égard de la société Délifrance SA de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande de reconnaissance d'une situation de coemploi et de ses demandes afférentes,

- juger que l'entreprise Délifrance SA n'a pas la qualité de co-employeur,

- débouter Mme [L] de l'intégralité de ses demandes à l'égard de la société Délifrance SA,

sur les autres demandes :

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [L] de ses demandes de communication de documents sous astreinte, tant à l'égard de la Société Nouvelle Sofrapain qu'à l'égard de la société Délifrance SA,

- condamner Mme [L] à verser à la société Délifrance SA la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [L] aux dépens.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du licenciement et les demandes indemnitaires subséquentes

Pour infirmation du jugement entrepris, la salariée soutient que de sa propre initiative la SASU Société Nouvelle Sofrapain a décidé de retarder la procédure spéciale de licenciement la concernant quelques jours après l'expiration de la période de protection attachée à son mandat de représentant du personnel, que la société a sollicité une autorisation administrative de licenciement dans la mesure où la procédure de licenciement pour motif économique collectif a été initiée en période de protection à la suite de la mise en oeuvre de la procédure d'information et de consultation des instances représentatives le 14 janvier 2019, date de la première réunion extraordinnaire du comité d'entreprise et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, que la société employeur a pourtant passé outre la décision de rejet de sa demande d'autorisation de licenciement à l'encontre de laquelle elle n'a exercé aucun recours, qu'il en résulte, à l'aune de la jurisprudence de la Cour de cassation en matière de licenciement disciplinaire, la nullité de son licenciement qui lui ouvre droit au bénéfice d'une indemnité compensatrice de préavis et d'une indemnité pour licenciement nul réparant l'intégralité de son préjudice né du caractère illicite du licenciement.

La SASU Société Nouvelle Sofrapain qui sollicite la confirmation du jugement déféré sur ce point réplique qu'à la date du déclenchement de la procédure de licenciement de la salariée, la protection de cette dernière avait pris fin, que ' Pourtant, l'entreprise va suivre la procédure spéciale propre aux salariés protégés avec notamment la saisine du Comité d'entreprise au cours de laquelle le licenciement de Madame [L] a été discuté et a donné lieu à un votre à bulletins secrets. Puis l'Inspection a été saisie', qu'elle a donc eu l'intention de protéger les droits de la salariée, que le 24 septembre 2020, l'inspection du travail s'est déclarée matériellement incompétente et la demande d'autorisation a été rejetée faute de protection sans examiner ni le bien-fondé de la cause économique ni la qualité des recherches de reclassement, qu'en décidant que 'l'aurorisation de l'inspection du travail n'était pas requise', cette autorité a pris une décision conforme au principe de la séparation des pouvoirs et créatrice de droit, qu'elle n'avait donc pas d'intérêt à contester cette décision contrairement à la salariée qui s'en est abstenue, que l'analogie avec la jurisprudence invoquée en matière disciplinaire n'est pas pertinente dès lors que le motif du licenciement en cette matière s'apprécie à la date à laquelle la faute reprochée a été commise alors que pour l'appréciation du motif économique le juge doit se placer à la date de l'envoi de la lettre de licenciement

La cour constate que les parties s'accordent à dire que la salariée était titulaire d'un mandat électif donnant lieu à la protection légale contre le licenciement et que la période de protection a expiré le 4 mai 2020.

Il est également constant que conformément à ce que prévoient les dispositions de l'article L. 2421-3, dans sa version applicable au litige, du code du travail, l'employeur a soumis le projet de licenciement à l'avis du comité d'entreprise préalablement à la saisine de l'inspecteur du travail.

Il est rappelé que dès lors que la période de protection légale d'un salarié a pris fin, l'employeur recouvre le droit de le licencier sans autorisation de l'autorité administrative, qui n'est plus compétente pour autoriser ou refuser cette mesure.

La date à laquelle s'apprécie la nécessité d'une autorisation administrative de licenciement est celle de la convocation à l'entretien préalable.

Toutefois, le salarié protégé ne peut être licencié au terme de son mandat en raison de faits commis pendant la période de protection, qui auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail (Cass. Soc. 23 nov. 2004, n°01-46.234, 13 juin 2019, n°17-24.160).

La persistance du comportement fautif du salarié après l'expiration de la période de protection peut néanmoins justifier le prononcé d'un licenciement (Cass. soc., 16 févr. 2022, pourvoi n°20 16.171).

Enfin, le fait pour l'employeur de convoquer un salarié à un entretien préalable au licenciement le lendemain de l'expiration de la période de protection pour des faits d'absence prolongée datant de sa période de protection, caractérise un détournement de la procédure de protection (Cass. soc., 10 févr. 2010, n°08 44.001).

Au cas particulier, aucun fait au sens de la jurisprudence précitée, n'était à soumettre à l'inspecteur du travail dès lors que le motif du licenciement envisagé n'avait de nature qu'économique, ce qui n'est pas discuté, peu important qu'avant le terme de la protection de la salariée l'employeur ait exécuté ses obligations légales préalables à l'engagement d'une procédure de licenciement pour motif économique collectif.

En toute hypothèse, l'employeur a saisi l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement qui a été rejetée en raison d'une incompétence matérielle tirée de ce que son autorisation n'était pas requise par suite de l'extinction de la protection de la salariée le 4 mai 2020 préalablement à la convocation de cette dernière à l'entretien préalable.

Ainsi que le relève la société employeur, cette décision est créatrice de droit en sa faveur, de sorte que l'argument consistant à lui objecter une absence de recours auprès de l'autorité hiérarchique ou la juridiction administrative est inopérant.

La cour observe par ailleurs qu'en l'état de la jurisprudence administrative, il est probable que la décision de l'inspecteur du travail n'aurait pas été différente si les faits soumis avaient été de nature disciplinaire.

Quant à un éventuel détournement de la procédure de protection, à supposer ce moyen soutenu, la salariée, convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement neuf jours après l'expiration de la période de protection, se borne à indiquer de manière générale que la lettre de licenciement la concernant est strictement identique à celle adressée à ses collègues, ce qui est inexact, et que ces derniers ont été licenciés 'bien avant elle', échouant ainsi à caractériser une intention de l'employeur de se soustraire, par fraude, à cette procédure.

Il résulte de tout ce qui précède que par voie de confirmation du jugement entrepris, la salariée doit être déboutée de sa demande de nullité du licenciement et de ses demandes subséquentes en paiement d'indemnités.

Sur le co-emploi et les demandes subséquentes de condamnation de la seule société Délifrance SA

Pour infirmation du jugement entrepris, la salariée qui tire l'existence d'un co-emploi d'une part, d'un lien de subordination avec la société Délifrance SA, d'autre part, d'une immixtion permanente de cette dernière dans la gestion économique et sociale de la Société Nouvelle Sofrapain, en déduit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse dès lors que la société Délifrance SA ne lui a pas adressé une lettre de licenciement et n'a pas mis en oeuvre une recherche de reclassement ni un plan de sauvegarde de l'emploi, la cause économique 'au niveau du co-employeur' faisant également défaut.

Les sociétés qui poursuivent la confirmation du jugement entrepris font valoir que la salariée ne démontre pas de lien de subordination individuel avec la société Délifrance SA ni d'immixtion anormale de la société Délifrance SA au sein de la Société Nouvelle Sofrapain. Elles soutiennent que la reconnaissance d'un co-emploi ne rendrait pas sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour motif économique dans la mesure où la lettre de licenciement fait essentiellement référence à la situation économique de la société Délifrance SA, la cause économique a été appréciée au niveau du secteur d'activité du groupe Boulangerie-Viennoiserie-Pâtisserie dont la société Délifrance SA représentait 90% des volumes fabriqués et 85 % du chiffre d'affaires, le reclassement a été recherché dans le groupe, il a été tenu compte, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, des moyens dont disposaient les deux sociétés.

Il résulte de l'article L.1221-1 du code du travail que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Il appartient à celui qui s'en prévaut de démontrer l'existence du lien de subordination, lequel peut être caractérisé par un faisceau d'indices.

Hors l'existence d'un tel lien de subordination, une société ne peut être qualifiée de co-employeur, à l'égard du personnel employé par une autre société, que s'il existe, au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre elles et l'état de domination économique que peuvent engendrer leur relation commerciale, une immixtion permanente de cette société dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière.

