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Décisions

CA Versailles, ch. civ. 1-5, 20 novembre 2025, n° 25/00819

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 25/00819

20 novembre 2025

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56C

Chambre civile 1-5

ARRET N°

PAR DEFAUT

DU 20 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/00819 - N° Portalis DBV3-V-B7J-W76Y

AFFAIRE :

[X] [H]

[Y] [G]

C/

S.A. ALLIANZ IARD

S.A.S. ALEX BATIMENTS

S.A.S. IGH MOE

AXA FRANCE IARD

Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 23 Décembre 2024 par le TJ de [Localité 11]

N° RG : 24/00730

Expéditions exécutoires

Copies certifiées conformes délivrées le : 20/11/25

à :

Me Nathalie GAILLARD, avocat au barreau de CHARTRES, 01

Me Dominique ERNST-METZMAIER, avocat au barreau de VERSAILLES, 186

Me Céline BORREL, avocat au barreau de VERSAILLES, 122

Me Anne-gaëlle LE ROY, avocat au barreau de CHARTRES, 16

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,

La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Madame [X] [H]

née le 08 Avril 1979 à [Localité 15]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Monsieur [Y] [G]

né le 08 Octobre 1977 à [Localité 16]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentant : Me Nathalie GAILLARD de la SELARL VERNAZ FRANCOIS (HON.) - AIDAT-ROUAULT ISABELLE - GAILLARD N ATHALIE, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000001 - N° du dossier E0008ETI

APPELANTS

****************

S.A. ALLIANZ IARD

Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 9]

Autre qualité : Intimée dans 25/05647 (Fond)

(défaillante : aucune signification de déclaration d'appel)

S.A.S. ALEX BATIMENTS

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

N° RCS [Localité 17] : 490 592 243

[Adresse 7]

[Localité 8]

Représentant : Me Dominique ERNST-METZMAIER, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 186

S.A.S. IGH MOE

Prise en la personne de ses représentants légaux domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentant : Me Céline BORREL, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 122

Plaidant : Me Maria JESUS-FORTES, avocat au barreau de PARIS,

Substitué par Me Bernard SOLITUDE, avocat au barreau de PARIS,

AXA FRANCE IARD ès qualité d'assureur de la SAS IGH MOE

Prise en la personne de ses représentants légaux domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentant : Me Anne-gaëlle LE ROY de la SELARL UBILEX AVOCATS, avocat au barreau de CHARTRES, vestiaire : 000016 - N° du dossier E00092VP

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Octobre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant M. Bertrand MAUMONT, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseillère faisant fonction de présidente,

Monsieur Ulysse PARODI, Vice Président placé faisant fonction de conseiller

Monsieur Bertrand MAUMONT, Conseiller,

L'adjointe faisant fonction de Greffière, lors des débats : Madame Marion SEUS,

EXPOSE DU LITIGE

M. [Y] [G] et Mme [X] [H] épouse [G] sont propriétaires d'une maison d'habitation située au lieudit [Localité 13] [Adresse 12], sise à [Localité 14].

Le 15 octobre 2012, ils ont confié à la société Igh Moe, assurée par la société Axa France Iard, une mission complète de maitrise d''uvre pour la construction d'un garage.

Le maitre d''uvre a retenu le devis de la société Alex Bâtiments, entreprise générale assurée auprès de la société Allianz Iard, qui a exécuté les travaux.

Un procès-verbal de réception avec levée des réserves a été régularisé le 23 novembre 2013.

Ayant constaté des désordres, M. et Mme [G] ont saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres qui a, par ordonnance du 8 janvier 2024, désigné un expert judiciaire.

La première réunion a eu lieu le 17 mai 2024.

Par ordonnance du 23 septembre 2024, le magistrat chargé du contrôle des opérations d'expertise a fixé à la somme de 14 922,80 euros la consignation complémentaire à verser au greffe par M. et Mme [G] avant le 25 octobre 2024.

Par acte de commissaire de justice délivré le 30 octobre 2024, M. et Mme [G] ont fait assigner en référé la sociétés Alex Bâtiments, Allianz Iard, Igh Moe et Axa France Iard aux fins d'obtenir principalement l'allocation d'une provision ad litem d'un montant de 20 000 euros, outre la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

La société Allianz, bien que régulièrement assignée, n'a pas comparu.

Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 23 décembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres a :

- au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, mais dès à présent, tous droits et moyens étant réservés ;

- débouté M. et Mme [G] de l'ensemble de leurs demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné in solidum M. et Mme [G] aux dépens de l'instance.

