CA Rennes, 4e ch., 20 novembre 2025, n° 24/03346
RENNES
Arrêt
Autre
4ème Chambre
ARRÊT N° 260
N° RG 24/03346
N° Portalis DBVL-V-B7I-U3EP
(2)
(Réf 1ère instance :
TJ Nantes
Jugement du 06/09/2023
RG N° 19/06176)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Mme Valentine BUCK, Conseillère, entendue en son rapport,
Assesseur : Mme Gwenola VELMANS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Octobre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. BPCE IARD
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 6]
Représentée par Me Charles OGER de la SELARL ARMEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
S.A. GENERALI IARD
agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié de droit audit siège [Adresse 5]
Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jacques CHEVALIER de la SELAS CHEVALIER - MARTY - PRUVOST Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. D'ARCHITECTURE MARIE-CLAUDE LAINE - JEAN-ROBERT PIVETEAU
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Claire LIVORY de la SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4]
Représentée par Me Claire LIVORY de la SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE SUR APPEL PROVOQUE :
S.A. ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2]
Assignée en appel provoqué par la société MAF et la société d'architecture Laine - Piveteau le 16 septembre 2024 à personne habilitée
Représentée par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société Atlantique Automobiles, assurée auprès de la société Generali Iard, exploite un bâtiment à usage de garage et de concession automobile, situé [Adresse 3], donné à bail par la SCI Jls Immobilier .
En 2008, la société Atlantique Automobiles a confié des travaux d'extension notamment à la société Laine et Piveteau, maître d'oeuvre, assurée auprès de la MAF et à la société Etablissements Ollivier pour le lot électricité. Les travaux ont été réceptionnés.
La société Etablissements Ollivier a souscrit des contrats d'assurance avec la BPCE Iard et Aviva Assurances, devenue Abeille Iard et Santé.
Le 6 janvier 2015, un incendie s'est déclaré dans les locaux de la société Atlantique Automobiles.
Les 20 et 25 mars 2015, la SCI Jls Immobilier, la société Generali Iard et la société Atlantique Automobiles ont sollicité une expertise, qui a été confiée, par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes, le 28 mai 2015, à M. [Z]. Cette expertise a été menée au contradictoire notamment de la société Etablissements Ollivier, de la BPCE Iard, d'Aviva Assurances, devenue Abeille Iard et Santé, de la société Laine et Piveteau, et de la MAF .
L'expert a déposé son rapport le 2 juillet 2019.
Par exploits en date des 12, 13 et 14 septembre 2018, la société Generali Iard, la société Atlantique Automobiles et la SCI Jls Immobilier ont fait assigner la société Etablissements Ollivier et la société Laine et Piveteau devant le tribunal de grande instance de Nantes en indemnisation des conséquences de l'incendie. Suivant exploit en date du 27 mars 2020, la société Laine et Piveteau et la MAF ont assigné en garantie la Banque Populaire Grand Ouest, assureur de la société Etablissements Ollivier. Suivant exploit en date du 15 juillet 2020, la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF ont appelé en garantie la BPCE Iard, assureur de la société Etablissements Ollivier.
Par jugement en date du 6 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- mis hors de cause la Banque Populaire Grand Ouest, anciennement dénommée Banque Populaire Atlantique,
- déclaré irrecevables les demandes de la SCI Jls Immobilier,
- déclaré recevables les demandes de la société Atlantique Automobiles,
- déclaré la société Etablissements Ollivier et la société d'architecture Laine et Piveteau responsables in solidum, sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- condamné la BPCE Iard à garantir son assuré la société Etablissements Ollivier, pour les préjudices matériels, dans les termes et limites de la police souscrite,
- condamné la compagnie Aviva Assurances, devenue la société Abeille Iard, à garantir son assuré la société Etablissements Ollivier, pour les préjudices immatériels, dans les termes et limites de la police souscrite,
- condamné la MAF à garantir son assuré la société Laine et Piveteau, dans les termes et limites de la police souscrite,
- condamné in solidum la société BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, et son assureur la MAF à verser la somme de 600 297 euros à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles au titre des préjudices matériels subis suite à l'incendie du 6 janvier 2015,
- condamné in solidum la compagnie Aviva Assurances, devenue la société Abeille Iard, assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, et son assureur la MAF, sur le fondement de la garantie décennale, à verser la somme de 23 000 euros, à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles, au titre des pertes d'exploitation subies,
- déclaré opposable aux tiers lésés, la franchise prévue dans le contrat liant la compagnie Aviva Assurances, devenue la société Abeille Iard et la société Etablissements Ollivier, pour les préjudices immatériels consécutifs,
- déclaré opposable aux tiers lésés, la franchise de 10% prévue dans le contrat liant la société d'architecture Laine et Piveteau, et son assureur la MAF, pour les préjudices immatériels consécutifs,
- dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :
- la société Etablissements Ollivier : 70%
- la société d'architecture Laine et Piveteau : 30%,
- condamné la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier, à garantir la société Laine et Piveteau et, son assureur la MAF à hauteur de 70% au titre des préjudices matériels indemnisés,
- condamné in solidum la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF, à garantir, la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier à hauteur de 30% au titre des préjudices matériels indemnisés,
- condamné la compagnie Aviva Assurances, assureur de la société Etablissements Ollivier, à garantir la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à hauteur de 70% au titre des préjudices immatériels indemnisés,
- condamné in solidum la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à garantir la compagnie Aviva Assurances, assureur de la société Etablissements Ollivier à hauteur de 30% au titre des préjudices immatériels indemnisés,
- condamné in solidum la société BPCE Iard, assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, son assureur MAF et la compagnie Aviva Assurances assureur de la société Etablissements qui succombent à titre principal aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise,
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Etablissements Ollivier, la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, son assureur la MAF et la compagnie Aviva Assurances, assureur de la société Etablissements Ollivier qui succombent à titre principal à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles,
- dit que la charge finale des dépens et celle de I'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties entre les coobligés comme suit :
- la société Etablissements Ollivier : 25%,
- la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier : 25%,
- la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF : 20%,
- la compagnie Aviva Assurances assureur de la société Etablissements : 25%,
- condamné in solidum la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à verser la somme de 500 euros à la Banque Populaire Grand Ouest, anciennement dénommée Banque Populaire Atlantique au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les autres parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La société BPCE Iard a relevé appel de cette décision le 4 juin 2024, intimant seulement la société Generali Iard (RG 24/03278). Une seconde déclaration d'appel a été régularisée par la société BPCE Iard le 6 juin 2024, intimant les sociétés Generali Iard, la société Marie Claude Laine - Jean Robert Piveteau et la MAF (RG 24/03346).
