CA Lyon, 6e ch., 20 novembre 2025, n° 24/07261
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 24/07261 - N° Portalis DBVX-V-B7I-P4YP
Ordonnance du
Juge de la mise en état de [Localité 6]
du 12 août 2024
RG : 23/01071
S.A.R.L. PROGIM
C/
[T]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 20 Novembre 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. PROGIM
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1813
assistée de la SELARL HOPGOOD & ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
INTIMEE :
Mme [N] [T]
née le 11 Janvier 1972 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent CORDIER de la SELARL SERFATY CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau de l'AIN,
assistée de Me Eric BRAILLON de la SELARL BLKS & CUINAT, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 23 Septembre 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Octobre 2025
Date de mise à disposition : 20 Novembre 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Joëlle DOAT, présidente
- Evelyne ALLAIS, conseillère
- Stéphanie ROBIN, conseillère
assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES:
En 2014, Mme [N] [E] a confié à la société Progim des travaux de construction d'une maison individuelle et d'une piscine sur un terrain situé [Adresse 1] à [Localité 8] (71).
Le 8 janvier 2016, Mme [E] a signé un procès-verbal de réception de travaux avec réserves, ledit procès-verbal faisant état de ce que la piscine était à terminer début juin 2016.
Par ordonnance de référé du 20 juin 2017, le président du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a ordonné une expertise judiciaire afin de vérifier l'existence des désordres ou non conformités allégués par Mme [E], les décrire, en rechercher l'origine et les causes et donner tous éléments utiles permettant d'apprécier les préjudices subis.
Mme [H] [W], expert judiciaire près la cour d'appel de Lyon, a déposé un rapport daté du 29 mars 2022.
Par acte de commissaire de justice du 22 septembre 2022, Mme [E] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône la société Progim et la société l'Auxiliaire, assureur de la société Progim, aux fins de voir homologuer ce rapport, condamner solidairement la société Progim et la société l'Auxiliaire à lui payer des dommages et intérêts en réparation des désordres affectant les travaux susvisés relevant d'une part de la garantie décennale et d'autre part de la responsabilité contractuelle de la société Progim.
Par ordonnance du 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a renvoyé l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en application de l'article 47 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées le 12 juillet 2023, la société Progim a demandé reconventionnellement au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse la condamnation de Mme [E] à lui payer la somme de 10.125,60 euros au titre du solde de sa facture.
Mme [E] a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevable la demande reconventionnelle en paiement de la société Progim comme étant prescrite.
La société Progim a conclu au rejet de cette fin de non-recevoir et a soulevé reconventionnellement l'irrecevabilité des demandes de Mme [E] au titre des travaux de finition et de reprise de la piscine comme étant prescrites.
Par ordonnance du 12 août 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a:
- déclaré irrecevable la demande formée par la société Progim à l'encontre de Mme [E] en paiement du solde du prix des travaux de la piscine,
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim,
- enjoint à Maître Jacques Bernasconi, avocat de la société Progim, de déposer ses conclusions au fond au plus tard pour l'audience électronique du juge de la mise en état du 26 septembre 2024,
- condamné la société Progim à payer à Mme [E] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Progim aux dépens de l'incident.
Par déclaration du 18 septembre 2024, la société Progim a interjeté appel de la décision, sauf en ce qu'elle a enjoint à Maître Jacques Bernasconi, avocat de la société Progim, de déposer ses conclusions au fond au plus tard pour l'audience électronique du juge de la mise en état du 26 septembre 2024.
L'affaire a été fixée d'office à l'audience du 7 octobre 2025 par ordonnance de la présidente de cette chambre du 26 septembre 2024 en application de l'article 905 du code de procédure civile
Dans ses conclusions notifiées le 12 novembre 2024, la société Progim demande à la Cour de:
- infirmer l'ordonnance,
- constater que sa demande aux fins de condamnation de Mme [E] à lui verser la somme de 10.125,60 euros n'est pas prescrite et la déclarer recevable.
- constater que la demande de Mme [E] afin de la voir condamnée au paiement du coût des travaux de reprise de la piscine est prescrite et la déclarer irrecevable.
