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Décisions

ADLC, 7 septembre 2023, n° 23-D-07

AUTORITÉ DE LA CONCURRENCE

relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de l’électricité

ADLC n° 23-D-07

6 septembre 2023

I. Constatations

1. Seront successivement présentés la saisine (A), le secteur concerné (B), les entités concernées (C), les pratiques dénoncées (D) et les mesures conservatoires sollicitées (E).

A. LA SAISINE

2. Par lettre enregistrée le 15 décembre 2022 sous le numéro 22/0069 F, la société E-Pango (ci-après « E-Pango » ou la « saisissante ») a saisi l’Autorité de la concurrence (ci-après « l’Autorité ») de pratiques anticoncurrentielles qui seraient mises en œuvre par lessociétés Réseau de Transport d’Électricité (ci-après « RTE »), Enedis et Électricité de France (ci-après « EDF ») dans le secteur de la fourniture d’électricité en France2.

3. La saisine était assortie d’une demande de mesures conservatoires présentée sur le fondement de l’article L. 464-1 du code de commerce, enregistrée sous le numéro 22/0070 M3.

4. Consultée sur le fondement de l’article R. 463-9 du code de commerce, la Commission de régulation de l’énergie (ci-après la «CRE ») a rendu son avis le 23 mars 20234.

B. LE SECTEUR CONCERNE

5. Les pratiques dénoncées s’inscrivent dans le cadre de l’exercice, par RTE, de sa mission d’équilibrage du réseau électrique, et auraient conduit, selon la saisissante, à l’évincer du marché de la fourniture au détail d’électricité sur lequel elle est active. Ces deux activités seront donc présentées successivement.

1. LA FOURNITURE D’ELECTRICITE AU DETAIL

a) L’activité de fourniture d’électricité au détail

6. Le secteur de l’électricité est organisé autour de quatre grands pôles : la production, le transport, la distribution et la commercialisation d’électricité.

7. À ceux-ci s’ajoutent des activités purement financières, telles le courtage et le négoce sur le marché de gré à gré ou sur les marchés organisés.

8. Chacun de ces pôles correspond à une activité spécifique pour l’alimentation en électricité des clients finals résidentiels ou non résidentiels (également dénommés « professionnels »).

 9. Parmi les activités de commercialisation, l’activité de fourniture au détail d’électricité aux consommateurs finals consiste à leur vendre de l’électricité achetée en gros ou produite par le fournisseur.

b) L’ouverture à la concurrence de la fourniture d’électricité au détail

10. L’ouverture à la concurrence de l’activité de fourniture d’électricité au détail a été engagée avec l’adoption de la directive n° 96/92/CE du 19 décembre 1996 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et s’est poursuivie de manière progressive5, d’abord pour les industriels, puis pour l’ensemble des consommateurs.

11. Le principe de libre choix du fournisseur d’électricité au détail a été instauré par étapes successives :

− 1er février 1999 : clients consommant plus de 100 gigawattheures (ci-après « GWh »)/an ;

− 1er juin 2000 : clients consommant plus de 16 GWh/an ;

− 1er février 2003 : clients consommant plus de 7 GWh/an ;

− 1er juillet 2004 : tous les clients non résidentiels ;

− 1er juillet 2007 : tous les clients (résidentiels et non résidentiels).

12. Ainsi, en ce qui concerne le secteur de la fourniture d’électricité au détail pour les clients professionnels, le processus d’ouverture à la concurrence s’est achevé le 1er juillet 2004.

13. Deux types d’offres existent sur le marché de détail de l’électricité :

− les tarifs réglementés de vente (TRV), dont les évolutions sont fixées par les pouvoirs publics, qui ne peuvent être proposés que par les fournisseurs historiques et ne concernent que les clients résidentiels et les très petites entreprises (TPE) et assimilés ;

− les offres de marché (ou offres libres), dont les prix sont fixés librement par les fournisseurs.

2. L’EQUILIBRAGE DU RESEAU ELECTRIQUE PAR RTE

14. L’électricité a des caractéristiques propres qui impliquent qu’à tout moment, l’offre et la demande d’électricité doivent être équilibrées sur le réseau. Cet équilibre est garanti par une organisation spécifique mobilisant, dans un premier temps, les fournisseurs et, dans un second temps, RTE.

15. Conformément à l’article L. 321-10 du code de l’énergie, la société RTE, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de transport d’électricité français (GRT), est garante de l’équilibre global des flux d’électricité sur le réseau public de transport. L’électricité étant un produit pas ou peu stockable, il est indispensable que la quantité d’électricité injectée sur le réseau soit, à tout instant, égale à celle qui est soutirée. Dans le cas contraire, le fonctionnement du réseau serait compromis et pourrait entraîner une coupure généralisée ou « black-out »6.

16. Afin d’anticiper au mieux l’équilibre du réseau et limiter l’intervention de RTE, chaque élément du système électrique détenu par un acteur du marché (points d’injection des producteurs et points de soutirage des consommateurs) est rattaché à un responsable d’équilibre, dont la fonction est de pourvoir à l’équilibre entre injections et soutirages à l’échelle de son périmètre7.

17. Seront successivement évoqués le contrat relatif à la fonction de responsable d’équilibre (a), les « règles relatives à la Programmation, au Mécanisme d’Ajustement et au dispositif de Responsable d’équilibre » (ci-après « règles MA-RE ») auxquelles ce contrat est assujetti (b) ainsi que les conséquences attachées à la conclusion d’un tel contrat, qu’il s’agisse de conférer à un acteur de marché la qualité de fournisseur d’électricité (c) ou de l’intervention d’EDF en tant que fournisseur de premier secours en cas de résiliation dudit contrat (d).

a) Le contrat entre le fournisseur d’électricité et RTE relatif à la fonction de responsable d’équilibre

18. L’article L. 321-15 du code de l’énergie pose le principe selon lequel « toute personne intervenant sur les marchés de l’électricité est responsable de ses écarts » entre l’électricité injectée et l’électricité soutirée sur son périmètre, nommé « périmètre d’équilibre ». Cette responsabilité s’exerce soit en propre, l’opérateur exerçant alors lui-même les fonctions de responsable d’équilibre, soit en contractualisant avec un responsable d’équilibre tiers.

19. Dans le premier cas, l’acteur de marché conclut directement un contrat avec RTE afin de définir les modalités selon lesquelles ses écarts lui seront imputés. L’acteur de marché est alors son propre responsable d’équilibre8.

20. Dans le second cas, l’acteur de marché conclut un contrat avec un responsable d’équilibre qui prendra en charge ces écarts en concluant un contrat avec RTE. Le contrat conclu entre l’acteur de marché et le responsable d’équilibre définit les conditions dans lesquelles le responsable d’équilibre prend en charge les écarts réalisés par l’acteur de marché, ainsi que les conditions de rémunération du responsable d’équilibre par l’acteur de marché9.

21. Le responsable d’équilibre s’engage contractuellement auprès de RTE, dans le cadre d’un contrat dénommé « accord de participation », à « coopérer en vue d’assurer un équilibrage efficient et efficace du réseau » et à financer le coût des écarts constatés a posteriori entre l’électricité injectée et l’électricité consommée au sein de son périmètre d’équilibre. Les injections inférieures aux soutirages contraignent RTE à injecter rapidement de l’électricité sur le réseau à fin d’équilibrage, ce qui représente un coût financier pour le GRT qui reçoit une compensation financière. Inversement, lorsque les soutirages sont inférieurs aux injections, c’est le responsable d’équilibre qui reçoit une compensation financière.

22. Le responsable d’équilibre conclut également un deuxième contrat avec le gestionnaire du réseau de distribution (GRD), Enedis en l’occurrence10, pour le raccordement de ses actifs de production et/ou de consommation au réseau de distribution.

23. L’article L. 333-3 du code de l’énergie prévoit que l’autorité administrative peut retirer ou suspendre l’autorisation d’exercer l’activité d’achat pour revente d’un fournisseur lorsque ce dernier ne s’acquitte plus des écarts produits par son activité ou encore lorsqu’il ne satisfait pas aux obligations découlant du dernier alinéa de l’article L. 321-15 du code de l’énergie. La CRE relève ainsi que la prise en charge des écarts d’un fournisseur par un responsable d’équilibre constitue un prérequis pour obtenir le statut de fournisseur d’électricité11.

b) Les règles contractuelles entre le responsable d’équilibre et RTE, dites règles « MA-RE »

24. Conformément aux dispositions du règlement n° 2017/2195 de la Commission du

23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l’équilibrage du système électrique (dit « règlement EB »)12, les États membres doivent établir des règles concernant « les modalités et conditions applicables aux responsables d’équilibre », précisant « les conséquences en cas de non-conformité avec les modalités et conditions applicables aux responsables d’équilibre ».

