CA Montpellier, 3e ch. civ., 20 novembre 2025, n° 21/04619
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/04619 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCZK
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 17 JUIN 2021
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 14]
N° RG 11-18-000164
APPELANT :
Monsieur [G] [T]
né le 21 Juillet 1939 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMES :
Monsieur [E] [M] exerçant à l'enseigne DECO PLUS
RCS de [Localité 14] sous le n°422 639 658
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Adresse 15]
[Localité 6]
Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
S.A.R.L. CUISINES BAINS SERVICES
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Alysée BECUWE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Valéry-Pierre BREUIL de la SCP MARTY - BENEDETTI-BALMIGERE - BREUIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMES SUR APPEL PROVOQUE
Maître [K] [H]
Intimée sur appel provoqué en qualité de mandataire judiciaire de la SARL CARREAUX IMPORT NEGOCE immatriculée au RCS de [Localité 14] n° 387 535 800
[Adresse 2]
[Localité 5]
non représentée - assignée 14 janvier 2022 à personne habilitée
Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Iris RICHAUD substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 01 Septembre 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 septembre 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
M. Frédéric DENJEAN, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- réputé contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
EXPOSE DU LITIGE
En date du 3 octobre 2013, Monsieur [G] [T] a acquis auprès de Monsieur [R] un appartement sis [Adresse 10].
Monsieur [R] avait commandé, courant année 2007, des travaux de rénovation de la cuisine de l'appartement.
Les intervenants ont été :
La SARL Cuisines-Bains-Services CDS, sous l'enseigne Cuisines Schmidt, pour la fourniture de divers éléments de cuisines et notamment d'une hotte, selon facture du 16 février 2007 établie au nom de Monsieur [R].
La SARL Carrelage Carreaux import Négoce, sous l'enseigne Top Carrelage, pour les travaux préparatoires de rénovation incluant notamment la pose d'un faux plafond, selon facture du 9 mars 2007 établie au nom de [R].
Monsieur [E] [M], enseigne Deco Plus, pour la pose de la cuisine, selon facture du 15 mars 2007 établie au nom de la SARL Cuisines-Bains-Services.
Au mois de novembre 2014, Monsieur [T] a remarqué un affaissement d'une partie du plafond de la cuisine. Une expertise privée a été établie et le rapport a été déposé le 11 juin 2015.
Par ordonnance du 23 novembre 2016, le juge des référés du tribunal d'instance de Perpignan a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à Madame [L] [C], architecte.
En cours d'expertise, la SARL Cuisines-Bains-Services faisait appeler aux opérations d'expertise son sous-traitant Monsieur [E] [M] exerçant à l'enseigne Deco Plus, ce qui donnait lieu à une nouvelle ordonnance de référé en date du 22 mars 2017. L'assureur de Monsieur [M], la SA Maaf Assurances, a été également appelée en cause.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 septembre 2017.
En cours de procédure, la SARL Carreaux Import Negoce a été placée en liquidation judiciaire, la mandataire judiciaire liquidateur, Maître [H], a été appelée en cause.
Selon assignation en date du 26 janvier 2018, Monsieur [T] a saisi le tribunal d'instance de Perpignan d'une demande de condamnation des requises à lui payer les indemnités permettant la réparation du désordre.
Par jugement réputé contradictoire du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a':
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL Cuisines-Bains-Services,
- constaté le désistement d'instance de Monsieur [T] à l'égard de Madame [H], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Carreaux Import Négoce à l'enseigne Top Carrelage et à l'égard de la SA Allianz Iard,
- débouté Monsieur [T] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- débouté Monsieur [T] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de Monsieur [M],
- condamné Monsieur [T] aux entiers dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Par déclaration d'appel enregistrée par le greffe le 16 juillet 2021 Monsieur [T] a régulièrement relevé appel de ce jugement à l'encontre'de':
Monsieur [M],
la SARL Cuisines-Bains-Services (CDS)
Maître [H], mandataire judiciaire de la SARL Carreau Import Négoce et la SA Allianz Iard en tant qu'assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services CDS ont été assignées en appel provoqué par la SARL Cuisines-Bains-Services.
Maître [H] n'a pas constitué avocat.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 15 octobre 2021, Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement et demande à la cour de :
Concernant la responsabilité de Monsieur [M]':
- juger que Monsieur [M] en procédant à l'installation de la hotte aspirante directement sur la plaque de plâtre sans mise en 'uvre d'un renfort exigé par le fabricant de la hotte, a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de Monsieur [T] sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- juger que l'ouvrage de faux plafond réalisé par la société Top Carrelage ne peut être considéré comme étant à l'origine du dommage, dans la mesure où il appartenait au poseur Monsieur [M] de s'assurer que les conditions de fixation du socle de hotte aspirante définies par le fabriquant étaient remplies,
- juger que la qualité du support constitué par le faux-plafond ne peut constituer une cause d'exonération de responsabilité pour Monsieur [M], qui l'a accepté comme support pour ses ouvrages,
Concernant la responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services':
A titre principal,
- juger que les travaux de rénovation de la cuisine de l'appartement aujourd'hui propriété de Monsieur [T] ont été réceptionnés tacitement et sans réserve le 16 mars 2007, date de la facture de l'entreprise SARL Cuisines-Bains-Services,
- juger que les désordres invoqués par Monsieur [T] se sont révélés postérieurement à la réception, et ont fait l'objet d'une assignation en référé avant l'expiration du délai décennal,
- juger que le désordre affectant l'installation de hotte aspirante de la cuisine de l'appartement de Monsieur [T] à [Localité 11], avec effondrement partiel du plafond, compromet la destination d'habitation du logement, et engage la responsabilité décennale de la SARL Cuisines-Bains-Services,
A titre subsidiaire, si la cour considérait que la responsabilité décennale de la SARL Cuisines-Bains-Services n'est pas engagée,
- juger que le désordre affectant l'installation de la hotte aspirante, se caractérisant par un affaissement du plafond, consécutif à un défaut de pose de la hotte, selon les préconisations du constructeur, caractérise le manquement de la SARL Cuisines-Bains-Services à son obligation de résultat et engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de Monsieur [T],
En toute hypothèse,
- condamner in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], à payer à Monsieur [T], au titre des travaux de réparation de désordres, la somme de 2 414,40 euros TTC retenue par l'expert judiciaire,
- juger que cette somme sera réévaluée en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction, avec pour indice de référence le dernier indice publié à la date du devis de l'entreprise Sudtec, homologué par l'expert, et pour indice de réévaluation, le dernier indice publié à la date à laquelle le jugement à intervenir deviendra définitif,
- condamner in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], à payer à Monsieur [T] les sommes suivantes':
* Au titre du préjudice de jouissance lié à l'impossibilité d'usage de la cuisine, la somme de 500 euros par an depuis l'année 2015, soit à ce jour une somme de 3 500 euros,
* Au titre de la perte de chance de louer le logement pendant les périodes estivales depuis l'année 2015, une somme de
7 500 euros.