- condamner Mme [E] à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la société TW & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées le 10 janvier 2025, Mme [T] (Mme [E]) demande à la Cour de:
- confirmer l'ordonnance déférée,
- débouter la société Progim de ses demandes,
- condamner la société Progim aux entiers dépens ainsi qu'au règlement de la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de défense exposés en appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 septembre 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION:
sur la recevabilité de la demande en paiement du solde du prix des travaux de la piscine formée par la société Progim:
Le premier juge a déclaré prescrite la demande en paiement du solde du prix des travaux de la piscine par la société Progim, au motif qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire qu'à la date de réception des travaux, soit le 8 janvier 2016, Mme [E] restait devoir la somme de 10.125,60 euros, que le délai de prescription de deux ans de l'action de la société Progim avait commencé à courir à compter de cette date et était expiré le 15 juin 2018, date à laquelle les parties avaient convenu de recourir à une conciliation.
La société Progim fait valoir que:
- les travaux de terrassement en vue de l'implantation de la piscine ainsi que la fourniture et l'installation de la piscine n'étaient pas achevés le 8 janvier 2016, de telle sorte qu'elle n'a facturé ceux-ci que le 6 janvier 2017,
- le point de départ du délai de prescription de son action en paiement doit être fixé à cette dernière date; il a été suspendu à compter du 15 juin 2018, date du recours par les parties à une conciliation puis interrompu par l'assignation au fond du 22 septembre 2022.
Mme [E] réplique que:
- il ressort du rapport d'expertise judiciaire ainsi que d'un dire à l'expert du 14 mars 2022 que les travaux afférents à la piscine ont été exécutés durant l'été 2015 mais n'étaient pas totalement terminés le 8 janvier 2016, du fait qu'elle restait débitrice à cette date de la somme de 10.125 euros; c'est donc à juste titre que le premier juge a constaté que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de la société Progim devait être fixé au 8 janvier 2016,
- la facture du 6 janvier 2017 invoquée par la société Progim est afférente à l'année 2016; par ailleurs, si les parties ont échangé le 15 juin 2018 afin de conciliation entre elles, aucune démarche concrète n'a été faite en ce sens; au surplus, le champ de la conciliation n'incluait pas le règlement du solde de la facture des travaux de piscine, de telle sorte que l'action en paiement de la société Progim est bien prescrite.
Les parties sont d'accord pour reconnaître que l'action en paiement de la société Progim est soumise au délai de prescription fixé par l'article L.137-2 du code de la consommation, dont les dispositions ont été recodifiées à l'identique sous l'article L. 218-2 du même code à compter du 1er juillet 2016.
Aux termes de cet article, l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Le point de départ de cette action est la date de la connaissance des faits permettant au professionnel de l'exercer et cette date est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.
Suivant devis du 23 septembre 2014, les travaux afférents à la construction de la piscine représentaient un coût total de 35.684,81 euros TTC (toutes taxes comprises).
Le procès-verbal de réception de travaux signé le 8 janvier 2016 mentionne que la piscine est à terminer début juin 2016.
Le 17 juin 2016, la société Progim a facturé à Mme [E] un acompte sur travaux en cours pour la création d'une piscine à hauteur de la somme totale de 23.120,44 euros TTC, laquelle a été réglée le 23 juin 2016.
La facture d'acompte du 17 juin 2016 mentionne expressément que les travaux de création de la piscine étaient en cours à cette date. Ce fait est corroboré par les pièces suivantes:
- un courriel adressé le 9 mai 2016 par la société Progim à Mme [E] afin de connaître son choix de couleur pour le liner et les margelles de la piscine,
- un courrier de Mme [E] du 23 juin 2016 acceptant le paiement de la partie réalisée des travaux de la piscine et demandant à ce que les travaux maison/piscine soient terminés pour le 1er juillet 2016.
Au surplus, il ressort des explications de Mme [E] recueillies par l'expert judiciaire que les travaux de la piscine ont eu lieu à l'été 2016 mais n'ont pas été terminés, la société Progim indiquant pour sa part ne pas avoir procédé à l'ouverture de la piscine du fait de la procédure entreprise par Mme [E] (page 22 du rapport d'expertise). En outre, si un dire à l'expert de l'avocat de la société Progim du 14 mars 2022 indique que Mme [E] restait devoir la somme de 10.125,60 euros sur les travaux de piscine, il ne précise pas la date à laquelle ce solde restait dû.
Enfin, une commande de la société Progim du 30 août 2016 est afférente à certains des éléments de la piscine, facturés le 6 janvier 2017 à Mme [E].
Compte tenu de ces éléments, la société Progim établit avoir poursuivi les travaux afférents à la piscine après le 8 janvier 2016, de telle sorte que le point de départ de son action en paiement du solde de ces travaux ne pouvait être fixé au 8 janvier 2016 alors qu'ils étaient encore en cours.