25. En France, ces modalités sont définies au sein des règles MA-RE, élaborées par RTE en coopération avec Enedis et soumises à l’approbation de la CRE. Selon le C de la section 2 des règles MA-RE, les articles 1 à 5 de la section 1 ainsi que les chapitres A, B et C de la section 2 régissent les relations entre RTE et les responsables d’équilibre et constituent les conditions générales applicables au contrat de participation. Les règles MA-RE s’appliquent également au contrat signé entre les responsables d’équilibre et Enedis.

26. Les dispositions essentielles en sont les suivantes.

27. L’article C.4 de la section 2 des règles MA-RE (« Sécurisation financière du dispositif RE ») prévoit que les responsables d’équilibre doivent disposer d’une garantie financière prenant, notamment, la forme d’une garantie bancaire. Selon la CRE, cette garantie financière détermine le montant de l’encours autorisé du responsable d’équilibre à l’égard de RTE, encours qui correspond « à la somme des écarts non acquittés à date » par le responsable d’équilibre. Tant que l’encours du responsable d’équilibre est inférieur ou égal à cet encours autorisé, il n’y a pas de risque pour RTE de ne pas être en mesure de recouvrer la créance correspondante. Dans le cas contraire, RTE supporte un risque financier et peut mettre le responsable d’équilibre « en demeure de régulariser sa situation financière »13.

28. Le responsable d’équilibre peut alors soit déposer des liquidités auprès de RTE, soit apporter une garantie bancaire plus élevée afin de couvrir son encours. La CRE précise que : « [l]es règles MA-RE ne se prononcent pas sur la possibilité ou non de constituer une garantie bancaire via un échelonnement des paiements. »14

29. L’article C.7 de la section 2 des règles MA-RE permet à RTE, en cas de non-régularisation de sa situation par le responsable d’équilibre, de résilier l’accord de participation.

30. La CRE souligne que les règles MA-RE relatives au dépassement d’encours ont connu un durcissement le 24 janvier 2022, afin de faire face aux conséquences de la crise des prix des marchés de gros de l’électricité et aux enjeux financiers encourus par RTE en cas de défaillance d’un responsable d’équilibre15. Elle précise en outre que, bien que la « délibération de la CRE portant approbation de ces nouvelles règles16 ait été annulée par le Conseil d’Etat pour vice de procédure (défaut de consultation), les nouvelles règles ont été intégrées de manière pérenne, après consultation des acteurs, aux règles MA-RE en vigueur depuis le 1er septembre 202217. Désormais, conformément à ces règles, en cas de dépassement d’encours, RTE peut directement mettre en demeure le RE [responsable d’équilibre] d’augmenter sa garantie bancaire ou d’effectuer un dépôt de liquidité de manière transitoire, dans un délai de cinq jours ouvrés. (…) En l’absence de régularisation dans ce délai de cinq jours, RTE est autorisée à résilier l’accord de participation du RE »18.

31. En cas de différend entre RTE et le responsable d’équilibre, l’article B.14 de la section 2 des règles MA-RE19 précise, dans sa version en vigueur à la date des faits, que les parties « s’engagent à se rencontrer en vue de rechercher une solution amiable ». En application de l’article L. 134-19 du code de l’énergie, et en l’absence d’accord amiable, le comité de règlement des différends (CoRDiS) de la CRE peut être saisi.20 L’article B.14 de la section 2 des règles MA-RE prévoit enfin que « les litiges entre les parties portés devant les juridictions sont soumis au tribunal de commerce de Paris »21.

32. Les modalités de calcul des écarts commis par les responsables d’équilibre sont encadrées par les règles MA-RE (article C.15). Les données sources ou données de comptage sont transmises par Enedis à RTE. Les règles MA-RE (article C.17 et C.18) disposent d’abord que RTE contrôle les données transmises par Enedis. Ces règles prévoient ensuite que le responsable d’équilibre vérifie les données mises à disposition par RTE pour détecter rapidement des anomalies, dans la mesure où il est en droit de contester ces données dans un délai de huit mois après le mois concerné par la facture. Enfin, elles précisent que RTE dispose d’un délai de réponse de deux mois, l’article B.6 prévoyant la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle des gestionnaires de réseaux vis-à-vis des responsables d’équilibre quant aux conséquences dommageables issues d’éventuelles erreurs sur le calcul des écarts.

33. À défaut d’accord sur les données et les modalités de calcul des écarts, le différend est réglé conformément aux principes établis à l’article B.14 de la section 2 des règles MA-RE décrit ci-dessus au paragraphe 3122.

34. Dans le cas où RTE résilie le contrat en raison d’écarts importants constatés, l’ancien responsable d’équilibre souhaitant accéder à nouveau à ce statut doit constituer un dossier complet de demande comprenant, notamment, la transmission des formulaires portés en annexe des règles MA-RE23, conformément à l’article C.3.1 de la section 2. La CRE précise que, selon les règles MA-RE, le délai d’instruction du dossier dépend « de la bonne complétude du dossier transmis »24.

c) L’acquisition de l’autorisation de fourniture

35. Si l’autorisation de fourniture, c’est-à-dire l’autorisation d’exercer l’activité d’achat pour revente, délivrée par le ministre chargé de l’énergie, est conditionnée à la détention d’un accord de participation en tant que responsable d’équilibre ou d’un contrat conclu entre le fournisseur et un responsable d’équilibre, elle n’est pas pour autant « automatique » 25 selon la CRE. En effet, « [c]onformément à l’article L. 333-1 du code de l’énergie, cette autorisation est délivrée en fonction (i) des capacités techniques, économiques et financières du demandeur, et (ii) de la compatibilité du projet du demandeur avec les obligations pesant sur les fournisseurs d’électricité (…). L’article R. 333-2 du code de l’énergie liste par ailleurs des cas dans lesquels une telle autorisation peut être refusée »26. L’instruction du dossier peut prendre jusqu’à deux mois27.

36. Par ailleurs, seul ce statut de fournisseur peut permettre de demander des volumes d’Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique (ARENH)28. Ceux-ci sont attribués chaque année par décision de la CRE à l’occasion d’un guichet organisé en novembre de l’année précédente. Pour l’année 2023, le guichet ARENH a été clôturé le 21 novembre 202229.

d) Le rôle d’EDF en tant que fournisseur de secours

37. Dans le cas où le contrat de responsable d’équilibre d’un fournisseur d’électricité est résilié, ce dernier voit son autorisation de fourniture retirée en l’application de l’article L. 321-15 du code de l’énergie, qui fait du statut de responsable d’équilibre ou de la contractualisation avec un responsable d’équilibre, un prérequis pour le maintien de l’autorisation de fourniture30.

38. L’article L. 333-3 du code de l’énergie permet alors à un fournisseur de secours de se substituer au fournisseur défaillant auprès des clients. La CRE précise à ce sujet qu’« [e]n principe, le fournisseur de secours doit être désigné par arrêté du ministre chargé de l’énergie à la suite d’un appel à candidatures organisé par la CRE. Cependant, compte tenu de la forte hausse des prix de l’électricité, de la faillite d’un fournisseur et de la nécessité d’assurer la continuité d’approvisionnement pour les consommateurs, EDF a été nommée fournisseur de secours transitoire par arrêté en novembre 2021 pour les consommateurs situés sur la zone de desserte d’Enedis et pour ceux situés sur la zone de desserte de RTE. Sur les zones de desserte des entreprises locales de distribution (ELD), ces dernières ont été nommées fournisseurs de secours transitoires sur leurs territoires respectifs. Par ailleurs, les articles L. 333-3 et R. 333-28 du code de l’énergie précisent bien que le client peut s’opposer à son basculement auprès du fournisseur de secours dans un délai de 15 jours. Il peut également résilier à tout moment le contrat avec le fournisseur de secours »31.

