CA Aix-en-Provence, ch. 1-4, 20 novembre 2025, n° 21/09786
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 20 NOVEMBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 21/09786 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHXC7
S.C.I. JPYM
C/
[H] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Olivier GIRAUD
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04589.
APPELANTE
S.C.I. JPYM
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Olivier GIRAUD de la SELARL GIRAUD-GAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ
Monsieur [H] [J]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Cyril MELLOUL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [O] et Madame [R] ont confié à Monsieur [J], architecte, une mission d'architecte de conception des ouvrages et de suivi jusqu'à leur réception, dans le cadre de travaux de rénovation et d'agrandissement d'une maison individuelle sise à [Adresse 4].
La société [C] a réalisé les enduits de façades.
Les travaux ont été réalisés en 2010.
Faisant valoir des désordres affectant les enduits des façades, Monsieur [O] et Madame [R] ont fait une déclaration de sinistre auprès de la société GENERALI le 6 mars 2012. Cette société a mandaté le cabinet SARETEC pour une expertise amiable.
Affirmant que la société GENERALI restait taisante sur la suite à donner à l'expertise amiable, Monsieur [O] et Madame [R] ont engagé une action devant le juge des référés du Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE au contradictoire de l'entreprise [B] [C], de Monsieur [J] et de la société GENERALI.
Suivant ordonnance du 19 mai 2015, le juge des référés a ordonné une expertise, confiée à Monsieur [Y].
L'expert a déposé son rapport le 10 mars 2017.
Par actes d'huissier des 26 juillet, 1er août et 3 août 2017, Monsieur [O] et Madame [R] ont fait délivrer à l'entreprise [B] [C], Monsieur [J], à la compagnie GENERALI ASSURANCES, assignation à comparaître devant le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE aux fins de d'obtenir la réparation de l'ensemble des désordres qu'ils ont subis.
Par acte en date du 27 novembre 2019, Monsieur [O] et Madame [R] ont vendu le bien à la société VINCI IMMOBILIERE MEDITERRANEE ; cette société est intervenue volontairement dans l'instance le 13 février 2020.
Par acte en date du 2 décembre 2020, la SCI JPYM a racheté le bien concerné ; cette société est également intervenue volontairement dans l'instance engagée devant le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE :
CONSTATE que Monsieur [O] et Madame [R] ont repris l'instance à l'encontre de Monsieur [B] [C] exerçant sous l'enseigne ENTREPRISE [C] ;
DECLARE Monsieur [O], Madame [G] [R] et la société VINCI IMMOBILIER MEDITERRANNEE irrecevables en leurs prétentions ;
DECLARE la SCI JPYM recevable en ses prétentions ;
CONDAMNE Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne Entreprise [C], à payer à la SCI JPYM en réparation des dommages affectant les façades :
en réparation du préjudice matériel, la somme de 76.837,60€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
en réparation du préjudice de jouissance, une indemnité de 1.000€ avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
DEBOUTE la SCI JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J] et de la société GENERALI ;
DEBOUTE les parties de toutes autres demandes ;
CONDAMNE Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne ENTREPRISE [C], à payer à la SCI JPYM une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE la SCI JPYM à payer à Monsieur [H] [J] et à la société GENERALI, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 600€ chacun avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE Monsieur [H] [J] et Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne l'entreprise [C] à payer in solidum à la société SAINT-GOBAIN WEBER FRANCE, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 1.000€ avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne ENTREPRISE [C], aux dépens en ce compris les dépens de la procédure en référé et le coût de l'expertise de Monsieur [Y] ordonnée par décision du 19 mai 2015 ;
ORDONNE la distraction des dépens au profit des avocats pouvant y prétendre et qui l'ont demandée ;
ORDONNE l'exécution provisoire ;
Par déclaration en date du 30 juin 2021, la SCI JPYM a formé appel de cette décision à l'encontre de Monsieur [H] [J] en ce qu'elle a débouté la SCI JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J], et l'a condamnée à payer à Mr [H] [J], sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une indemnité de 600€.