- condamner en outre in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], à payer à Monsieur [T] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], aux entiers dépens d'instance, incluant le coût des opérations d'expertise et les dépens de référés.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 14 avril 2022, la SARL Cuisines-Bains-Services sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de':
- juger que la SARL Cuisines-Bains-Services n'est pas responsable des désordres incriminés,
- rejeter toutes demandes à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- condamner Monsieur [T] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre subsidiaire, si les demandes de Monsieur [T] devaient être accueillies,
- juger que la SARL Cuisines-Bains-Services sera relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre, par Maître [H], mandataire judiciaire de la SARL Carreaux Import Négoce et par la SA Allianz Iard, es qualité d'assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- rejeter toutes demandes à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 28 octobre 2021, Monsieur [M] sollicite la confirmation du jugement et demandent à la cour de':
- constater que Monsieur [M] n'a commis aucune faute dans la mission qui lui avait été confiée, et ce, au regard des travaux réalisés préalablement par la SARL Carreaux Import Négoce,
- mettre hors de cause Monsieur [M],
- dans l'hypothèse où le Tribunal viendrait à retenir une quelconque responsabilité, elle ne pourra qu'être réduite à hauteur de 10 % pour Monsieur [M],
Subsidiairement,
- donner acte à Monsieur [M] qu'il s'en remet à justice concernant le montant des travaux de reprise,
- rejeter toutes demandes au titre du préjudice de jouissance ou au titre de l'éventuelle perte locative,
- condamner toute partie succombante à payer à Monsieur [M] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 04 avril 2022, la SA Allianz Iard demande à la cour de':
A titre principal,
- juger irrecevable comme nouvelle la demande de condamnation formée par la SARL Cuisines-Bains-Services à l'encontre de la SA Allianz,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le désistement d'instance de Monsieur [T] à l'encontre de la SA Allianz et débouté Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- ordonner la mise hors de cause du prétendu assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services, la SA Allianz,
A titre infiniment subsidiaire,
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes suivantes formées par la SA Allianz':
- constater que la SA Allianz n'est pas et n'a jamais été l'assureur décennale de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- constater que la police RCP souscrite par la SARL CBS a été résiliée à effet au 01 janvier 2013, le désordre étant survenu quant à lui courant 2014 et la mise en cause d'Allianz en 2016,
- débouter la SARL Cuisines-Bains-Services de l'intégralité des demandes dirigées à l'encontre de la SA Allianz,
En tout état de cause,
- condamner reconventionnellement la SARL Cuisines-Bains-Services à payer à la SA Allianz Iard les sommes suivantes':
- 2 000 euros à titre de procédure abusive,
- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de première instance,
- Condamner la SARL Cuisines-Bains-Services, pour avoir attrait en la cause la SA Allianz de manière inutile, à payer à la SA Allianz la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais et dépens de l'appel.
Malgré la signification du 14 janvier 2022, Maître [H], mandataire judiciaire, n'a pas constitué avocat.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance le 01 septembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions des parties.
MOTIFS'
Sur l'exception d'incompétence
Le tribunal a justement rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL Cuisines-Bains-Services puisque' le montant des demandes de Monsieur [T] de 9 914,40 euros relevait de la compétence du tribunal d'instance, et a demeuré sous la compétence du contentieux de la protection et de la proximité du tribunal judiciaire de Perpignan.
Sur l'irrecevabilité de la demande de la SARL Cuisines-Bains-Services'formulée à l'encontre de la SA Allianz
Selon l'article 564 du code de procédure civile les parties ne peuvent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La SARL Cuisines-Bains-Services'sollicite dans ses écritures d'appel à être relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par Maître [H], mandataire judiciaire de la SARL Carreaux Import Négoce et par la SA Allianz Iard, ès qualités d'assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services.
Elle soutient que 'l'article 566 du code de procédure civile permet aux parties d'ajouter en appel toutes les demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes et défenses qui ont été soumises aux premiers juges.
La SA Allianz Iard'sollicite le rejet de la demande formulée par la SARL Cuisines-Bains-Services, et soutient qu'aucune demande de condamnation ou appel en garantie n'ayant été formée par la SARL Cuisines-Bains-Services'à l'encontre de la SA Allianz Iard dans le dispositif de ses dernières conclusions de première instance, la demande nouvelle est irrecevable en appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile.
Il apparaît que':
- à la lecture de l'exposé du litige du jugement, aucune demande n'a été formulée en première instance par la SARL Cuisines-Bains-Services à l'encontre de la SA Allianz Iard comme de la SARL Carreaux Import Négoce.
- la mise en cause, pour la première fois en appel, de l'assureur constitue une demande nouvelle irrecevable.
- cette demande nouvelle, bien que maladroite, ne présente pas de caractère abusif dés lors qu'aucune man'uvre frauduleuse n'est rapportée'; elle ne peut donc justifier de l'octroi de dommages et intérêts.
Sur le désistement de Monsieur [T] à l'égard de la SARL Carreaux Import Négoce et de la SA Allianz Iard
Le tribunal a donné acte à Monsieur [T] de son désistement d'instance à l'égard de la SARL Carreaux Import Négoce et de la SA Allianz Iard, ce qui n'est pas contesté en appel.
Sur la demande de responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services
a) Sur la garantie décennale
Aux termes de l'article 1792 du code civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Le tribunal rejette la responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services sur le fondement de la garantie décennale en indiquant que':
- aux termes du rapport d'expertise «'ces désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage au sens où le plancher n'a pas subi de dommage structurel. La solidité du faux plafond est affectée mais ce dernier ne risque pas de s'effondrer dès lors que la hotte a été déposée.'»
- il résulte de ces constations l'existence de désordres mais ne compromettant pas la solidité et ne le rendant pas impropre à sa destination'; l'absence de hotte aspirante ne saurait être considérée comme empêchant, même partiellement, son usage.
- la réunion des conditions prévues par l'article 1792 du code civil n'est pas démontrée.
Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement'et soutient que:
- la SARL Cuisines-Bains-Services était liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage. Dès lors, la SARL Cuisines-Bains-Services est tenue d'une responsabilité décennale pour la garantie des ouvrages réalisés.
- la garantie décennale des constructeurs issue de l'article 1792 du code civil institue une présomption de responsabilité découlant de la seule révélation d'un désordre affectant les ouvrages réalisés et présentant le degré de gravité prévu par le texte. La simple constatation d'un dommage suffit à engager la responsabilité décennale.
- en l'espèce, les ouvrages ont été achevés courant mois de mars 2007, les désordres se sont révélés au mois de novembre 2014 et l'action a été introduite au mois de juillet 2016.
- les ouvrages réalisés par la SARL Cuisines-Bains-Services ont présenté un désordre qui rend l'appartement des époux [T] impropre à sa destination d'habitation, dans la mesure où la cuisine de ce logement, qui est rendue inutilisable par l'absence de hotte, n'est plus fonctionnelle.
La SARL Cuisines-Bains-Services'sollicite la confirmation du jugement et soutient que :
- aux termes du rapport d'expertise «'ces désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage au sens où le plancher n'a pas subi de dommage structurel. La solidité du faux plafond est affectée mais ce dernier ne risque pas de s'effondrer dès lors que la hotte a été déposée.'»
- les désordres sont relatifs à la pose de la hotte, or la SARL Cuisines-Bains-Services'n'a pas réalisé cette pose.
- de plus, il résulte des constations de l'expert que le désordre ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à sa destination'; ainsi les conditions de l'article 1792 du code civil ne sont pas réunies.
La SA Allianz Iard'sollicite la confirmation du jugement'; et dans le cas où la cour reformerait le jugement et jugerait recevable la demande nouvelle de garantie, elle soutient que :
- la compagnie Allianz Iard n'a jamais été l'assureur décennal de la SARL Cuisines-Bains-Services. En effet, elle n'a souscrit qu'un contrat responsabilité civile professionnel relatif à l'activité de vente et pose de cuisines, électroménager, salles de bains, placard.
- de plus, selon cette police, la garantie est déclenchée par une réclamation, conformément à l'article L.124-5, 4ème alinéa du code des assurances («'dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie'»)'; or, les désordres sont apparus en 2014 et la police a été résiliée à la demande de l'assurée au 1er janvier 2013.