C. LES ENTITES CONCERNEES

1. E-PANGO

39. Depuis sa création en décembre 2015, E-Pango est une société dédiée à la fourniture d’électricité à une clientèle de professionnels. Elle a conclu le 20 juin 2017 un accord de participation avec RTE pour être son propre responsable d’équilibre.

40. Depuis le 12 juillet 2021, E-Pango est cotée sur Euronext Growth Paris. En 2021, la société a réalisé un chiffre d’affaires de 35 millions d’euros32.

 2. LA SOCIETE ÉLECTRICITE DE FRANCE

41. La société anonyme Électricité de France (ci-après EDF) est l’opérateur historique de l’électricité en France, présent sur l’ensemble des métiers de l’électricité.

42. EDF a été créée en 1946 sous la forme d’un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC), avant d’être transformée en société anonyme par la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité, du gaz et aux entreprises électriques et gazières. Le 21 novembre 2005, l’entreprise a ouvert son capital par voie d’introduction en bourse.

43. EDF commercialise depuis 1946 des offres de fourniture d’électricité sur environ 95 % du territoire métropolitain continental (zone Enedis et zone RTE33). Conformément à la loi, EDF est également, à ce jour, le seul fournisseur d’offres d’électricité en Corse et dans les territoires ultramarins. Le groupe EDF comporte également de nombreuses filiales actives en France et à l’international34.

44. En 2022, son chiffre d’affaires était de 143,5 milliards d’euros35.

3. RTE

45. RTE est le gestionnaire du réseau de transport d’électricité. Il a pour mission l’exploitation, la maintenance et le développement du réseau de haute et très haute tension (105 000 km de lignes). Depuis 2017, il est détenu à 50,1 % par EDF, à 29,9 % par la Caisse des dépôts et consignations et à 20 % par CNP Assurances.

46. En 2021, RTE a réalisé un chiffre d’affaires de 5,3 milliards d’euros36.

4. ENEDIS

47. Enedis (anciennement « ERDF »), filiale à 100 % d’EDF SA, est le gestionnaire du réseau public de distribution d’électricité sur environ 95 % du territoire français continental. Son activité consiste à exploiter, entretenir et développer près de 1,3 million de kilomètres de réseau appartenant aux autorités concédantes et dont la gestion lui est confiée par le biais de concessions de service public.

48. Enedis est chargée principalement de deux missions de service public. Elle garantit la continuité et la qualité de la desserte électrique sur les réseaux dont elle est concessionnaire. Elle est également chargée « d’assurer, dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires l’accès à ces réseaux », selon l’article L. 322-8 du code de l’énergie.

 D. LES PRATIQUES DENONCEES

49. Après un rappel de la chronologie des pratiques (1), il conviendra de présenter l’analyse qui en est proposée par la saisissante (2), puis les mesures provisoires qu’elle sollicite (3).

1. LA CHRONOLOGIE DES PRATIQUES REPROCHEES A RTE, ENEDIS ET EDF

50. Les pratiques dénoncées par la saisissante trouvent leur origine dans le contexte suivant37.

51. Par délibération du 20 janvier 202238, dans un contexte de crise des prix de l’énergie et de dépassements importants des encours de certains responsables d’équilibre, la CRE a amendé temporairement les règles MA-RE afin de permettre à RTE d’agir plus rapidement lorsque l’encours d’un responsable d’équilibre se creuse, afin de limiter la dette que pourrait lui laisser la défaillance de cet opérateur.

52. Quatre évolutions ont ainsi été prévues :

− réduction de dix à cinq jours du délai entre le constat de la défaillance d’un responsable d’équilibre (c’est-à-dire le dépassement de son encours autorisé) et la résiliation du contrat de participation conclu avec celui-ci ;

− réduction de quatre-vingt-dix à quarante-cinq jours du délai de validité du dépôt de liquidité avant réception d’une garantie bancaire ;

− réduction de trente à cinq jours du délai de paiement des factures pour les responsables d’équilibre ayant dépassé leur encours autorisé ;

− faculté d’augmenter de 5 millions d’euros sous dix jours la garantie financière exigible pour le responsable d’équilibre défaillant, le plafond de la garantie étant porté à 30 millions d’euros39.

53. La délibération a fixé l’entrée en vigueur de ces nouvelles règles au 24 janvier 202240.

54. Après lui avoir notifié le 14 janvier 2022 un dépassement de son encours autorisé, RTE a, le 20 janvier 2022, mis E-Pango en demeure d’augmenter sa garantie de 2,8 millions à 3,2 millions d’euros41, sous peine de résiliation de l’accord de participation.

55. Le 25 janvier 2022, E-Pango a sollicité du tribunal de commerce de Paris l’ouverture d’une procédure de conciliation sur le fondement de l’article L. 611-4 du code de commerce42(procédure prévue pour les entreprises éprouvant une difficulté juridique, économique ou financière et non en situation de cessation de paiement depuis plus de 45 jours). Un conciliateur a été nommé par ordonnance du 1er février 202243.

56. Le 26 janvier 2022, E-Pango a informé RTE qu’elle était en contact avec les équipes compétentes de RTE pour comprendre l’origine des écarts d’encours qui lui étaient imputés44.

57. Soulignant qu’E-Pango avait un encours de 5,8 millions d’euros, supérieur à l’encours autorisé de 2,8 millions d’euros, RTE lui a adressé une nouvelle mise en demeure le 27 janvier 2022, afin que sa garantie bancaire soit portée à 6 millions d’euros sous cinq jours, en application des nouvelles règles MA-RE, sous peine d’une résiliation de l’accord de participation45.

58. Le 31 janvier 2022, E-Pango a envoyé un courrier à RTE, s’étonnant de l’amplitude des écarts constatés par RTE et affirmant attendre « le recollement pour janvier 2022 » afin d’être certaine des écarts imputés46.

59. Le 2 février 2022, le conciliateur désigné par le tribunal de commerce a demandé à RTE de suspendre toutes éventuelles mesures de résiliation de l’accord de participation et proposéd’organiser une réunion le 9 février 202247.

60. Le 3 février 2022, E-Pango a saisi le Conseil d’État d’un recours en excès de pouvoir contre la délibération de la CRE du 20 janvier 2022, assorti d’une demande en référé aux fins d’en suspendre l’application. La société alléguait que la délibération litigieuse, qui était à l’origine de la résiliation de son contrat de responsable d’équilibre, la plaçait dans une situation très grave à laquelle il était urgent de mettre un terme.

61. Le 7 février 2022, RTE a notifié à E-Pango sa décision de résilier l’accord de participation dans la mesure où E-Pango n’avait pas procédé à la régularisation de sa situation concernant sa garantie bancaire48.

62. Le 8 février 2022, le conciliateur désigné par le tribunal de commerce a envoyé à RTE un courrier sollicitant la suspension des effets de la résiliation de l’accord49. Le même jour, en réponse, RTE a indiqué suspendre les demandes de paiement des factures d’encours, mais ne pas surseoir aux effets de la résiliation de l’accord, tout en acceptant de participer à la réunion de conciliation50. RTE exposait que la procédure devant le tribunal de commerce en matière de prévention des difficultés d’entreprises ne permettait pas de s’opposer à la résiliation d’un contrat, mais seulement d’aménager les créances.

63. Le 18 février 2022, la Direction Générale de l’Energie et du Climat (ci-après « DGEC ») a notifié à E-Pango la suspension partielle, à titre conservatoire, de son autorisation d’exercer l’activité d’achat d’électricité pour revente, dans la mesure où E-Pango n’était plus responsable d’équilibre et n’avait pas signé de contrat avec un responsable d’équilibre51. Par arrêté du 18 mars 2022, ladite autorisation a été suspendue en application de l’article L. 333-3 du code de l’énergie.

64. Le 24 février 2022, le Conseil d’État52 a rejeté, pour défaut d’urgence, la requête en référé présentée par E-Pango tendant à la suspension de la délibération précitée de la CRE. Il a relevé que si l’application de la délibération du 20 janvier avait pu accentuer les difficultés rencontrées par E-Pango, notamment en augmentant le montant de la garantie exigible, les autres responsables d’équilibre avaient « pu s’adapter aux nouvelles exigences et que les difficultés d’E-Pango étaient antérieures à la délibération contestée », trouvant « leur origine dans le dépassement récurrent de ses encours »53 depuis décembre 2021. Le Conseil d’État a également souligné que « la délibération litigieuse (devait) permettre d’éviter l’aggravation de l’exposition financière du gestionnaire du réseau de transport et de protéger les utilisateurs sur lesquels les pertes du réseau sont susceptibles d’être répercutées ».