***
Par conclusions notifiées le 31 août 2021, la SCI JPYM demande à la Cour de :
Vu le rapport de l'Expert [Y] du 10/03/2017,
Vu les articles 1103, 1217 et 1231-1 et suivants du Code civil (anciens articles 1134 et 1147 du Code civil),
Vu les articles 1792 et 1792-1 du Code civil,
Vu l'article 33 du Code de déontologie des architectes,
Vu la jurisprudence prise en application,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est sollicité à la Cour d'Appel de bien vouloir :
INFIRMER le Jugement rendu le 1er juin 2021 par le Tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en ce qu'il a débouté la Société JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J] et condamné la Société JPYM à payer à Monsieur [J], sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une indemnité de 600 €.
En conséquence,
- A TITRE PRINCIPAL,
CONSTATER que la garantie décennale prévue par les articles 1792 et suivants du Code civil s'applique en l'espèce,
DECLARER Monsieur [H] [J] responsable sur le fondement de la garantie décennale des préjudices subis par la Société JPYM du fait des désordres liés à la réfection des façades de la Villa Clémentine sise [Adresse 2].
- A TITRE SUBSIDIAIRE,
DECLARER Monsieur [H] [J] responsable sur le fondement de la responsabilité contractuelle des préjudices subis par la Société JPYM du fait des désordres liés à la réfection des façades de la Villa Clémentine sise [Adresse 2].
- EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER Monsieur [H] [J] à verser à la Société JPYM les sommes suivantes :
* 76.837,60 € à valoir sur les travaux de reprise nécessaires,
* 5.000 € au titre du préjudice de jouissance et d'esthétique,
* 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [H] [J] aux entiers dépens,
L'affaire a été appelée en premier lieu à l'audience de plaidoirie du 7 mai 2025. A cette date, sur accord des parties, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 10 septembre 2025. L'ordonnance de clôture a été révoquée et une nouvelle clôture est intervenue le 1er septembre 2025.
***
Par ses dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2025, la SCI JPYM maintient ses prétentions initiales et sollicite en outre le débouté de Monsieur [H] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Elle fait valoir qu'aux termes de la décision contestée, les désordres affectant le bien ont été retenus, notamment au titre de la dégradation de la façade réalisée par la société [C] ; que c'est cependant à tort que la responsabilité de Monsieur [J], Architecte, a été écartée. La société JPYM expose que Monsieur [J] avait une mission complète jusqu'à la réception des travaux et qu'il a engagé sa responsabilité du fait des manquements survenus dans le cadre de celle-ci ; que les enduits ont été posés dans des conditions inappropriées (météo trop froide), ce que l'architecte aurait dû prendre en considération. Selon la SCI JPYM, les travaux de façade entraient bien dans le périmètre de la garantie décennale à laquelle l'architecte est tenu.
Subsidiairement, la SCI JPYM soutient que la responsabilité de Monsieur [J] peut être engagée sur le plan contractuel dès lors qu'il n'a pas satisfait aux obligations de sa mission et notamment à une obligation de conseil sur la réalisation de cet enduit de façade.
S'agissant du montant des réparation, elle sollicite le paiement de la somme retenue par l'expert en soutenant qu'aucun principe de proportionnalité n'est en l'espèce applicable ; elle demande en outre une somme de 5.000€ au titre de son préjudice de jouissance occasionné par ces désordres.
Monsieur [H] [J], par ses dernières conclusions notifiées le 19 août 2025, demande à la Cour de :
Vu l'article 9 du CPC,
Vu l'article 1353 du code civil,
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,
Vu les articles 31, 32 et 122 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 1103 et 1217 Code Civil (anc. 1134 et 1147 du Code civil),
Vu les articles 1104 et 131-1 du code civil,
Vu l'article 1240 du code Civil (anc. 1382 Code Civil),
Vu l'article 1310 du Code civil (anc. 1202 du code civil).
Vu le rapport de Monsieur [Y] en date du 10 Mars 2017,
Vu la jurisprudence,
CONFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire d'Aix en-Provence en date du 1 juin 2021
En conséquence :
JUGER que Monsieur l'expert ne retient aucune responsabilité à l'encontre de Monsieur [J] sur le volet de la responsabilité contractuelle.
JUGER que les désordres constatés sont dus au fait que l'entreprise [C] n'a pas tenu compte de la période de gel qui s'annonçait lors de la pose de l'enduit.
JUGER que l'entreprise spécialisée dite « homme de l'art » qui est soumise à une obligation de résultat est seule responsable des désordres.