En l'espèce, la salariée soutient,

- d'une part, sur le lien de subordination, que la responsable des ressources humaines auprès des salariés de la Société Nouvelle Sofrapain était une salariée de la société Délifrance SA, qu'elle exerçait à l'égard de tous les salariés l'autorité et les pouvoirs inhérents à cette fonction, qu'elle fixait ses horaires et accordait ses congés, que les salariés tiraient leurs ordres et directives de la société Délifrance SA dès lors que les décisionnaires étaient les responsables des services correspondants de cette société, que des échanges de courriels attestent que les responsables des différents services de la société Délifrance SA transmettaient aux cadres de la Société Nouvelle Sofrapain des instructions, ordres de développements et demandes de retour, que s'agissant de la production, celle-ci était pilotée par la société Délifrance SA en termes de commandes, ou de volumes, que le pouvoir de sanction à l'égard des salariés de la Société Nouvelle Sofrapain de la responsable des ressources humaines résulte de son pouvoir de les embaucher et de les licencier, peu important qu'elle ne l'ait pas concrètement exercé à l'encontre des salariés concernés,

- d'autre part, sur l'immixtion permanente de la société Délifrance SA dans la gestion économique et sociale de la Société Nouvelle Sofrapain,

* que constitue un indice de cette immixtion le fait que les deux sociétés ont une activité strictement identique et un même code APE, un site de [Localité 10] commun, la Société Nouvelle Sofrapain assurant la production et la seconde la commercialisation de celle-ci en ne laissant à la première aucune marge de manoeuvre quant au choix de la clientèle, qu'elles avaient des organes de direction communs,

* que l'immixtion permanente en matière sociale résulte de la gestion des ressources humaines de la Société Nouvelle Sofrapain par Mme [E], salariée de la société Délifrance SA quand aucun élément ne corrobore l'allégation d'une mise à disposition de celle-ci auprès de la Société Nouvelle Sofrapain, alors que la société Délifrance SA déterminait les horaires et acceptait les congés des salariés de la Société Nouvelle Sofrapain, qu'elle fixait sa politique salariale, négociait en cette matière et concrètement fixait la rémunération de ses salariés, menait les audits en matière de sécurité, la liste des contacts en cas de crise mentionnant des salariés de la société Délifrance SA,

* que l'immixtion en matière économique est démontrée,

. au niveau commercial puisque la responsable client et l'assistante commerciale salariées de la Société Nouvelle Sofrapain étaient néanmoins rattachées par des documents à la société Délifrance SA et recevaient leurs directives de cette dernière, et dès lors que la société Délifrance SA fixait les prix et volumes et se voyait facturer la production de la Société Nouvelle Sofrapain dont elle fixait le cahier des charges,

. au niveau industriel en ce que les directeurs industriels de la société Délifrance SA dont Messieurs [ZY] de 2015 à 2017 puis [J] à compter de juin 2018, encadraient le responsable du site de [Localité 10], que la société Délifrance SA planifiait la production en termes de délais, d'objectifs et de logistique, fixait les volumes et les transferts de production entre sites, . au niveau de la gestion du site et des installations dans la mesure où la société Délifrance SA pilotait les installations d'équipements industriels et leur maintenance dont elle réceptionnait les factures, était l'interlocuteur de l'administration en matière environnementale, procédait à des analyses sur site aux fins d'amélioration de la productivité, et a conclu des contrats avec des prestataires pour le démantèlement du site de [Localité 10],

. au niveau des décisions stratégiques en matière de production dès lors que la société Délifrance SA a décidé de redéfinir la stratégie et a ainsi mis en oeuvre des mesures en vue d'un projet de développement de nouveaux produits.

Les sociétés appelantes répliquent :

- sur l'existence d'un lien de subordination, qu'outre l'absence d'élément concernant la salariée de manière individuelle, l'exercice effectif d'un pouvoir de direction et de sanction à son égard n'est pas démontré alors que les entretiens d'évaluation étaient également conduits par la seule direction de la Société Nouvelle Sofrapain qui prenait les décisions en matière de rémunération,

- sur l'immixtion permanente de la société Délifrance dans la gestion sociale et économique de la Société Nouvelle Sofrapain,

. que la structure du groupe montre que ces deux sociétés ne sont que soeurs au sein du groupe Nutrixo, que le site de [Localité 10] n'était pas commun aux deux sociétés, que la Société Nouvelle Sofrapain fabriquait principalement des disques de pizza quand la société Délifrance SA produisait de la pâtisserie et du traiteur, que les prix cession usine, la cadence, les réglages étaient déterminés par les responsables de la Société Nouvelle Sofrapain,

. que l'existence d'une organisation commerciale coordonnée au niveau du groupe résulte notamment d'une note économique, financière et technique du 6 novembre 2013, que la société Délifrance SA commercialisait tous les produits de la marque 'Délifrance', que la fixation des volumes à produire résultait de cette coordination et était dictée par les demandes des clients, que Messieurs [Y] et [T] étaient dirigeants sociaux de la Société Nouvelle Sofrapain, que M. [Y], directeur industriel du secteur d'activité Boulangerie-Viennoiserie-Pâtisserie-Traiteur ne rapportait qu'au groupe en tant que superviseur au niveau de celui-ci des opérations industrielles de cette activité, que M. [ZY] était son adjoint pour la coordination du 'Pain' et de la 'Pizza', y compris à l'étranger notamment au Royaume Uni et en Italie, que Mme [S], sous lien hiérarchique de M. [A], négociait avec le client Yum qui était propre à la Société Nouvelle Sofrapain,

. que M. [A], salarié de la Société Nouvelle Sofrapain, s'il disposait de prérogatives contractuelles et par délégation en matière de représentation de cette société auprès des tiers et d'organisation et de direction des différents services, était subordonné à son conseil d'administration dont Messieurs [Y] et [T], que chaque membre de l'équipe d'encadrement de la société, soit Mesdames [V], [L] et [IY] et M. [WY], était juridiquement subordonné à M. [A], que M. [G] était juridiquement subordonné à Mme [L], que M. [P] qui a remplacé M. [A] était pour sa part salarié de la société Nutrixo Services, son contrat de travail ayant été signé par M. [T], que les entretiens de développement et les entretiens de performance de Mesdames [V] et [L] et de M. [WY] corroborent le fait qu'il n'existait pas de lien hiérarchique avec quiconque en dehors de la Société Nouvelle Sofrapain, que le directeur de la Société Nouvelle Sofrapain disposait du pouvoir disciplinaire et de recrutement, que M. [T] était le directeur des ressources humaines du secteur d'activité Boulangerie-Viennoiserie-Pâtisserie-Traiteur, qu'à l'instar de M. [Y], il était dirigeant social de la Société Nouvelle Sofrapain, que M. [T] n'a exercé aucun autre pouvoir que ceux qu'il détenait de ces qualités, que des conventions de prestations pour la gestion des activités de support ont également été conclues notamment en matière de ressources humaines, que les références à 'Délifrance' résultent d'une communication unifiée au service de la marque du même nom mises en avant par les collaborateurs assurant des fonctions commerciales ou de représentation de clientèle.

A l'appui de ses demandes, la salariée soutient d'abord que Mme [E], responsable des ressources humaines, était rattachée à la société Délifrance SA et assurait la gestion des ressources humaines de la Société Nouvelle Sofrapain, soumettant ainsi l'ensemble des salariés de cette dernière à son autorité.

Sur ce point, elle produit aux débats :

- une carte de visite au sein de laquelle Mme [E] n'apparaît en tant que responsable des ressources humaines que pour la société 'Délifrance SA',

- une lettre de recommandation du 12 août 2016 à l'entête 'Sofrapain' au sein de laquelle Mme [E] atteste et signe en qualité de 'Responsable Ressources Humaines Sofrapain',

- un mail de Mme [E] à des responsables de services de la Société Nouvelle Sofrapain qui leur demande d'afficher dans leurs services respectifs une note d'information sur l'intéressement et la participation 2015-2016, sur le montant moyen à percevoir, les intéressés étant invités 'surtout' à communiquer sur les réponses et les dates impératives à respecter,

- une lettre de licenciement pour motif économique d'un salarié de la Société Nouvelle Sofrapain signée le 10 novembre 2016 par Mme [E] 'Responsable Ressources Humaines',

- deux lettres du 11 avril 2016 et du 23 janvier 2017 par lesquelles l'inspection du travail notifie des décisions relatives à des demandes d'autorisation de licenciement de salariés protégés, à la Société Nouvelle Sofrapain et à l'attention de Mme [E], le second courrier précisant sa qualité de 'Responsable des Ressources humaines',

- une lettre à l'entête 'Sofrapain' du 20 mars 2017, signée par Mme [E], laquelle informe le personnel d'un appel à candidatures pour le renouvellement du CHSCT,

- des procès-verbaux de réunions extraordinaires du comité d'établissement datés des 13 février et 23 mai 2018 qui font apparaître Mme [E] en tant que 'RRH Sofrapain' le 13 février puis de 'Responsable RH' en sus d'un 'DRH Nutrixo' le 23 mai,

- un courrier à l'entête 'Sofrapain' du 5 juillet 2018 dont Mme [E] est la signataire en tant que 'Responsable Ressources Humaines' de la Société Nouvelle Sofrapain et qui comporte le cachet humide de cette même société, aux termes de laquelle il est notamment indiqué à M. [WY] 'Nous acceptons votre demande et vous demandons de rendre votre dernier jour de travail effectif les documents, matériels, clés appartenant à l'entreprise et mis à votre disposition',

- cinq contrats de travail ou avenants qui mentionnent que la Société Nouvelle Sofrapain est représentée par Mme [E] en qualité de 'Responsable des Ressources Humaines', lesquels ont été signés par cette dernière en février 2016, juillet 2016 et septembre 2017 puis par M. [P] en novembre 2018,

- une note au personnel de la Société Nouvelle Sofrapain signée par Mme [E] en tant que 'Responsable Ressources Humaines' qui indique que les propositions finales de la Direction s'appliqueront unilatéralement faute d'accord ou désaccord dans le cadre de réunions de négociation sur les évolutions des rémunérations, quant à une majoration de salaires de base et à un montant de prime annuelle de vacances.