Les instances ont été jointes par ordonnance du 20 juin 2024 sous le n° RG 24/03346.
Les sociétés Laine et Piveteau et MAF ont assigné en appel provoqué la société Abeille Iard & Santé le 16 septembre 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières écritures du 14 mars 2025, la société BPCE Iard demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à verser la somme de 98 564 euros à la société Generali Iard au titre du contenu du bâtiment endommagé par l'incendie,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 6 septembre 2023 en ce qu'il l'a condamnée à relever et garantir la société Laine Piveteau et la MAF à hauteur de 70% au titre des préjudices matériels indemnisés comprenant le contenu de 98 564 euros,
statuant de nouveau,
- limiter à 501 733 euros, les sommes mises à sa charge au bénéfice de la société Generali Iard, in solidum avec la société Laine Piveteau et son assureur MAF,
- condamner in solidum Generali, la société Laine Piveteau et la MAF à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens de l'instance.
Selon ses dernières écritures du 27 août 2024, la société Generali Iard demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- condamner la société BPCE Iard au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société BPCE en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Colleu et Le Couls-Bouvet.
Selon ses dernières écritures du 28 février 2025, la société Abeille Iard et Santé demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- a condamné la BPCE Iard à verser à la compagnie Generali Iard, assureur de la société Atlantique Automobiles la somme de 600 297 euros in solidum avec la société d'architecture Laine et Piveteau et son assureur la MAF comprenant le contenu du bâtiment
- a condamné la BPCE à relever et garantir la société d'architecture Laine et Piveteau et son assureur la MAF à hauteur de 70% des préjudices matériels indemnisés comprenant le contenu du bâtiment,
en conséquence,
- débouter la BPCE Iard de l'ensemble de ses demandes fin et prétentions,
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de sa condamnation à verser in solidum avec la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à la Compagnie Generali Iard assureur de la société Atlantique Automobiles la somme de 98 564 euros à titre de contenu du bâtiment endommagé par l'incendie au lieu et place de la société BPCE Iard,
- déclarer irrecevable comme nouvelle, la demande de sa condamnation à relever et garantir la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à hauteur de 70% du préjudice matériel indemnisé au titre du contenu du bâtiment,
- condamner in solidum la MAF et la société Laine et Piveteau à lui payer la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 29 août 2025, la société Marie-Claude Laine - Jean-Robert Piveteau et la MAF demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- les a condamnées in solidum avec la BPCE Iard à verser à la compagnie Generali, assureur de la société Atlantique Automobile, la somme de 600 927 euros, comprenant le contenu des bâtiments,
- a condamné la BPCE à les relever et garantir à hauteur de 70 % des préjudices matériels indemnisés, comprenant le contenu des bâtiments,
en conséquence,
- débouter la BPCE Iard et la société Abeille Iard venant aux droits de la société Aviva Assurances de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à leur encontre,
à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit aux demandes de la société BPCE Iard,
- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel provoqué contre la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances,
- condamner la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances à verser in solidum avec elles à la compagnie Generali Iard, assureur de la société Atlantique Automobiles, la somme de 98 564 euros au titre du contenu du bâtiment endommagé par l'incendie, en lieu et place de la société BPCE Iard,
- condamner la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances, à les relever et garantir à hauteur de 70% du préjudice matériel indemnisé au titre du contenu du bâtiment,
en tout état de cause,
- condamner la BPCE Iard et la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances, à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur l'action directe de la société Generali en garantie de la société BPCE, assureur de la société Etablissements Ollivier
Le tribunal a jugé que l'assurance construction obligatoire ne couvre que la réparation de l'ouvrage lui-même, que la réparation des dommages immatériels consécutifs aux désordres ne peut découler du silence d'une assurance obligatoire de responsabilité, mais doit être expressément prévue, au titre des assurances facultatives. Il a constaté que la BPCE était l'assureur en responsabilité décennale au moment des travaux par contrat à effet du 1er janvier 2002, et que la société BPCE ne contestait pas sa garantie pour les travaux réparatoires.