CONSTATER que Monsieur l'expert ne retient aucun préjudice de jouissance dans le cadre de son rapport
JUGER qu'aucune prétendue faute de l'architecte n'est démontrée, ni le lien de causalité directe, ni les prétendus préjudices.
JUGER que les demandes de condamnations financières sont injustifiées et infondées.
En conséquence,
HOMOLOGUER le rapport judiciaire de Monsieur [Y]
DEBOUTER la SCI JPYM de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Monsieur [J].
METTRE HORS DE CAUSE Monsieur [J]
A titre infiniment subsidiaire
PRONONCER d'éventuelles condamnations hors taxe, la société VINCI récupérant la TVA.
A titre infiniment subsidiaire
REDUIRE à de plus juste proportion les demandes de condamnations financières dirigées à l'encontre de l'architecte concluant.
En tout état de cause,
DEBOUTER la SCI JPYM de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Monsieur [J].
CONDAMNER la société JPYM ou tout succombant à payer à Monsieur [J] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER la société JPYM et tout succombant aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Joseph MAGNAN, laquelle affirme y avoir pourvu.
A l'appui de ses demandes, il fait valoir que l'expert impute les désordres à l'intervention de la société [C] sans retenir aucune responsabilité à son encontre ; qu'en effet, l'architecte n'est pas tenu à une mission de surveillance des travaux, ni à une présence constante sur le chantier. Il précise que dans le cadre de la direction générale des travaux, il n'est tenu qu'à une simple obligation de moyen à l'égard du maître d'ouvrage.
S'agissant du montant des préjudices retenus, il fait valoir qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence et la nature de son préjudice mais également son quantum en tenant compte du lien de causalité existant. Il fait également valoir qu'aucun préjudice de jouissance ne peut être admis en l'espèce, au risque d'une situation d'enrichissement sans cause.
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 1er septembre 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience du 10 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande principale d'application de la garantie décennale :
L'article 1792 du Code civil prévoit que « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».
Selon l'article 1792-1 du même Code, « est réputé constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage ».
Il est constant que la maitrise d''uvre consiste dans la conception et la conduite opérationnelle des travaux en matière de coûts, de délais, de choix techniques, dans le cadre d'un cahier des charges. Le maître d''uvre, dans le cadre d'une mission complète, est chargé par le maître de l'ouvrage de consulter les entreprises et conclure les marchés avec les entrepreneurs qui interviendront sur le chantier, de diriger l'exécution des travaux et d'assister le maître de l'ouvrage pour la réception des ouvrages et le règlement des comptes avec les entrepreneurs et intervenants.
Au demeurant, lorsqu'elle est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, la responsabilité de l'architecte et du maître d''uvre est de plein droit, sans faute à prouver, cette absence de faute n'étant pas exonératoire. Les débiteurs de la garantie décennale sont soumis à une obligation de résultat. La démonstration du respect des règles de l'art par le professionnel ou son absence de faute est donc inopérante. La seule possibilité pour le locateur d'ouvrage d'échapper à cette présomption est de démontrer que le dommage ne rentrait pas dans sa sphère d'intervention et que celui-ci ne lui est donc pas imputable.
Dans le cadre de l'accomplissement de sa mission de direction des travaux, l'Architecte est tenu de s'assurer de la conformité des travaux réalisés avec les pièces du marché. S'agissant du devoir de surveillance, il doit être rappelé que cet aspect de la mission n'implique par une présence et un contrôle permanent sur le chantier.
Selon Monsieur [J], il n'était pas tenu, aux termes de sa mission, à une surveillance des travaux, mais seulement à une direction générale dans le cadre de laquelle une faute est nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée ; il considère qu'en l'espèce, il n'a commis aucune faute.
La société JPYM reproche donc au jugement contesté de ne pas avoir retenu la responsabilité de l'Architecte alors que ce dernier était investi d'une mission complète qui impliquait donc la surveillance des travaux et doit le conduire à répondre des fautes commises par les entrepreneurs, en l'espèce pour avoir procédé à la pose des enduits dans des conditions météorologiques inadaptées.
Le rapport d'expertise confirme la réalité des désordres : « partout l'enduit présente un faïençage, des épaufrures, des éclats et des bullages, il est pulvérulent et se détache de son support alors qu'il n'est qu'effleuré. Le gobetis est friable. L'enduit est totalement à refaire ».