65. Le 25 février 2022, le tribunal de commerce de Paris, saisi le 15 février 2022 par E-Pango, selon une procédure accélérée, toujours sur le fondement de l’article L. 611-4 du code de commerce, a accordé des délais de grâce à E-Pango pour régler sa dette auprès de RTE et a suspendu « les procédures d’exécution suite à la résiliation », tout en précisant que la « décision d’accorder des délais éteint le grief fait par RTE à l’encontre de E-Pango »54.

66. Au mois de mars 2022, des réunions de conciliation ont été organisées entre E-Pango, Enedis et RTE55. Les comptes rendus de ces réunions effectués par le conciliateur indiquent que :

− E-Pango a partagé ses propres calculs d’encours avec RTE afin de démontrer que le montant des écarts était surévalué56 ;

− RTE a affirmé qu’elle n’était pas en mesure d’éclairer E-Pango sur ses consommations, cela relevant de la compétence d’Enedis ;

− concernant le jugement précité du tribunal de commerce de Paris du 25 février 2022, RTE a indiqué que « l’accord de participation d’E-PANGO a été résilié définitivement avant toute intervention du Président du Tribunal de commerce de Paris. Le conseil de E-PANGO n’a pas sollicité l’annulation de la résiliation. Le Jugement du 25 février 2022 n’indiquant pas que la résiliation est annulée, l’accord de participation est donc annulé ; cette analyse est partagée avec la CRE »57. RTE indique en outre que « le traitement de la dette » d’E-Pango peut « être effectué dans le cadre de la conciliation »58 ;

− le conciliateur a indiqué à Enedis qu’il était important que, comme demandé parE-Pango, elle communique « une note sur les flux de S3V »59 et une copie des données transmises par Enedis à RTE. Selon la saisissante, Enedis n’aurait, à la date de la saisine, toujours pas transmis les données communiquées à RTE au titre des écarts de janvier 2022.

− Dans un compte-rendu du 24 mars 2022, le conciliateur indique que les flux de consommation du client S3V de janvier 2022, « une des sources significatives du désaccord sur le montant des écarts négatifs entre RTE et E-Pango, n’ont été adressés à E-Pango que le 14 mars 2022 »60. Pendant la réunion, Enedis aurait corrigé ceux-ci en fonction des observations du conciliateur et évalué l’impact de cette correction sur les écarts négatifs à 48 MWh, soit 11 000 euros61.

67. Le 28 mars 2022, selon la saisissante, le directeur stratégie et développement d’EDF aurait proposé à un membre du conseil d’administration d’E-Pango « un accord de partenariat sur sa solution « Smart Energie » à la seule condition qu’E-PANGO ne reprenne pas ses activités de fourniture en électricité en redevenant concurrent d’EDF »62, ce qui illustrerait la stratégie d’éviction menée par EDF par l’intermédiaire de RTE et d’Enedis.

68. Le 29 mars 2022, RTE a envoyé à E-Pango les formulaires nécessaires et la procédure à suivre pour déposer une demande de contrat de responsable d’équilibre63.

69. Le 27 juillet 2022, E-Pango a réglé à RTE les factures contestées pour un montant d’environ 10 millions d’euros64, condition pour pouvoir formuler une nouvelle demande de contrat de responsable d’équilibre.

70. Le 4 août 2022, la saisissante indique avoir déposé un dossier de candidature auprès de RTE pour signer un nouveau contrat de responsable d’équilibre avec une date de prise d’effet souhaitée au 1er novembre 2022, afin de bénéficier du guichet d’ARENH pour 2023 qui se clôturait le 21 novembre 202265. En réponse à un questionnaire, la saisissante, qui a transmis les pièces jointes au courriel, a affirmé que ce dossier était complet au sens des règles MA-RE alors en vigueur, tout en soulignant qu’elle a estimé ne pas devoir demander à sa banque une nouvelle garantie bancaire. En effet, selon la saisissante, cette nouvelle garantie n’aurait pas été due dans la mesure où RTE disposait déjà de sa garantie bancaire souscrite le 7 janvier 2022 et toujours en vigueur66.

71. Ne recevant pas de réponse à sa demande, E-Pango a effectué des relances les 24 août et 26 septembre 202267.

72. Le 29 septembre 2022, en réponse, RTE a invité E-Pango à la contacter pour lui soumettre une demande de contractualisation68.

73. Parallèlement, E-Pango a saisi le tribunal de commerce de Paris afin que soit rétabli l’accord de participation du 1er juillet 2017 ou, à défaut, que RTE soit contraint de signer un nouveau contrat de participation avec E-Pango69.

74. Le 17 octobre 2022, le Conseil d’État a annulé la délibération précitée de la CRE du 20 janvier 2022 pour défaut de consultation préalable de la Commission Accès au marché, celle-ci étant obligatoire70.

75. Le 14 novembre 2022, la saisissante a mis RTE en demeure de rétablir d’ici le 22 novembre 2022 l’accord de participation au regard de l’arrêt précité du Conseil d’État, estimant que la disparition rétroactive de la délibération de la CRE de l’ordonnancement juridique privait de tout fondement légal la décision de RTE de résilier l’accord de participation71.

 76. Le 18 novembre 2022, RTE a répondu que « cette annulation n’entraine pas, de plein droit et automatiquement, l’obligation pour RTE de « rétablir » l’Accord de Participation, par le biais d’une « exécution spontanée » »72 et que « [l]a facture d’écarts de la société EPANGO ayant été réglée, ce que nous vous avons confirmé par courrier du 24 août 2022, il revient dès lors à cette société de suivre, comme tout demandeur à un accord de participation au dispositif de responsable d’équilibre, et ce en application des Règles en vigueur (…) le processus de souscription d'un nouvel accord de participation »73.

77. Le 25 novembre 2022, E-Pango affirme avoir envoyé à RTE une copie de sa demande du 4 août 202274 de signer un nouveau contrat de responsable d’équilibre.

78. Le 5 décembre 2022, RTE a indiqué qu’elle n’avait pas été en mesure de retrouver le courriel d’E-Pango du 4 août 2022. RTE lui a demandé de lui renvoyer ces éléments, tout en lui rappelant que la demande de contractualisation d’un nouvel accord de participation doit être « conforme aux règles en vigueur depuis le 1er septembre 2022 (telles qu’approuvées par la délibération n° 2022-201 de la Commission de Régulation de l’Energie du 7 juillet 2022 » et qu’« en application de l’article C4 de ces règles, [E-Pango doit] notamment nous fournir une garantie bancaire dont [elle peut] déterminer le montant sur la base de [sa] prévision d’activité (Puissance Moyenne de Soutirage prévisionnelle) et dont la durée de validité est au moins égale à un an »75.

79. Dans un courrier du 6 décembre 2022, E-Pango a demandé à nouveau à Enedis la communication de données dont elle prétendait ne toujours pas disposer, malgré la demande formulée par le conciliateur lors de la réunion de conciliation du 24 mars 2022 et retracée dans le compte rendu, à savoir :

− la « [n]ote sur le sujet des flux de S3V intégrant les divers échanges intervenus » ;

− la « [c]opie des éléments transmis à RTE, qui ont permis de constater l’augmentation des écarts négatifs sur la période de janvier 2022, et une confirmation que ces éléments sont identiques à ceux transmis à E-Pango » 76.

80. Le 31 mars 2023, E-Pango a adressé une lettre à RTE rappelant que les pièces du dossier de contractualisation avaient été envoyées le 4 août 2022, tout en renvoyant les deux formulaires nécessaires (C.1 et C.2) et formulant les demandes suivantes :

« Dans un tel contexte, nous sommes contraints de réitérer nos demandes et vous prions de bien vouloir, par retour de courrier :

- nous indiquer quels sont les documents dont auriez éventuellement besoin pour « réactiver » notre accord de participation en date du 20 juin 2017 (référence RE-1706-0820) ;

- dans l’hypothèse où le rétablissement de cet accord n° RE-1706-0820 ne serait envisageable, nous indiquer quelles informations complémentaires seraient requises pour la contractualisation d’un nouvel accord de participation (voir, en ce sens, notre demande du 4 août 2022 - annexée au présent courrier) ;

- enfin, nous indiquer le montant de la garantie bancaire minimale à mettre en place pour l’année 2023, étant précisé qu’actuellement nous n’avons plus de clients du fait de notre éviction du marché »77.