Il apparaît que':
- La facture de la SARL Carrelage Carreaux import Négoce établie à l'enseigne Top Carrelage, en date du 9 mars 2007, a bien été réglée directement par Monsieur [R], et les travaux ont été réalisés pour le compte de ce dernier.
- Le respect du «'plan technique remis par les cuisines Schmidt'» ne peut suffire à justifier que la SARL Cuisines-Bains-Services était liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, alors même que les travaux ont été réalisés par un tiers, qui a été réglé directement par Monsieur [R].
- L'expert judiciaire a signalé la seule fourniture de la cuisine par la SARL Cuisines-Bains-Services, sans évoquer de contrat de louage.
- Au surplus, l'expert judiciaire a précisé que les désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage au sens où le plancher n'a pas subi de dommage structurel, le faux plafond ne risquant pas de s'effondrer dés lors que la hotte a été déposée, la cuisine étant manifestement fonctionnelle bien qu'inconfortable et salissante.
- Ces désordres ne rendent pas la cuisine et son plafond impropres à leur destination, à savoir utiliser la pièce pour concocter et prendre les repas.
La responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services ne peut être retenue sur le fondement de l'article 1792 ci-dessus rappelé.
b) Sur la responsabilité contractuelle de droit commun
L'article 1103 du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le tribunal déboute Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes'en indiquant que :
- aux termes de l'expertise judiciaire, les désordres trouvent leur origine dans un défaut de conseil ou d'information, défaut de conception et dans une exécution défectueuse de la part des trois intervenants.
- cependant, la réalisation du faux plafond destiné à accueillir la hotte a été confiée à la SARL Carreaux Import Négoce, qui n'est pas un sous-traitant de la SARL Cuisines-Bains-Services. Or, il est établi que la SARL Carreaux Import Négoce, était en possession des plans techniques fournis par la SARL Cuisines-Bains-Services et qu'elle ne pouvait ignorer que la hotte devait être mise en place en îlot central.
- dès lors, la SARL Carreaux Import Négoce a manqué à ses obligations contractuelles, notamment à son défaut d'information et de conseil en n'indiquant pas au client qu'une structure de soutien devait être construite derrière la plaque de plâtre et en réalisant un ouvrage qui ne pourrait permettre l'installation pérenne de la hotte.
- le rapport d'expertise amiable du 11 juin 2015 indiquait que la responsabilité de la société Top Carrelage est entière. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme l'expert judiciaire, aucune faute n'est établie à l'égard de la SARL Cuisines-Bains-Services ou à son sous-traitant Monsieur [M].
Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement'en soutenant que :
- la jurisprudence considère que c'est une obligation de résultat qui pèse sur l'entrepreneur, que les désordres apparaissent avant ou après réception, celui-ci étant tenu de livrer un ouvrage conforme aux prévisions du marché et exempt de vice.
- en l'espèce, les désordres affectant l'ouvrage caractérise le manquement à l'obligation de résultat pesant sur la SARL Cuisines-Bains-Services.
- il lui appartenait de contrôler la correcte exécution de la prestation de Monsieur [M].
La SARL Cuisines-Bains-Services'sollicite la confirmation du jugement en soutenant que :
- le 15 mars 2007, Monsieur [M], à l'enseigne Déco Plus, a émis une facture pour la pose de la cuisine. Le 16 mars 2007 la SARL Cuisines-Bains-Services'a émis une facture pour la fourniture de différents électroménagers dont une hotte décorative.
- il n'y a pas eu de contrat de sous-traitance. Il s'agit de contrats distincts.
- la responsabilité contractuelle de la SARL Cuisines-Bains-Services n'est pas établie, Monsieur [T] ne rapportant pas la preuve d'une quelconque faute de la SARL Cuisines-Bains-Services. Le rôle de la SARL était limité à la vente de la hotte, il ne lui appartenait pas de contrôler l'exécution des travaux réalisés par Monsieur [M].
La SA Allianz Iard'sollicite la confirmation du jugement.
Il apparaît que':
- comme explicité plus haut, il n'y a pas eu de contrat de sous-traitance, mais uniquement des contrats distincts entre la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [R] d'une part, et entre la société Top Carrelage et Monsieur [R] d'autre part.
- aucun manquement à l'obligation de résultat pesant sur la SARL Cuisines-Bains-Services n'est établie dés lors que cette dernière s'est bien libérée de son obligation de délivrance du matériel commandé.
- le contrôle de l'exécution de la prestation de Monsieur [M] n'a pu concerner que la pose de la hotte sur le bâti existant, laquelle est apparue adéquate en 2007.
- la hotte, conformément délivrée, est manifestement restée dûment en place et en fonctionnement du 15 mars 2007, date de la facturation de la pose de la cuisine, jusqu'au mois de novembre 2014, soit durant plus de 7 années ' au dire même de Monsieur [T] qui «'ne remarquait aucun problème particulier sur cette installation de cuisine'», mais devait faire le constat seulement dans le courant du mois de novembre 2014 de l'apparition d'un affaissement d'une partie du plafond de la cuisine.
- la hotte a donc bien été livrée, installée, et en fonctionnement pendant de nombreuses années.
Le premier juge à valablement mentionné qu'aucune faute n'est établie à l'égard de la SARL Cuisines-Bains-Services à qui était seulement confié la fourniture.
Sur la responsabilité délictuelle de Monsieur [M]
L'article 1240 du code civil énonce que tout fait de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le reparer.
Le tribunal rejette les demandes à l'égard de Monsieur [M]'en indiquant que :
- Monsieur [M] est intervenu après réalisation des travaux de la SARL Carreaux Import Négoce. Il n'avait aucun moyen, le plafond ayant été fermé et peint, d'avoir connaissance du fait que la SARL Carreaux Import Négoce n'avait pas réalisé une structure de soutien destinée à supporter la hotte.
- aucune faute délictuelle n'apparaît caractérisée.
Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement en soutenant que':
- Monsieur [M] a conclu avec la SARL Cuisines-Bains-Services un contrat de sous-traitance de la pose de la hotte installée chez les époux [T].
- le maître d'ouvrage dispose d'une action directe contre le sous-traitant de l'entrepreneur principal. Par ailleurs, si le sous-traitant est tenu, envers l'entreprise qui l'a mandaté, à une obligation de résultat de nature contractuelle, en revanche sa responsabilité vis-à-vis du maître d'ouvrage est de nature délictuelle (article 1240 et 1241 code civil).
- compte tenu de la nature délictuelle de l'action directe du maître d'ouvrage, le sous-traitant ne peut pas invoquer à son encontre des limitations de responsabilités figurant dans le marché principal.
- en matière de travaux de construction, l'existence de malfaçons fait présumer la faute du professionnel sous-traitant.
- Monsieur [M] en sa qualité de professionnel, ne pouvait ignorer que la pose de la hotte ne pouvait se faire directement sur la plaque de plâtre et qu'il était nécessaire de prévoir un système de renfort pour soutenir de manière pérenne le poids de la hotte. En procédant à l'installation directement sur la plaque de plâtre, il a méconnu l'obligation de résultat qui pesait sur lui, ainsi que les règles professionnelles s'appliquant à ce type de prestation.
- il appartenait à Monsieur [M] de s'assurer de la qualité du support sur lequel il devait fixer son ouvrage. En ne procédant pas aux vérifications du support, et en ne réalisant pas que la structure de soutien devait être réalisée derrière la plaque de plâtre, Monsieur [M] a manqué à ses obligations contractuelles et commis une faute envers le maître de l'ouvrage.