Quant à l'origine de ces désordres, l'expert indique qu'elle « se trouve dans une dégradation définitive de l'enduit due haut gel, la cause en est un décollement, un bullage et la dégradation de l'enduit qui pulvérule ». Il précise : « les travaux d'enduit ont eu lieu en hiver, ils ont été réalisés conformément aux règles de l'art mais il apparaît que l'enduit n'a pas résisté à une période prolongée de gel immédiatement consécutive à sa pose, une reprise ne s'est pas avérée suffisante ».
S'agissant des responsabilités, l'expert ajoute que « les désordres constatés sont principalement dus au fait que l'entreprise [C] n'a pas tenu compte de la période de gel qui s'annonçait lors de la pose de l'enduit, elle est par conséquent responsable des désordres affectant son ouvrage ». Il est également à relever que selon l'expert, compte tenu de son état très dégradé et des lacunes qu'il présente, cet enduit n'est pas conforme à sa destination ; le rôle de cet enduit était « d'assurer une étanchéité et de donner une apparence esthétique aux murs extérieurs » ; or, un enduit de façade constitue un ouvrage dès lors qu'il a une fonction d'étanchéité. Les dommages litigieux entrent donc bien dans le domaine d'application de la garantie décennale (la réception de chantier étant intervenue le 2 février 2011).
Comme indiqué ci-avant, la mission complète confiée à un architecte n'implique pas sa présence constante sur le chantier et, en outre, ne lui confère pas un pouvoir de direction sur l'entreprise réalisatrice. En l'espèce, la pose des enduits de façade dans des conditions météorologiques adaptées relevait de la seule responsabilité de l'entreprise chargée de cette exécution et les termes du rapport d'expertise ne caractérisent aucune imputabilité de ce dommage à Monsieur [J] au vu de la mission qui lui était confiée.
Il n'y a donc pas lieu de retenir la responsabilité décennale de Monsieur [H] [J].
Sur la demande subsidiaire d'application de la responsabilité contractuelle :
Subsidiairement, la société JPYM invoque la responsabilité contractuelle de l'architecte au visa des articles 1103 et 1147 anciens du Code civil et de l'article 33 du Code de la déontologie des architectes.
Cependant, il convient de rappeler que le régime de responsabilité de la garantie décennale est un régime exclusif de sorte que les constructeurs, architectes, entrepreneurs et autres locateurs d'ouvrage, liés au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, sont responsables de plein droit, selon l'article 1792 du code civil, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Ce régime étant exclusif, les dommages qui relèvent de cette garantie ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Il a été vu ci-dessus que les dommages litigieux entrent bien dans le domaine d'application de la garantie décennale.
Il convient en conséquence de débouter la SCI JPYM de ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de Monsieur [J].
Il y a donc lieu de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a débouté la SCI JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J].
Sur les demandes annexes :
La décision contestée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance s'agissant des parties concernées par la procédure d'appel.
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société JPYM à payer à Monsieur [J] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société JPYM sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel. Il y a lieu d'allouer aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de la distraction des dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toute ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 1er juin 2021 ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI JPYM à payer à [H] [J] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCI JPYM aux entiers dépens de l'instance d'appel ;
Alloue aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de la distraction des dépens.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, La présidente,
Chambre 1-4
ARRÊT AU FOND
DU 20 NOVEMBRE 2025
N° 2025/
Rôle N° RG 21/09786 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHXC7
S.C.I. JPYM
C/
[H] [J]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Olivier GIRAUD
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Grande Instance d'AIX-EN-PROVENCE en date du 01 Juin 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04589.
APPELANTE
S.C.I. JPYM
demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Olivier GIRAUD de la SELARL GIRAUD-GAY ET ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉ
Monsieur [H] [J]
demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Cyril MELLOUL, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Inès BONAFOS, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Inès BONAFOS, Présidente
Madame Véronique MÖLLER, Conseillère
Monsieur Adrian CANDAU, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Patricia CARTHIEUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2025.
ARRÊT
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Monsieur [O] et Madame [R] ont confié à Monsieur [J], architecte, une mission d'architecte de conception des ouvrages et de suivi jusqu'à leur réception, dans le cadre de travaux de rénovation et d'agrandissement d'une maison individuelle sise à [Adresse 4].