La société Progim a édité une facture de travaux n°2016-112 correspondant au solde des travaux de la piscine le 6 janvier 2017 pour un montant total de 10.125,60 euros TTC.
Toutefois, Mme [E], contestant l'achèvement des travaux de piscine et faisant état de différents désordres affectant tant les travaux de construction de la maison individuelle que ceux déjà réalisés pour la piscine a fait assigner le 3 mars 2017 la société Progim devant le juge des référés afin de voir ordonner une expertise judiciaire.
La société Progim ne pouvait donc être certaine de l'exigibilité de sa créance avant de connaître les conclusions de l'expert quant à la situation de compte entre les parties pour les travaux de la piscine. Mme [W], expert judiciaire, a chiffré la réparation des désordres affectant la piscine à la somme totale de 54.999,60 euros TTC ainsi celle des préjudices subis par Mme [E] du fait de ces désordres à la somme de 9.012,15 euros TTC et a imputé en totalité la charge de ces postes à Progim Piscine (les désordres afférents à la maison d'habitation relevant de [Adresse 7]). Elle a précisé, en réponse au dire de l'avocat de la société Progim du 14 mars 2022, que le montant dû par Mme [E] à cette société serait à déduire du poste Progim Piscine.
La société Progim n'a donc été certaine de l'exigibilité des travaux facturés le 6 janvier 2017 qu'à la suite des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, soit au plus tôt, le 29 mars 2022, date de ce rapport.
Dès lors, la société Progim a formé sa demande en paiement le 11 juillet 2023, soit moins de deux ans après le 29 mars 2022, date d'exigibilité de sa facture du 6 janvier 2017. Aussi, il convient de déclarer recevable sa demande en paiement et d'infirmer l'ordonnance sur ce point.
sur la recevabilité des demandes de Mme [E] au titre des désordres affectant la piscine:
Le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim, tirée de la prescription des demandes de Mme [E] au titre des travaux de finition et de reprise de la piscine sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, au motif que les demandes de Mme [E] étaient fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Progim.
Si la société Progim soutient toujours en cause d'appel que Mme [E] ne peut plus agir pour les désordres affectant la piscine au titre de l'obligation de parfait achèvement du fait que ces désordres étaient apparents le 8 janvier 2016, date de la réception des travaux, elle ne fait valoir aucun moyen quant à la recevabilité de ces demandes au regard de sa responsabilité contractuelle.
L'ensemble des malfaçons et non-façons affectant les travaux de la piscine ne pouvaient pas être apparents le 8 janvier 2016, compte tenu de la poursuite des travaux considérés après cette date. En tout état de cause, Mme [E] fonde son action en réparation des préjudices subis à la suite des désordres affectant la piscine sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Progim et non sur l'obligation de parfait achèvement de cette société. Or, elle a diligenté son action au fond le 22 septembre 2022, soit dans le délai de 10 ans à compter du 8 janvier 2016 conformément aux dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil, étant observé au surplus que le délai de prescription a été interrompu pendant la procédure de référé. L'ordonnance sera dès lors confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim.
Compte tenu de la solution apportée au litige, l'ordonnance sera infirmée quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens de première instance seront réservés et suivront ceux de l'affaire au fond. Mme [E], partie perdante dans le cadre du recours, sera condamnée aux dépens de l'incident en appel, avec le droit pour la société TW & Associés, avocats, de recouvrer directement ceux dont celle-ci aura fait l'avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas en l'état d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
statuant dans la limite des dispositions qui lui sont soumises;
Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim;
L'infirme pour le surplus;
STATUANT A NOUVEAU,
Déclare recevable la demande formée par la société Progim à l'encontre de Mme [E] en paiement du solde du prix des travaux de la piscine à hauteur de la somme de 10.125,60 euros;
Réserve les dépens de l'incident en première instance et dit que ceux-ci suivront le sort des dépens de l'affaire au fond;
Condamne Mme [E] aux dépens de l'incident en appel, avec droit de recouvrement direct de ceux-ci au profit de la société TW & Associés, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile;
Rejette les demandes respectives des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente
Ordonnance du
Juge de la mise en état de [Localité 6]
du 12 août 2024
RG : 23/01071
S.A.R.L. PROGIM
C/
[T]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
6ème Chambre
ARRET DU 20 Novembre 2025
APPELANTE :
S.A.R.L. PROGIM
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Denis WERQUIN de la SAS TW & ASSOCIÉS, avocat au barreau de LYON, toque : 1813
assistée de la SELARL HOPGOOD & ASSOCIES, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
INTIMEE :
Mme [N] [T]
née le 11 Janvier 1972 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurent CORDIER de la SELARL SERFATY CAMACHO & CORDIER, avocat au barreau de l'AIN,
assistée de Me Eric BRAILLON de la SELARL BLKS & CUINAT, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 23 Septembre 2025
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 07 Octobre 2025
Date de mise à disposition : 20 Novembre 2025
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Joëlle DOAT, présidente
- Evelyne ALLAIS, conseillère
- Stéphanie ROBIN, conseillère
assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES:
En 2014, Mme [N] [E] a confié à la société Progim des travaux de construction d'une maison individuelle et d'une piscine sur un terrain situé [Adresse 1] à [Localité 8] (71).
