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Décisions

CA Aix-en-Provence, retention administrative, 20 novembre 2025, n° 25/02241

AIX-EN-PROVENCE

Ordonnance

Autre

CA Aix-en-Provence n° 25/02241

20 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

CHAMBRE 1-11, Rétention Administrative

ORDONNANCE

DU 20 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/02241 - N° Portalis DBVB-V-B7J-BPLBT

Copie conforme

délivrée le 20 Novembre 2025 par courriel à :

- l'avocat

- le préfet

- le CRA

- le JLD/TJ

- le retenu

- le MP

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille en date du 19 novembre 2025 à 12H09.

APPELANT

Monsieur [B] [W]

né le 8 novembre 1995 à [Localité 5] (Algerie)

de nationalité algérienne

comparant en visio-conférence en application de l'article L743-7 du CESEDA.

Assisté de Maître Jazz CERALINE,

avocate au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, commise d'office.

et de Madame [Y] [L], interprète en langue arabe, inscrite sur la liste des experts de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence

INTIMÉE

PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

Représentée par Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON, substitué par Me CHENIGUER Rachid, avocat au barreau d'Aix-en-Provence

MINISTÈRE PUBLIC

Avisé, non représenté

******

DÉBATS

L'affaire a été débattue en audience publique le 20 novembre 2025 devant M. Frédéric DUMAS, Conseiller à la cour d'appel délégué par le premier président par ordonnance, assisté de Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier,

ORDONNANCE

Contradictoire,

Prononcée par mise à disposition au greffe le 20 novembre 2025 à 18h35;

Signée par M. Frédéric DUMAS, Conseiller et Mme Carla D'AGOSTINO, Greffier,

PROCÉDURE ET MOYENS

Vu les articles L 740-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'arrêté portant obligation de quitter le territoire national pris le 15 juin 2023 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, notifié le même jour à 9h00 ;

Vu la décision de placement en rétention prise le 14 novembre 2025 par la PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE, notifiée le 15 novembre 2025 à 01h11;

Vu l'ordonnance du 19 novembre 2025 rendue par le magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention du tribunal judiciaire de Marseille décidant le maintien de Monsieur [B] [W] dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Vu l'appel interjeté le 19 novembre 2025 à 16h44 par Monsieur [B] [W] ;

Monsieur [B] [W] a comparu et a été entendu en ses explications ; il déclare : 'j'ai fait appel parce que j'ai reçu une attestation d'hébergement. La personne qui m'héberge est mon cousin. Il m'héberge depuis 2022. Cela fait trois jours que mon cousin m'a donné l'attestation. J'ai refusé d'embarquer parce que j'ai des problèmes en Algérie. Si la mesure est levée, je ne sais pas ce que je vais faire. Je ne peux rien faire d'autre. Je n'ai rien à ajouter.'

Son avocate, régulièrement entendue et dont les observations ont été consignées dans le procès-verbal d'audience, reprend les termes de la déclaration d'appel et demande l'infirmation de l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire ainsi que la mainlevée du placement en rétention. Elle fait notamment valoir que :

- son client est sorti du centre de détention de [Localité 12] le 15 novembre 2025 à 1 heure du matin, est arrivé au local de rétention administrative [Localité 6] vers trois ou huit heures du matin puis il a opposé un refus d'embarquement et est ensuite allé au centre de rétention administrative,

- le parquet a été informé du placement au centre de rétention administrative à 14 heures 25,

- la requête de prolongation est irrégulière dans la mesure où le registre de rétention n'est pas actualisé,

- il y a au dossier le routing mais aucun échange avec les autorités consulaires ni la notification des droits lors du placement au local de rétention administrative et pas l'information du parquet lors du placement au local de rétention administrative,

- il n'y a pas de procès-verbal de transfert du local au centre de rétention, seul le registre du local de rétention mentionne qu'il est sorti à 13 heures 45 et qu'il est arrivé au centre de rétention administrative à 14 heures 25 mais n'indique ni le refus d'embarquement ni les diligences consulaires faites avant le placement en rétention,

- dans le dossier ne figure ni la saisine des autorités faite avant le 15 novembre ni la relance et il n'y a pas de laissez-passer dans le dossier.

Elle sollicite à titre subsidiaire une assignation à résidence dès lors que l'intéressé a un passeport valide et dispose d'une attestation d'hébergement. Il a un enfant français qui réside à [Localité 9] et présente des garanties de représentation.

L'avocat représentant la préfecture, dont les déclarations sont également consignées dans le procès-verbal d'audience, sollicite la confirmation de l'ordonnance du premier juge et le maintien de l'appelant en rétention. Il soulève l'irrecevabilité des nullités invoquées par l'appelant en ce qu'elle n'ont pas été soulevées in limine litis. Il souligne que l'intéressé ne dispose pas de garanties de représentation effectives. L'attestation fournie n'offre pas les garanties d'un domicile permanent et effectif. De surcroît il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement de 2022 et démontre sa volonté de ne pas se respecter la mesure. Il est défavorablement connu des services de police et a déjà été condamné.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La recevabilité de l'appel contre l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention n'est pas contestée et les éléments du dossier ne font pas apparaître d'irrégularité.