La société [C] a réalisé les enduits de façades.
Les travaux ont été réalisés en 2010.
Faisant valoir des désordres affectant les enduits des façades, Monsieur [O] et Madame [R] ont fait une déclaration de sinistre auprès de la société GENERALI le 6 mars 2012. Cette société a mandaté le cabinet SARETEC pour une expertise amiable.
Affirmant que la société GENERALI restait taisante sur la suite à donner à l'expertise amiable, Monsieur [O] et Madame [R] ont engagé une action devant le juge des référés du Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE au contradictoire de l'entreprise [B] [C], de Monsieur [J] et de la société GENERALI.
Suivant ordonnance du 19 mai 2015, le juge des référés a ordonné une expertise, confiée à Monsieur [Y].
L'expert a déposé son rapport le 10 mars 2017.
Par actes d'huissier des 26 juillet, 1er août et 3 août 2017, Monsieur [O] et Madame [R] ont fait délivrer à l'entreprise [B] [C], Monsieur [J], à la compagnie GENERALI ASSURANCES, assignation à comparaître devant le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE aux fins de d'obtenir la réparation de l'ensemble des désordres qu'ils ont subis.
Par acte en date du 27 novembre 2019, Monsieur [O] et Madame [R] ont vendu le bien à la société VINCI IMMOBILIERE MEDITERRANEE ; cette société est intervenue volontairement dans l'instance le 13 février 2020.
Par acte en date du 2 décembre 2020, la SCI JPYM a racheté le bien concerné ; cette société est également intervenue volontairement dans l'instance engagée devant le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE.
Par jugement en date du 1er juin 2021, le Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE :
CONSTATE que Monsieur [O] et Madame [R] ont repris l'instance à l'encontre de Monsieur [B] [C] exerçant sous l'enseigne ENTREPRISE [C] ;
DECLARE Monsieur [O], Madame [G] [R] et la société VINCI IMMOBILIER MEDITERRANNEE irrecevables en leurs prétentions ;
DECLARE la SCI JPYM recevable en ses prétentions ;
CONDAMNE Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne Entreprise [C], à payer à la SCI JPYM en réparation des dommages affectant les façades :
en réparation du préjudice matériel, la somme de 76.837,60€ TTC avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement,
en réparation du préjudice de jouissance, une indemnité de 1.000€ avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
DEBOUTE la SCI JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J] et de la société GENERALI ;
DEBOUTE les parties de toutes autres demandes ;
CONDAMNE Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne ENTREPRISE [C], à payer à la SCI JPYM une indemnité de 2.000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE la SCI JPYM à payer à Monsieur [H] [J] et à la société GENERALI, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 600€ chacun avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE Monsieur [H] [J] et Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne l'entreprise [C] à payer in solidum à la société SAINT-GOBAIN WEBER FRANCE, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, une indemnité de 1.000€ avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;
CONDAMNE Monsieur [B] [C], exerçant sous l'enseigne ENTREPRISE [C], aux dépens en ce compris les dépens de la procédure en référé et le coût de l'expertise de Monsieur [Y] ordonnée par décision du 19 mai 2015 ;
ORDONNE la distraction des dépens au profit des avocats pouvant y prétendre et qui l'ont demandée ;
ORDONNE l'exécution provisoire ;
Par déclaration en date du 30 juin 2021, la SCI JPYM a formé appel de cette décision à l'encontre de Monsieur [H] [J] en ce qu'elle a débouté la SCI JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J], et l'a condamnée à payer à Mr [H] [J], sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une indemnité de 600€.
***
Par conclusions notifiées le 31 août 2021, la SCI JPYM demande à la Cour de :
Vu le rapport de l'Expert [Y] du 10/03/2017,
Vu les articles 1103, 1217 et 1231-1 et suivants du Code civil (anciens articles 1134 et 1147 du Code civil),
Vu les articles 1792 et 1792-1 du Code civil,
Vu l'article 33 du Code de déontologie des architectes,
Vu la jurisprudence prise en application,
Vu les pièces versées aux débats,
Il est sollicité à la Cour d'Appel de bien vouloir :
INFIRMER le Jugement rendu le 1er juin 2021 par le Tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence en ce qu'il a débouté la Société JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J] et condamné la Société JPYM à payer à Monsieur [J], sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, une indemnité de 600 €.