Le 8 janvier 2016, Mme [E] a signé un procès-verbal de réception de travaux avec réserves, ledit procès-verbal faisant état de ce que la piscine était à terminer début juin 2016.
Par ordonnance de référé du 20 juin 2017, le président du tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a ordonné une expertise judiciaire afin de vérifier l'existence des désordres ou non conformités allégués par Mme [E], les décrire, en rechercher l'origine et les causes et donner tous éléments utiles permettant d'apprécier les préjudices subis.
Mme [H] [W], expert judiciaire près la cour d'appel de Lyon, a déposé un rapport daté du 29 mars 2022.
Par acte de commissaire de justice du 22 septembre 2022, Mme [E] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône la société Progim et la société l'Auxiliaire, assureur de la société Progim, aux fins de voir homologuer ce rapport, condamner solidairement la société Progim et la société l'Auxiliaire à lui payer des dommages et intérêts en réparation des désordres affectant les travaux susvisés relevant d'une part de la garantie décennale et d'autre part de la responsabilité contractuelle de la société Progim.
Par ordonnance du 27 mars 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a renvoyé l'affaire et les parties devant le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse en application de l'article 47 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées le 12 juillet 2023, la société Progim a demandé reconventionnellement au tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse la condamnation de Mme [E] à lui payer la somme de 10.125,60 euros au titre du solde de sa facture.
Mme [E] a saisi le juge de la mise en état aux fins de voir déclarer irrecevable la demande reconventionnelle en paiement de la société Progim comme étant prescrite.
La société Progim a conclu au rejet de cette fin de non-recevoir et a soulevé reconventionnellement l'irrecevabilité des demandes de Mme [E] au titre des travaux de finition et de reprise de la piscine comme étant prescrites.
Par ordonnance du 12 août 2024, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a:
- déclaré irrecevable la demande formée par la société Progim à l'encontre de Mme [E] en paiement du solde du prix des travaux de la piscine,
- rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim,
- enjoint à Maître Jacques Bernasconi, avocat de la société Progim, de déposer ses conclusions au fond au plus tard pour l'audience électronique du juge de la mise en état du 26 septembre 2024,
- condamné la société Progim à payer à Mme [E] la somme de 1.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Progim aux dépens de l'incident.
Par déclaration du 18 septembre 2024, la société Progim a interjeté appel de la décision, sauf en ce qu'elle a enjoint à Maître Jacques Bernasconi, avocat de la société Progim, de déposer ses conclusions au fond au plus tard pour l'audience électronique du juge de la mise en état du 26 septembre 2024.
L'affaire a été fixée d'office à l'audience du 7 octobre 2025 par ordonnance de la présidente de cette chambre du 26 septembre 2024 en application de l'article 905 du code de procédure civile
Dans ses conclusions notifiées le 12 novembre 2024, la société Progim demande à la Cour de:
- infirmer l'ordonnance,
- constater que sa demande aux fins de condamnation de Mme [E] à lui verser la somme de 10.125,60 euros n'est pas prescrite et la déclarer recevable.
- constater que la demande de Mme [E] afin de la voir condamnée au paiement du coût des travaux de reprise de la piscine est prescrite et la déclarer irrecevable.