81. Le 7 avril 2023, en réponse au courrier d’E-Pango du 31 mars 2023, RTE a indiqué que le rétablissement de l’ancien accord de participation ne serait pas conforme aux règles MA-RE en vigueur et qu’il avait bien réceptionné les deux formulaires joints au courrier, le formulaire C.1 du 4 août 2022 et le formulaire C.2 du 14 mars 2022. Néanmoins RTE a indiqué à E-Pango qu’elle n’avait pas envoyé, notamment, des documents listés dans le formulaire C.1 et rappelé que la garantie bancaire devait avoir une durée de validité d’au moins un an, que son montant se déterminait sur la base de la prévision d’activité d’E-Pango, et que ses caractéristiques devaient être conformes au modèle en annexe C.4 des règles MA-RE. RTE a également précisé que la date d’entrée en vigueur de l’accord de participation dépendait de la date d’entrée en vigueur de la garantie bancaire78.

82. Le 21 avril 2023, le tribunal de commerce de Paris a constaté que l’annulation des règles MA-RE par le Conseil d’État privait la résiliation du contrat de participation de fondement juridique et a ordonné à RTE « de rétablir E-PANGO dans le bénéfice de l'AP-RE n° RE_1706_0820 [l’accord de participation entre RTE et E-Pango] sous huit jours de la dernière des dates suivantes :

− preuve de la conformité de E-PANGO à l'ensemble des règles MA-RE, signification du présent jugement,

− signification du présent jugement

− et ce, ce sous astreinte de 10.000,00 € par jour de retard »79.

83. Le 6 juin 2023, RTE a adressé un courrier à E-Pango exposant les raisons pour lesquelles la garantie bancaire produite ne respectait pas les caractéristiques requises par l’article C.4.2 des règles MA-RE80.

2. L’ANALYSE DES PRATIQUES PAR LA SAISISSANTE

84. Selon la saisissante, RTE aurait résilié abusivement son accord de participation en tant que responsable d’équilibre, entraînant le retrait de son autorisation de fourniture d’électricité et ce, dans le seul but de l’évincer du marché de la fourniture au détail de l’électricité au bénéfice d’EDF, désigné en tant que fournisseur de secours. À cette fin, RTE se serait appuyé sur des données de dépassement d’encours erronées transmises par Enedis que ni RTE, ni Enedis n’auraient accepté de transmettre à E-Pango.

85. Après la résiliation de l’accord de participation et le versement par E-Pango des montants, estimés par RTE, dus au titre des dépassements d’encours, RTE n’aurait jamais donné suite aux demandes répétées de la part d’E-Pango de signer un nouvel accord de participation.

86. E-Pango estime, notamment, que sa première demande de contractualisation auprès de RTE le 4 août 2022 serait intervenue dans un délai suffisant pour lui permettre de bénéficier du guichet d’ARENH pour l’année 2023. L’absence de prise en compte de cette première demande par RTE serait de nature à obérer sur toute l’année 2023 la compétitivité prix d’E-Pango par rapport à ses concurrents, qui bénéficient de quotas d’électricité nucléaire historique d’EDF à prix régulé, dans un contexte de prix élevés d’achat d’électricité sur le marché de gros.

87. Selon E-Pango, en mettant en œuvre ces pratiques avec le concours d’Enedis et au bénéfice d’EDF, RTE aurait abusé de sa position dominante sur « le marché des services d’équilibrage aux responsables d’équilibre », pratique prohibée par les articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne(ci-après « TFUE »).

3. LES MESURES CONSERVATOIRES SOLLICITEES

88. Accessoirement à sa saisine au fond, la société E-Pango sollicite de l’Autorité, sur le fondement de l’article L. 464-1 du code de commerce, le prononcé des mesures conservatoires suivantes :

− ordonner à RTE et ENEDIS la communication des données relatives aux écarts imputés à E-PANGO dans les plus brefs délais et au maximum dans un délai de sept jours calendaires à compter de la décision à intervenir aux fins d’établir le montant de la garantie bancaire réellement applicable au nouvel accord de participation ;

− enjoindre à RTE d’entrer de bonne foi dans une négociation visant à conclure un nouvel accord de participation pour permettre à E-PANGO de retrouver sa qualité de responsable d’équilibre ;

− impartir un délai maximum de deux (2) mois afin de trouver un accord sur les termes de l’accord de participation ;

− désigner un mandataire indépendant afin de superviser la négociation du nouvel l’accord de participation ;

− ordonner à EDF de fournir à E-PANGO un tarif de gré à gré pouvant se substituer aux volumes d’ARENH dont E-PANGO aurait dû bénéficier dans le cadre du guichet organisé le 21 novembre 2022 pour l’allocation de volumes d’ARENH en 2023.

II. Discussion

89. Après avoir rappelé les principes applicables en la matière, il conviendra d’examiner si l’Autorité est compétente pour apprécier la conformité des pratiques incriminées au droit de la concurrence.

A. RAPPEL DES PRINCIPES APPLICABLES

90. Aux termes de l’article L. 462-8, alinéa 1, du code de commerce, « [l]’Autorité de la concurrence peut déclarer, par décision motivée, la saisine irrecevable (...) si elle estime que les faits invoqués n’entrent pas dans le champ de sa compétence ».

91. En application de l’article L. 410-1 du même code, les règles relatives à la liberté des prix et de la concurrence s’appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, « y compris celles qui sont le fait des personnes publiques ».

92. Le Tribunal des conflits a cependant jugé, dans son arrêt du 4 mai 2009, Éditions Jean-Paul Gisserot, que l’Autorité n’est pas compétente pour sanctionner la méconnaissance des règles prohibant les pratiques anticoncurrentielles « en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l’organisation du service public ou mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique »81.

93. La Cour de cassation a jugé, dans le même sens, que « les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d’un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique et qui peuvent constituer des actes de production, de distribution et de services au sens de l’article 53 de l’ordonnance du 1er décembre 1986 entrant dans son champ d’application, ne relèvent pas de la compétence du Conseil de la concurrence ; qu’il en est autrement lorsque ces organismes interviennent par leurs décisions hors de cette mission ou ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique »82.

94. Par sa décision du 18 octobre 199983, le Tribunal des conflits a précisé que des pratiques détachables de l’appréciation de la légalité d’un acte administratif, et susceptibles de constituer un abus de position dominante, pouvaient relever de la compétence de l’Autorité :

« [c]onsidérant que les décisions de regrouper à l'aérogare d'Orly-Ouest les activités du groupe Air-France et de refuser à la société TAT European Airlines d'ouvrir de nouvelles lignes à partir de cette aérogare qui se rattachent à la gestion du domaine public constituent l'usage de prérogatives de puissance publique ; qu'il suit de là qu'en ce qui concerne les pratiques relevées par le Conseil de la concurrence qui sont en réalité indissociables de la réorganisation des aérogares d'Orly décidée par l'établissement public puis approuvée, le 4 mai 1994, par le ministre de l'équipement, du transport et du logement, c'est à bon droit que le conflit a été élevé ;

Considérant en revanche, que sont détachables de l'appréciation de la légalité d'un acte administratif, les pratiques d'AEROPORTS DE PARIS susceptibles de constituer un abus de position dominante consistant dans l'obligation faite à la Compagnie TAT European Airlines d'utiliser les services d'assistance en escale de cet établissement public en substitution à ses personnels ; que c'est par suite à tort que l'arrêté de conflit a revendiqué pour la juridiction administrative la connaissance desdites pratiques » (soulignements ajoutés).

95. Cette possibilité pour l’Autorité de connaître de pratiques intervenant hors de la mission de service public attribuée à la personne privée ou publique en cause, ou sans qu’il soit fait usage de prérogatives de puissance publique, a été récemment réaffirmée par la Cour de cassation, par un arrêt du 1er février 202384 aux termes duquel « si les décisions par lesquelles les personnes publiques ou les personnes privées chargées d’un service public exercent la mission qui leur est confiée et mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique et qui peuvent constituer des actes de production, de distribution ou de services au sens de l’article L. 410-1 du code de commerce, entrant dans son champ d’application, ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité de la concurrence, il en est autrement lorsque ces organismes interviennent par leur décision hors de cette mission ou ne mettent en œuvre aucune prérogative de puissance publique » (soulignement ajouté). Ainsi, relève de la compétence de l’Autorité la décision d’une personne privée chargée d’une mission de service public lorsque cette personne intervient par sa décision hors de sa mission de service public ou lorsque cette personne ne met en œuvre aucune prérogative de puissance publique. A contrario, ne relève pas de la compétence de l’Autorité la décision ne satisfaisant à aucune de ces deux conditions.