En conséquence,
- A TITRE PRINCIPAL,
CONSTATER que la garantie décennale prévue par les articles 1792 et suivants du Code civil s'applique en l'espèce,
DECLARER Monsieur [H] [J] responsable sur le fondement de la garantie décennale des préjudices subis par la Société JPYM du fait des désordres liés à la réfection des façades de la Villa Clémentine sise [Adresse 2].
- A TITRE SUBSIDIAIRE,
DECLARER Monsieur [H] [J] responsable sur le fondement de la responsabilité contractuelle des préjudices subis par la Société JPYM du fait des désordres liés à la réfection des façades de la Villa Clémentine sise [Adresse 2].
- EN TOUT ETAT DE CAUSE,
CONDAMNER Monsieur [H] [J] à verser à la Société JPYM les sommes suivantes :
* 76.837,60 € à valoir sur les travaux de reprise nécessaires,
* 5.000 € au titre du préjudice de jouissance et d'esthétique,
* 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Monsieur [H] [J] aux entiers dépens,
L'affaire a été appelée en premier lieu à l'audience de plaidoirie du 7 mai 2025. A cette date, sur accord des parties, l'affaire a fait l'objet d'un renvoi à l'audience du 10 septembre 2025. L'ordonnance de clôture a été révoquée et une nouvelle clôture est intervenue le 1er septembre 2025.
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Par ses dernières conclusions notifiées le 29 juillet 2025, la SCI JPYM maintient ses prétentions initiales et sollicite en outre le débouté de Monsieur [H] [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.
Elle fait valoir qu'aux termes de la décision contestée, les désordres affectant le bien ont été retenus, notamment au titre de la dégradation de la façade réalisée par la société [C] ; que c'est cependant à tort que la responsabilité de Monsieur [J], Architecte, a été écartée. La société JPYM expose que Monsieur [J] avait une mission complète jusqu'à la réception des travaux et qu'il a engagé sa responsabilité du fait des manquements survenus dans le cadre de celle-ci ; que les enduits ont été posés dans des conditions inappropriées (météo trop froide), ce que l'architecte aurait dû prendre en considération. Selon la SCI JPYM, les travaux de façade entraient bien dans le périmètre de la garantie décennale à laquelle l'architecte est tenu.
Subsidiairement, la SCI JPYM soutient que la responsabilité de Monsieur [J] peut être engagée sur le plan contractuel dès lors qu'il n'a pas satisfait aux obligations de sa mission et notamment à une obligation de conseil sur la réalisation de cet enduit de façade.
S'agissant du montant des réparation, elle sollicite le paiement de la somme retenue par l'expert en soutenant qu'aucun principe de proportionnalité n'est en l'espèce applicable ; elle demande en outre une somme de 5.000€ au titre de son préjudice de jouissance occasionné par ces désordres.
Monsieur [H] [J], par ses dernières conclusions notifiées le 19 août 2025, demande à la Cour de :
Vu l'article 9 du CPC,
Vu l'article 1353 du code civil,
Vu les articles 1792 et suivants du Code civil,
Vu les articles 31, 32 et 122 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles 1103 et 1217 Code Civil (anc. 1134 et 1147 du Code civil),
Vu les articles 1104 et 131-1 du code civil,
Vu l'article 1240 du code Civil (anc. 1382 Code Civil),
Vu l'article 1310 du Code civil (anc. 1202 du code civil).
Vu le rapport de Monsieur [Y] en date du 10 Mars 2017,
Vu la jurisprudence,
CONFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement du Tribunal Judiciaire d'Aix en-Provence en date du 1 juin 2021
En conséquence :
JUGER que Monsieur l'expert ne retient aucune responsabilité à l'encontre de Monsieur [J] sur le volet de la responsabilité contractuelle.
JUGER que les désordres constatés sont dus au fait que l'entreprise [C] n'a pas tenu compte de la période de gel qui s'annonçait lors de la pose de l'enduit.
JUGER que l'entreprise spécialisée dite « homme de l'art » qui est soumise à une obligation de résultat est seule responsable des désordres.