La salariée produit par ailleurs des documents signés par M. [T], directeur des ressources humaines du groupe Nutrixo, pour la Société Nouvelle Sofrapain, notamment des documents relatifs à la négociation annuelle obligatoire de 2016 qu'il a signés 'Pour Sofrapain', un courrier du 14 février 2019 qu'il a signé en tant que 'Direction des ressources humaines', et ce, avec M. [P] qui apparaît en qualité de 'directeur de site', ce courrier lui notifiant une augmentation de salaire à l'instar de Madame [Z]. Une liste de contacts en cas de crise révisée le 7 novembre 2018 mentionne M. [T] en tant que contact titulaire pour le service des ressources humaines.

La salariée soutient ensuite que les services de production, de maintenance, d'administration des ventes et le service commercial étaient encadrés par des salariés de la société Délifrance SA.

Elle produit essentiellement aux débats :

- deux cartes de visite aux noms de Mme [S] et de Mme [EY], salariées de la Société Nouvelle Sofrapain, qui ne comportent de mention qu'en lien avec la société Délifrance SA,

- un trombinoscope mentionnant l'année 2016 de 'Délifrance BVP France' sur lequel Mme [S] apparaît en tant que 'Responsable client National RHD [Restauration Hors Domicile]' et Mme [EY] en qualité d''assistante commerciale',

- un mail du 22 mai 2013 aux termes duquel Mme [JY] [R], responsable service client de Délifrance GMS France, transfère un message de [OY] [I], directeur de la société Délifrance SA, faisant connaître aux intéressés qu'il assurera le suivi et développement du client Pizza Hut - Yum de la Société Nouvelle Sofrapain durant le congé maternité de Mme [S] et que Mme [EY] l'assistera et aura la responsabilité de l'assistance commerciale de ce client, sous la responsabilité de [JY] [R],

- un mail d'un directeur de la société Délifrance SA que M. [O] a envoyé à Mme [S] le 24 septembre 2017 au sujet du développement de nouveaux disques de pizza et l'intervention d'un consultant italien à cette fin pour travailler avec la 'DIP et ensuite avec le site de [Localité 10] pour mettre en place deux nouveaux produits',

- un mail envoyé le 4 octobre 2017 par Mme [DY], 'responsable Back-Office' notamment à Mme [EY] sollicitant la communication par les intéressés des éléments que 'l'Administration client' pourrait leur demander,

- un échange de mails en mars et avril 2018 notamment entre M. [O] et Mme [S] aux termes duquel il lui demande de préparer des dossiers sans les activer pour l'instant s'agissant du client Pizza Hut/Yum, puis elle l'interroge sur la conduite à tenir en matière de communication aux autres services centraux et France concernant 'la pizza' puis sur la poursuite de commandes et d'un dossier relatif à des essais de farine moins protéinée, M. [O] ponctuant l'échange par une décision de ne pas poursuivre 'ce dossier' faute d'intérêt,

- un mail adressé le 25 mai 2018 aux termes duquel la direction de Délifrance rappelle de manière générale tant à des salariés de Délifrance qu'à Mme [EY], les règles de l'entreprise à respecter en terme d'horaires de travail dont l'horaire hebdomadaire, l'amplitude avec une définition des plages mobiles et fixes, le temps de pause, outre le rappel d'une interdiction de déjeuner sur les lieux de travail,

- un courrier à l'entête 'Délifrance', signé pour le compte de la société Délifrance SA dont la dénomination et les données d'identification figurent en bas de page, daté du 1er novembre 2018 et à l'attention de Mme [S] à titre de notification du montant maximum de sa prime commerciale et des objectifs individuels et collectifs à atteindre pour une attribution complète de celle-ci,

- une liste de contacts en cas de crise révisée le 7 novembre 2018 au sein de laquelle apparaissent M. [O], titulaire, et Mme [S], suppléante, en tant que 'Commercial France', M. [N] [B], de la société Délifrance SA, en tant que 'Commercial UK', et pour le service des ressources humaines, M. [T],

- des cartes de visite de cadres, dont elle-même, de la Société Nouvelle Sofrapain, qui ajoutent aux mentions de cette société le terme 'Délifrance',

- une fiche de fonction datée du 7 avril 2014 qui mentionne que M. [P] était alors responsable de l'établissement de [Localité 10] et est placé sous la hiérarchie directe du directeur industriel Délifrance Pain Pizza ou Viennoiserie Pâtisserie,

- un échange de mails en janvier 2015 entre des membres de la direction de Délifrance et des directions de sites, à l'issue duquel M. [CY], 'Responsable Flux et Production Délifrance [Localité 8]' envoie à plusieurs destinataires, dont M. [P], une liste de produits à transférer de [Localité 8] vers [Localité 10] 'suite au démarrage de la baguette Constance' sur [Localité 8], après que le directeur des achats 'supply chain' de Délifrance a exprimé son accord pour ce transfert,

- un échange de mails en février 2016 à l'issue duquel M. [K] manager Délifrance Italia', demande à la 'Responsable Flux Logistiques Société Nouvelle Sofrapain /Site de [Localité 10]', avec en copie notamment M. [A], responsable du site de [Localité 10], de ne pas poursuivre une production en vue d'un transfert du site de [Localité 10] vers un site italien,

- des mails envoyés en février et mars 2016 par Mme [C], 'Coordinatrice Pain Supply chain Délifrance' au sujet de réunions relatives au 'Plan de charge' notamment afin d'obtenir une contribution de la part de responsables et directeurs dont Mme [V] et M. [A],

- un mail envoyé le 7 avril 2016 par Mme [HY], 'Supply Chain Délifrance - Pain', qui adresse notamment à Mme [V] et M. [A], le compte-rendu de la réunion de Plan de charge fixant des volumes et transferts de productions notamment pour le site de [Localité 10] s'agissant d'une baguette 'Simply', la prolongation du travail le dimanche 'jusqu'à mi-juin pour absorber plus de volumes 'Simply' et ainsi mieux satisfaire la demande client',

- le mail d'envoi par Mme [HY] du 'Plan de charge' en juin 2016 qui est immédiatement suivi d'un mail de M. [A] qui interroge Mme [C] sur un transfert de 'ref vers Southall (S7932,mini pavé...) '' auquel Mme [C] répond dans la foulée que 'cela faisait partie d'une demande d'[H] [[ZY]] à Southall pour mettre en place des essai. Aujourd'hui, les essais pour les baguettes Héritage de [Localité 8] -G3 sont la priorité (pas les petits pavés ni parisiens de [Localité 10]) mais on a gardé l'intégralité des volumes proposés par [H] [[LY] la liste de transferts en cours pour assurer un suivi global des pistes de travail.',

- un mail adressé en août 2016 notamment à Mme [V] et à M. [A] par M. [ZY] pour validation d'un transfert temporaire de produits [Adresse 7],

- un échange de mails entre le mois d'avril 2016 et le mois de novembre 2016 la mettant en copie, au sujet d'un projet de transfert d'un produit 75418 'bûche poolish heritage' notamment du site de [Localité 8] vers le site de [Localité 10] pour lequel M. [A] est relancé notamment par mail de Mme [C] le 22 novembre 2016 auquel ce dernier répond le jour même en indiquant qu'il adressera un coût unitaire, mail suivi de celui de M. [ZY] qui fait savoir que le transfert ne se fera pas si ses effets sont 'rédhibitoires sur la marge' puis le valide par mail du 25 novembre au regard d'un 'PCU TRP [[Localité 10]]' inférieur au 'PCU DKQ [[Localité 8]]' et qui conclut en indiquant 'Cependant les volumes sont ridicules : ventes inférieures à 1 T / mois',