- en tout état de cause, Monsieur [M] ne pouvait procéder à une fixation du socle de la hotte directement dans la plaque de plâtre, puisque ce mode de fixation est prohibé par le constructeur. C'est au poseur qu'il incombe de s'assurer que la pose peut être faite dans les conditions prévues par le fabricant.
Monsieur [M] sollicite la confirmation du jugement'en soutenant que :
- l'expert judiciaire retient que les désordres trouvent leur origine dans un défaut de conseil ou d'information, défauts de conception et dans une exécution défectueuse de la part des trois intervenants. Il est précisé que Monsieur [M] est intervenu, en sa qualité de sous-traitant de la SARL Cuisines-Bains-Services pour poser la hotte.
- il doit être relevé que la SARL Carreaux Import Négoce a été mandatée pour réaliser': «'Plafond : la fourniture et la pose d'une ossature métallique en fourrure F530 ' pose de feuilles de plâtre de 13 mm fixées sur ossature y comprise enduit ' bandes à joints et toutes finitions'», elle devait réaliser l'ossature permettant de supporter le poids de la hotte. Cette ossature était ensuite habillée de plaques de plâtre y compris avec réalisation des joints et des finitions. Ainsi, la SARL Carreaux Import Négoce avait pour mission de réaliser une installation conforme pour pouvoir accueillir la hotte aspirante.
- lors de l'intervention de Monsieur [M], le plafond été réalisé et peint. Il ressort qu'en réalité la SARL Carreaux Import Négoce n'a pas réalisé les travaux dans les règles de l'art.
- Monsieur [M] ne pourra qu'être mis hors de cause dès lors que ce n'est pas son installation qui a créé le désordre mais la réalisation de l'ossature qui n'était pas conforme.
- dans l'hypothèse où la cour d'appel viendrait à retenir une quelconque responsabilité, il aura lieu de dire et juger que sa part devra être réduite à 10 %, les 90 % restants devront être partagés entre la SARL Carreaux Import Négoce et la SARL Cuisines-Bains-Services.
Il apparaît que':
- l'expert judiciaire mentionne que les prescriptions de pose du fabricant n'ont pas été respectées.
- Monsieur [T], demandeur à l'action, doit rapporter l'existence d'une faute de Monsieur [M], ainsi qu'un lien de causalité certain et direct entre cette faute et le désordre constaté.
- la hotte a été installée en mars 2007 par monsieur [M], tandis qu'une partie du plafond s'est affaissée en novembre 2014, soit plusieurs années après son intervention, laquelle ne comportait que la pose de la cuisine selon la facture du 15 mars 2007 produite, et non contestée.
- Monsieur [T] a constaté «'dans le courant du mois de novembre 2014 l'apparition d'un affaissement d'une partie du plafond de la cuisine'», soit plus de 7 années après l'intervention de Monsieur [M].
- la hotte fixée par Monsieur [M] a donc fonctionné sans désordre pendant de nombreuses années, comme il ressort des écritures de Monsieur [T] en page 2 précisant qu' «' à la suite de son acquisition, Monsieur [T] ne remarquait aucun problème particulier sur cette installation de cuisine'».
- Monsieur [M] n'a fait que fixer la hotte au plafond de la cuisine réalisé par Top Carrelage, sans avoir un accès visuel à l'ossature supportant le poids de la hotte, la structure du plafond étant habillée de plaques de plâtre y compris avec réalisation des joints et des finitions.
- Il n'est pas contestable que Monsieur [M] s'est libéré de son obligation de fixation de la hotte puisque celle-ci a été fixée et a tenu accrochée au plafond pendant de nombreuses années.
- L'expert judiciaire n'explique pas la tenue du plafond pendant de nombreuses années avec la hotte suspendue sans aucun affaissement.
- L'expert judiciaire se contente de mentionner la nécessité de réaliser un chevêtre de renfort pour fixer la hotte qui ne peut être fixée directement sous la dalle, cette prestation supplémentaire ne relevant pas de la prestation facturée par Monsieur [M], mais de celle de la société Top Carrelage en charge de la rénovation du plafond de la cuisine avec «'fourniture et pose d'une ossature métallique'», comme mentionné dans la facture de cette dernière.
- C'est la société Top Carrelage qui devait mettre en place une structure, nécessairement cachée, capable de supporter dans le temps le poids de la hotte, comme préconisé par le fabricant, et il ne peut être reproché à Monsieur [M] de ne pas l'avoir fait, alors même que lors de son intervention le plafond était déjà achevé.
- La défectuosité du plafond est venue de la négligence de la société Top Carrelage qui a omis de le renforcer (conformément aux préconisations de l'expert judiciaire), lesquelles ne pouvaient être connues de Monsieur [M] intervenu postérieurement à cette société.
- Si la société Top Carrelage avait correctement renforcé le plafond pour recevoir la fixation de la hotte, Monsieur [M] ne serait nullement mis en cause, alors même qu'il n'est pas contestable que la société Top Carrelage connaissait la destination du plafond puisqu'elle y a installé une prise électrique (pour brancher la hotte) comme il ressort de sa facturation.
- La facture du 9 mars 2007 de la société Top Carrelage a été réglée sans réserve, tandis que Monsieur [M] n'est intervenu que postérieurement uniquement pour la pose de la cuisine, dont la hotte, laquelle est restée en place sans aucun désordre pendant de nombreuses années. Cela tend à démontrer la qualité de son travail effectué sur un support médiocre (comme il ressort de l'expertise judiciaire), mais dont il ignorait nécessairement la défectuosité puisque la finition du plafond avait été antérieure à son intervention.
Le premier juge à valablement mentionné qu'aucune faute n'est établie à l'égard de Monsieur [M] à qui était seulement confié la pose des éléments de la cuisine.
Le premier juge a ainsi à bon droit débouté Monsieur [T] de ses demandes à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services comme de Monsieur [M].
Par conséquent le jugement du 17 juin 2021 sera confirmé en toutes ses dispositions.
Il conviendra de condamner Monsieur [T], partie perdante, aux entiers dépens d'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit la demande de mise en cause de la SA Allianz Iard irrecevable comme nouvelle.
Déboute la SA Allianz Iard de sa demande de dommages et intérêts.
Condamne Monsieur [G] [T] aux entiers dépens d'appel,
Condamne Monsieur [G] [T] à payer en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 1 500 euros à Monsieur [E] [M], de 1 000 euros à la SARL Cuisines-Bains-Services, et de 500 euros à la SA Allianz Iard.
Le greffier, Le président,
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
3e chambre civile
ARRET DU 20 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 21/04619 - N° Portalis DBVK-V-B7F-PCZK
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 17 JUIN 2021
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE [Localité 14]
N° RG 11-18-000164
APPELANT :
Monsieur [G] [T]
né le 21 Juillet 1939 à [Localité 13]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représenté par Me David DUPETIT de la SCP GIPULO - DUPETIT - MURCIA, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMES :
Monsieur [E] [M] exerçant à l'enseigne DECO PLUS
RCS de [Localité 14] sous le n°422 639 658
de nationalité Française
[Adresse 12]
[Adresse 15]
[Localité 6]
Représenté par Me Fernand MOLINA de la SCP DE TORRES - PY - MOLINA - BOSC BERTOU, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
S.A.R.L. CUISINES BAINS SERVICES
[Adresse 8]
[Localité 7]
Représentée par Me Alysée BECUWE, avocat au barreau de MONTPELLIER substituant Me Valéry-Pierre BREUIL de la SCP MARTY - BENEDETTI-BALMIGERE - BREUIL, avocat au barreau des PYRENEES-ORIENTALES
INTIMES SUR APPEL PROVOQUE
Maître [K] [H]
Intimée sur appel provoqué en qualité de mandataire judiciaire de la SARL CARREAUX IMPORT NEGOCE immatriculée au RCS de [Localité 14] n° 387 535 800
[Adresse 2]
[Localité 5]
non représentée - assignée 14 janvier 2022 à personne habilitée
Compagnie d'assurance ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Me Iris RICHAUD substituant Me Yann GARRIGUE de la SELARL LX MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 01 Septembre 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 septembre 2025,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Frédéric DENJEAN, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Gilles SAINATI, président de chambre
M. Thierry CARLIER, conseiller
M. Frédéric DENJEAN, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,
Greffier lors des débats : Mme Elodie CATOIRE
ARRET :
- réputé contradictoire ;
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. Gilles SAINATI, président de chambre, et par Mme Sabine MICHEL, Greffière.