CONSTATER que Monsieur l'expert ne retient aucun préjudice de jouissance dans le cadre de son rapport
JUGER qu'aucune prétendue faute de l'architecte n'est démontrée, ni le lien de causalité directe, ni les prétendus préjudices.
JUGER que les demandes de condamnations financières sont injustifiées et infondées.
En conséquence,
HOMOLOGUER le rapport judiciaire de Monsieur [Y]
DEBOUTER la SCI JPYM de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Monsieur [J].
METTRE HORS DE CAUSE Monsieur [J]
A titre infiniment subsidiaire
PRONONCER d'éventuelles condamnations hors taxe, la société VINCI récupérant la TVA.
A titre infiniment subsidiaire
REDUIRE à de plus juste proportion les demandes de condamnations financières dirigées à l'encontre de l'architecte concluant.
En tout état de cause,
DEBOUTER la SCI JPYM de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Monsieur [J].
CONDAMNER la société JPYM ou tout succombant à payer à Monsieur [J] la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC.
CONDAMNER la société JPYM et tout succombant aux entiers dépens de l'instance, distraits au profit de Me Joseph MAGNAN, laquelle affirme y avoir pourvu.
A l'appui de ses demandes, il fait valoir que l'expert impute les désordres à l'intervention de la société [C] sans retenir aucune responsabilité à son encontre ; qu'en effet, l'architecte n'est pas tenu à une mission de surveillance des travaux, ni à une présence constante sur le chantier. Il précise que dans le cadre de la direction générale des travaux, il n'est tenu qu'à une simple obligation de moyen à l'égard du maître d'ouvrage.
S'agissant du montant des préjudices retenus, il fait valoir qu'il appartient au demandeur d'établir l'existence et la nature de son préjudice mais également son quantum en tenant compte du lien de causalité existant. Il fait également valoir qu'aucun préjudice de jouissance ne peut être admis en l'espèce, au risque d'une situation d'enrichissement sans cause.
L'affaire a été clôturée par ordonnance en date du 1er septembre 2025 et appelée en dernier lieu à l'audience du 10 septembre 2025.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la demande principale d'application de la garantie décennale :
L'article 1792 du Code civil prévoit que « tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ».
Selon l'article 1792-1 du même Code, « est réputé constructeur de l'ouvrage :
1° Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;
2° Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;
3° Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage ».
Il est constant que la maitrise d''uvre consiste dans la conception et la conduite opérationnelle des travaux en matière de coûts, de délais, de choix techniques, dans le cadre d'un cahier des charges. Le maître d''uvre, dans le cadre d'une mission complète, est chargé par le maître de l'ouvrage de consulter les entreprises et conclure les marchés avec les entrepreneurs qui interviendront sur le chantier, de diriger l'exécution des travaux et d'assister le maître de l'ouvrage pour la réception des ouvrages et le règlement des comptes avec les entrepreneurs et intervenants.
Au demeurant, lorsqu'elle est recherchée sur le fondement de l'article 1792 du Code civil, la responsabilité de l'architecte et du maître d''uvre est de plein droit, sans faute à prouver, cette absence de faute n'étant pas exonératoire. Les débiteurs de la garantie décennale sont soumis à une obligation de résultat. La démonstration du respect des règles de l'art par le professionnel ou son absence de faute est donc inopérante. La seule possibilité pour le locateur d'ouvrage d'échapper à cette présomption est de démontrer que le dommage ne rentrait pas dans sa sphère d'intervention et que celui-ci ne lui est donc pas imputable.
Dans le cadre de l'accomplissement de sa mission de direction des travaux, l'Architecte est tenu de s'assurer de la conformité des travaux réalisés avec les pièces du marché. S'agissant du devoir de surveillance, il doit être rappelé que cet aspect de la mission n'implique par une présence et un contrôle permanent sur le chantier.
Selon Monsieur [J], il n'était pas tenu, aux termes de sa mission, à une surveillance des travaux, mais seulement à une direction générale dans le cadre de laquelle une faute est nécessaire pour que sa responsabilité soit engagée ; il considère qu'en l'espèce, il n'a commis aucune faute.