- un mail de Mme [X], 'Coordinatrice Sécurité-Délifrance Safety Coordinator - Délifrance', qui le 30 juin 2017 adresse notamment au responsable du site de [Localité 10] et à des salariés de la Société Nouvelle Sofrapain, un rapport d'audit relatif à la sécurité effectué à [Localité 10], remercie les intéressés pour leur contribution à cet audit, puis précise qu' 'Il y a bien sûr, maintenant, un plan d'action à dérouler',

- un mail envoyé le 20 juillet 2017 par Mme [HY] notamment à M. [A] et Mme [V], leur transmettant un 'Plan de charge' comprenant le transfert de cinq types de produits du site de [Localité 10] vers celui de [Localité 8],

- un échange de mail en octobre 2017 duquel il ressort que M. [W] lui réplique, au sujet d'un positionnement de matériel sur un plan : '[F], Je gère des travaux neufs!!',

- un rapport de novembre 2017 concernant le projet de palettisation robotisée pour le site de [Localité 10] mené par un responsable projet Délifrance,

- des factures de prestataires de service de maintenance de mars 2015 et juillet 2018 mentionnant une adresse de livraison correspondant à la société Sofrapain mais une adresse de facturation correspondant à la société Délifrance SA,

- un mail de Mme [M], 'Global Planning Manager', 'Supply Chain Délifrance', qui le 12 février 2018 envoie à M. [A] et Mme [C] 'les fichiers de calendriers et de cadences à compléter pour la préparation du budget' à lui renvoyer à date indiquée,

- un mail de mars 2018 par lequel Mme [TY], 'Production Planner Supply Chain Délifrance', indique à Mme [V] ainsi qu'à M. [J] qu'elle est d'accord pour une modification du planning compte tenu de la décision de la direction industrielle,

- un échange de mails en octobre 2018 aux termes duquel M. [U], directeur réseau Horeca, Délifrance France, envoie à plusieurs destinataires, un tableau de prix de cession usine et produit à novembre 2018,

- un courrier à l'entête de la Société Nouvelle Sofrapain du 11 décembre 2018 signé par le directeur technique Délifrance en tant qu'interlocuteur de l'administration pour la Société Nouvelle Sofrapain en matière de rejets industriels par le site de [Localité 10],

- un compte-rendu de la réunion du comité d'entreprise extraordinaire du 14 janvier 2019 à laquelle ont assisté des salariés de la société Délifrance SA et dont le président indique que 'Sofrapain vend tout à Délifrance. Ce sont des cessions intragroupes.',

- un mail envoyé en février 2019 à Mme [V] aux termes duquel Mme [TY] qui l'informe du souhait de Pizza Hut d'augmenter le niveau de stock de toutes les références pizza d'une semaine et lui transmet un tableau illustrant la demande de M. [J], 'Bread Industrial Director Délifrance', à ce sujet,

- un projet de contrat du 31 mai 2019 relatif à une mise en sécurité électrique du site de [Localité 10] qui ne mentionne que la société Délifrance SA et une société prestataire,

- un mail de juin 2019 par lequel M. [W], 'Project Manager Délifrance Global', demande à M. [FY], cadre de la Société Nouvelle Sofrapain,'de passer ces commandes',

- un procès-verbal de réception de matériel industriel signé par le responsable projet de la société Délifrance SA qui mentionne cette société en tant que 'client' et la Société Nouvelle Sofrapain en tant qu' 'utilisateur',

- un bon de livraison du 11 septembre 2018 mentionnant la Société Nouvelle Sofrapain en en-tête, un lieu de livraison à [Localité 5] et une facturation à Délifrance SA.

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, la salariée échoue à démontrer qu'elle a exercé un emploi sous lien de subordination effectif de la société Délifrance SA, étant insuffisants à la caractérisation d'un tel lien, regardés ensemble, d'une part, des éléments de rattachement de Mme [E] aux sociétés Société Nouvelle Sofrapain et Délifrance SA en l'absence d'élément établissant que la salariée était par ce biais, au regard notamment des fonctions exercées, effectivement soumise à titre individuel et de façon suffisamment significative à des ordres et directives de la société Délifrance SA qui en contrôlait l'exécution et sanctionnait ses manquements, étant observé à ce titre que les pièces versées par les sociétés appelantes montrent qu'elle était évaluée par M. [A], son manager, notamment dans le cadre d'entretiens de développement en 2017 et 2018, d'autre part, le placement de M. [A] sous lien hiérarchique direct selon le contrat de travail de ce dernier signé le 6 janvier 2016 par Mme [E], du 'Directeur Industriel Pain Pizza de Délifrance', soit de M. [ZY], lequel, s'il imposait à l'instar d'un agent de liaison des décisions au responsable de site en matière de détermination de la production, de transfert de celle-ci, de volumes et de prix, ne donnait cependant pas de directives à la salariée et ne sanctionnait pas ses manquements, de troisième part, en considération des fonctions effectivement exercées par la salariée et de son positionnement hiérarchique au sein de la Société Nouvelle Sofrapain, une réduction de la marge de manoeuvre du personnel d'encadrement de cette société induite par des instructions reçues du personnel de la société Délifrance SA dont il n'est justifié qu'elles ont eu une incidence concrète et directe sur l'exercice parallèle des fonctions hiérarchiques propres des intéressés, dont elle-même, à l'égard de leurs subordonnés, ce que corrobore, notamment, le fait qu'en tant que chef de groupe production elle tenait des entretiens de développement et professionnels et signait les comptes-rendu afférents, notamment pour M. [G] en 2017 et 2018. De la même façon, c'est en raison de la nature de ses fonctions au sein de la Société Nouvelle Sofrapain et du site de [Localité 10], qu'elle était associée et informée et très ponctuellement sollicitée, quant à la politique stratégique du groupe Nutrixo essentiellement en matière de 'supply chain' et plus particulièrement s'agissant de transferts de productions d'un site à un autre. Plus généralement, M. [A] était concerné, en tant que responsable du site de [Localité 10], par la plupart des échanges. D'ailleurs, ce dernier demeurait l'évaluateur professionnel de Mme [L].

Concernant à l'époque considérée une immixtion permanente de la société Délifrance SA dans la gestion économique et sociale, il ressort des éléments versés que la Société Nouvelle Sofrapain et la société Délifrance SA appartiennent au groupe Nutrixo ayant à sa tête la société Nutrixo SA dont l'activité est la prise de participations majoritaires dans les sociétés ayant pour activité la meunerie la boulangerie ou les aliments surgelés. Cette dernière société s'insère dans le groupe Vivescia.

La SASU Société Nouvelle Sofrapain et la SA Délifrance SA avaient pour actionnaire la SASU Financière d'Ivry, laquelle a pour activité la prise de participation et la gestion de patrimoine immobilier et de valeurs mobilières.

Au vu des éléments produits, à l'époque concernée les deux sociétés n'avaient pas d'administrateurs ni de dirigeants communs, Messieurs [Y], [D] et [T] faisant partie des administrateurs de la Société Nouvelle Sofrapain quand la société Délifrance SA comptait parmi ses administrateurs la SA Nutrixo.

Elles n'avaient pas non plus de lien capitalistique direct et la Société Nouvelle Sofrapain n'était pas une filiale de la société Délifrance SA.

De la même manière, l'adresse de leur établissement principal était située à [Localité 9] pour la société Délifrance SA et à [Localité 10] pour la Société Nouvelle Sofrapain, aucun élément ne permettant de corroborer l'affirmation selon laquelle l'établissement de [Localité 10] aurait été commun aux deux sociétés.

Pareillement, si des extraits d'immatriculations au Registre du commerce et des sociétés mentionnent que leur activité est celle de fabrication, distribution, vente de produits alimentaires, et notamment surgelés, les produits fabriqués n'étaient pas identiques dès lors que contrairement à la société Délifrance SA, la Société Nouvelle Sofrapain avait une activité de fabrication de boulangerie dont une partie significative était dédiée à la pizza, segment qui lui était spécifique dans le groupe et qui comprenait un unique client, le groupe Yum ('Pizza Hut'). De plus, aucun élément ne fait ressortir un partage ou des transferts de l'une à l'autre, de moyens de productions, étant rappelé qu'il n'est pas établi qu'elles disposaient de site de production commun.

Concernant plus particulièrement une immixtion dans la gestion sociale, les éléments non utilement contredits qui rattachent Mme [E] aux deux sociétés et mettent en évidence l'exercice par cette dernière sur une période de fonctions de responsable des ressources humaines au sein de la Société Nouvelle Sofrapain, demeurent peu significatifs en proportion et durée s'agissant notamment de la signature de contrats de travail ou d'avenants, peu nombreux et sur une période réduite, et de manière encore plus ponctuelle d'interventions dans le cadre de la négociation collective de proximité.