- condamner Mme [E] à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
- condamner Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la société TW & Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Dans ses conclusions notifiées le 10 janvier 2025, Mme [T] (Mme [E]) demande à la Cour de:
- confirmer l'ordonnance déférée,
- débouter la société Progim de ses demandes,
- condamner la société Progim aux entiers dépens ainsi qu'au règlement de la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais de défense exposés en appel.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 septembre 2025.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties aux conclusions écrites susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION:
sur la recevabilité de la demande en paiement du solde du prix des travaux de la piscine formée par la société Progim:
Le premier juge a déclaré prescrite la demande en paiement du solde du prix des travaux de la piscine par la société Progim, au motif qu'il ressortait du rapport d'expertise judiciaire qu'à la date de réception des travaux, soit le 8 janvier 2016, Mme [E] restait devoir la somme de 10.125,60 euros, que le délai de prescription de deux ans de l'action de la société Progim avait commencé à courir à compter de cette date et était expiré le 15 juin 2018, date à laquelle les parties avaient convenu de recourir à une conciliation.
La société Progim fait valoir que:
- les travaux de terrassement en vue de l'implantation de la piscine ainsi que la fourniture et l'installation de la piscine n'étaient pas achevés le 8 janvier 2016, de telle sorte qu'elle n'a facturé ceux-ci que le 6 janvier 2017,
- le point de départ du délai de prescription de son action en paiement doit être fixé à cette dernière date; il a été suspendu à compter du 15 juin 2018, date du recours par les parties à une conciliation puis interrompu par l'assignation au fond du 22 septembre 2022.
Mme [E] réplique que:
- il ressort du rapport d'expertise judiciaire ainsi que d'un dire à l'expert du 14 mars 2022 que les travaux afférents à la piscine ont été exécutés durant l'été 2015 mais n'étaient pas totalement terminés le 8 janvier 2016, du fait qu'elle restait débitrice à cette date de la somme de 10.125 euros; c'est donc à juste titre que le premier juge a constaté que le point de départ du délai de prescription de l'action en paiement de la société Progim devait être fixé au 8 janvier 2016,
- la facture du 6 janvier 2017 invoquée par la société Progim est afférente à l'année 2016; par ailleurs, si les parties ont échangé le 15 juin 2018 afin de conciliation entre elles, aucune démarche concrète n'a été faite en ce sens; au surplus, le champ de la conciliation n'incluait pas le règlement du solde de la facture des travaux de piscine, de telle sorte que l'action en paiement de la société Progim est bien prescrite.
Les parties sont d'accord pour reconnaître que l'action en paiement de la société Progim est soumise au délai de prescription fixé par l'article L.137-2 du code de la consommation, dont les dispositions ont été recodifiées à l'identique sous l'article L. 218-2 du même code à compter du 1er juillet 2016.
Aux termes de cet article, l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs, se prescrit par deux ans.
Le point de départ de cette action est la date de la connaissance des faits permettant au professionnel de l'exercer et cette date est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en disposent autrement, par l'achèvement des travaux ou l'exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.
Suivant devis du 23 septembre 2014, les travaux afférents à la construction de la piscine représentaient un coût total de 35.684,81 euros TTC (toutes taxes comprises).
Le procès-verbal de réception de travaux signé le 8 janvier 2016 mentionne que la piscine est à terminer début juin 2016.
Le 17 juin 2016, la société Progim a facturé à Mme [E] un acompte sur travaux en cours pour la création d'une piscine à hauteur de la somme totale de 23.120,44 euros TTC, laquelle a été réglée le 23 juin 2016.
La facture d'acompte du 17 juin 2016 mentionne expressément que les travaux de création de la piscine étaient en cours à cette date. Ce fait est corroboré par les pièces suivantes:
- un courriel adressé le 9 mai 2016 par la société Progim à Mme [E] afin de connaître son choix de couleur pour le liner et les margelles de la piscine,
- un courrier de Mme [E] du 23 juin 2016 acceptant le paiement de la partie réalisée des travaux de la piscine et demandant à ce que les travaux maison/piscine soient terminés pour le 1er juillet 2016.
Au surplus, il ressort des explications de Mme [E] recueillies par l'expert judiciaire que les travaux de la piscine ont eu lieu à l'été 2016 mais n'ont pas été terminés, la société Progim indiquant pour sa part ne pas avoir procédé à l'ouverture de la piscine du fait de la procédure entreprise par Mme [E] (page 22 du rapport d'expertise). En outre, si un dire à l'expert de l'avocat de la société Progim du 14 mars 2022 indique que Mme [E] restait devoir la somme de 10.125,60 euros sur les travaux de piscine, il ne précise pas la date à laquelle ce solde restait dû.
Enfin, une commande de la société Progim du 30 août 2016 est afférente à certains des éléments de la piscine, facturés le 6 janvier 2017 à Mme [E].