Pour le tribunal, les préjudices matériels liés au sinistre couvrent (page 17 du jugement):
- les travaux réparatoires des bâtiments existants,
- les pertes subies dans les locaux, les véhicules sinistrés,
- les frais annexes et dépenses engagées pour la reprise d'activité.
En revanche, à la lecture du jugement (page 18), pour le tribunal, les pertes d'exploitation ne constituent pas un préjudice matériel.
La société BPCE estime que la somme de 98 564 euros correspondant à l'indemnisation des pertes du contenu du bâtiment endommagé constitue des dommages consécutifs matériels et immatériels qui relèvent des garanties facultatives dues par l'assureur au jour de la réclamation, en l'occurrence la compagnie Abeille venant aux droits de Aviva, en sa qualité d'assureur de la société Etablissements Ollivier au jour de la réclamation.
Elle soutient que l'opposition des limites de garantie n'est pas une demande nouvelle, l'ayant déjà invoquée en première instance.
Les sociétés Abeille, anciennement Aviva, MAF et Lainé et Piveteau soulèvent l'irrecevabilité de l'appel de la société BPCE aux motifs que sa demande tendant à opposer une clause d'exclusion de garantie pour les dommages matériels consécutifs est nouvelle, la société BPCE ayant contesté uniquement en première instance la prise en charge des dommages immatériels consécutifs.
La société Abeille réplique en tout état de cause que sur la base de sa pièce n°1, la société BPCE doit sa garantie pour « tous dommages confondus (corporels matériels et immatériels consécutifs » couverts par le contrat multirisques professionnels.
La MAF et la société Lainé et Piveteau rétorquent également que rien ne permet de considérer que les conditions générales de la police d'assurance produites par la société BPCE dans sa pièce n°2 [en réalité 4] sont celles applicables au contrat de la société Etablissements Ollivier. Quoiqu'il en soit, elles considèrent que l'indemnisation relative au contenu du bâtiment est bien couverte au titre des dommages matériels consécutifs. Elles rappellent que toute exclusion doit être formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances, et que l'article 1 de ces conditions générales distingue le dommage immatériel du dommage matériel, ce dernier concernant « toute détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou d'une substance », ce qui inclut le mobilier litigieux.
Elles ajoutent que les conventions spéciales dont se prévaut la société BPCE (pièce n°4 BPCE) confirment enfin, sous toutes réserves de leur application au contrat de l'Etablissement Ollivier, la prise en charge des dommages aux existants divisibles après réception au titre de l'article 5.1.
Enfin, elles soutiennent que l'application de la garantie subséquente prévue à l'article 9 des conventions spéciales de la société BPCE ne peut être exclue, conformément à l'article L. 124-5 du code des assurances, s'il était considéré que la société Etablissement Ollivier n'a pas ressouscrit les mêmes garanties auprès de la société Abeille.
La société Generali réplique que la société BPCE ne communique ni ses conditions générales, ni ses conditions particulières de la police mais exclusivement des attestations d'assurance qui ne permettent pas de connaître les conditions de garantie. Elle ne produit aucun justificatif de résiliation de sa police et ne peut se contenter de dire qu'une autre assurance a été souscrite auprès de la compagnie Abeille pour dénier sa garantie.
***
- sur l'existence d'une demande nouvelle
Selon l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Aux termes de l'article 564 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Enfin, selon l'article 566 suivant, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, en première instance, selon le jugement, la société BPCE demandait au tribunal notamment de :
- débouter la société Lainé-Piveteau, la MAF ou toute autre partie de toute demande à son encontre,
à titre subsidiaire et en tout état de cause,
- limiter les sommes mises à sa charge à 461.469,74 euros au titre du préjudice matériel,
- débouter toute partie de toute demande au titre des préjudices immatériels.
Au soutien de ses demandes en première instance, elle faisait valoir très succinctement que seules les garanties obligatoires étaient susceptibles d'être mobilisées, excluant la prise en charge des préjudices consécutifs (immatériels) (page 10 de ses conclusions en première instance), sans donner, dans les conclusions produites en appel précitées, plus de précisions sur ce qu'elle entendait par préjudice matériel ou préjudices consécutifs.
En appel, elle demande également de limiter au préjudice matériel sa garantie obligatoire. Les prétentions en première instance et en appel sont donc les mêmes, même si en appel elle précise que, pour elle, le contenu du bâtiment sinistré, composé de mobiliers, ne peut pas être indemnisé au titre du préjudice matériel car il est distinct de l'ouvrage réalisé qui a été sinistré, seul objet de la garantie obligatoire.
Il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle et la fin de non recevoir sera rejetée.
- sur l'étendue de la garantie obligatoire
Selon l'annexe I à l'article A 243-1 du code des assurances, le contrat d'assurance de responsabilité décennale garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l'article L. 243-1-1 du présent code, lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de construction, et dans les limites de cette responsabilité.