De la même manière, ainsi qu'il a été dit plus haut, le responsable du site de [Localité 10] de février 2016 à mai 2018, était sous lien hiérarchique direct du 'Directeur Industriel Pain Pizza de Délifrance' et du personnel d'encadrement de la Société Nouvelle Sofrapain recevait occasionnellement des instructions essentiellement en matière de logistique et de production, de façon encore plus ponctuelle en matière sociale, de la société Délifrance SA. Toutefois, les éléments produits en contrepoint par les sociétés appelantes établissent que ce personnel d'encadrement exerçait de manière effective son pouvoir hiérarchique au sein de la Société Nouvelle Sofrapain, le responsable de site procédant individuellement et concrètement à l'évaluation des chefs de service industriel et le personnel encadrant une équipe, dont Mme [L] ainsi que Mme [V] et M. [WY], évaluant à son tour les membres la composant.

A cet égard, force est d'observer, d'une part, que M. [P] a de nouveau occupé des fonctions de responsable du site de [Localité 10] à compter de juin 2018 sous la subordination juridique de la société Nutrixo Services avec laquelle il a signé un contrat de travail à durée déterminée en qualité d'employé des ressources humaines, d'autre part, que cette dernière société a conclu des conventions de prestations, notamment dans le domaine des ressources humaines, avec diverses sociétés appartenant au groupe Nutrixo dont la Société Nouvelle Sofrapain le 30 juin 2016 et il n'est pas démontré ni même allégué que cette convention aurait été le moyen pour la société Délifrance SA de capter les prérogatives attachées à la qualité d'employeur de la Société Nouvelle Sofrapain.

Au surplus, M. [T], administrateur de la Société Nouvelle Sofrapain, est intervenu en 2016 en qualité de représentant de la Société Nouvelle Sofrapain dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire et la circonstance qu'il apparaisse aux côtés de M. [P], responsable de site, pour notifier une augmentation de salaire en février 2019, est marginale.

Par ailleurs, c'est de manière occasionnelle que du personnel rattaché à la société Délifrance SA a été amené à donner, recevoir ou relayer des informations afin de définir une politique d'entreprise ou de groupe en matière sociale ou budgétaire.

De façon encore plus ponctuelle, une salariée de la société Délifrance SA est intervenue dans la gestion d'un dossier relatif à la sécurité.

En définitive, il ne s'évince d'aucun élément que la société Délifrance SA s'est véritablement substituée à la Société Nouvelle Sofrapain dans sa gestion financière et comptable ou d'autres aspects de la gestion sociale d'une entreprise notamment la fixation des congés, le déroulement des carrières, la formation, la protection sociale.

Quant à la présentation de certains documents ou objets, seules Mesdames [S] et [EY] dont les fonctions étaient exclusivement de nature commerciale, sont effectivement rattachées par des cartes de visite et un trombinoscope à la société Délifrance SA, d'autres cartes de visite ou vêtements n'affichant le terme 'Délifrance' qu'en tant qu'identité visuelle du logo de la marque, ancienne et emblématique du groupe, du même nom.

Les éléments versés font ressortir que la Société Nouvelle Sofrapain ne disposait donc pas de toute son autonomie dans le domaine social mais il n'en résulte pas une prise en main par la société Délifrance SA de la direction du personnel et de la gestion des ressources humaines de la Société Nouvelle Sofrapain de nature à révéler une immixtion permanente de la première dans la gestion sociale de la seconde.

S'agissant d'une immixtion de la société Délifrance SA dans la gestion économique de la Société Nouvelle Sofrapain, au vu des pièces versées et de ce qui est dit plus haut, il ne peut être retenu une confusion de direction ni de permutabilité des dirigeants des deux sociétés de nature à révéler une mainmise de la direction de la société Délifrance SA sur la direction de la Société Nouvelle Sofrapain au point de faire perdre toute capacité de décision à cette dernière.

Il n'est pas non plus établi, au-delà de ce qui a été dit plus haut sur des interventions éparses, peu significatives sur la période considérée et le plus souvent occasionnelles, une véritable permutabilité du personnel entre les deux sociétés chacune d'elles disposant de ses propres moyens humains et techniques et de ses conditions de production en l'absence d'élément de nature à corroborer, au-delà de transferts de production au niveau du groupe répondant à une stratégie de rationalisation de l'offre et de réduction des coûts, une interdépendance entre les sites des deux sociétés notamment industrielle et logistique.

Il ne ressort pas plus des pièces versées que toute décision fondamentale de stratégie commerciale et de développement se négociait directement en dehors des dirigeants de la Société Nouvelle Sofrapain ni que ces derniers ont été systématiquement évincés au profit de dirigeants de la société Délifrance SA.

De même, les pièces versées n'établissent pas l'existence de mises à disposition logistiques entre les deux sociétés ni une centralisation significative de facturation.

Cela étant, une interdépendance en matière commerciale, de fournisseurs, comme une cession de produits intragroupe, ne révèlent pas, en elles-mêmes, une dépendance financière, et les éléments versés font ressortir que si des interventions, plus rarement des décisions, de salariés de la société Délifrance SA ont existé de manière occasionnelle dans le transfert et de manière encore plus exceptionnelle dans l'arrêt ou la prospection, de productions, le responsable de site et les services commerciaux de la Société Nouvelle Sofrapain pouvaient y être associés notamment en terme d'analyse financière ou de logistique.

Plus généralement, il n'apparaît pas que des salariés de la société Délifrance SA contrôlaient tous les aspects de l'organisation et de la stratégie commerciale et industrielle comme de la logistique et des installations, les situations mises en exergue par les pièces versées ne révélant pas une immixtion permanente excédant une nécessaire collaboration dans un but de coordination et de rationalisation économique considérées à l'échelle du groupe, sous la forme, par exemple, d'une concentration et spécialisation partielle de productions, fussent-elles destinées à être cédées à une société soeur, laquelle n'avait pas pour origine, objet, raison d'être ou activité que l'achat de produits de la Société Nouvelle Sofrapain.

Concernant cette collaboration entre société soeurs, peut être considérée comme topique une intervention ponctuelle de la société Délifrance SA pour répondre de manière spécifique et pertinente au suivi temporaire du client essentiel de la Société Nouvelle Sofrapain par suite du départ en congé maternité de la responsable clients de cette dernière, et ce, avec l'aide de l'assistance commerciale de cette même société.

Quant à la politique du groupe Nutrixo en matière de stratégie commerciale et financière même répercutée à l'encadrement de la Société Nouvelle Sofrapain par l'intermédiaire de salariés de la société Délifrance SA jouant un rôle d'agents de liaison, si elle a eu une incidence évidente sur l'activité économique et sociale de la Société Nouvelle Sofrapain, sur sa propre politique de développement et sa stratégie commerciale, s'inscrivait dans une nécessaire coordination économique entre sociétés d'un même groupe.

Au demeurant, aucun élément ne fait ressortir que la Société Nouvelle Sofrapain était empêchée d'établir des relations commerciales avec d'autres clients ou donneurs d'ordre.

Il ne résulte donc pas de tout ce qui précède l'existence d'une ingérence continuelle et anormale de la société Délifrance SA dans la gestion économique et sociale de la Société Nouvelle Sofrapain au-delà de la nécessaire coordination des actions économiques entre deux sociétés d'un même groupe et l'état de domination économique que peut engendrer leur relation commerciale,.

La salariée échouant à caractériser une immixtion permanente de la société Délifrance SA dans la gestion économique et sociale de la société employeur, conduisant à la perte totale d'autonomie d'action de cette dernière, doit être déboutée de ses demandes, tirées d'une situation de co-emploi, aux fins de condamnation de la société Délifrance SA au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents et d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que de ses demandes de voir ordonner la remise sous astreinte de documents conformes. Le jugement est donc confirmé sur ces points.

Le jugement attaqué sera également confirmé sur le débouté de la demande au titre d'un travail dissimulé consécutive à une situation de co-emploi non retenue par la cour, étant relevée l'absence de moyen et prétention soutenus à ce titre en cause d'appel.

Sur le bien-fondé du licenciement pour motif économique notifié par Société Nouvelle Sofrapain

La salariée qui poursuit l'infirmation du jugement conteste le bien-fondé du licenciement pour motif économique et sollicite la condamnation de la Société Nouvelle Sofrapain au paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'une indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents.