EXPOSE DU LITIGE
En date du 3 octobre 2013, Monsieur [G] [T] a acquis auprès de Monsieur [R] un appartement sis [Adresse 10].
Monsieur [R] avait commandé, courant année 2007, des travaux de rénovation de la cuisine de l'appartement.
Les intervenants ont été :
La SARL Cuisines-Bains-Services CDS, sous l'enseigne Cuisines Schmidt, pour la fourniture de divers éléments de cuisines et notamment d'une hotte, selon facture du 16 février 2007 établie au nom de Monsieur [R].
La SARL Carrelage Carreaux import Négoce, sous l'enseigne Top Carrelage, pour les travaux préparatoires de rénovation incluant notamment la pose d'un faux plafond, selon facture du 9 mars 2007 établie au nom de [R].
Monsieur [E] [M], enseigne Deco Plus, pour la pose de la cuisine, selon facture du 15 mars 2007 établie au nom de la SARL Cuisines-Bains-Services.
Au mois de novembre 2014, Monsieur [T] a remarqué un affaissement d'une partie du plafond de la cuisine. Une expertise privée a été établie et le rapport a été déposé le 11 juin 2015.
Par ordonnance du 23 novembre 2016, le juge des référés du tribunal d'instance de Perpignan a ordonné une mesure d'expertise judiciaire confiée à Madame [L] [C], architecte.
En cours d'expertise, la SARL Cuisines-Bains-Services faisait appeler aux opérations d'expertise son sous-traitant Monsieur [E] [M] exerçant à l'enseigne Deco Plus, ce qui donnait lieu à une nouvelle ordonnance de référé en date du 22 mars 2017. L'assureur de Monsieur [M], la SA Maaf Assurances, a été également appelée en cause.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 30 septembre 2017.
En cours de procédure, la SARL Carreaux Import Negoce a été placée en liquidation judiciaire, la mandataire judiciaire liquidateur, Maître [H], a été appelée en cause.
Selon assignation en date du 26 janvier 2018, Monsieur [T] a saisi le tribunal d'instance de Perpignan d'une demande de condamnation des requises à lui payer les indemnités permettant la réparation du désordre.
Par jugement réputé contradictoire du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Perpignan a':
- rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL Cuisines-Bains-Services,
- constaté le désistement d'instance de Monsieur [T] à l'égard de Madame [H], es qualité de mandataire judiciaire de la SARL Carreaux Import Négoce à l'enseigne Top Carrelage et à l'égard de la SA Allianz Iard,
- débouté Monsieur [T] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- débouté Monsieur [T] de l'ensemble des demandes formées à l'encontre de Monsieur [M],
- condamné Monsieur [T] aux entiers dépens de l'instance,
- dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes,
- rappelé que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Par déclaration d'appel enregistrée par le greffe le 16 juillet 2021 Monsieur [T] a régulièrement relevé appel de ce jugement à l'encontre'de':
Monsieur [M],
la SARL Cuisines-Bains-Services (CDS)
Maître [H], mandataire judiciaire de la SARL Carreau Import Négoce et la SA Allianz Iard en tant qu'assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services CDS ont été assignées en appel provoqué par la SARL Cuisines-Bains-Services.
Maître [H] n'a pas constitué avocat.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 15 octobre 2021, Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement et demande à la cour de :
Concernant la responsabilité de Monsieur [M]':
- juger que Monsieur [M] en procédant à l'installation de la hotte aspirante directement sur la plaque de plâtre sans mise en 'uvre d'un renfort exigé par le fabricant de la hotte, a commis une faute engageant sa responsabilité délictuelle vis-à-vis de Monsieur [T] sur le fondement de l'article 1240 du code civil,
- juger que l'ouvrage de faux plafond réalisé par la société Top Carrelage ne peut être considéré comme étant à l'origine du dommage, dans la mesure où il appartenait au poseur Monsieur [M] de s'assurer que les conditions de fixation du socle de hotte aspirante définies par le fabriquant étaient remplies,
- juger que la qualité du support constitué par le faux-plafond ne peut constituer une cause d'exonération de responsabilité pour Monsieur [M], qui l'a accepté comme support pour ses ouvrages,
Concernant la responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services':
A titre principal,
- juger que les travaux de rénovation de la cuisine de l'appartement aujourd'hui propriété de Monsieur [T] ont été réceptionnés tacitement et sans réserve le 16 mars 2007, date de la facture de l'entreprise SARL Cuisines-Bains-Services,
- juger que les désordres invoqués par Monsieur [T] se sont révélés postérieurement à la réception, et ont fait l'objet d'une assignation en référé avant l'expiration du délai décennal,
- juger que le désordre affectant l'installation de hotte aspirante de la cuisine de l'appartement de Monsieur [T] à [Localité 11], avec effondrement partiel du plafond, compromet la destination d'habitation du logement, et engage la responsabilité décennale de la SARL Cuisines-Bains-Services,
A titre subsidiaire, si la cour considérait que la responsabilité décennale de la SARL Cuisines-Bains-Services n'est pas engagée,
- juger que le désordre affectant l'installation de la hotte aspirante, se caractérisant par un affaissement du plafond, consécutif à un défaut de pose de la hotte, selon les préconisations du constructeur, caractérise le manquement de la SARL Cuisines-Bains-Services à son obligation de résultat et engage sa responsabilité contractuelle vis-à-vis de Monsieur [T],
En toute hypothèse,
- condamner in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], à payer à Monsieur [T], au titre des travaux de réparation de désordres, la somme de 2 414,40 euros TTC retenue par l'expert judiciaire,
- juger que cette somme sera réévaluée en fonction de l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction, avec pour indice de référence le dernier indice publié à la date du devis de l'entreprise Sudtec, homologué par l'expert, et pour indice de réévaluation, le dernier indice publié à la date à laquelle le jugement à intervenir deviendra définitif,
- condamner in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], à payer à Monsieur [T] les sommes suivantes':
* Au titre du préjudice de jouissance lié à l'impossibilité d'usage de la cuisine, la somme de 500 euros par an depuis l'année 2015, soit à ce jour une somme de 3 500 euros,
* Au titre de la perte de chance de louer le logement pendant les périodes estivales depuis l'année 2015, une somme de
7 500 euros.