96. S’agissant du caractère détachable des missions de service public ou de l’exercice de prérogatives de puissance publique présenté par des pratiques, l’Autorité a précisé, dans sa décision n° 01-D-16 du 24 avril 2001, relative à des pratiques relevées à l’occasion de la construction du tramway de Grenoble, que « la décision par laquelle une collectivité publique, d’une part, décide de recourir à une concession pour la réalisation d’un équipement collectif et, d’autre part, choisit les entreprises auxquelles elle confie cette concession, n’est pas un acte de production, de distribution ou de services relevant de la compétence du Conseil de la concurrence ; (…) en revanche, des concertations entre entreprises en vue de répondre à une demande d’un maître d’ouvrage relative à la réalisation de travaux peuvent constituer des pratiques détachables de la décision administrative d’attribution et sont susceptibles de tomber sous le coup des dispositions du livre IV du code de commerce » (soulignement ajouté).

97. Dans sa décision n° 04-D-79 du 23 décembre 2004 relative à des pratiques mises en œuvre par la régie départementale des passages d’eau de la Vendée (RDPEV), l’Autorité a également relevé que les pratiques de la RDPEV relatives aux activités de prestations touristiques et de transport pour lesquelles elle était en concurrence avec d’autres opérateurs économiques n’étaient pas liées directement à la mission de service public assignée à la Régie, qui était d’assurer la continuité territoriale entre le continent et l’Ile d’Yeu. Les pratiques en question étaient donc détachables des actes par lesquels la Régie organisait le service public au moyen de prérogatives de puissance publique et le Conseil de la concurrence compétent pour en connaître.

98. Suivant les mêmes principes, l’Autorité a, dans sa décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la manutention pour le transport de conteneurs au port du Havre, décliné sa compétence pour ce qui concerne la répartition des postes à quai de port, qui ne pouvait être considérée comme dissociable de la gestion du domaine public et de l’exercice par l’établissement portuaire de ses prérogatives de puissance publique. Elle a précisé en revanche qu’« [i]l convient (…) de faire le départ entre le comportement de la personne publique, qui n’est pas dissociable de l’exercice par cette dernière de ses prérogatives de puissance publique - en l’espèce l’attribution des futures conventions d’exploitation de terminal -, et celui des entreprises privées qui, en s’entendant entre elles pour la répartition des capacités permises par les futures conventions, faussent la concurrence sur le marché de la manutention portuaire, qui est une activité de services au sens de l’article L. 410-1 du code de commerce (…) »85.

99. Enfin, l’Autorité, dans sa décision n° 11-D-09 du 8 juin 2011, s’est estimée incompétente pour connaître des pratiques alléguées de RTE dans le cadre de sa mission d’équilibrage du réseau, jugées indissociables de sa mission de service public86.

B. APPLICATION AU CAS D’ESPECE

100. Seront successivement évoquées les questions de l’existence d’une mission de service public et de l’exercice de prérogatives de puissance publique (1), avant d’examiner celle du caractère détachable des pratiques dénoncées (2).

1. SUR L’EXISTENCE D’UNE MISSION DE SERVICE PUBLIC ET L’EXERCICE DE PREROGATIVES DE PUISSANCE PUBLIQUE

101. En l’espèce, la société E-Pango a saisi l’Autorité des pratiques suivantes :

− le retrait par RTE du statut de responsable d’équilibre d’E-Pango, sans accepter d’échelonnement des paiements, et sur le fondement de données de consommation d’électricité fournies par Enedis et RTE, qui seraient erronées ;

− le refus de RTE, selon E-Pango, de lui accorder à nouveau le statut de responsable d’équilibre, condition légale pour reprendre son activité d’achat d’électricité pour revente.

102. Il convient d’examiner si ces pratiques relèvent d’une mission de service public et si elles mettent en œuvre des prérogatives de puissance publique.

a) L’existence d’une mission de service public

103. Comme indiqué ci-dessus au paragraphe 15, la société RTE est responsable de l’équilibragedu réseau.

104. À cet égard, l’article L. 321-10 du code de l’énergie dispose que : « Le gestionnaire du réseau public de transport assure à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci (…) ».

105. Le développement et l’exploitation du réseau public de transport d’électricité est une composante du service public de l’électricité visé à l’article L. 121-1 du code de l’énergie, en vertu de l’article L. 121-2 qui dispose que « [c]onformément aux principes énoncés à l'article L. 121-1, le service public de l'électricité assure les missions de développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, de développement et d'exploitation des réseaux publics de transport et de distribution d'électricité ainsi que de fourniture d'électricité, dans les conditions définies à la présente section ».

106. L’équilibrage du réseau de transport d’électricité, condition-même de son exploitation, est donc une mission de service public qui incombe à la société RTE en vertu de dispositionslégislatives.

107. Le Tribunal des conflits, dans une décision du 26 avril 200487 a considéré que la mission d’équilibrage du réseau confiée par la loi à RTE constituait une mission de service public :

« Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité : "Le service public de l'électricité a pour objet de garantir l'approvisionnement en électricité sur l'ensemble du territoire national, dans le respect de l'intérêt général" ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "Selon les principes et conditions énoncés à l'article 1er , le service public de l'électricité assure le développement équilibré de l'approvisionnement en électricité, le développement et l'exploitation des réseaux publics de transport... d'électricité..." ; que cette dernière mission est notamment confiée, en vertu du même article, à Electricité de France, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de transport ; que, parmi les obligations imposées au service gestionnaire de ce réseau dénommé "Réseau de transport d'électricité" (R.T.E.), qui est un service d'Electricité de France indépendant sur le plan de la gestion des autres activités de l'établissement public, figure celle, énoncée à l'article 15 de la loi, d'"assurer à tout instant l'équilibre des flux d'électricité sur le réseau, ainsi que la sécurité, la sûreté et l'efficacité de ce réseau, en tenant compte des contraintes techniques pesant sur celui-ci" ; (…) » (soulignement ajouté).

108. La CRE le confirme dans son avis du 23 mars 2023 : « Conformément aux dispositions de l’article L. 321-10 du code de l’énergie, il incombe à la société RTE, en sa qualité de gestionnaire du réseau public de transport d’électricité français (GRT), d’équilibrer en temps réel la consommation et la production d’électricité sur ce réseau, afin de maintenir une fréquence globale du réseau à 50 hertz (Hz). Cette prérogative, attribuée à RTE par une disposition législative, constitue une des missions légales du GRT et entre ainsi dans le champ de l’organisation du service public de l’électricité. À cet égard, le Règlement (UE) 2019/943 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 sur le marché intérieur de l’électricité (dit « règlement électricité ») définit l’équilibrage comme " l’ensemble des actions et processus, à toutes les échéances, par lesquels les gestionnaires de réseaux de transport maintiennent, en permanence, la fréquence du réseau dans une plage de stabilité prédéfinie et assurent la conformité avec le volume de réserves nécessaires pour fournir la qualité requise" (…) »88 (soulignement ajouté).

109. Enfin, l’Autorité a, au regard de ces textes et jurisprudences, affirmé, dans sa décision n° 11-D-09 du 8 juin 2011 précitée, que « [l]a mission de RTE d’équilibrage du réseau entre donc dans le champ de l’organisation du service public de l’électricité »89, ce que ne contested’ailleurs pas la saisissante.

b) L’exercice de prérogatives de puissance publique

110. Pour le bon accomplissement de cette mission de service public que constitue l’équilibrage du réseau de transport public d’électricité, RTE dispose de prérogatives de puissance publique.