Par déclaration reçue au greffe le 31 janvier 2025, M. et Mme [G] ont interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, à l'exception de ce qu'elle a, au principal, renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront, en dirigeant son recours contre les sociétés Axa France Iard, Igh Moe, Alex bâtiments.

Un dossier n° RG 25/00819 a été ouvert.

L'avis de fixation de l'affaire à bref délai a été communiqué à l'appelant le 24 février 2025.

Par ordonnance rectificative du 16 juin 2025, le juge des référés du tribunal judiciaire de Chartres a rectifié l'erreur matérielle affectant l'ordonnance du 23 décembre 2024, pages 1 et 2, concernant le nom des parties, pour voir préciser notamment que la société Allianz Iard figurait parmi les parties défenderesses.

Par déclaration reçue au greffe le 15 septembre 2025, M. et Mme [G] ont interjeté appel de l'ordonnance rectificative en date du 16 juin 2025, en dirigeant leur recours contre les sociétés Alex Bâtiments, Allianz Iard, Igh Moe et Axa France Iard.

Un dossier n° RG 25/05647 a été ouvert.

Par ordonnance rendue le 16 septembre 2025 par la cour d'appel de Versailles, les deux procédures susmentionnées ont été jointes sous le n° RG 25/00819.

M. et Mme [G] ont déposé leurs conclusions d'appelants n° 2 le 7 mai 2025, par lesquelles ils demandent à la cour, au visa des articles 835 et suivants du code de procédure civile, de :

' - déclarer recevables et en tous cas bien fondés Monsieur et Madame [G] en leurs demandes,

- déclarer mal fondée la société Axa France Iard en ses prétentions, Alex Bâtiments, Allianz Iard, Igh Moe,

- les rejeter,

- infirmer l'ordonnance de référé 23 décembre 2024,

statuant à nouveau,

- condamner in solidum la SAS Alex Bâtiment, la SA Allianz Iard, es-qualité d'assureur de la SAS Alex Bâtiment, la SAS Igh Moe et Axa France Iard, es-qualité d'assureur de la société SAS Igh Moe à verser à titre de provision ad litem à Monsieur et Madame [G] une somme de 20 000 euros,

- les condamner in solidum au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens,

- rappeler l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 mai 2025, la société Alex Bâtiments demande à la cour, au visa des articles 825 et suivants du code de procédure civile, de :

' - dire et juger la société Alex Bâtiments recevable et bien-fondée en ses prétentions ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner les appelants à régler à la société Alex Bâtiments la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du cpc,

- condamner les appelants aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 septembre 2025, la société Igh Moe demande à la cour de :

' - dire et juger la société Igh Moe recevable et bien fondée en ses prétentions

- confirmer l'ordonnance rendue par la présidente du tribunal judiciaire de Versailles ayant débouté les époux [G] de l'intégralité de leurs demandes, les conditions de l'article 835 du cpc n'étant pas réunies

à titre subsidiaire

- condamner la Cie Axa France, la société Alex Bâtiment et son assureur la Cie Allianz à garantir et relever intégralement la société Igh Moe de toute condamnation susceptible d'être mise à sa charge,

en tout état de cause

- condamner tout succombant au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

- condamner les appelants aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 4 avril 2025 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Axa France Iard demande à la cour de :

' - dire et juger la société Axa France Iard recevable et bien fondée en ses prétentions,

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

- condamner les appelants à régler à la société Axa France la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du cpc,

- condamner les appelants aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 septembre 2025.

M. et Mme [G] ont déposé de nouvelles conclusions le 2 octobre 2025, par lesquelles ils demandent à la cour de :

' - déclarer recevables et en tous cas bien fondés Monsieur et Madame [G] en leurs demandes,

- déclarer mal fondée la société Axa France Iard en ses prétentions, Alex Bâtiments, Allianz Iard, Igh Moe,

- les rejeter,

- infirmer l'ordonnance de référé 23 décembre 2024,

statuant à nouveau,

- condamner in solidum la SAS Alex Bâtiment, la SA Allianz Iard, es-qualité d'assureur de la SAS Alex Bâtiment, la SAS Igh Moe et Axa France Iard, es-qualité d'assureur de la société SAS Igh Moe à verser à titre de provision ad litem à Monsieur et Madame [G] une somme de 20 000 euros,

- les condamner in solidum au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens,

- rappeler l'exécution provisoire de droit de la décision à intervenir.

Le 6 octobre 2025, M. et Mme [G] ont communiqué des conclusions aux fins de rabat de l'ordonnance de clôture afin de leur permettre de verser aux débats le justificatif de la signification, le 3 octobre, de leurs conclusions à la société Allianz.