Les travaux de réparation, notamment en cas de remplacement des ouvrages, comprennent également les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que des bureaux et show-room sont devenus hors d'usage, que les véhicules stockés dans le garage et situés à proximité immédiate de l'incendie présentent des dégâts majeurs, que certains véhicules stockés sont en partie détruits (page 10 du rapport). L'expert a évalué les préjudices concernant les pertes subies dans les locaux et les véhicules sinistrés à hauteur respectivement de 89 986 euros et 8 951 euros.
L'indemnisation de ces préjudices correspond à l'indemnisation du mobilier se trouvant dans le bâtiment au moment de l'incendie. Elle ne correspond pas au paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants au sens de l'annexe I à l'article A 243-1 du code des assurances.
La société BPCE ne peut donc pas être condamnée à payer, sur le fondement de l'assurance décennale obligatoire, à la société Generali la somme de 98 564 euros en réparation du contenu des bâtiments.
- sur la garantie des dommages matériels consécutifs
La société BPCE produit une attestation d'assurance du 16 juillet 2015 valable pour l'année 2008 correspondant au contrat multirisque professionnelle 00333279 B 003 souscrit par la société Etablissement Ollivier. Ce contrat garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile après réception des travaux pour tous dommages confondus (corporels, matériels et immatériels consécutifs). Or, la société BPCE ne justifie pas, notamment à l'égard des tiers, que ce contrat a été résilié, ni surabondamment sa date de résiliation, la circonstance que la société Etablissement Ollivier ait souscrit une assurance auprès de la société Abeille, venant aux droits d'Aviva, n'étant pas en outre suffisante pour prouver une résiliation, ou l'inapplicabilité d'une garantie subséquente.
C'est donc en application de ce contrat multirisque professionnel que la société BPCE sera tenue de payer à la société Generali, la somme de 98 564 euros en réparation du préjudice matériel relatif au contenu des bâtiments.
***
En conclusion, c'est par substitution de ces motifs, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société BPCE, assureur de la société Etablissements Ollivier, in solidum avec la société Laine et Piveteau, et son assureur la MAF à verser la somme de 600 297 euros à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles au titre des préjudices matériels subis suite à l'incendie du 6 janvier 2015.
Sur les demandes subsidiaires de la MAF et de la société Lainé et Piveteau
A titre subsidiaire, la MAF et la société Lainé et Piveteau sollicitent la condamnation de la société Abeille à prendre en charge l'indemnisation du contenu du bâtiment.
Pour la société Abeille, cette demande est manifestement irrecevable comme nouvelle devant la Cour car en première instance elles n'avaient demandé la garantie d'Abeille que pour les préjudices immatériels.
Pour la MAF, le débat devant la cour étant nouveau, elle doit se défendre.
***
Compte-tenu de ce qui précède, sont devenues sans objet les demandes subsidiaires de la MAF et de la société Lainé et Piveteau de condamnation de la société Abeille, venant aux droits d'Aviva, in solidum avec elles, à verser à la société Generali la somme de 98 564 euros au titre du contenu du bâtiment endommagé par l'incendie aux lieu et place de la société BPCE, et la demande de garantie à hauteur de 70%.
Il n'est donc pas nécessaire d'examiner si ces demandes étaient nouvelles et donc irrecevables, comme l'a soulevé la société Abeille.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant finalement en son appel, la société BPCE sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Colleu et Le Couls-Bouvet, et à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société Generali la somme de 2 000 euros
- à la société Lainé et Piveteau et la MAF la somme de 2 000 euros.
La société Abeille sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles qui était uniquement dirigée contre la société Lainé et Piveteau et la MAF.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande de fin de non recevoir tirée de la demande nouvelle de la société Abeille iard et Santé,
Confirme le jugement du 6 septembre 2023 du tribunal judiciaire de Nantes ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes subsidiaires de la MAF et de la société Lainé et Piveteau,
Condamne la société BPCE à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société Generali Iard la somme de 2 000 euros
- à la société d'architecture Lainé et Piveteau et la MAF la somme de 2 000 euros.
Déboute la société Abeille de sa demande au titre des frais irrépétibles contre la société Lainé et Piveteau et la MAF,
Condamne la société BPCE aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Colleu et Le Couls-Bouvet.
Le Greffier, Le Président,
ARRÊT N° 260
N° RG 24/03346
N° Portalis DBVL-V-B7I-U3EP
(2)
(Réf 1ère instance :
TJ Nantes
Jugement du 06/09/2023
RG N° 19/06176)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : M. Alain DESALBRES, Président de chambre,
Assesseur : Mme Valentine BUCK, Conseillère, entendue en son rapport,
Assesseur : Mme Gwenola VELMANS, Conseillère,
GREFFIER :
Monsieur Jean-Pierre CHAZAL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Octobre 2025
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 20 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A. BPCE IARD
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 6]
Représentée par Me Charles OGER de la SELARL ARMEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
S.A. GENERALI IARD
agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié de droit audit siège [Adresse 5]
Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Jacques CHEVALIER de la SELAS CHEVALIER - MARTY - PRUVOST Société d'Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
S.A.R.L. D'ARCHITECTURE MARIE-CLAUDE LAINE - JEAN-ROBERT PIVETEAU
prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 1]
Représentée par Me Claire LIVORY de la SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Société MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4]
Représentée par Me Claire LIVORY de la SELARL CLAIRE LIVORY AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de NANTES
Représentée par Me Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE SUR APPEL PROVOQUE :
S.A. ABEILLE IARD & SANTE anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2]
Assignée en appel provoqué par la société MAF et la société d'architecture Laine - Piveteau le 16 septembre 2024 à personne habilitée
Représentée par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
La société Atlantique Automobiles, assurée auprès de la société Generali Iard, exploite un bâtiment à usage de garage et de concession automobile, situé [Adresse 3], donné à bail par la SCI Jls Immobilier .