111. Ainsi, conformément à l’article 4 du règlement n° 2017/2195 de la Commission du 23 novembre 2017 concernant une ligne directrice sur l'équilibrage du système électrique :

« 1. Les GRT définissent les modalités et conditions ou les méthodologies requises par le présent règlement et les soumettent pour approbation aux autorités de régulation compétentes conformément à l'article 37 de la directive 2009/72/CE dans les délais respectifs fixés par le présent règlement ». Aux termes de l'article 5 de ce règlement : « 1. Chaque autorité de régulation (...) approuve les modalités et conditions ou les méthodologies élaborées par les GRT, en application des paragraphes 2, 3 et 4. Avant d'approuver les modalités et conditions ou les méthodologies, (...) les autorités de régulation compétentes révisent les propositions si nécessaire, après avoir consulté les GRT respectifs, afin de s'assurer qu'elles sont conformes à la finalité du présent règlement et qu'elles contribuent à l'intégration du marché, à l'absence de discrimination, à une concurrence effective et au fonctionnement efficace du marché./ (...)/ 4. Les propositions de modalités et conditions ou de méthodologies suivantes et chacune de leurs modifications sont soumises à l'approbation de chaque autorité de régulation de chaque Etat membre concerné, au cas par cas: /(...) / c) les modalités et conditions relatives à l'équilibrage, en application de l'article 18; / (...)/ g) le cas échéant, le mécanisme supplémentaire de règlement distinct du règlement des déséquilibres, afin de régler les coûts d'acquisition de capacités d'équilibrage, les coûts administratifs et les autres coûts liés à l'équilibrage, avec les responsables d'équilibre, en application de l'article 44, paragraphe 3; / (...) ».

112. Les GRT se voient donc reconnaître, par la réglementation européenne, la capacité de définir les conditions et modalités du service de l’équilibrage du réseau d’électricité, sur approbation de l’autorité compétente en matière de régulation de l’énergie, la CRE en ce qui concerne la France.

113. S’agissant plus particulièrement du dispositif des responsables d’équilibre, l’article 18 de ce même règlement, auquel renvoient les dispositions générales précitées, prévoit que : « Modalités et conditions relatives à l’équilibrage. 1. Au plus tard six mois après l'entrée en vigueur du présent règlement et pour toutes les zones de programmation d'un État membre, les GRT de cet État membre élaborent une proposition concernant: a) les modalités et conditions applicables aux fournisseurs de services d'équilibrage; b) les modalités et conditions applicables aux responsables d'équilibre. (…) 2. Les modalités et conditions en application du paragraphe 1 couvrent également les règles de suspension et derétablissement des activités de marché, et les règles relatives au règlement en cas de suspension des activités de marché, en application, respectivement, des articles 36 et 39 du règlement (UE) 2017/2196, dès qu'elles sont approuvées conformément à l'article 4 de ce même règlement. (…) ».

114. En droit interne, l’article L. 321-14 du code de l’énergie dispose que « [l]e gestionnaire du réseau public de transport procède aux comptages nécessaires à l'exercice de ses missions. Sous réserve des stipulations contractuelles, il peut, compte tenu des écarts constatés par rapport aux programmes mentionnés à l'article L. 321-9 et des coûts liés aux ajustements, demander ou attribuer une compensation financière aux utilisateurs concernés. /Les méthodes de calcul des écarts et des compensations financières mentionnées au précédent alinéa sont approuvées par la Commission de régulation de l'énergie ». L’élaboration des règles concernant le calcul des écarts du responsable d’équilibre et les compensations financières correspondantes relève de RTE, après approbation de la CRE.

115. L’ensemble des relations entre RTE et les responsables d’équilibre sont régies par les règles MA-RE, élaborées par RTE dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique et approuvées par la CRE, et dont certaines sont intégrées aux accords de participation, comme précisé ci-dessus au paragraphe 25.

116. En conclusion, les pratiques contestées par la saisissante, et notamment la résiliation unilatérale de son contrat prononcée sur le fondement de l’article C.7 précité des règles MA-RE, relèvent donc de l’exercice par RTE de sa mission de service public au moyen de prérogatives de puissance publique, ce que ne conteste pas la saisissante.

2. SUR LE CARACTERE DETACHABLE DES PRATIQUES ALLEGUEES

117. La société E-Pango soutient toutefois que les pratiques de RTE qu’elle dénonce sont détachables de la mission de service public d’équilibrage du réseau dévolue à RTE du fait, notamment, de leur illégalité au regard des règles MA-RE.

118. La saisissante fait plus particulièrement valoir qu’en se déliant de la procédure amiable prévue par l’article B.14 des règles MA-RE alors en vigueur, en refusant de transmettre des données relatives à la justification de ses écarts, et en refusant d’exécuter le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 février 2022, la société RTE s’est placée en dehors du champ de sa mission de service public. Ces points sont examinés successivement ci-après.

a) La procédure amiable

119. La saisissante souligne que les règles MA-RE, à l’article B.14 alors en vigueur, imposent qu’en « cas de différend les parties s’engagent à se rencontrer en vue de rechercher une solution amiable. À cet effet, la Partie demanderesse Notifie à l’autre Partie, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, les éléments suivants (…) ». Elle relève que RTE aurait, en ne déférant pas à certaines demandes du conciliateur, refusé de se conformer à cette procédure, ce qui révèlerait son objectif de l’évincer du marché au profit d’EDF, et constituerait un acte détachable de sa mission de service public.

120. L’Autorité relève toutefois que le conciliateur désigné par le tribunal de commerce à la demande d’E-Pango n’intervenait pas sur le fondement de l’article précité, mais sur celui des articles L. 611-3 et suivants du code de commerce, relatifs à la prévention des difficultés des entreprises et tendant à leur éviter une procédure collective, nonobstant leur endettement.

121. RTE, dès le 8 février 2022 et de façon constante durant les différentes réunions de conciliation, a clairement indiqué que la résiliation de l’accord de participation n’était pas contraire, selon elle, aux dispositions de l’article L. 611-7 du code de commerce relatives à la conciliation, qui ne concernent que la suspension éventuelle de l’exigibilité d’une créance. En effet, selon RTE, aucune disposition du code de commerce relative à la prévention des difficultés des entreprises ne permet au conciliateur de s’opposer à la résiliation ou à la suspension d’un contrat et, en l’espèce, à la résiliation de l’accord de participation d’E-Pango en application des règles MA-RE90. RTE a d’ailleurs réitéré sa position devant le tribunal de commerce.

122. Ainsi, le fait que la société RTE n’ait pas répondu favorablement à toutes les injonctions du conciliateur nommé par le président du tribunal de commerce ne permet pas d’établir que la société RTE se serait placée en dehors de sa mission de service public dans un but distinct de l’équilibrage du réseau.

b) La transmission des données

123. Les articles C.15.4.1 à C.15.4.8 des règles MA-RE détaillent les données que RTE doit transmettre au responsable d’équilibre, lesquelles sont vérifiées par le responsable d’équilibre, conformément à l’article C.1791. L’article C.18.1 aménage une procédure de contestation par le responsable d’équilibre des données élaborées par RTE, qui renvoie à l’article B.14 sur le règlement des différends en cas de persistance du désaccord.

124. La saisissante soutient que le calcul par RTE des écarts de consommation ayant justifié la demande d’augmentation de sa garantie bancaire serait erroné. Elle lui a, en conséquence, demandé des justifications, en sollicitant, conformément aux règles MA-RE précitées, la transmission des données de consommation.

125. Les échanges intervenus entre les parties sur ce point font état d’un différend persistant quant à la réalité et l’exactitude des données transmises, qu’il s’agisse du courrier du 31 janvier 2022 adressé à RTE par E-Pango, lequel fait état de données détaillées transmises par RTE92 du 6 au 12 janvier 2022, et conteste l’ampleur des écarts constatés par le GRT, ou du courrier d’Enedis du 8 mars 202293 dans lequel Enedis fournit une réponse au sujet de la consommation contestée par E-Pango des données de consommation du client S3V.

126. Il ressort du compte rendu de la réunion de conciliation entre Enedis et E-Pango du 24 mars 202294 qu’Enedis a transmis, le 14 mars 2022, « les flux de consommation de S3V de janvier 2022, une des sources significative du désaccord sur le montant des écarts négatifs entre RTE et E-Pango ». Il a été relevé au cours de cette réunion qu’« après analyse des flux de janvier 2022, les écarts négatifs indiqués par RTE sont injustifiés ». Toutefois, des discussions ont eu lieu au cours de la réunion, à l’issue desquelles Enedis aurait corrigé ses données, comme mentionné supra au paragraphe 66. Il a donc été demandé à Enedis une « note sur le sujet des flux de S3V intégrant les divers échanges intervenus », ainsi qu’une « copie des éléments transmis à RTE », pour vérifier qu’ils étaient bien identiques à ceux transmis à E-Pango.95 (soulignement ajouté). Cette réunion atteste donc bien de l’existence d’échanges de données. Doutant de la fiabilité des données qui lui ont été transmises par RTE et estimant ne pas disposer des éléments nécessaires au calcul de ses encours, E-Pango a, de nouveau, par un courrier du 6 décembre 202296, demandé à Enedis des explications et communication des données en question.