La société JPYM reproche donc au jugement contesté de ne pas avoir retenu la responsabilité de l'Architecte alors que ce dernier était investi d'une mission complète qui impliquait donc la surveillance des travaux et doit le conduire à répondre des fautes commises par les entrepreneurs, en l'espèce pour avoir procédé à la pose des enduits dans des conditions météorologiques inadaptées.
Le rapport d'expertise confirme la réalité des désordres : « partout l'enduit présente un faïençage, des épaufrures, des éclats et des bullages, il est pulvérulent et se détache de son support alors qu'il n'est qu'effleuré. Le gobetis est friable. L'enduit est totalement à refaire ».
Quant à l'origine de ces désordres, l'expert indique qu'elle « se trouve dans une dégradation définitive de l'enduit due haut gel, la cause en est un décollement, un bullage et la dégradation de l'enduit qui pulvérule ». Il précise : « les travaux d'enduit ont eu lieu en hiver, ils ont été réalisés conformément aux règles de l'art mais il apparaît que l'enduit n'a pas résisté à une période prolongée de gel immédiatement consécutive à sa pose, une reprise ne s'est pas avérée suffisante ».
S'agissant des responsabilités, l'expert ajoute que « les désordres constatés sont principalement dus au fait que l'entreprise [C] n'a pas tenu compte de la période de gel qui s'annonçait lors de la pose de l'enduit, elle est par conséquent responsable des désordres affectant son ouvrage ». Il est également à relever que selon l'expert, compte tenu de son état très dégradé et des lacunes qu'il présente, cet enduit n'est pas conforme à sa destination ; le rôle de cet enduit était « d'assurer une étanchéité et de donner une apparence esthétique aux murs extérieurs » ; or, un enduit de façade constitue un ouvrage dès lors qu'il a une fonction d'étanchéité. Les dommages litigieux entrent donc bien dans le domaine d'application de la garantie décennale (la réception de chantier étant intervenue le 2 février 2011).
Comme indiqué ci-avant, la mission complète confiée à un architecte n'implique pas sa présence constante sur le chantier et, en outre, ne lui confère pas un pouvoir de direction sur l'entreprise réalisatrice. En l'espèce, la pose des enduits de façade dans des conditions météorologiques adaptées relevait de la seule responsabilité de l'entreprise chargée de cette exécution et les termes du rapport d'expertise ne caractérisent aucune imputabilité de ce dommage à Monsieur [J] au vu de la mission qui lui était confiée.
Il n'y a donc pas lieu de retenir la responsabilité décennale de Monsieur [H] [J].
Sur la demande subsidiaire d'application de la responsabilité contractuelle :
Subsidiairement, la société JPYM invoque la responsabilité contractuelle de l'architecte au visa des articles 1103 et 1147 anciens du Code civil et de l'article 33 du Code de la déontologie des architectes.
Cependant, il convient de rappeler que le régime de responsabilité de la garantie décennale est un régime exclusif de sorte que les constructeurs, architectes, entrepreneurs et autres locateurs d'ouvrage, liés au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, sont responsables de plein droit, selon l'article 1792 du code civil, des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Ce régime étant exclusif, les dommages qui relèvent de cette garantie ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.
Il a été vu ci-dessus que les dommages litigieux entrent bien dans le domaine d'application de la garantie décennale.
Il convient en conséquence de débouter la SCI JPYM de ses demandes fondées sur la responsabilité contractuelle de Monsieur [J].
Il y a donc lieu de confirmer la décision contestée en ce qu'elle a débouté la SCI JPYM de ses demandes à l'encontre de Monsieur [H] [J].
Sur les demandes annexes :
La décision contestée sera confirmée en ses dispositions relatives à l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens de l'instance s'agissant des parties concernées par la procédure d'appel.
Compte tenu de la solution du litige, il convient de condamner la société JPYM à payer à Monsieur [J] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La société JPYM sera également condamnée aux entiers dépens de l'instance d'appel. Il y a lieu d'allouer aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de la distraction des dépens.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme en toute ses dispositions le jugement du Tribunal judiciaire d'AIX EN PROVENCE en date du 1er juin 2021 ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI JPYM à payer à [H] [J] une somme de 2.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Condamne la SCI JPYM aux entiers dépens de l'instance d'appel ;
Alloue aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de la distraction des dépens.
Signé par Madame Inès BONAFOS, Présidente et Madame Patricia CARTHIEUX, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière, La présidente,