CA Aix-en-Provence, retention administrative, 21 novembre 2025, n° 25/02242
AIX-EN-PROVENCE
Ordonnance
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 21 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/02242 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPLBU
Copie conforme
délivrée le 19 Novembre 2025
par courriel à :
- MINISTÈRE PUBLIC
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD TJ
- le retenu
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de Marseille en date du 19 novembre 2025.
APPELANT
Monsieur le procureur de la République près Le tribunal judiciaire de Marseille
Représenté par Monsieur Jean-François MAILHES, avocat général près la cour d'Appel d'Aix-en Provence,
INTIMÉS
Monsieur [E] [R]
né le 19 juillet 1988 à [Localité 6] (Tunisie)
de nationalité tunisienne
Comparant en visio-conférence,
Assisté de Maître Maeva LAURENS,
avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, choisie
MONSIEUR LE PREFET DES ALPES MARITIMES
Avisé, non représenté
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique 20 novembre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller, délégué par ordonnance du premier président, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée le 21 novembre 2025 à 9h43 par M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, greffier.
* * * *
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu l'article L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu la condamnation du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 25 janvier 2021 de Monsieur [E] [R] à une peine d'interdiction du territoire national pour une durée de cinq ans ;
Vu l'arrêté portant exécution d'une interdiction judiciaire du territoire pris le 20 octobre 2025 par la préfecture des Alpes-Maritimes, notifié le même jour à 11h00 ;
Vu l'arrêté de placement en rétention pris le 20 octobre 2025 par le préfet des Alpes-Maritimes et notifiée le même jour à 11h00 ;
Vu l'arrêté portant maintien en rétention suite à demande d'asile pris par le préfet des Alpes- Maritimes le 29 octobre 2025 notifié le même jour à 16h35 ;
Vu la requête préfectorale en deuxième prolongation de la mesure de rétention déposée le 18 novembre 2025 au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille ;
Vu l'ordonnance rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille le 19 novembre 2025 rejetant la requête préfectorale en prolongation de la mesure de rétention de Monsieur [E] [R] ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille le 19 novembre 2025 à 16h32 ;
Vu l'ordonnance rendue le 19 novembre 2025 par la déléguée du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a déclaré recevable et fondée la demande formée par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille tendant à voir déclarer son appel suspensif et dit que Monsieur [E] [R] serait maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond à l'audience de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence qui se tiendra le 20 novembre 2025 ;
Vu les conclusions transmises le 20 novembre 2025 par le parquet général.
A l'audience,
Monsieur [E] [R] a été entendu, il a déclaré : 'j'ai fait une demande d'asile, il y a deux ou trois semaines. Oui, la demande a été traitée. Oui, c'est un rejet. J'accepte. J'ai eu la décision hier... Non, je n'ai à dire sur le fond. J'ai toute ma famille ici. Je n'ai personne en Tunisie. Cela fait quinze ans que je suis là. Je suis entre deux. Je suis obligé de respecter la loi mais je suis ici pour ma famille. Mes parents sont malades. Mon père a un cancer, il fait de la chimio. Je suis avec ma famille. Je travaille un peu à droite, à gauche. Oui, j'ai un hébergement chez mon frère.'
Monsieur l'Avocat Général, dont les déclarations sont consignées dans le procès-verbal d'audience a comparu et a été entendu en ses explications, il reprend les termes de la déclaration d'appel et de ses conclusions et sollicite l'infirmation de l'ordonnance du premier juge ainsi que le maintien de l'appelant en rétention. Il fait notamment valoir que le recours administratif ne fait pas partie des pièces imposées par le texte de 2018. Le registre doit comprendre les dates de prolongation. Une décision récente de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en 2025 précise que les mentions liées aux présentations consulaires n'ont pas à apparaître sur le registre. Dans ces conditions, la requête est recevable. Le recours à l'OFPRA ne fait pas partie des mentions essentielles. De plus il y a une interdiction judiciaire du territoire. Les garanties de représentation sont peu démontrées.
La préfecture ne comparaît pas.