Elle fait valoir, en premier lieu, que le secteur d'activité pertinent pour apprécier la cause économique du licenciement est celui de la 'boulangerie-viennoiserie' (BV) non étendu à la 'pâtisserie-traiteur' (PT) dès lors que la société produit des fonds de pizza crus surgelés et une gamme de pains précuits surgelés, en second lieu, que la cause économique invoquée, soit une réorganisation pour sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité pertinent du groupe, n'est pas justifiée par les éléments versés par l'employeur, notamment de liasses fiscales sans aucun rapport des commissaires aux comptes et dont ce dernier se borne à déduire l'existence de difficultés économiques sans établir une menace sur la compétitivité, alors que l'examen du projet de sauvegarde de l'emploi réalisé pour le comité d'entreprise met en exergue la bonne santé financière du groupe Nutrixo, la mise en oeuvre d'une stratégie de montée en gamme et d'endiguement de pertes de marché et une progression de son endettement en lien avec une stratégie d'acquisition.

Sur le non-respect de l'obligation de reclassement, la salariée fait valoir que le jugement n'a pas statué sur ce point et que la la Société Nouvelle Sofrapain ne justifie pas du respect de son obligation en la matière au moyen d'une liste d'offres imprécise et non individualisée comme d'une proposition de poste individualisée déloyale notamment en raison d'un délai de réponse trop court et d'une imprécision concernant la rémunération et la durée du travail.

La Société employeur réplique, d'une part, que le secteur d'activité pertinent est le secteur 'BVPT', que la cause économique doit nécessairement s'apprécier à ce niveau dès lors que l'activité 'PT' ne concerne plus que la société Délifrance SA de manière très minoritaire et ne peut plus constituer un secteur dès lors qu'elle ne concerne plus que deux établissements et qu'il est impossible de se placer à un niveau inférieur à l'entreprise, qu'en toute hypothèse les constats économiques et financiers sont identiques quel que soit le secteur d'activité, d'autre part, que les liasses fiscales qu'elle verse font état de pertes significatives au 30 juin 2019 et au 30 juin 2020 s'agissant des résultats d'exploitation, des quatre sociétés composant le secteur pertinent, que la situation s'est aggravée quant aux indicateurs de la société Délifrance SA au 31 décembre 2020, les société Fiancière d'Ivry et Nutrixo SA étant quasiment en sommeil et la société holding Nutrixo SA ne générant aucun chiffre d'affaires, que la non-compétitivité du groupe au niveau de son secteur d'activité pertinent résulte d'un accroissement des charges d'exploitation supérieur à celui du chiffre d'affaires sur la période de juillet 2015 à juin 2019 en raison d'une augmentation du prix des matières premières, d'une augmentation des provisions liées aux créances clients, d'une dépréciation des stocks de produits invendus, d'une perte de marchés et de clients, que par ailleurs aucun dividende n'a été versé de 2017 à 2019.

Afin de justifier du respect de son obligation de reclassement, elle fait valoir que ses recherches ont été étendues au groupe Vivescia, qu'elle a adressé une liste de 120 postes à tous les collaborateurs dont la salariée, que conformément à deux courriers qui lui ont été envoyés, il appartenait à celle-ci de solliciter des précisions sur les postes auprès de la direction des ressources humaines ou du cabinet spécialisé mandaté, que la salariée a été destinataire d'une offre individualisée avec une fiche de poste.

La lettre de licenciement est libellée comme suit :

« Madame [L] [F],

Le secteur Boulangerie-Viennoiserie-Pâtisserie-Traiteur (BVPT) du Groupe Nutrixo auquel appartient la Société Nouvelle Sofrapain (SNS) se trouve dans l'obligation de se réorganiser pour sauvegarder sa compétitivité.

Plusieurs indicateurs renseignent que le secteur BVPT du groupe Nutrixo a de plus en plus de mal à se maintenir sur ses marchés :

- Un résultat opérationnel qui chute de près de 24% entre 2016/2017 et 2017/2018 et avec un niveau au 30 juin 2019 bien en deçà de celui de juin 2018.

- Un profit brut d'exploitation (EBITDA) en chute de plus de 18% entre 2016/2017 et 2017/2018.

L'atterrissage au 30 juin 2019 est là aussi à un niveau encore plus faible que celui constaté au 30 juin 2018. A fin mars 2019, la récession s'aggravait encore de 48% par rapport à l'année précédente, soit une nouvelle perte de revenu de 22 millions d'euros en un an.

- Une décroissance inquiétante de nos parts de marché qui sont déjà plutôt petites.

Cette décroissance s'explique principalement par la perte de clients et la perte de volumes avec une forte décroissance en Boulangerie, non compensée par la faible croissance en Viennoiserie (la Pâtisserie-traiteur est une activité beaucoup trop petite au sein du secteur qui ne permet pas de changer l'analyse).

Sur son activité Boulangerie, l'une des deux activités exercées par SNS avec l'activité pizza, le groupe a perdu entre 2014 et aujourd'hui près de 30% de ses parts de marché et n'a pas de réelle perspective de redressement. La demande en pain artisan notamment ne décolle pas du tout en France.

Compte tenu de cette baisse continue de l'activité Boulangerie, il n'est pas espéré de compensation de ces pertes de volumes et ceci entraine une sous utilisation des sites de production du secteur.

Et les clients continuent de tirer les prix vers le bas à tel point que le groupe ne peut régulièrement plus s'aligner sur les prix pratiqués par certains concurrents.

Malgré de nombreux efforts entrepris depuis plusieurs années, notamment par SNS, pour adapter les capacités de production à l'évolution du marché, le secteur BVPT du groupe Nutrixo continue d'enregistrer des difficultés sur l'activité Boulangerie et n'a d'autre choix que de regrouper sa production sur les sites les plus compétitifs.

Or malgré le savoir-faire incontestable et reconnu de son personnel, la réalité du manque de compétitivité du site de [Localité 10] est démontrée. A prix de vente et volume de production équivalents, le site de [Localité 8] pour certains produits phares (comme la baguette saveur poolish par exemple) permet de dégager une marge brute positive là où le site de [Localité 10] entraine une marge brute négative.

Cette situation et les fortes tensions sur les prix de vente impose de transférer les volumes de production non encore perdus sur les sites Boulangerie du groupe les plus compétitifs et qui sont eux-mêmes sous - utilisés, pour tenter de sauvegarder la compétitivité du secteur BVPT.

A ces difficultés s'ajoute la perte définitive et irremplaçable de l'ensemble des volumes disques de pizza (soit plus de la moitié des volumes fabriqués par l'entreprise) qui entraîne l'impossibilité de maintenir SNS en vie.

Confronté à un marché très concurrentiel et à un repositionnement commercial et technologique fort de son concurrent direct sur les livraisons à domicile, notre seul client pizza a mis en place une maîtrise accrue de ses coûts de production et a imposé un appel d'offre. Or, malgré les efforts importants proposés par SNS en matière de réduction de ses prix, aucun terrain d'entente n'a pu être trouvé répondre aux exigences du client aurait supposé vendre à perte, le client a annoncé que l'un de nos concurrents proposait des prix inférieurs de 53% à ceux de SNS.

Le client est donc perdu. Or sans ces volumes de production de disques de pizza, la production de pain seule ne permet pas à SNS de se maintenir en vie. La société est en difficulté économique depuis de nombreuses années (avant même son rachat par Nutrixo) et la compétitivité de son activité Pain deviendrait au surplus un désastre puisqu'elle devrait désormais supporter à elle seule une partie des coûts fixes qui étaient liés à l'activité pizza.

SNS, avec l'appui du groupe, a tenté en vain d'identifier des solutions de remplacement pour ces volumes perdus en pizza. Aucune des démarches effectuées n'a été concluante.

Du fait des contraintes techniques sur le site de [Localité 10], installer d'autres volumes de production sur le site en remplacement des volumes de disques de pizzas nécessiterait des investissements colossaux. Dans un contexte économique caractérisé par des pertes de clients et une surcapacité de production, cette voie s'est révélée économiquement impossible.

Il a donc été décidé la cessation totale et définitive de SNS pour tenter de sauvegarder la compétitivité du secteur BVPT du groupe Nutrixo. La fermeture de son site unique à [Localité 10] entraîne la suppression de votre poste.

Vous avez refusé toutes les possibilités de reclassement dans le groupe, portées à votre connaissance dans les conditions légales.

Nous vous notifions par la présente votre licenciement pour motif économique.

Votre préavis d'une durée de 3 mois débutera à la première présentation du présent courrier recommandé. Vous êtes dispensée de son exécution.

En outre, nous vous libérons de toute clause de non-concurrence vous liant, le cas échéant, à notre société.

Congé de reclassement.

Vous pouvez bénéficier d'un congé de reclassement vous permettant de bénéficier d'actions de formation et des prestations de la cellule d'accompagnement pour vos démarches de recherche d'emploi, de valider les acquis de vos expériences ou d'engager des démarches en vue de leur validation.

Une fiche explicative est annexée à la présente.

Vous disposez d'un délai de 8 jours calendaires à compter de la date de notification de votre licenciement pour faire connaître au service RH votre décision de bénéficier ou non du congé de reclassement.