- condamner en outre in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], à payer à Monsieur [T] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [M], aux entiers dépens d'instance, incluant le coût des opérations d'expertise et les dépens de référés.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 14 avril 2022, la SARL Cuisines-Bains-Services sollicite la confirmation du jugement et demande à la cour de':
- juger que la SARL Cuisines-Bains-Services n'est pas responsable des désordres incriminés,
- rejeter toutes demandes à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- condamner Monsieur [T] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
A titre subsidiaire, si les demandes de Monsieur [T] devaient être accueillies,
- juger que la SARL Cuisines-Bains-Services sera relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre, par Maître [H], mandataire judiciaire de la SARL Carreaux Import Négoce et par la SA Allianz Iard, es qualité d'assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- rejeter toutes demandes à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 28 octobre 2021, Monsieur [M] sollicite la confirmation du jugement et demandent à la cour de':
- constater que Monsieur [M] n'a commis aucune faute dans la mission qui lui avait été confiée, et ce, au regard des travaux réalisés préalablement par la SARL Carreaux Import Négoce,
- mettre hors de cause Monsieur [M],
- dans l'hypothèse où le Tribunal viendrait à retenir une quelconque responsabilité, elle ne pourra qu'être réduite à hauteur de 10 % pour Monsieur [M],
Subsidiairement,
- donner acte à Monsieur [M] qu'il s'en remet à justice concernant le montant des travaux de reprise,
- rejeter toutes demandes au titre du préjudice de jouissance ou au titre de l'éventuelle perte locative,
- condamner toute partie succombante à payer à Monsieur [M] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par ses conclusions enregistrées au greffe le 04 avril 2022, la SA Allianz Iard demande à la cour de':
A titre principal,
- juger irrecevable comme nouvelle la demande de condamnation formée par la SARL Cuisines-Bains-Services à l'encontre de la SA Allianz,
A titre subsidiaire,
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le désistement d'instance de Monsieur [T] à l'encontre de la SA Allianz et débouté Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- ordonner la mise hors de cause du prétendu assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services, la SA Allianz,
A titre infiniment subsidiaire,
- infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes suivantes formées par la SA Allianz':
- constater que la SA Allianz n'est pas et n'a jamais été l'assureur décennale de la SARL Cuisines-Bains-Services,
- constater que la police RCP souscrite par la SARL CBS a été résiliée à effet au 01 janvier 2013, le désordre étant survenu quant à lui courant 2014 et la mise en cause d'Allianz en 2016,
- débouter la SARL Cuisines-Bains-Services de l'intégralité des demandes dirigées à l'encontre de la SA Allianz,
En tout état de cause,
- condamner reconventionnellement la SARL Cuisines-Bains-Services à payer à la SA Allianz Iard les sommes suivantes':
- 2 000 euros à titre de procédure abusive,
- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles outre les entiers dépens de première instance,
- Condamner la SARL Cuisines-Bains-Services, pour avoir attrait en la cause la SA Allianz de manière inutile, à payer à la SA Allianz la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les frais et dépens de l'appel.
Malgré la signification du 14 janvier 2022, Maître [H], mandataire judiciaire, n'a pas constitué avocat.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance le 01 septembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits et des prétentions des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions des parties.
MOTIFS'
Sur l'exception d'incompétence
Le tribunal a justement rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la SARL Cuisines-Bains-Services puisque' le montant des demandes de Monsieur [T] de 9 914,40 euros relevait de la compétence du tribunal d'instance, et a demeuré sous la compétence du contentieux de la protection et de la proximité du tribunal judiciaire de Perpignan.
Sur l'irrecevabilité de la demande de la SARL Cuisines-Bains-Services'formulée à l'encontre de la SA Allianz
Selon l'article 564 du code de procédure civile les parties ne peuvent, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
La SARL Cuisines-Bains-Services'sollicite dans ses écritures d'appel à être relevée et garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre par Maître [H], mandataire judiciaire de la SARL Carreaux Import Négoce et par la SA Allianz Iard, ès qualités d'assureur de la SARL Cuisines-Bains-Services.
Elle soutient que 'l'article 566 du code de procédure civile permet aux parties d'ajouter en appel toutes les demandes qui sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des demandes et défenses qui ont été soumises aux premiers juges.
La SA Allianz Iard'sollicite le rejet de la demande formulée par la SARL Cuisines-Bains-Services, et soutient qu'aucune demande de condamnation ou appel en garantie n'ayant été formée par la SARL Cuisines-Bains-Services'à l'encontre de la SA Allianz Iard dans le dispositif de ses dernières conclusions de première instance, la demande nouvelle est irrecevable en appel au visa de l'article 564 du code de procédure civile.
Il apparaît que':
- à la lecture de l'exposé du litige du jugement, aucune demande n'a été formulée en première instance par la SARL Cuisines-Bains-Services à l'encontre de la SA Allianz Iard comme de la SARL Carreaux Import Négoce.
- la mise en cause, pour la première fois en appel, de l'assureur constitue une demande nouvelle irrecevable.
- cette demande nouvelle, bien que maladroite, ne présente pas de caractère abusif dés lors qu'aucune man'uvre frauduleuse n'est rapportée'; elle ne peut donc justifier de l'octroi de dommages et intérêts.
Sur le désistement de Monsieur [T] à l'égard de la SARL Carreaux Import Négoce et de la SA Allianz Iard
Le tribunal a donné acte à Monsieur [T] de son désistement d'instance à l'égard de la SARL Carreaux Import Négoce et de la SA Allianz Iard, ce qui n'est pas contesté en appel.
Sur la demande de responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services
a) Sur la garantie décennale
Aux termes de l'article 1792 du code civil tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Le tribunal rejette la responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services sur le fondement de la garantie décennale en indiquant que':
- aux termes du rapport d'expertise «'ces désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage au sens où le plancher n'a pas subi de dommage structurel. La solidité du faux plafond est affectée mais ce dernier ne risque pas de s'effondrer dès lors que la hotte a été déposée.'»
- il résulte de ces constations l'existence de désordres mais ne compromettant pas la solidité et ne le rendant pas impropre à sa destination'; l'absence de hotte aspirante ne saurait être considérée comme empêchant, même partiellement, son usage.
- la réunion des conditions prévues par l'article 1792 du code civil n'est pas démontrée.
Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement'et soutient que:
- la SARL Cuisines-Bains-Services était liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage. Dès lors, la SARL Cuisines-Bains-Services est tenue d'une responsabilité décennale pour la garantie des ouvrages réalisés.
- la garantie décennale des constructeurs issue de l'article 1792 du code civil institue une présomption de responsabilité découlant de la seule révélation d'un désordre affectant les ouvrages réalisés et présentant le degré de gravité prévu par le texte. La simple constatation d'un dommage suffit à engager la responsabilité décennale.
- en l'espèce, les ouvrages ont été achevés courant mois de mars 2007, les désordres se sont révélés au mois de novembre 2014 et l'action a été introduite au mois de juillet 2016.
- les ouvrages réalisés par la SARL Cuisines-Bains-Services ont présenté un désordre qui rend l'appartement des époux [T] impropre à sa destination d'habitation, dans la mesure où la cuisine de ce logement, qui est rendue inutilisable par l'absence de hotte, n'est plus fonctionnelle.
La SARL Cuisines-Bains-Services'sollicite la confirmation du jugement et soutient que :
- aux termes du rapport d'expertise «'ces désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage au sens où le plancher n'a pas subi de dommage structurel. La solidité du faux plafond est affectée mais ce dernier ne risque pas de s'effondrer dès lors que la hotte a été déposée.'»
- les désordres sont relatifs à la pose de la hotte, or la SARL Cuisines-Bains-Services'n'a pas réalisé cette pose.
- de plus, il résulte des constations de l'expert que le désordre ne compromet pas la solidité de l'ouvrage et ne le rend pas impropre à sa destination'; ainsi les conditions de l'article 1792 du code civil ne sont pas réunies.