L'avocate du retenu, régulièrement entendue, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle expose que :
- il y a eu un recours contre l'arrêté fixant le pays de destination et celui concernant l'arrêté de maintien en rétention dont l'accusé de réception montre que ce recours a bien été transmis à la préfecture le 3 novembre 2025,
- selon plusieurs dispositions du CESEDA le magistrat doit s'assurer que depuis la précédente présentation le retenu a été en mesure de faire valoir ses droits, dont le premier est de faire un recours notamment contre l'arrêté de placement en rétention,
- l'arrêté du 6 mars 2018 concerne le registre et le traitement dont il résulte que certaines mentions doivent être inscrites sur le registre pour contrôler l'exercice des droits,
- la mention du recours contre l'arrêté de maintien en rétention est fondamental car il permet de contrôler la régularité du maintien en rétention de l'intéressé,
- le procureur de la République et l'avocat général se réfèrent à une jurisprudence du 8 février 2025 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui ne concerne pas le même cas d'espèce mais porte sur les diligences,
- en l'occurence le recours est effectif et doit être mentionné sur le registre. Je vous demande confirmer l'ordonnance du premier juge.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 5] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L.743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L.744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger par les articles L.744-4 et suivants du CESEDA depuis sa précédente présentation, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ. 1ère, 4 septembre 2024, n°23-12.550).
Le paragraphe III de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant notamment les procédures juridictionnelles suivantes mises en 'uvre au cours de la rétention :
1° Contentieux administratif type de recours, juridiction saisie date et heure de l'audience, décision, appel ;
2° Contentieux judiciaire présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;
3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de
français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.
En l'espèce le registre de rétention mentionne la décision rendue le 28 octobre 2025 par le tribunal administratif rejetant le recours de M. [R] à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2025 fixant le pays de destination. Toutefois il ne comporte aucune indication en ce qui concerne le second recours intenté le 30 octobre 2025 devant le tribunal administratif de Marseille à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2025 de maintien en rétention, et dont la préfecture des Alpes-Maritimes a le 3 novembre 2025 accusé réception de la notification par la juridiction administrative.
Dès lors, et sans que le retenu n'ait à justifier d'un grief, ledit registre, en ne mentionnant pas un recours juridictionnel relatif à la mesure visant à mettre en oeuvre l'interdiction judiciaire du territoire national dont il fait l'objet ne permet pas au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger, et ce à l'inverse du défaut de mention des diligences consulaires sur ce même registre qui n'altère pas le contrôle judiciaire sur l'exercice effectif des droits du retenu.
Dans ces conditions la requête préfectorale en prolongation ne peut qu'être déclarée irrecevable et la mainlevée de la mesure de rétention de M. [R] ordonnée, étant rappelé que celui-ci a obligation de quitter le territoire national en vertu de la condamnation du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 25 janvier 2021.
L'ordonnance querellée du premier juge sera néanmoins infirmée en ce qu'elle a rejeté la requête préfectorale en prolongation et a assigné l'intéressé à résidence alors que les conditions d'une poursuite de la mesure de rétention n'étaient plus réunies.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 19 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,
Infirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille en date du 19 novembre 2025,
Statuant à nouveau,
Déclarons irrecevable la requête préfectorale en deuxième prolongation de la mesure de rétention de M. [E] [R],
Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de M. [E] [R],
Rappelons à M. [E] [R] qu'il a obligation de quitter le territoire national en vertu de la condamnation du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 25 janvier 2021.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier, Le président,
COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
Chambre de l'urgence
[Adresse 3]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01]
Aix-en-Provence, le 19 novembre 2025
À
- Monsieur [E] [R]
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 4]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE
- Monsieur le Procureur Général
N° RG : N° RG 25/02242 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPLBU
OBJET : Notification d'une ordonnance
Concernant Monsieur [E] [R]
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance, ci-jointe, rendue le 19 novembre 2025, suite à l'appel interjeté par le procureur de la République près le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE contre l'ordonnance rendue le 19 novembre 2025 par le Juge des libertés et de la détention du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE :
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
Le greffier,
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative
ORDONNANCE
DU 21 NOVEMBRE 2025
N° RG 25/02242 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPLBU
Copie conforme
délivrée le 19 Novembre 2025
par courriel à :
- MINISTÈRE PUBLIC
- l'avocat
- le préfet
- le CRA
- le JLD TJ
- le retenu
Signature,
le greffier
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance rendue par le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de Marseille en date du 19 novembre 2025.