En 2008, la société Atlantique Automobiles a confié des travaux d'extension notamment à la société Laine et Piveteau, maître d'oeuvre, assurée auprès de la MAF et à la société Etablissements Ollivier pour le lot électricité. Les travaux ont été réceptionnés.
La société Etablissements Ollivier a souscrit des contrats d'assurance avec la BPCE Iard et Aviva Assurances, devenue Abeille Iard et Santé.
Le 6 janvier 2015, un incendie s'est déclaré dans les locaux de la société Atlantique Automobiles.
Les 20 et 25 mars 2015, la SCI Jls Immobilier, la société Generali Iard et la société Atlantique Automobiles ont sollicité une expertise, qui a été confiée, par le juge des référés du tribunal de grande instance de Nantes, le 28 mai 2015, à M. [Z]. Cette expertise a été menée au contradictoire notamment de la société Etablissements Ollivier, de la BPCE Iard, d'Aviva Assurances, devenue Abeille Iard et Santé, de la société Laine et Piveteau, et de la MAF .
L'expert a déposé son rapport le 2 juillet 2019.
Par exploits en date des 12, 13 et 14 septembre 2018, la société Generali Iard, la société Atlantique Automobiles et la SCI Jls Immobilier ont fait assigner la société Etablissements Ollivier et la société Laine et Piveteau devant le tribunal de grande instance de Nantes en indemnisation des conséquences de l'incendie. Suivant exploit en date du 27 mars 2020, la société Laine et Piveteau et la MAF ont assigné en garantie la Banque Populaire Grand Ouest, assureur de la société Etablissements Ollivier. Suivant exploit en date du 15 juillet 2020, la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF ont appelé en garantie la BPCE Iard, assureur de la société Etablissements Ollivier.
Par jugement en date du 6 septembre 2023, le tribunal judiciaire de Nantes a :
- mis hors de cause la Banque Populaire Grand Ouest, anciennement dénommée Banque Populaire Atlantique,
- déclaré irrecevables les demandes de la SCI Jls Immobilier,
- déclaré recevables les demandes de la société Atlantique Automobiles,
- déclaré la société Etablissements Ollivier et la société d'architecture Laine et Piveteau responsables in solidum, sur le fondement de l'article 1792 du code civil,
- condamné la BPCE Iard à garantir son assuré la société Etablissements Ollivier, pour les préjudices matériels, dans les termes et limites de la police souscrite,
- condamné la compagnie Aviva Assurances, devenue la société Abeille Iard, à garantir son assuré la société Etablissements Ollivier, pour les préjudices immatériels, dans les termes et limites de la police souscrite,
- condamné la MAF à garantir son assuré la société Laine et Piveteau, dans les termes et limites de la police souscrite,
- condamné in solidum la société BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, et son assureur la MAF à verser la somme de 600 297 euros à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles au titre des préjudices matériels subis suite à l'incendie du 6 janvier 2015,
- condamné in solidum la compagnie Aviva Assurances, devenue la société Abeille Iard, assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, et son assureur la MAF, sur le fondement de la garantie décennale, à verser la somme de 23 000 euros, à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles, au titre des pertes d'exploitation subies,
- déclaré opposable aux tiers lésés, la franchise prévue dans le contrat liant la compagnie Aviva Assurances, devenue la société Abeille Iard et la société Etablissements Ollivier, pour les préjudices immatériels consécutifs,
- déclaré opposable aux tiers lésés, la franchise de 10% prévue dans le contrat liant la société d'architecture Laine et Piveteau, et son assureur la MAF, pour les préjudices immatériels consécutifs,
- dit que dans les rapports entre coobligés, le partage de responsabilité s'effectuera de la manière suivante :
- la société Etablissements Ollivier : 70%
- la société d'architecture Laine et Piveteau : 30%,
- condamné la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier, à garantir la société Laine et Piveteau et, son assureur la MAF à hauteur de 70% au titre des préjudices matériels indemnisés,
- condamné in solidum la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF, à garantir, la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier à hauteur de 30% au titre des préjudices matériels indemnisés,
- condamné la compagnie Aviva Assurances, assureur de la société Etablissements Ollivier, à garantir la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à hauteur de 70% au titre des préjudices immatériels indemnisés,
- condamné in solidum la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à garantir la compagnie Aviva Assurances, assureur de la société Etablissements Ollivier à hauteur de 30% au titre des préjudices immatériels indemnisés,
- condamné in solidum la société BPCE Iard, assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, son assureur MAF et la compagnie Aviva Assurances assureur de la société Etablissements qui succombent à titre principal aux entiers dépens, y compris les frais d'expertise,
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- condamné in solidum la société Etablissements Ollivier, la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier, la société Laine et Piveteau, son assureur la MAF et la compagnie Aviva Assurances, assureur de la société Etablissements Ollivier qui succombent à titre principal à verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles,
- dit que la charge finale des dépens et celle de I'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, seront réparties entre les coobligés comme suit :
- la société Etablissements Ollivier : 25%,
- la BPCE Iard assureur de la société Etablissements Ollivier : 25%,
- la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF : 20%,
- la compagnie Aviva Assurances assureur de la société Etablissements : 25%,
- condamné in solidum la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à verser la somme de 500 euros à la Banque Populaire Grand Ouest, anciennement dénommée Banque Populaire Atlantique au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les autres parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- admis les avocats qui en ont fait la demande et qui peuvent y prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
La société BPCE Iard a relevé appel de cette décision le 4 juin 2024, intimant seulement la société Generali Iard (RG 24/03278). Une seconde déclaration d'appel a été régularisée par la société BPCE Iard le 6 juin 2024, intimant les sociétés Generali Iard, la société Marie Claude Laine - Jean Robert Piveteau et la MAF (RG 24/03346).