L'affaire a été plaidée à l'audience rapporteur du 8 octobre 2025.

Par message RPVA du 7 novembre 2025, la cour a sollicité les observations des parties sur l'irrecevabilité encourue des demandes dirigées contre la société Allianz, dès lors que celle-ci n'a pas été intimée sur l'appel de l'ordonnance du 23 décembre 2024.

Les parties ont répondu par notes en délibéré des 11 et 13 et 14 novembre 2025.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

L'article 802, alinéas 1 et 2, du code de procédure civile dispose : " Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.

Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture. "

Les deux premiers alinéas de l'article 803 du même code précisent : " L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation.

Si une demande en intervention volontaire est formée après la clôture de l'instruction, l'ordonnance de clôture n'est révoquée que si le tribunal ne peut immédiatement statuer sur le tout. "

En l'espèce, M. et Mme [G] ont déposé de nouvelles conclusions après l'ordonnance de clôture et sollicité la révocation de celle-ci pour produite l'acte de signification de leurs conclusions à la société Allianz Iard.

Il n'est pas justifié d'une cause grave révélée depuis que l'ordonnance de clôture a été rendue. La demande de révocation de l'ordonnance de clôture sera en conséquence rejetée. Les conclusions d'appelant du 2 octobre 2025, communiquées après l'ordonnance de clôture, seront en outre écartées des débats.

Sur la recevabilité des demandes formulées à l'encontre de la société Allianz

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile " Si le demandeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée ".

Les deux premiers alinéas de l'article 125 du code de procédure civile énoncent : " Les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.

Le juge peut relever d'office la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée. "

Aux termes de l'article 14 du code de procédure civile " nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée ".

En l'espèce, M. et Mme [G] ont interjeté appel de l'ordonnance du 13 décembre 2024 le 31 janvier 2025, en s'abstenant d'intimer la société Allianz qui ne figurait pas dans l'en-tête de la décision attaquée.

Or, il est rappelé qu'en application de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré et, plus encore, qu'elles ne peuvent être réparées que par la cour d'appel dès l'instant où le litige lui est dévolu.

Il n'est pas démontré, ni même allégué, l'existence d'un obstacle matériel quelconque ayant empêché de désigner dans l'acte d'appel, comme partie intimée, la société Allianz, même si celle-ci n'était pas nommément mentionnée dans l'en-tête de la décision attaquée.

Partie en première instance, la société Allianz pouvait être intimée dès la déclaration d'appel du 31 janvier 2025, quitte à saisir la cour d'une demande tendant à voir rectifier l'erreur matérielle relative à la désignation des parties, qui affectait l'ordonnance entreprise.

La société Allianz a été intimée 8 mois plus tard et uniquement dans le cadre d'un appel critiquant l'ordonnance rectificative. Or, cet appel n'est pas soutenu puisque dans leurs dernières conclusions, même celles postérieures à la clôture, M. et Mme [G] ne demandent pas l'annulation ou l'infirmation de ladite ordonnance, ceux-ci n'ayant au demeurant aucun intérêt à voir remettre en cause cette décision qui a pleinement satisfait leur requête.

Etant donné qu'une décision de jonction constitue une simple mesure d'administration judiciaire et qu'elle n'a pas pour effet de créer une procédure unique (Civ. 3e, 26 févr. 2003, n° 00-19.986), il est exclu de considérer que l'ordonnance de jonction du 16 septembre 2025 a eu pour effet d'attraire dans la cause, au titre du premier appel, la société Allianz.

De même est-il exclu de traiter la seconde déclaration d'appel comme une déclaration rectificative visant à voir réparer le défaut d'intimation de la société Allianz, étant donné qu'elle n'a pas le même objet que la première déclaration d'appel - puisqu'elle porte sur une décision différente - et qu'elle ne vise pas à la régulariser, au sens strict, dans la mesure où celle-ci n'est affectée d'aucun vice.

Par ailleurs, il convient de préciser que si la décision rectificative s'intègre à la décision rectifiée (Civ. 2e, 24 mai 2006, n° 04-20.077) comme l'accessoire suit le principal, l'inverse n'est en revanche pas vrai. Il s'ensuit que l'effet dévolutif de l'appel introduit contre la décision rectificative ne s'étend pas à la décision rectifiée. Il en va de même a fortiori de l'intimation qui ne peut donc s'étendre de l'appel portant sur l'ordonnance rectificative à l'appel portant sur l'ordonnance rectifiée.