APPELANT
Monsieur le procureur de la République près Le tribunal judiciaire de Marseille
Représenté par Monsieur Jean-François MAILHES, avocat général près la cour d'Appel d'Aix-en Provence,
INTIMÉS
Monsieur [E] [R]
né le 19 juillet 1988 à [Localité 6] (Tunisie)
de nationalité tunisienne
Comparant en visio-conférence,
Assisté de Maître Maeva LAURENS,
avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, choisie
MONSIEUR LE PREFET DES ALPES MARITIMES
Avisé, non représenté
DÉBATS
L'affaire a été débattue en audience publique 20 novembre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller, délégué par ordonnance du premier président, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier.
ORDONNANCE
Contradictoire,
Prononcée le 21 novembre 2025 à 9h43 par M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, greffier.
* * * *
PROCÉDURE ET MOYENS
Vu l'article L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu la condamnation du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 25 janvier 2021 de Monsieur [E] [R] à une peine d'interdiction du territoire national pour une durée de cinq ans ;
Vu l'arrêté portant exécution d'une interdiction judiciaire du territoire pris le 20 octobre 2025 par la préfecture des Alpes-Maritimes, notifié le même jour à 11h00 ;
Vu l'arrêté de placement en rétention pris le 20 octobre 2025 par le préfet des Alpes-Maritimes et notifiée le même jour à 11h00 ;
Vu l'arrêté portant maintien en rétention suite à demande d'asile pris par le préfet des Alpes- Maritimes le 29 octobre 2025 notifié le même jour à 16h35 ;
Vu la requête préfectorale en deuxième prolongation de la mesure de rétention déposée le 18 novembre 2025 au greffe du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille ;
Vu l'ordonnance rendue par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille le 19 novembre 2025 rejetant la requête préfectorale en prolongation de la mesure de rétention de Monsieur [E] [R] ;
Vu l'appel interjeté par Monsieur le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille le 19 novembre 2025 à 16h32 ;
Vu l'ordonnance rendue le 19 novembre 2025 par la déléguée du premier président de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui a déclaré recevable et fondée la demande formée par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille tendant à voir déclarer son appel suspensif et dit que Monsieur [E] [R] serait maintenu à la disposition de la justice jusqu'à ce qu'il soit statué sur le fond à l'audience de la Cour d'Appel d'Aix-en-Provence qui se tiendra le 20 novembre 2025 ;
Vu les conclusions transmises le 20 novembre 2025 par le parquet général.
A l'audience,
Monsieur [E] [R] a été entendu, il a déclaré : 'j'ai fait une demande d'asile, il y a deux ou trois semaines. Oui, la demande a été traitée. Oui, c'est un rejet. J'accepte. J'ai eu la décision hier... Non, je n'ai à dire sur le fond. J'ai toute ma famille ici. Je n'ai personne en Tunisie. Cela fait quinze ans que je suis là. Je suis entre deux. Je suis obligé de respecter la loi mais je suis ici pour ma famille. Mes parents sont malades. Mon père a un cancer, il fait de la chimio. Je suis avec ma famille. Je travaille un peu à droite, à gauche. Oui, j'ai un hébergement chez mon frère.'
Monsieur l'Avocat Général, dont les déclarations sont consignées dans le procès-verbal d'audience a comparu et a été entendu en ses explications, il reprend les termes de la déclaration d'appel et de ses conclusions et sollicite l'infirmation de l'ordonnance du premier juge ainsi que le maintien de l'appelant en rétention. Il fait notamment valoir que le recours administratif ne fait pas partie des pièces imposées par le texte de 2018. Le registre doit comprendre les dates de prolongation. Une décision récente de la cour d'appel d'Aix-en-Provence en 2025 précise que les mentions liées aux présentations consulaires n'ont pas à apparaître sur le registre. Dans ces conditions, la requête est recevable. Le recours à l'OFPRA ne fait pas partie des mentions essentielles. De plus il y a une interdiction judiciaire du territoire. Les garanties de représentation sont peu démontrées.
La préfecture ne comparaît pas.