Les instances ont été jointes par ordonnance du 20 juin 2024 sous le n° RG 24/03346.
Les sociétés Laine et Piveteau et MAF ont assigné en appel provoqué la société Abeille Iard & Santé le 16 septembre 2024.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon ses dernières écritures du 14 mars 2025, la société BPCE Iard demande à la cour de :
- réformer le jugement rendu en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à verser la somme de 98 564 euros à la société Generali Iard au titre du contenu du bâtiment endommagé par l'incendie,
- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Nantes le 6 septembre 2023 en ce qu'il l'a condamnée à relever et garantir la société Laine Piveteau et la MAF à hauteur de 70% au titre des préjudices matériels indemnisés comprenant le contenu de 98 564 euros,
statuant de nouveau,
- limiter à 501 733 euros, les sommes mises à sa charge au bénéfice de la société Generali Iard, in solidum avec la société Laine Piveteau et son assureur MAF,
- condamner in solidum Generali, la société Laine Piveteau et la MAF à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux dépens de l'instance.
Selon ses dernières écritures du 27 août 2024, la société Generali Iard demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
- condamner la société BPCE Iard au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société BPCE en tous les dépens dont distraction au profit de la SCP Colleu et Le Couls-Bouvet.
Selon ses dernières écritures du 28 février 2025, la société Abeille Iard et Santé demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- a condamné la BPCE Iard à verser à la compagnie Generali Iard, assureur de la société Atlantique Automobiles la somme de 600 297 euros in solidum avec la société d'architecture Laine et Piveteau et son assureur la MAF comprenant le contenu du bâtiment
- a condamné la BPCE à relever et garantir la société d'architecture Laine et Piveteau et son assureur la MAF à hauteur de 70% des préjudices matériels indemnisés comprenant le contenu du bâtiment,
en conséquence,
- débouter la BPCE Iard de l'ensemble de ses demandes fin et prétentions,
- déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de sa condamnation à verser in solidum avec la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à la Compagnie Generali Iard assureur de la société Atlantique Automobiles la somme de 98 564 euros à titre de contenu du bâtiment endommagé par l'incendie au lieu et place de la société BPCE Iard,
- déclarer irrecevable comme nouvelle, la demande de sa condamnation à relever et garantir la société Laine et Piveteau et son assureur la MAF à hauteur de 70% du préjudice matériel indemnisé au titre du contenu du bâtiment,
- condamner in solidum la MAF et la société Laine et Piveteau à lui payer la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 29 août 2025, la société Marie-Claude Laine - Jean-Robert Piveteau et la MAF demandent à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- les a condamnées in solidum avec la BPCE Iard à verser à la compagnie Generali, assureur de la société Atlantique Automobile, la somme de 600 927 euros, comprenant le contenu des bâtiments,
- a condamné la BPCE à les relever et garantir à hauteur de 70 % des préjudices matériels indemnisés, comprenant le contenu des bâtiments,
en conséquence,
- débouter la BPCE Iard et la société Abeille Iard venant aux droits de la société Aviva Assurances de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à leur encontre,
à titre subsidiaire, si la cour devait faire droit aux demandes de la société BPCE Iard,
- les déclarer recevables et bien fondées en leur appel provoqué contre la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances,
- condamner la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances à verser in solidum avec elles à la compagnie Generali Iard, assureur de la société Atlantique Automobiles, la somme de 98 564 euros au titre du contenu du bâtiment endommagé par l'incendie, en lieu et place de la société BPCE Iard,
- condamner la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances, à les relever et garantir à hauteur de 70% du préjudice matériel indemnisé au titre du contenu du bâtiment,
en tout état de cause,
- condamner la BPCE Iard et la société Abeille Iard, venant aux droits de la société Aviva Assurances, à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur l'action directe de la société Generali en garantie de la société BPCE, assureur de la société Etablissements Ollivier
Le tribunal a jugé que l'assurance construction obligatoire ne couvre que la réparation de l'ouvrage lui-même, que la réparation des dommages immatériels consécutifs aux désordres ne peut découler du silence d'une assurance obligatoire de responsabilité, mais doit être expressément prévue, au titre des assurances facultatives. Il a constaté que la BPCE était l'assureur en responsabilité décennale au moment des travaux par contrat à effet du 1er janvier 2002, et que la société BPCE ne contestait pas sa garantie pour les travaux réparatoires.