Compte tenu de ces éléments, la société Progim établit avoir poursuivi les travaux afférents à la piscine après le 8 janvier 2016, de telle sorte que le point de départ de son action en paiement du solde de ces travaux ne pouvait être fixé au 8 janvier 2016 alors qu'ils étaient encore en cours.
La société Progim a édité une facture de travaux n°2016-112 correspondant au solde des travaux de la piscine le 6 janvier 2017 pour un montant total de 10.125,60 euros TTC.
Toutefois, Mme [E], contestant l'achèvement des travaux de piscine et faisant état de différents désordres affectant tant les travaux de construction de la maison individuelle que ceux déjà réalisés pour la piscine a fait assigner le 3 mars 2017 la société Progim devant le juge des référés afin de voir ordonner une expertise judiciaire.
La société Progim ne pouvait donc être certaine de l'exigibilité de sa créance avant de connaître les conclusions de l'expert quant à la situation de compte entre les parties pour les travaux de la piscine. Mme [W], expert judiciaire, a chiffré la réparation des désordres affectant la piscine à la somme totale de 54.999,60 euros TTC ainsi celle des préjudices subis par Mme [E] du fait de ces désordres à la somme de 9.012,15 euros TTC et a imputé en totalité la charge de ces postes à Progim Piscine (les désordres afférents à la maison d'habitation relevant de [Adresse 7]). Elle a précisé, en réponse au dire de l'avocat de la société Progim du 14 mars 2022, que le montant dû par Mme [E] à cette société serait à déduire du poste Progim Piscine.
La société Progim n'a donc été certaine de l'exigibilité des travaux facturés le 6 janvier 2017 qu'à la suite des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, soit au plus tôt, le 29 mars 2022, date de ce rapport.
Dès lors, la société Progim a formé sa demande en paiement le 11 juillet 2023, soit moins de deux ans après le 29 mars 2022, date d'exigibilité de sa facture du 6 janvier 2017. Aussi, il convient de déclarer recevable sa demande en paiement et d'infirmer l'ordonnance sur ce point.
sur la recevabilité des demandes de Mme [E] au titre des désordres affectant la piscine:
Le premier juge a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim, tirée de la prescription des demandes de Mme [E] au titre des travaux de finition et de reprise de la piscine sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, au motif que les demandes de Mme [E] étaient fondées sur la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Progim.
Si la société Progim soutient toujours en cause d'appel que Mme [E] ne peut plus agir pour les désordres affectant la piscine au titre de l'obligation de parfait achèvement du fait que ces désordres étaient apparents le 8 janvier 2016, date de la réception des travaux, elle ne fait valoir aucun moyen quant à la recevabilité de ces demandes au regard de sa responsabilité contractuelle.
L'ensemble des malfaçons et non-façons affectant les travaux de la piscine ne pouvaient pas être apparents le 8 janvier 2016, compte tenu de la poursuite des travaux considérés après cette date. En tout état de cause, Mme [E] fonde son action en réparation des préjudices subis à la suite des désordres affectant la piscine sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de la société Progim et non sur l'obligation de parfait achèvement de cette société. Or, elle a diligenté son action au fond le 22 septembre 2022, soit dans le délai de 10 ans à compter du 8 janvier 2016 conformément aux dispositions de l'article 1792-4-3 du code civil, étant observé au surplus que le délai de prescription a été interrompu pendant la procédure de référé. L'ordonnance sera dès lors confirmée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim.
Compte tenu de la solution apportée au litige, l'ordonnance sera infirmée quant aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens de première instance seront réservés et suivront ceux de l'affaire au fond. Mme [E], partie perdante dans le cadre du recours, sera condamnée aux dépens de l'incident en appel, avec le droit pour la société TW & Associés, avocats, de recouvrer directement ceux dont celle-ci aura fait l'avance sans avoir reçu provision en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. L'équité ne commande pas en l'état d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour,
statuant dans la limite des dispositions qui lui sont soumises;
Confirme l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Progim;
L'infirme pour le surplus;
STATUANT A NOUVEAU,
Déclare recevable la demande formée par la société Progim à l'encontre de Mme [E] en paiement du solde du prix des travaux de la piscine à hauteur de la somme de 10.125,60 euros;
Réserve les dépens de l'incident en première instance et dit que ceux-ci suivront le sort des dépens de l'affaire au fond;
Condamne Mme [E] aux dépens de l'incident en appel, avec droit de recouvrement direct de ceux-ci au profit de la société TW & Associés, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile;
Rejette les demandes respectives des parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La Greffière La Présidente