Si vous décidez d'en bénéficier, vous devrez retourner la proposition de congé de reclassement signée (par lettre recommandée avec AR ou remise en main propre contre décharge) en utilisant le formulaire réponse joint à la présente.

Priorité de réembauche.

Vous bénéficiez d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de votre contrat si vous en faites la demande au cours de ce même délai.

Dans ce cas, l'entreprise vous informera de tout emploi devenu disponible et compatible avac votre qualification. Si vous avez acquis une nouvelle qualification et que vous nous en informez, vous bénéficierez également de la priorité de réembauche au titre de celle-ci.

Voie de recours.

Toute contestation portant sur le licenciement pour motif économique se prescrit par douze nuits à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester le licenciement pour motif économique, à compter de la notification de celui-ci.

... »

Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail,

'Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.

Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.

Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.'

Il incombe à l'employeur de démontrer, dans le périmètre pertinent, la réalité et le sérieux du motif invoqué. La charge de la preuve n'est ainsi pas partagée entre les parties s'agissant de la détermination de l'étendue du secteur d'activité.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le juge doit se placer à la date du licenciement pour apprécier le motif de celui-ci.

Afin de déterminer le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement, le juge doit prendre en considération un faisceau d'indices, notamment, la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.

La spécialisation d'une entreprise dans le groupe ne suffit donc pas à exclure son rattachement à un secteur d'activité plus étendu, au sein duquel doivent être appréciées les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.

En l'espèce, il ressort des éléments soumis à l'appréciation de la cour, notamment des documents relatifs au projet de cessation d'activité de la SASU Société Nouvelle Sofrapain dont le document d'information et de consultation du comité d'entreprise sur ce projet, qu'à l'époque considérée le groupe Nutrixo comprenait, outre la société Financière d'Ivry et la société Nutrixo Services, laquelle assurait des fonctions support, la société Grands Moulins de Paris ayant une activité de transformation du blé (minoterie) et de production de farine, la société Délifrance SA produisant, fabriquant et commercialisant des produits de boulangerie, pâtisserie et traiteurs surgelés, la Société Nouvelle Sofrapain ayant une activité de fabrication de produits surgelés de boulangerie, pain précuit et disques de pizzas.

S'il s'en infère une spécialisation partielle des sociétés Délifrance SA et Société Nouvelle Sofrapain, dans la fabrication, devenue très minoritaire, de produits de pâtisserie et traiteur pour la première, de disques de pizzas dans une proportion plus significative pour la seconde, et s'il apparaît que le site de production de [Localité 10] rattaché à cette dernière ne comptait plus que deux lignes de production dédiées, d'une part au pain précuit surgelé de produits laminés sur sole de pierre, d'autre part aux disques crus de pizzas surgelés destinés à un seul client qui était le client principal de la Société Nouvelle Sofrapain, il demeure qu'à la suite d'une succession de réorganisations, cessation d'activités de sociétés et fermeture de sites au sein du groupe Nutrixo, le segment de la pâtisserie-traiteur n'a plus occupé qu'une place marginale dans la fabrication et la commercialisation de produits non rattachés à l'activité de minoterie, de sorte que c'est très majoritairement au niveau d'un secteur indifférencié de produits de boulangerie, viennoiserie, pâtisserie et traiteur que se prenaient les décisions notamment en matière de logistique (' supply chain'), de stratégies commerciales et de développement.

Une différence de produits, d'une nature proche, quant à leurs ingrédients et techniques de fabrication ne saurait dès lors constituer un indice pertinent alors de surcroît que la production réalisée par la Société Nouvelle Sofrapain était commercialisée par la société Délifrance SA et que la fabrication et la commercialisation de produits de pâtisserie-traiteur, si elles subsistaient, étaient devenues minimes au sein du groupe Nutrixo notamment en termes de volumes, de sorte que l'activité du groupe étant de moins en moins différenciée, aucune orientation stratégique ne visait à développer des marchés, réseaux et modes de distribution ciblés pour ce type de produits.

De la même façon, la production des disques de pizzas dans le segment de la boulangerie, si elle représentait un pourcentage non négligeable de la production globale réalisée par la Société Nouvelle Sofrapain et nécessitait des lignes spécifiques de fabrication et un ciblage de la clientèle, n'en demeurait pas moins très faible à l'échelle du groupe, de sorte que ce produit qui n'était fabriqué qu'au sein du site industriel de [Localité 10], ne saurait constituer le secteur d'activité pertinent.

En toute hypothèse, ainsi que le soutient à juste titre la société employeur, la cause économique d'un licenciement ne peut s'apprécier à un niveau inférieur à celui de l'entreprise.

Il en résulte que le périmètre pertinent du secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique de la rupture est celui de boulangerie-viennoiserie-pâtisserie-traiteur.

A l'appui du motif du licenciement tiré d'une cessation totale d'activité de la Société Nouvelle Sofrapain entraînant la fermeture du site de [Localité 10] et la suppression du poste de la salariée en raison de la nécessité de sauvegarder la compétitivité du secteur d'activité de boulangerie-viennoiserie-pâtisserie-traiteur, la société employeur présente des pièces comptables relatives aux sociétés du groupe Nutrixo établies sur le territoire national qui s'insèrent dans ce secteur d'activité pertinent, desquelles elle déduit une détérioration du résultat d'exploitation au cours des exercices successifs de juillet 2015 à juin 2019 et un accroissement des charges d'exploitation supérieur à celui du chiffre d'affaires sur la même période. Elle invoque également une augmentation de provisions, une dépréciation de stocks, le non-versement de dividendes.

Toutefois, cet ensemble d'éléments ne fait pas ressortir l'existence d'une baisse de compétitivité significative au niveau du secteur d'activité concerné, alors qu'en l'absence d'autres éléments probants suffisamments fiables et exhaustifs, une perte de marchés et de clients dans ce secteur d'activité n'est pas susceptible d'être objectivée par celle du seul client de la Société Nouvelle Sofrapain s'agissant d'une production de disques de pizzas ne représentant qu'une partie très négligeable de la production et de la commercialisation de produits dans ce même secteur.

N'est pas non plus étayant à cet égard une présentation très générale d'éléments comptables des sociétés du groupe plusieurs mois après le licenciement et qui ne tient pas compte de spécificités en matière financière ou d'activités s'inscrivant dans une logique de stratégie de groupe.

De la même manière, pour établir l'existence à l'époque considérée d'une menace sérieuse pesant sur la compétitivité du secteur d'activité de boulangerie-viennoiserie-pâtisserie-traiteur du groupe Nutrixo, de nature à justifier sa réorganisation pour prévenir des difficultés économiques à venir, la société employeur se réfère à la situation économique dressée par l'expert désigné par les élus. Toutefois, ce rapport ne met en évidence d'autre baisse de part de marché du groupe Nutrixo que celle des pains surgelés en général et des pains classiques en particulier sur le marché européen, laquelle est dérisoire pour les premiers entre 2014 et 2016 et d'environ 19% uniquement en 2017, et plus soutenue pour les seconds entre 2014 et 2017 et de l'ordre de 20% en 2017.

Cela étant, en l'absence de tout autre élément de preuve suffisamment fiable et exhaustif, la société employeur échoue à démontrer, au moyen essentiellement du document d'information et de consultation du comité d'entreprise qu'elle a établi, la réalité d'une diminution suffisamment significative et durable des parts de marché, notamment après 2017, dans le secteur d'activité pertinent qui comprend, entre autres, les produits de viennoiserie dont les volumes, constants sur la période de 2016 à 2018, sont quasiment équivalents à ceux des pains, alors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, il n'est pas non plus justifié d'une dégradation concomitante, significative et durable, d'indicateurs de compétitivité et plus globalement d'indicateurs économiques quand le chiffre d'affaires continuait de progresser.

Au vu de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur le non-respect de l'obligation de reclassement, il convient de dire, par voie d'infirmation du jugement entrepris, que le licenciement pour motif économique notifié par la Société Nouvelle Sofrapain est sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée qui ne développe aucun moyen à ce titre demande à la cour d'écarter les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail qui plafonnent le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle mentionne dans le dispositif de ses conclusions une inconventionnalité du plafonnement critiqué pour violation de l'article 24 de la Charte sociale européenne, des articles 4 et 10 de la convention 158 de l'Organisation internationale du travail et du droit au procès équitable.

A défaut, elle sollicite une indemnité d'un montant de 60 500 euros net de Csg et de Crds qu'elle prétend limiter à un plafond de 13,5 mois de salaire brut.

La société employeur ne développe aucun moyen sur ces points.

Les dispositions de la Charte sociale européenne n'étant pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l'invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.