Pour le tribunal, les préjudices matériels liés au sinistre couvrent (page 17 du jugement):
- les travaux réparatoires des bâtiments existants,
- les pertes subies dans les locaux, les véhicules sinistrés,
- les frais annexes et dépenses engagées pour la reprise d'activité.
En revanche, à la lecture du jugement (page 18), pour le tribunal, les pertes d'exploitation ne constituent pas un préjudice matériel.
La société BPCE estime que la somme de 98 564 euros correspondant à l'indemnisation des pertes du contenu du bâtiment endommagé constitue des dommages consécutifs matériels et immatériels qui relèvent des garanties facultatives dues par l'assureur au jour de la réclamation, en l'occurrence la compagnie Abeille venant aux droits de Aviva, en sa qualité d'assureur de la société Etablissements Ollivier au jour de la réclamation.
Elle soutient que l'opposition des limites de garantie n'est pas une demande nouvelle, l'ayant déjà invoquée en première instance.
Les sociétés Abeille, anciennement Aviva, MAF et Lainé et Piveteau soulèvent l'irrecevabilité de l'appel de la société BPCE aux motifs que sa demande tendant à opposer une clause d'exclusion de garantie pour les dommages matériels consécutifs est nouvelle, la société BPCE ayant contesté uniquement en première instance la prise en charge des dommages immatériels consécutifs.
La société Abeille réplique en tout état de cause que sur la base de sa pièce n°1, la société BPCE doit sa garantie pour « tous dommages confondus (corporels matériels et immatériels consécutifs » couverts par le contrat multirisques professionnels.
La MAF et la société Lainé et Piveteau rétorquent également que rien ne permet de considérer que les conditions générales de la police d'assurance produites par la société BPCE dans sa pièce n°2 [en réalité 4] sont celles applicables au contrat de la société Etablissements Ollivier. Quoiqu'il en soit, elles considèrent que l'indemnisation relative au contenu du bâtiment est bien couverte au titre des dommages matériels consécutifs. Elles rappellent que toute exclusion doit être formelle et limitée au sens de l'article L. 113-1 du Code des assurances, et que l'article 1 de ces conditions générales distingue le dommage immatériel du dommage matériel, ce dernier concernant « toute détérioration, destruction ou disparition d'une chose ou d'une substance », ce qui inclut le mobilier litigieux.
Elles ajoutent que les conventions spéciales dont se prévaut la société BPCE (pièce n°4 BPCE) confirment enfin, sous toutes réserves de leur application au contrat de l'Etablissement Ollivier, la prise en charge des dommages aux existants divisibles après réception au titre de l'article 5.1.
Enfin, elles soutiennent que l'application de la garantie subséquente prévue à l'article 9 des conventions spéciales de la société BPCE ne peut être exclue, conformément à l'article L. 124-5 du code des assurances, s'il était considéré que la société Etablissement Ollivier n'a pas ressouscrit les mêmes garanties auprès de la société Abeille.
La société Generali réplique que la société BPCE ne communique ni ses conditions générales, ni ses conditions particulières de la police mais exclusivement des attestations d'assurance qui ne permettent pas de connaître les conditions de garantie. Elle ne produit aucun justificatif de résiliation de sa police et ne peut se contenter de dire qu'une autre assurance a été souscrite auprès de la compagnie Abeille pour dénier sa garantie.
***
- sur l'existence d'une demande nouvelle
Selon l'article 563 du code de procédure civile, pour justifier en appel les prétentions qu'elles avaient soumises au premier juge, les parties peuvent invoquer des moyens nouveaux, produire de nouvelles pièces ou proposer de nouvelles preuves.
Aux termes de l'article 564 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
Enfin, selon l'article 566 suivant, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En l'espèce, en première instance, selon le jugement, la société BPCE demandait au tribunal notamment de :
- débouter la société Lainé-Piveteau, la MAF ou toute autre partie de toute demande à son encontre,
à titre subsidiaire et en tout état de cause,
- limiter les sommes mises à sa charge à 461.469,74 euros au titre du préjudice matériel,
- débouter toute partie de toute demande au titre des préjudices immatériels.
Au soutien de ses demandes en première instance, elle faisait valoir très succinctement que seules les garanties obligatoires étaient susceptibles d'être mobilisées, excluant la prise en charge des préjudices consécutifs (immatériels) (page 10 de ses conclusions en première instance), sans donner, dans les conclusions produites en appel précitées, plus de précisions sur ce qu'elle entendait par préjudice matériel ou préjudices consécutifs.
En appel, elle demande également de limiter au préjudice matériel sa garantie obligatoire. Les prétentions en première instance et en appel sont donc les mêmes, même si en appel elle précise que, pour elle, le contenu du bâtiment sinistré, composé de mobiliers, ne peut pas être indemnisé au titre du préjudice matériel car il est distinct de l'ouvrage réalisé qui a été sinistré, seul objet de la garantie obligatoire.