Enfin, dans leurs notes en délibéré, les sociétés Alex Bâtiment et Axa invoquent une indivisibilité du litige, qui n'est pas avérée, et qui est au demeurant insuffisante à pallier le défaut d'intimation de la société Allianz, auquel il aurait été possible de remédier au moyen d'un appel provoqué.

Il y a lieu de considérer, en somme, qu'à défaut d'intimation de la société Allianz à l'occasion de l'appel formé contre l'ordonnance rectifiée et en l'absence d'acte ayant valablement élargi l'intimation, la demande de provision formée contre elle, ne peut qu'être déclarée irrecevable en application des dispositions légales précitées.

Sur la demande de provision ad litem

M. et Mme [G] font valoir que les désordres qui affectent la construction n'étaient pas apparents au moment de la réception, qu'ils portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et qu'ils suffisent en eux-mêmes à mettre en jeu la responsabilité des constructeurs, sans qu'il soit nécessaire d'identifier leur cause. Ils estiment que le message que leur a adressé l'expert le 21 août 2024, confirmant que les dommages portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et mentionnant un partage de responsabilité entre les sociétés Alex Bâtiments et Igh Moe est probant en ce qu'il est intervenu à la suite de la première réunion d'expertise et qu'il a pu être débattu dans le cadre de la présente instance. Ils ajoutent que les mesures d'investigation en cours sont seulement destinées à proposer une solution réparatoire et un chiffrage du dommage. Ils estiment, en somme, que l'obligation qui pèse sur la société Alex Bâtiment et la société IGH Moe n'est pas sérieusement contestable, et sollicitent en conséquence une provision ad litem d'un montant de 20 000 euros.

La société Alex Bâtiments répond qu'il ne s'est tenu qu'une seule réunion d'expertise, que l'expert a sollicité une prorogation du délai, que la mission n'est pas terminée et que cette situation ne permet pas de conclure de manière évidente sur les responsabilités pouvant incomber aux parties. Elle indique que la réunion d'expertise amiable a eu lieu sans sa présence et précise que le courrier envoyé par l'expert n'a pas été communiqué aux parties, ce qui créerait une " sérieuse difficulté ".

La société Igh Moe fait valoir que l'avis de l'expert quant au caractère décennal du dommage doit être précédé d'une analyse des " griefs constatés " et qu'à ce stade aucune discussion n'a eu lieu sur les causes et l'imputabilité. Elle relève que la note aux parties ne contient aucune analyse technique desdits griefs et ne permet nullement d'affirmer le caractère décennal des désordres et leur imputabilité. Elle ajoute que porter dès à présent une appréciation sur les responsabilités reviendrait à remettre en cause l'intérêt des investigations préconisées par l'expert (étude de sol, vérification des canalisations enterrées et de la charpente) qui alourdissent le coût de la mesure. Elle précise que tel est le cas du courrier adressé par l'expert à M. et Mme [G], ajoutant que celui-ci a été adressé en dehors de tout contradictoire dans le but d'orienter la position du juge du contrôles de l'expertise dans le sens d'une répartition des frais. Elle estime que cette méthode ne saurait être " validée " en ce qu'elle ignore les principes directeurs de notre procédure civile dont le principe du contradictoire.

La société Axa France Iard relève que la demande de provision de M. et Mme [G] intervient après que le juge chargé du contrôle des expertises a refusé de mettre à la charge des autres parties le coût de la consignation complémentaire. Elle note que leur demande repose sur la réponse apportée par l'expert judiciaire, en dehors des opérations d'expertise, à un courriel que leur conseil lui a adressé et qui n'est pas versé aux débats. Elle estime, comme les autres parties intimées, que l'obligation est sérieusement contestable dès lors que l'expertise en cours vise à faire établir la nature des désordres et les responsabilités.

Sur ce,

Il résulte de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, qui ne prévoit aucune restriction quant à la nature ou l'objet des provisions susceptibles d'être allouées, que le juge des référés peut allouer une provision pour frais d'instance.

Celle-ci peut être accordée sous deux conditions ; la première est la justification du caractère non sérieusement contestable de la prétention au fond, la seconde la justification de la nécessité d'engager des frais pour lesquels la provision est demandée.

Ces deux conditions sont cumulatives, nécessaires et ensemble suffisantes, toute autre considération étant indifférente.

L'article L. 124-3 du code des assurances énonce que " le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable ".

L'article 1792 du code civil dispose : " Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ".

La garantie décennale est une responsabilité de nature objective ou de plein droit, ce qui implique que le maître d'ouvrage n'a pas à prouver la faute du constructeur ni même à rechercher la cause précise des désordres ; il lui suffit de démontrer l'existence de dommages graves affectant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, qui se sont manifestés dans le délai décennal suivant la réception des travaux.