La SA Allianz Iard'sollicite la confirmation du jugement'; et dans le cas où la cour reformerait le jugement et jugerait recevable la demande nouvelle de garantie, elle soutient que :
- la compagnie Allianz Iard n'a jamais été l'assureur décennal de la SARL Cuisines-Bains-Services. En effet, elle n'a souscrit qu'un contrat responsabilité civile professionnel relatif à l'activité de vente et pose de cuisines, électroménager, salles de bains, placard.
- de plus, selon cette police, la garantie est déclenchée par une réclamation, conformément à l'article L.124-5, 4ème alinéa du code des assurances («'dès lors que le fait dommageable est antérieur à la date de résiliation ou d'expiration de la garantie'»)'; or, les désordres sont apparus en 2014 et la police a été résiliée à la demande de l'assurée au 1er janvier 2013.
Il apparaît que':
- La facture de la SARL Carrelage Carreaux import Négoce établie à l'enseigne Top Carrelage, en date du 9 mars 2007, a bien été réglée directement par Monsieur [R], et les travaux ont été réalisés pour le compte de ce dernier.
- Le respect du «'plan technique remis par les cuisines Schmidt'» ne peut suffire à justifier que la SARL Cuisines-Bains-Services était liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage, alors même que les travaux ont été réalisés par un tiers, qui a été réglé directement par Monsieur [R].
- L'expert judiciaire a signalé la seule fourniture de la cuisine par la SARL Cuisines-Bains-Services, sans évoquer de contrat de louage.
- Au surplus, l'expert judiciaire a précisé que les désordres ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage au sens où le plancher n'a pas subi de dommage structurel, le faux plafond ne risquant pas de s'effondrer dés lors que la hotte a été déposée, la cuisine étant manifestement fonctionnelle bien qu'inconfortable et salissante.
- Ces désordres ne rendent pas la cuisine et son plafond impropres à leur destination, à savoir utiliser la pièce pour concocter et prendre les repas.
La responsabilité de la SARL Cuisines-Bains-Services ne peut être retenue sur le fondement de l'article 1792 ci-dessus rappelé.
b) Sur la responsabilité contractuelle de droit commun
L'article 1103 du code civil énonce que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Le tribunal déboute Monsieur [T] de l'ensemble de ses demandes'en indiquant que :
- aux termes de l'expertise judiciaire, les désordres trouvent leur origine dans un défaut de conseil ou d'information, défaut de conception et dans une exécution défectueuse de la part des trois intervenants.
- cependant, la réalisation du faux plafond destiné à accueillir la hotte a été confiée à la SARL Carreaux Import Négoce, qui n'est pas un sous-traitant de la SARL Cuisines-Bains-Services. Or, il est établi que la SARL Carreaux Import Négoce, était en possession des plans techniques fournis par la SARL Cuisines-Bains-Services et qu'elle ne pouvait ignorer que la hotte devait être mise en place en îlot central.
- dès lors, la SARL Carreaux Import Négoce a manqué à ses obligations contractuelles, notamment à son défaut d'information et de conseil en n'indiquant pas au client qu'une structure de soutien devait être construite derrière la plaque de plâtre et en réalisant un ouvrage qui ne pourrait permettre l'installation pérenne de la hotte.
- le rapport d'expertise amiable du 11 juin 2015 indiquait que la responsabilité de la société Top Carrelage est entière. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme l'expert judiciaire, aucune faute n'est établie à l'égard de la SARL Cuisines-Bains-Services ou à son sous-traitant Monsieur [M].
Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement'en soutenant que :
- la jurisprudence considère que c'est une obligation de résultat qui pèse sur l'entrepreneur, que les désordres apparaissent avant ou après réception, celui-ci étant tenu de livrer un ouvrage conforme aux prévisions du marché et exempt de vice.
- en l'espèce, les désordres affectant l'ouvrage caractérise le manquement à l'obligation de résultat pesant sur la SARL Cuisines-Bains-Services.
- il lui appartenait de contrôler la correcte exécution de la prestation de Monsieur [M].
La SARL Cuisines-Bains-Services'sollicite la confirmation du jugement en soutenant que :
- le 15 mars 2007, Monsieur [M], à l'enseigne Déco Plus, a émis une facture pour la pose de la cuisine. Le 16 mars 2007 la SARL Cuisines-Bains-Services'a émis une facture pour la fourniture de différents électroménagers dont une hotte décorative.
- il n'y a pas eu de contrat de sous-traitance. Il s'agit de contrats distincts.
- la responsabilité contractuelle de la SARL Cuisines-Bains-Services n'est pas établie, Monsieur [T] ne rapportant pas la preuve d'une quelconque faute de la SARL Cuisines-Bains-Services. Le rôle de la SARL était limité à la vente de la hotte, il ne lui appartenait pas de contrôler l'exécution des travaux réalisés par Monsieur [M].
La SA Allianz Iard'sollicite la confirmation du jugement.
Il apparaît que':
- comme explicité plus haut, il n'y a pas eu de contrat de sous-traitance, mais uniquement des contrats distincts entre la SARL Cuisines-Bains-Services et Monsieur [R] d'une part, et entre la société Top Carrelage et Monsieur [R] d'autre part.
- aucun manquement à l'obligation de résultat pesant sur la SARL Cuisines-Bains-Services n'est établie dés lors que cette dernière s'est bien libérée de son obligation de délivrance du matériel commandé.
- le contrôle de l'exécution de la prestation de Monsieur [M] n'a pu concerner que la pose de la hotte sur le bâti existant, laquelle est apparue adéquate en 2007.
- la hotte, conformément délivrée, est manifestement restée dûment en place et en fonctionnement du 15 mars 2007, date de la facturation de la pose de la cuisine, jusqu'au mois de novembre 2014, soit durant plus de 7 années ' au dire même de Monsieur [T] qui «'ne remarquait aucun problème particulier sur cette installation de cuisine'», mais devait faire le constat seulement dans le courant du mois de novembre 2014 de l'apparition d'un affaissement d'une partie du plafond de la cuisine.
- la hotte a donc bien été livrée, installée, et en fonctionnement pendant de nombreuses années.
Le premier juge à valablement mentionné qu'aucune faute n'est établie à l'égard de la SARL Cuisines-Bains-Services à qui était seulement confié la fourniture.
Sur la responsabilité délictuelle de Monsieur [M]
L'article 1240 du code civil énonce que tout fait de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le reparer.
Le tribunal rejette les demandes à l'égard de Monsieur [M]'en indiquant que :
- Monsieur [M] est intervenu après réalisation des travaux de la SARL Carreaux Import Négoce. Il n'avait aucun moyen, le plafond ayant été fermé et peint, d'avoir connaissance du fait que la SARL Carreaux Import Négoce n'avait pas réalisé une structure de soutien destinée à supporter la hotte.
- aucune faute délictuelle n'apparaît caractérisée.
Monsieur [T] sollicite la réformation du jugement en soutenant que':
- Monsieur [M] a conclu avec la SARL Cuisines-Bains-Services un contrat de sous-traitance de la pose de la hotte installée chez les époux [T].
- le maître d'ouvrage dispose d'une action directe contre le sous-traitant de l'entrepreneur principal. Par ailleurs, si le sous-traitant est tenu, envers l'entreprise qui l'a mandaté, à une obligation de résultat de nature contractuelle, en revanche sa responsabilité vis-à-vis du maître d'ouvrage est de nature délictuelle (article 1240 et 1241 code civil).
- compte tenu de la nature délictuelle de l'action directe du maître d'ouvrage, le sous-traitant ne peut pas invoquer à son encontre des limitations de responsabilités figurant dans le marché principal.