Il ne s'agit donc pas d'une demande nouvelle et la fin de non recevoir sera rejetée.
- sur l'étendue de la garantie obligatoire
Selon l'annexe I à l'article A 243-1 du code des assurances, le contrat d'assurance de responsabilité décennale garantit le paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf et qui en deviennent techniquement indivisibles, au sens du II de l'article L. 243-1-1 du présent code, lorsque la responsabilité de l'assuré est engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de construction, et dans les limites de cette responsabilité.
Les travaux de réparation, notamment en cas de remplacement des ouvrages, comprennent également les travaux de démolition, déblaiement, dépose ou démontage éventuellement nécessaires.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que des bureaux et show-room sont devenus hors d'usage, que les véhicules stockés dans le garage et situés à proximité immédiate de l'incendie présentent des dégâts majeurs, que certains véhicules stockés sont en partie détruits (page 10 du rapport). L'expert a évalué les préjudices concernant les pertes subies dans les locaux et les véhicules sinistrés à hauteur respectivement de 89 986 euros et 8 951 euros.
L'indemnisation de ces préjudices correspond à l'indemnisation du mobilier se trouvant dans le bâtiment au moment de l'incendie. Elle ne correspond pas au paiement des travaux de réparation de l'ouvrage à la réalisation duquel l'assuré a contribué ainsi que des ouvrages existants au sens de l'annexe I à l'article A 243-1 du code des assurances.
La société BPCE ne peut donc pas être condamnée à payer, sur le fondement de l'assurance décennale obligatoire, à la société Generali la somme de 98 564 euros en réparation du contenu des bâtiments.
- sur la garantie des dommages matériels consécutifs
La société BPCE produit une attestation d'assurance du 16 juillet 2015 valable pour l'année 2008 correspondant au contrat multirisque professionnelle 00333279 B 003 souscrit par la société Etablissement Ollivier. Ce contrat garantit les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile après réception des travaux pour tous dommages confondus (corporels, matériels et immatériels consécutifs). Or, la société BPCE ne justifie pas, notamment à l'égard des tiers, que ce contrat a été résilié, ni surabondamment sa date de résiliation, la circonstance que la société Etablissement Ollivier ait souscrit une assurance auprès de la société Abeille, venant aux droits d'Aviva, n'étant pas en outre suffisante pour prouver une résiliation, ou l'inapplicabilité d'une garantie subséquente.
C'est donc en application de ce contrat multirisque professionnel que la société BPCE sera tenue de payer à la société Generali, la somme de 98 564 euros en réparation du préjudice matériel relatif au contenu des bâtiments.
***
En conclusion, c'est par substitution de ces motifs, que le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société BPCE, assureur de la société Etablissements Ollivier, in solidum avec la société Laine et Piveteau, et son assureur la MAF à verser la somme de 600 297 euros à la société Generali Iard, subrogée dans les droits de la société Atlantique Automobiles au titre des préjudices matériels subis suite à l'incendie du 6 janvier 2015.
Sur les demandes subsidiaires de la MAF et de la société Lainé et Piveteau
A titre subsidiaire, la MAF et la société Lainé et Piveteau sollicitent la condamnation de la société Abeille à prendre en charge l'indemnisation du contenu du bâtiment.
Pour la société Abeille, cette demande est manifestement irrecevable comme nouvelle devant la Cour car en première instance elles n'avaient demandé la garantie d'Abeille que pour les préjudices immatériels.
Pour la MAF, le débat devant la cour étant nouveau, elle doit se défendre.
***
Compte-tenu de ce qui précède, sont devenues sans objet les demandes subsidiaires de la MAF et de la société Lainé et Piveteau de condamnation de la société Abeille, venant aux droits d'Aviva, in solidum avec elles, à verser à la société Generali la somme de 98 564 euros au titre du contenu du bâtiment endommagé par l'incendie aux lieu et place de la société BPCE, et la demande de garantie à hauteur de 70%.
Il n'est donc pas nécessaire d'examiner si ces demandes étaient nouvelles et donc irrecevables, comme l'a soulevé la société Abeille.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Succombant finalement en son appel, la société BPCE sera condamnée aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Colleu et Le Couls-Bouvet, et à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société Generali la somme de 2 000 euros
- à la société Lainé et Piveteau et la MAF la somme de 2 000 euros.
La société Abeille sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles qui était uniquement dirigée contre la société Lainé et Piveteau et la MAF.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement,
Rejette la demande de fin de non recevoir tirée de la demande nouvelle de la société Abeille iard et Santé,
Confirme le jugement du 6 septembre 2023 du tribunal judiciaire de Nantes ;
Y ajoutant,
Rejette les demandes subsidiaires de la MAF et de la société Lainé et Piveteau,
Condamne la société BPCE à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- à la société Generali Iard la somme de 2 000 euros
- à la société d'architecture Lainé et Piveteau et la MAF la somme de 2 000 euros.
Déboute la société Abeille de sa demande au titre des frais irrépétibles contre la société Lainé et Piveteau et la MAF,
Condamne la société BPCE aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SCP Colleu et Le Couls-Bouvet.
Le Greffier, Le Président,