Au cas d'espèce, dans sa note aux parties, datée du 11 juillet 2024, l'expert judiciaire décrit les nombreux désordres affectant le garage de M. et Mme [G], tenant à un affaissement de la structure, l'apparition de multiples fissures, la déformation de la panne faîtière et le déversement des pannes sablières de la charpente.

Ces seuls éléments suffisent à établir avec l'évidence requise que les désordres affectant l'ouvrage portent atteinte à sa solidité et qu'ils relèvent en tant que tels de la garantie décennale des constructeurs.

Ils sont, au surplus, corroborés par le courriel que l'expert a adressé au conseil de M. et Mme [G] le 21 août 2024, ainsi rédigé : " en réponse à votre courrier du 19/08/2024, je vous confirme que les dommages constatés portent atteinte à la solidité de l'ouvrage ; ils concernent Alex Bâtiment et le maître d''uvre. Les frais sont élevés mais les dommages sont importants et de causes totalement différentes (fondation et charpente) ". Bien que ce message ait été adressé en dehors du cadre contradictoire régissant les opérations d'expertise judiciaire, il a néanmoins été porté à la connaissance des parties qui pouvaient en discuter le contenu devant la cour, et présente un certain caractère probant.

Force est de constater que les parties intimées ne développent aucun moyen propre à suggérer que les dommages seraient d'une autre nature que décennale ou qu'ils pourraient résulter d'une cause étrangère, exonératoire de responsabilité.

Il convient également de préciser que le simple fait que l'expertise soit en cours ne constitue pas, en soi, une contestation sérieuse. En effet, la mission de l'expert ne se limite pas à la caractérisation des dommages, puisqu'aux termes de l'ordonnance l'ayant désigné, il est aussi amené à " préconiser les moyens propres à remédier aux désordres " et à " fournir tous les éléments permettant à la juridiction ultérieurement saisie d'établir la répartition des responsabilités ". Ainsi, l'avis attendu de l'expert sur ces différents points et pouvant justifier les investigations supplémentaires requises, n'est pas de nature à remettre en cause l'obligation des constructeurs d'indemniser le maitre de l'ouvrage des dommages de nature décennale affectant la construction.

Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de provision, dans la limite non sérieusement contestable de 17 422,80 euros qui correspond à l'état des frais et honoraires de l'expert.

Les sociétés Alex Batiment, Igh Moe et Axa France Iard seront condamnées in solidum, au règlement de cette somme, à titre de provision ; l'ordonnance sera infirmée en conséquence.

Sur l'appel en garantie

Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile " Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ".

La société Igh Moe indique que, dans l'hypothèse où une condamnation serait prononcée à son encontre, il conviendrait de condamner la société Axa - dont la qualité d'assureur n'est pas contestée - à la garantir et à la relever indemne de toute somme susceptible d'être mise à sa charge.

De fait, la société Axa France Iard reconnaît être l'assureur de la société Igh Moe ; elle ne produit aucun élément susceptible de remettre en cause l'étendue de sa garantie et ne conteste pas la demande qui lui est adressée, laquelle doit donc être accueillie.

Il sera ajouté à l'ordonnance entreprise sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Les sociétés Alex Bâtiments, Igh Moe et Axa France Iard succombant, supporteront les dépens de première instance et d'appel, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande en outre de les condamner in solidum au règlement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt par défaut, mis à disposition,

Constate que l'appel contre l'ordonnance rectificative du 16 juin 2025 n'est pas soutenu,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Rejette les conclusions d'appelant déposées par M. et Mme [G] le 6 octobre 2025,

Infirme l'ordonnance rectifiée du 23 décembre 2024,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare irrecevables les demandes formulées contre la société Allianz,

Condamne in solidum les sociétés Alex Bâtiments, Igh Moe et Axa France Iard à à régler à M. [Y] [G] et Mme [X] [H] épouse [G], à titre provisionnel, la somme de 17 422,80 euros au titre des frais d'expertise judiciaire,

Condamne la société Axa France Iard à garantir et relever indemne la société Igh Moe de toutes les condamnations prononcées contre elle,

Condamne in solidum les sociétés Alex Bâtiments, Igh Moe et Axa France Iard aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum les sociétés Alex Bâtiments, Igh Moe et Axa France Iard à régler à M. [Y] [G] et Mme [X] [H] épouse [G], ensemble, la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, conseillère faisant fonction de Présidente et par Madame Elisabeth TODINI, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente

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