- en matière de travaux de construction, l'existence de malfaçons fait présumer la faute du professionnel sous-traitant.
- Monsieur [M] en sa qualité de professionnel, ne pouvait ignorer que la pose de la hotte ne pouvait se faire directement sur la plaque de plâtre et qu'il était nécessaire de prévoir un système de renfort pour soutenir de manière pérenne le poids de la hotte. En procédant à l'installation directement sur la plaque de plâtre, il a méconnu l'obligation de résultat qui pesait sur lui, ainsi que les règles professionnelles s'appliquant à ce type de prestation.
- il appartenait à Monsieur [M] de s'assurer de la qualité du support sur lequel il devait fixer son ouvrage. En ne procédant pas aux vérifications du support, et en ne réalisant pas que la structure de soutien devait être réalisée derrière la plaque de plâtre, Monsieur [M] a manqué à ses obligations contractuelles et commis une faute envers le maître de l'ouvrage.
- en tout état de cause, Monsieur [M] ne pouvait procéder à une fixation du socle de la hotte directement dans la plaque de plâtre, puisque ce mode de fixation est prohibé par le constructeur. C'est au poseur qu'il incombe de s'assurer que la pose peut être faite dans les conditions prévues par le fabricant.
Monsieur [M] sollicite la confirmation du jugement'en soutenant que :
- l'expert judiciaire retient que les désordres trouvent leur origine dans un défaut de conseil ou d'information, défauts de conception et dans une exécution défectueuse de la part des trois intervenants. Il est précisé que Monsieur [M] est intervenu, en sa qualité de sous-traitant de la SARL Cuisines-Bains-Services pour poser la hotte.
- il doit être relevé que la SARL Carreaux Import Négoce a été mandatée pour réaliser': «'Plafond : la fourniture et la pose d'une ossature métallique en fourrure F530 ' pose de feuilles de plâtre de 13 mm fixées sur ossature y comprise enduit ' bandes à joints et toutes finitions'», elle devait réaliser l'ossature permettant de supporter le poids de la hotte. Cette ossature était ensuite habillée de plaques de plâtre y compris avec réalisation des joints et des finitions. Ainsi, la SARL Carreaux Import Négoce avait pour mission de réaliser une installation conforme pour pouvoir accueillir la hotte aspirante.
- lors de l'intervention de Monsieur [M], le plafond été réalisé et peint. Il ressort qu'en réalité la SARL Carreaux Import Négoce n'a pas réalisé les travaux dans les règles de l'art.
- Monsieur [M] ne pourra qu'être mis hors de cause dès lors que ce n'est pas son installation qui a créé le désordre mais la réalisation de l'ossature qui n'était pas conforme.
- dans l'hypothèse où la cour d'appel viendrait à retenir une quelconque responsabilité, il aura lieu de dire et juger que sa part devra être réduite à 10 %, les 90 % restants devront être partagés entre la SARL Carreaux Import Négoce et la SARL Cuisines-Bains-Services.
Il apparaît que':
- l'expert judiciaire mentionne que les prescriptions de pose du fabricant n'ont pas été respectées.
- Monsieur [T], demandeur à l'action, doit rapporter l'existence d'une faute de Monsieur [M], ainsi qu'un lien de causalité certain et direct entre cette faute et le désordre constaté.
- la hotte a été installée en mars 2007 par monsieur [M], tandis qu'une partie du plafond s'est affaissée en novembre 2014, soit plusieurs années après son intervention, laquelle ne comportait que la pose de la cuisine selon la facture du 15 mars 2007 produite, et non contestée.
- Monsieur [T] a constaté «'dans le courant du mois de novembre 2014 l'apparition d'un affaissement d'une partie du plafond de la cuisine'», soit plus de 7 années après l'intervention de Monsieur [M].
- la hotte fixée par Monsieur [M] a donc fonctionné sans désordre pendant de nombreuses années, comme il ressort des écritures de Monsieur [T] en page 2 précisant qu' «' à la suite de son acquisition, Monsieur [T] ne remarquait aucun problème particulier sur cette installation de cuisine'».
- Monsieur [M] n'a fait que fixer la hotte au plafond de la cuisine réalisé par Top Carrelage, sans avoir un accès visuel à l'ossature supportant le poids de la hotte, la structure du plafond étant habillée de plaques de plâtre y compris avec réalisation des joints et des finitions.
- Il n'est pas contestable que Monsieur [M] s'est libéré de son obligation de fixation de la hotte puisque celle-ci a été fixée et a tenu accrochée au plafond pendant de nombreuses années.
- L'expert judiciaire n'explique pas la tenue du plafond pendant de nombreuses années avec la hotte suspendue sans aucun affaissement.
- L'expert judiciaire se contente de mentionner la nécessité de réaliser un chevêtre de renfort pour fixer la hotte qui ne peut être fixée directement sous la dalle, cette prestation supplémentaire ne relevant pas de la prestation facturée par Monsieur [M], mais de celle de la société Top Carrelage en charge de la rénovation du plafond de la cuisine avec «'fourniture et pose d'une ossature métallique'», comme mentionné dans la facture de cette dernière.
- C'est la société Top Carrelage qui devait mettre en place une structure, nécessairement cachée, capable de supporter dans le temps le poids de la hotte, comme préconisé par le fabricant, et il ne peut être reproché à Monsieur [M] de ne pas l'avoir fait, alors même que lors de son intervention le plafond était déjà achevé.
- La défectuosité du plafond est venue de la négligence de la société Top Carrelage qui a omis de le renforcer (conformément aux préconisations de l'expert judiciaire), lesquelles ne pouvaient être connues de Monsieur [M] intervenu postérieurement à cette société.
- Si la société Top Carrelage avait correctement renforcé le plafond pour recevoir la fixation de la hotte, Monsieur [M] ne serait nullement mis en cause, alors même qu'il n'est pas contestable que la société Top Carrelage connaissait la destination du plafond puisqu'elle y a installé une prise électrique (pour brancher la hotte) comme il ressort de sa facturation.
- La facture du 9 mars 2007 de la société Top Carrelage a été réglée sans réserve, tandis que Monsieur [M] n'est intervenu que postérieurement uniquement pour la pose de la cuisine, dont la hotte, laquelle est restée en place sans aucun désordre pendant de nombreuses années. Cela tend à démontrer la qualité de son travail effectué sur un support médiocre (comme il ressort de l'expertise judiciaire), mais dont il ignorait nécessairement la défectuosité puisque la finition du plafond avait été antérieure à son intervention.
Le premier juge à valablement mentionné qu'aucune faute n'est établie à l'égard de Monsieur [M] à qui était seulement confié la pose des éléments de la cuisine.
Le premier juge a ainsi à bon droit débouté Monsieur [T] de ses demandes à l'encontre de la SARL Cuisines-Bains-Services comme de Monsieur [M].
Par conséquent le jugement du 17 juin 2021 sera confirmé en toutes ses dispositions.
Il conviendra de condamner Monsieur [T], partie perdante, aux entiers dépens d'appel en vertu de l'article 696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Dit la demande de mise en cause de la SA Allianz Iard irrecevable comme nouvelle.
Déboute la SA Allianz Iard de sa demande de dommages et intérêts.
Condamne Monsieur [G] [T] aux entiers dépens d'appel,
Condamne Monsieur [G] [T] à payer en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile les sommes de 1 500 euros à Monsieur [E] [M], de 1 000 euros à la SARL Cuisines-Bains-Services, et de 500 euros à la SA Allianz Iard.
Le greffier, Le président,