Par ailleurs, aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

En application de l'article L. 1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux fixés par ce texte ; pour déterminer le montant de l'indemnité, le juge peut tenir compte, le cas échéant, des indemnités de licenciement versées à l'occasion de la rupture, à l'exception de l'indemnité de licenciement mentionnée à l'article L. 1234-9. Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximaux prévus au même article.

Ces dispositions et celles des articles L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée et qu'il appartient seulement au juge d'apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par cet article.

Ainsi, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la salariée qui comptait 16 années complètes d'ancienneté au moment de la rupture, peut prétendre à une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre le montant minimal de 3 mois de salaire brut et le montant maximal de 13,5 mois de salaire brut.

Compte tenu de l'âge de la salariée (née en 1980) au moment du licenciement, d'une moyenne mensuelle de salaire brut d'un montant de 4 477,50 euros, d'éléments épars et partiels sur sa situation postérieure à la rupture, il convient de lui allouer, en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi, la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

La salariée soutient qu'elle est bien-fondée à prétendre à l'octroi d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents dès lors que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse.

La société employeur fait valoir que le préavis étant rémunéré dans le cadre du congé de reclassement et la salariée ayant perçu le salaire correspondant à la durée de son préavis, elle n'est pas fondée à réclamer deux fois une même rémunération.

La salariée, qui ne conteste pas avoir été remplie de ses droits incluant la rémunération due pendant le préavis non exécuté, au titre du congé de reclassement, sera déboutée de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents.

Sur les dommages-intérêts pour le préjudice subi du fait de la méconnaissance des dispositions de l'accord majoritaire

En vue d'une infirmation du jugement également sur ce point, la salariée soutient que l'employeur n'a pas respecté ses engagements nés de la conclusion de l'accord majoritaire signé le 15 mars 2019 et plus particulièrement de ses stipulations relatives aux offres valables d'emploi. Elle reproche à l'employeur de s'être abstenu de lui proposer une offre valable d'emploi alors qu'elle devait lui en proposer trois de manière inconditionnelle.

La société employeur qui poursuit la confirmation du jugement déféré objecte que l'accord majoritaire a été respecté dès lors que la salariée a bénéficié d'un accompagnement par un cabinet spécialisé, s'est portée candidate à deux emplois offerts par l'entremise du cabinet spécialisé mandaté pour l'accompagner puis a reçu une nouvelle offre valable d'emploi avant de conclure un contrat de travail à durée indéterminée avec une société grâce à ce cabinet, poste toujours occupé par la salariée.

L'accord majoritaire signé le 15 mars 2019 prévoit parmi les mesures destinées à favoriser le reclassement externe, l'accompagnement du salarié concerné par un Espace Mobilité Emploi durant douze mois dont la mission est considérée comme achevée à l'égard d'un salarié, avant le terme prévu, si ce dernier :

- est titulaire d'un nouveau contrat de travail externe après validation de la période d'essai ( contrat à durée indéterminée, contrat à durée déterminée d'au moins six mois ou contrat à durée déterminée d'une durée inférieure ayant débouché sur un contrat à durée indéterminée),

- a créé ou repris une entreprise ou un commerce,

- est entré en formation qualifiante ou de reconversion,

- a déclaré expressément avoir retrouvé un emploi,

- a déclaré que son projet personnel est suffisamment avancé pour que son objectif personnel soit considéré comme atteint,

- a déclaré renoncer aux services de l'Espace Mobilité Emploi,

- a été déclaré inapte, au sens d'une inaptitude médicale,

- n'est plus considéré comme actif dans sa recherche de reclassement externe au regard des critères qui suivent :

* s'il ne s'est pas rendu à deux rendez-vous avec un consultant de l'Espace sans motif valable

* a poursuivi un projet de formation qualifiante sans effectuer les démarches de recherche, d'étude et d'informations nécessaires,

* a poursuivi un projet de création d'entreprise sans effectuer les démarches de recherche, d'étude et d'informations nécessaires,

* a poursuivi un projet de recherche d'emploi mais n'a pas participé aux actions organisées par les consultants ou a refusé trois offres d'emploi sans motif valable ou ne s'est pas rendu à un rendez-vous avec un employeur potentiel sans motif valable ou a effectué personnellement une démarche active de recherche d'emploi sans avoir tenu l'Espace régulièrement informé des résultats obtenus,

l'appréciation du caractère valable du motif devant être soumise à 'l'appréciation de la Commission chargée du suivi du dispositif'.

L'article 3.1.3.2 stipule que la Société et l'Espace Mobilité Emploi ne peuvent se trouver engagés à l'égard d'un salarié non actif dans sa recherche de reclassement et que le salarié est considéré comme non actif dans cette recherche dès lors qu'il :

- ne se rend pas à 2 rendez-vous avec un consultant de l'Espace Mobilité Emploi sans motif valable,

- poursuit un projet de formation qualifiante mais n'effectue pas les démarches nécessaires à sa sélection pour sa formation et à son inscription,

- poursuit un projet de création d'entreprise mais n'effectue pas les démarches de recherche, d'étude et d'information nécessaires,

- poursuit un projet de recherche d'emploi mais ne participe pas aux actions organisées par les consultants ou refuse 3 offres d'emploi sans motif valable ou ne se rend pas à 1 rendez-vous avec un employeur potentiel sans motif valable ou effectue personnellement une démarche active de recherche d'emploi sans avoir tenu l'Espace régulièrement informé des résultats obtenus.

L'article 3.1.3.3 stipule que le cabinet de reclassement auquel est confié le reclassement des salariés, est tenu de proposer à tout salarié qui s'inscrit dans le cadre d'une recherche d'emploi salarié, trois offres d'emploi (OVE), qu'est considérée comme une OVE une offre se présentant sous la forme d'un contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée d'au moins six mois pouvant aboutir à un contrat à durée indéterminée, correspondant aux salaires pratiqués sur le bassin d'emploi et au moins à 90% de la dernière rémunération brute de base du salarié hors 13ème mois ainsi qu'au domaine de compétences du salarié ou à son projet professionnel, dans un rayon de 20 kms du lieu de domicile du salarié ou 1 heure par trajet aller de préférence avec une desserte en transports en commun.

Cet article prévoit que pour les salariés qui ne s'inscrivent pas dans une recherche d'emploi salarié, leur reclassement pourra consister dans des solutions de formation de plus de six mois et/ou qualifiante ou dans un projet de création d'entreprise ou d'auto-entrepreneur.

Il précise in fine que 'le salarié ne se verra proposer la deuxième offre que dans la mesure où il aura refusé la première, et la troisième s'il a refusé la deuxième. Le salarié indiquera à la cellule de reclassement, par écrit, la motivation de son refus'.

Au cas particulier, l'employeur ne justifie pas par des pièces suffisamment fiables et exhaustives, notamment par un échange de courriels, du respect de ses obligations nées de l'accord majoritaire précité.

Toutefois, les pièces versées font ressortir qu'au début de l'année 2021 et après avoir obtenu la validation d'une formation d'adaptation en novembre 2020, la salariée a eu des échanges en vue d'une collaboration avec la société George Cannon par l'entreprise du cabinet spécialisé chargé de l'accompagner, et il ressort de sont profil Linkedln qu'elle occupe un poste de responsable de production au sein de cette même société située à [Localité 10], et ce depuis le mois de mars 2021.

Par voie de confirmation du jugement entrepris, il y a donc lieu de débouter la salariée de sa demande en paiement de dommages-intérêts de ce chef en l'absence de démonstration d'un préjudice caractérisé par une perte de chance.

Sur la remise de documents conformes

Eu égard à la solution du litige, il n'y a pas lieu d'ordonner la remise de l'attestation destinée à France Travail et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt.

Sur les intérêts légaux

La créance allouée, de nature indemnitaire, porte intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il statue sur les dépens et les frais irrépétibles.

La Société Nouvelle Sofrapain, partie succombante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

En équité, la Société Nouvelle Sofrapain sera condamnée à payer à la salariée une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le surplus des demandes au titre des dépens et frais irrépétibles sera en voie de débouté.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris sauf en ce qu'il statue sur les demandes de Mme [F] [L] au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'égard de la SASU Société Nouvelle Sofrapain ainsi que sur les dépens et les frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

Dit que le licenciement pour motif économique de Mme [F] [L] est sans cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SASU Société Nouvelle Sofrapain à payer à Mme [F] [L] la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

Dit que cette créance porte intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

Dit qu'il y a lieu à capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu à ordonner la remise de l'attestation destinée à France Travail et d'un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt ;

Condamne la SASU Société Nouvelle Sofrapain aux dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SASU Société Nouvelle Sofrapain à payer à Mme [F] [L] une somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles de première instance et d'appel ;

Déboute les parties pour le surplus.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Monsieur Thierry CABALE, Président et par Madama Caroline CASTRO FEITOSA, greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La greffière Le Président

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