Pour autant, aux termes de l'article R743-11 alinéa 1 du CESEDA, à peine d'irrecevabilité la déclaration d'appel est motivée.

En l'occurrence l'appelant demande à la cour d'infirmer la décision du premier juge et, en liminaire de la partie discussion, précise que 's'ajoutent aux moyens développés dans la présente déclaration d'appel, tous éventuels autres moyens déjà développés dans les conclusions de première instance qui ont pu être déposés ou plaidés devant le JLD, et auxquels la présente déclaration se réfère nécessairement'.

Toutefois la juridiction du second degré étant saisie par une déclaration d'appel motivée et la procédure suivie étant orale les moyens soulevés devant le premier juge et non repris dans la déclaration d'appel ou devant le premier président dans le délai d'appel ne peuvent qu'être déclarés irrecevables.

1) - Sur les exceptions de nullité

L'article 74 du code de procédure civile dispose que les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

En application de ce texte les nullités invoquées pour la première fois à l'audience d'appel par M. [W] quant à ses conditions de placement au local de rétention administrative puis au centre de rétention administrative ne peuvent qu'être déclarées irrecevables.

1) - Sur la régularité de la saisine du magistrat du siège du tribunal judiciaire

L'article R.742-1 du CESEDA dispose que le magistrat du siège du tribunal judiciaire est saisi aux fins de prolongation de la rétention par simple requête de l'autorité administrative, dans les conditions prévues au chapitre III, avant l'expiration, selon le cas, de la période de quarante-huit heures mentionnée à l'article L.742-1 ou de la période de prolongation ordonnée en application des articles L.742-4, L.742-5, L.742-6 ou L.742-7.

A cette fin et à peine d'irrecevabilité, selon l'article R.743-2 du même code, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention, à savoir le préfet de département ou de police à [Localité 11] en application de l'article R.741-1. Dans ce cas la requête est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L.744-2.

Ce dernier énonce qu'il est tenu, dans tous les lieux de rétention, un registre mentionnant l'état civil des personnes retenues, ainsi que les conditions de leur placement ou de leur maintien en rétention. Le registre mentionne également l'état civil des enfants mineurs accompagnant ces personnes ainsi que les conditions de leur accueil. L'autorité administrative tient à la disposition des personnes qui en font la demande les éléments d'information concernant les date et heure du début du placement de chaque étranger en rétention, le lieu exact de celle-ci ainsi que les date et heure des décisions de prolongation.

Selon les dispositions de l'article L. 743-9 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire, saisi aux fins de prolongation de la rétention, rappelle à l'étranger les droits qui lui sont reconnus et s'assure, d'après les mentions figurant au registre prévu à l'article L. 744-2 émargé par l'intéressé, que celui-ci a été, dans les meilleurs délais suivant la notification de la décision de placement en rétention, pleinement informé de ses droits et placé en état de les faire valoir à compter de son arrivée au lieu de rétention. Le juge tient compte des circonstances particulières liées notamment au placement en rétention simultané d'un nombre important d'étrangers pour l'appréciation des délais relatifs à la notification de la décision, à l'information des droits et à leur prise d'effet.

Il résulte de la combinaison de ces textes que le registre doit être mis à jour et que la non-production d'une copie actualisée, permettant un contrôle de l'effectivité de l'exercice des droits reconnus à l'étranger au cours de la mesure de rétention, constitue une fin de non-recevoir. Celle-ci doit être accueillie sans que celui qui l'invoque ait à justifier d'un grief dès lors que le juge ne peut s'assurer que l'étranger a été en mesure d'exercer les droits qui lui sont reconnus par les articles L. 744-4 et suivants du CESEDA.

Le paragraphe II de l'annexe de l'arrêté du 6 mars 2018 portant autorisation du registre de rétention et d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé «logiciel de gestion individualisée des centres de rétention administrative» (LOGICRA) prévoit notamment que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la procédure administrative de placement en rétention administrative :

1° Date et heure du prononcé et de la notification de l'arrêté préfectoral de placement en rétention et, le cas échéant, des décisions de prolongation;

2° Lieu de placement en rétention, date et heure d'admission au centre de rétention administrative, date et heure d'un transfert d'un lieu de rétention administrative à un autre lieu de rétention et motif.

Le paragraphe IV de ladite annexe prévoit en outre que sont enregistrées dans les traitements au titre des données à caractère personnel concernant la fin de la rétention et l'éloignement les informations suivantes :

1° Demande de laissez-passer consulaire, consulat saisi, date de la demande d'identification ou de présentation consulaire, type de présentation, motif de non-présentation, date de I'entretien, moyen de transport utilisé, résultat de I'entretien, délivrance du laissez-passer consulaire, date de délivrance, date et fin de validité du laissez-passer consulaire;

2° Réservation du moyen de transport national et international: date prévisionnelle de départ, moyen de transport utilisé, pays de destination, demande de routing, escorte;

3° Fin de la rétention: date et motif de la fin de rétention.