L'avocate du retenu, régulièrement entendue, demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention et ses observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience. Elle expose que :
- il y a eu un recours contre l'arrêté fixant le pays de destination et celui concernant l'arrêté de maintien en rétention dont l'accusé de réception montre que ce recours a bien été transmis à la préfecture le 3 novembre 2025,
- selon plusieurs dispositions du CESEDA le magistrat doit s'assurer que depuis la précédente présentation le retenu a été en mesure de faire valoir ses droits, dont le premier est de faire un recours notamment contre l'arrêté de placement en rétention,
- l'arrêté du 6 mars 2018 concerne le registre et le traitement dont il résulte que certaines mentions doivent être inscrites sur le registre pour contrôler l'exercice des droits,
- la mention du recours contre l'arrêté de maintien en rétention est fondamental car il permet de contrôler la régularité du maintien en rétention de l'intéressé,
- le procureur de la République et l'avocat général se réfèrent à une jurisprudence du 8 février 2025 de la cour d'appel d'Aix-en-Provence qui ne concerne pas le même cas d'espèce mais porte sur les diligences,
- en l'occurence le recours est effectif et doit être mentionné sur le registre. Je vous demande confirmer l'ordonnance du premier juge.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.
Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire
L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quatre jours mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.
A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 5] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.
Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.
Selon les dispositions de l'article L.743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L.744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.
Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger par les articles L.744-4 et suivants du CESEDA depuis sa précédente présentation, constitue une fin de non-recevoir pouvant être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief (Civ. 1ère, 4 septembre 2024, n°23-12.550).
Le paragraphe III de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant notamment les procédures juridictionnelles suivantes mises en 'uvre au cours de la rétention :
1° Contentieux administratif type de recours, juridiction saisie date et heure de l'audience, décision, appel ;
2° Contentieux judiciaire présentation devant le juge des libertés et de la détention (JLD) et saisine du JLD par le retenu, date de présentation, décision, appel, date d'audience de la cour d'appel, résultat, motif d'annulation ;
3° Demande d'asile : date et heure du dépôt de la demande, modalité d'instruction, décision de
français de protection des réfugiés et apatrides et date de celle-ci, recours auprès de la Cour nationale du droit d'asile.
En l'espèce le registre de rétention mentionne la décision rendue le 28 octobre 2025 par le tribunal administratif rejetant le recours de M. [R] à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2025 fixant le pays de destination. Toutefois il ne comporte aucune indication en ce qui concerne le second recours intenté le 30 octobre 2025 devant le tribunal administratif de Marseille à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2025 de maintien en rétention, et dont la préfecture des Alpes-Maritimes a le 3 novembre 2025 accusé réception de la notification par la juridiction administrative.
Dès lors, et sans que le retenu n'ait à justifier d'un grief, ledit registre, en ne mentionnant pas un recours juridictionnel relatif à la mesure visant à mettre en oeuvre l'interdiction judiciaire du territoire national dont il fait l'objet ne permet pas au juge de contrôler l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger, et ce à l'inverse du défaut de mention des diligences consulaires sur ce même registre qui n'altère pas le contrôle judiciaire sur l'exercice effectif des droits du retenu.
Dans ces conditions la requête préfectorale en prolongation ne peut qu'être déclarée irrecevable et la mainlevée de la mesure de rétention de M. [R] ordonnée, étant rappelé que celui-ci a obligation de quitter le territoire national en vertu de la condamnation du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 25 janvier 2021.
L'ordonnance querellée du premier juge sera néanmoins infirmée en ce qu'elle a rejeté la requête préfectorale en prolongation et a assigné l'intéressé à résidence alors que les conditions d'une poursuite de la mesure de rétention n'étaient plus réunies.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et par décision réputée contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,
Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 19 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,
Infirmons l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille en date du 19 novembre 2025,
Statuant à nouveau,
Déclarons irrecevable la requête préfectorale en deuxième prolongation de la mesure de rétention de M. [E] [R],
Ordonnons la mainlevée de la mesure de rétention de M. [E] [R],
Rappelons à M. [E] [R] qu'il a obligation de quitter le territoire national en vertu de la condamnation du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 25 janvier 2021.
Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.
Le greffier, Le président,
COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE
Chambre de l'urgence
[Adresse 3]
Téléphone : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01]
Aix-en-Provence, le 19 novembre 2025
À
- Monsieur [E] [R]
- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 4]
- Monsieur le procureur général
- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE
- Monsieur le Procureur Général
N° RG : N° RG 25/02242 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPLBU
OBJET : Notification d'une ordonnance
Concernant Monsieur [E] [R]
J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance, ci-jointe, rendue le 19 novembre 2025, suite à l'appel interjeté par le procureur de la République près le Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE contre l'ordonnance rendue le 19 novembre 2025 par le Juge des libertés et de la détention du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE :
VOIE DE RECOURS
Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.
Le greffier,
Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.