En l'espèce l'appelant soulève le défaut d'actualisation du registre de rétention dans la mesure où les diligences consulaires n'y sont pas mentionnées, ni le refus d'embarquer ou le transfert entre le local et le centre de rétentions administratives.

Tout d'abord les diligences consulaires effectuées par l'administration ne constituent nullement des droits au sens des articles L. 744-4 et suivants du CESEDA, dont le défaut de mention dans le registre de rétention rendrait irrecevable la requête en prolongation de la mesure de rétention, s'agissant au surplus d'une question de fond en application de l'article L741-3 du même code.

Pour le même motif le défaut de mention du refus d'embarquer sur le registre de rétention en saurait affecter la recevabilité de la requête préfectorale en prolongation.

S'agissant du transfert entre le local et le centre de rétentions administratives les mentions relatives notamment aux date et heure de départ et d'arrivée sont importantes dans la mesure où elles permettront d'évaluer le délai de transport d'un lieu à un autre, pendant lequel les droits du retenu sont suspendus, et d'apprécier son caractère excessif le cas échéant.

Dans le cas présent le registre de rétention du premier mentionne un départ le 15 novembre à 13 heures 45 à destination du centre de rétention administrative de [7], dont le registre indique une arrivée à 14 heures 25 de sorte que le juge est à même de contrôler le transfert de l'intéressé d'un lieu de rétention à un autre par le rapprochement des deux registres.

En conséquence il y aura lieu de rejeter la fin de non recevoir tirée du défaut d'actualisation du registre de rétention.

2) - Sur les diligences de l'administration et les perspectives d'éloignement

L'article 15§4 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite 'retour', dispose que lorsqu'il apparaît qu'il n'existe plus de perspective raisonnable d'éloignement pour des considérations d'ordre juridique ou autres ou que les conditions énoncées au paragraphe 1, à savoir le risque de fuite ou l'étranger faisant obstacle à son éloignement, ne sont plus réunies, la rétention ne se justifie plus et la personne concernée est immédiatement remise en liberté.

Par ailleurs l'article L741-3 du CESEDA énonce qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet.

Dans le cas présent l'administration a émis dès le 17 octobre 2025 un routing pour un vol fixé au 15 novembre 2025 à bord duquel l'intéressé a refusé d'embarquer. Le fait que ce dernier ait remis son passeport en cours de validité dispensait la préfecture de solliciter un laisser-passer consulaire auprès des autorités consulaires algériennes.

Au regard de la célérité dont a fait preuve l'administration, l'appelant ne saurait sérieusement lui faire grief de n'avoir pas accompli les diligences légalement requises étant de surcroît rappelé que le préfet n'a pas à justifier des relances faites aux autorités consulaires saisies en temps utile et ce, en l'absence de pouvoir de contrainte sur les autorités étrangères.

Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance des diligences de l'administration ou de l'absence de perspectives d'éloignement sera écarté.

Les conditions d'une première prolongation étant réunies au regard des critères édictés à l'article L742-1 du CESEDA il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

3) - Sur la demande d'assignation à résidence

Selon l'article L743-13 du CESEDA le magistrat du siège du tribunal judiciaire ne peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger que lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives et qu'après remise a un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution.

En l'espèce la demande d'assignation à résidence ne pourra qu'être rejetée en l'absence de garantie de représentation de M. [W] qui s'est soustrait depuis plus de deux ans à la mesure d'éloignement et n'a pas hésité à opposer un refus d'embarquer lors de la tentative d'éloignement.

Pour l'ensemble des motifs précédemment exposés il conviendra de confirmer l'ordonnance du magistrat du siège du tribunal judiciaire.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel interjeté à l'encontre de l'ordonnance du 19 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Marseille,

Déclarons irrecevables les exceptions de nullité soulevées par M. [W],

Confirmons l'ordonnance du magistrat désigné pour le contrôle des mesures d'éloignement et de rétention en date du 19 novembre 2025.

Les parties sont avisées qu'elles peuvent se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation.

Le greffier Le président

Reçu et pris connaissance le :

Monsieur [B] [W]

Assisté d'un interprète

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-11, Rétentions Administratives

[Adresse 10]

Téléphone : [XXXXXXXX02] - [XXXXXXXX03] - [XXXXXXXX01]

Courriel : [Courriel 4]

Aix-en-Provence, le 20 novembre 2025

À

- PREFECTURE DES BOUCHES DU RHONE

- Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de [Localité 8]

- Monsieur le procureur général

- Monsieur le greffier du Magistrat du siège du tribunal judiciaire chargé du contrôle des mesures privatives et restrictives de libertés de MARSEILLE

- Maître Jazz CERALINE

NOTIFICATION D'UNE ORDONNANCE

J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 20 novembre 2025, suite à l'appel interjeté par :

Monsieur [B] [W]

né le 08 Novembre 1995 à [Localité 5] (ALGERIE) (0000)

de nationalité Algérienne

Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.

Le greffier,

VOIE DE RECOURS

Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation.

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