127. L’Autorité relève qu’E-Pango n’a pas déclenché la procédure ad hoc de règlement des litiges sur le calcul des écarts prévue à l’article L. 14 des règles MA-RE. Dans son avis du 23 mars 2023 rendu dans le cadre de la présente instruction, la CRE a précisé que le CoRDIS n’avait pas été saisi de la question de la transmission des données litigieuses97, ce point ayant été confirmé en séance. Le tribunal de commerce n’a pas davantage été saisi de cette question, l’ayant été successivement sur le fondement des procédures collectives (jugement du 25 février 202298) et en contestation de la résiliation de l’accord de participation, faute de base légale (jugement du 21 avril 202399).

128. L’ensemble de ces éléments, qui témoignent de la persistance d’un désaccord sur le montant des écarts constatés par RTE, à l’issue des différents échanges entre E-Pango, RTE et Enedis, dans un contexte de difficulté technique affectant le calcul des consommations d’un client particulier, ne saurait établir que RTE et Enedis auraient, dans leur relation avec la saisissante, adopté un comportement concerté visant à l’exclure du marché en surévaluant les écarts sur la base de données erronées. Dès lors, aucun comportement détachable de la mission de service public de RTE ou d’Enedis ne peut être caractérisé.

c) Le jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 février 2022

129. La saisissante se prévaut du jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 février 2022 lui ayant accordé la possibilité d’étaler le paiement de la somme de 3,2 millions d’euros, correspondant à la première hausse de garantie financière sollicitée par RTE, sur une période de 16 mois à raison de 16 versements de 200 000 euros. Elle soutient que le tribunal a également suspendu « [l]es procédures d’exécution qui auraient été engagées par la SA RTE (RESEAU DE TRANSPORT D’ELECTRICITE) à l’encontre de la SA E-PANGO suite à la résiliation du 7 février 2022 de l’accord de participation en qualité de responsable d’équilibre référencé n° RE 17.06.0820, et ce, pendant la période d'exécution de l’échéancier que nous autorisons à la SA E-PANGO afin de mettre en place la garantie demandée ». La saisissante allègue également que, dans ses motifs, le jugement précise que cette décision « éteint le grief fait par RTE à l’encontre de E-PANGO de ne pas avoir ajusté la garantie bancaire à hauteur de 6,0 M€ ».

130. La saisissante indique en outre que, depuis sa demande de contractualisation d’un nouvel accord de participation envoyée à RTE par courriel du 4 août 2022 comprenant, selon elle, les pièces jointes nécessaires à l’instruction du dossier, aucune réponse ne lui est parvenue.

131. Elle déduit de ces éléments que le non-respect, par RTE, du jugement en question et le rejet de sa nouvelle demande constituent des actes détachables de l’exercice de sa mission de service public.

132. Il ressort toutefois du compte-rendu de réunion de conciliation du 8 mars 2022100 que ce jugement a fait l’objet d’une divergence d’interprétation entre, d’une part, le service juridique de RTE et, d’autre part, E-Pango et le conciliateur. Si le conciliateur estime que ce jugement suspend la résiliation de l’accord de participation d’E-Pango et lui permet de maintenir son activité, la direction juridique de RTE soutient le contraire. Selon RTE, l’accord de participation a été définitivement résilié avant même que le jugement intervienne, et le jugement lui-même ne prononce pas la suspension de la résiliation.

133. Il ressort ensuite des éléments du dossier qu’à la suite des deux relances adressées par E-Pango concernant sa demande de contractualisation d’un nouvel accord, E-Pango a été invitée par RTE, par courrier du 29 septembre 2022, à la contacter pour formaliser sa demande101, son courriel du 4 août 2022 n’ayant pas été « retrouvé » par les services de RTE mobilisés sur le sujet102. Or, le courrier d’E-Pango du 25 novembre 2022 indiquant qu’une copie de sa demande initiale du 4 août 2022 avait été envoyée ne fait état que d’une pièce jointe (le formulaire C.1), alors que les documents nécessaires à la complétude du dossier, comme le souligne elle-même la saisissante, sont plus nombreux.

134. Il résulte enfin des derniers échanges intervenus entre les parties que, bien que RTE ne lui ait pas donné une suite favorable, faute pour E-Pango d’avoir transmis, selon RTE, une garantie bancaire conforme aux exigences prévues par les règles MA-RE103, RTE a bien instruit la demande de nouvel accord de participation d’E-Pango.

135. Dans ces conditions, l’absence de réactivation par RTE de l’accord de participation dont bénéficiait E-Pango et les échanges relatifs à la conclusion d’un nouvel accord ne révèlentpas des comportements détachables de la mission de service public d’équilibrage de RTE.

Conclusion

136. Il résulte de ce qui précède que l’Autorité n’est pas compétente pour connaître des pratiques dénoncées par la société E-Pango. La saisine enregistrée sous le numéro 22/0069 F doit donc être déclarée irrecevable en application du 1er alinéa de l’article L. 462-8 du code de commerce.

137. Cette déclaration d’irrecevabilité entraîne, par voie de conséquence, le rejet de la demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 22/0070 M.

 

DÉCISION

Article 1er : La saisine enregistrée sous le numéro 22/0069 F est déclarée irrecevable.

Article 2 : La demande de mesures conservatoires enregistrée sous le numéro 22/0070 M est rejetée.

 

2 Cotes 1-66.

3 Cotes 67-79.

4 Cotes 1581-1586 (VNC), 1587-1592 (VNC) et cotes 1587 (VC), 1574 (VNC).

5 Voir la directive n° 2003/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et abrogeant la directive 96/92/CE et la directive 2009/72/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l’électricité et abrogeant la directive 2003/54/CE. Ces textes ont fait l’objet de transpositions en droit national par le biais de plusieurs lois : loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières ; loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique ; loi n° 2006-1537 du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie ; loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l'électricité : loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

6 Voir avis de la CRE, cote 1583.

7 Cote 1583.

8 Cotes 1583-1584.

9 Cotes 1583-1584

10 Dans la présente affaire, Enedis est le GRD concerné. Toutefois Enedis n’est pas le gestionnaire de la totalité du réseau français de distribution d’électricité.

11 Cote 1584.

12 Article 18, paragraphe 1,b) et paragraphe 6,i).

13 Cote 1584.

14 Cote 1585.

15 Cote 1585.

16 Délibération de la CRE du 20 janvier 2022 portant décision relative aux règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d'équilibre.

17 Délibération de la CRE du 7 Juillet 2022 portant approbation des règles relatives à la programmation, au mécanisme d'ajustement et au dispositif de responsable d’équilibre.

18 Cote 1585.

19 Devenu Article B.16 par la suite, seule la numérotation ayant été modifiée.

20 Cote 1585 , la CRE précisant en outre que « Le CoRDiS s'est d'ailleurs déjà prononcé sur un différend entre la société Enel Trade en tant que RE et la société RTE, relatif à leur accord de participations », Décision du comité de règlement des différends et des sanctions de la Commission de régulation de l'énergie du 1er octobre 2012 sur le différend qui oppose la société Enel Trade à la société RTE relatif à la révision des conditions générales de l'accord de participation liant les deux parties.

21 Cote 1585.

22 Cote 1588.

23 Cote 1584.

24 Cote 1589.

25 Cote 1589.

26 Cote 1589.

27 Cote 1589.

28 L’ARENH, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, est un dispositif qui permet, depuis le 1er juillet 2011, aux fournisseurs alternatifs d’accéder à un prix régulé à l’électricité produite par les centrales nucléaires historiques d’EDF qui étaient en service à la date de promulgation de la loi NOME. L’article L. 336-3 du code de l’énergie prévoit que le volume maximal cédé à ce titre à un fournisseur est calculé : « en fonction des caractéristiques et des prévisions d'évolution de la consommation des consommateurs finals (…) que l'intéressé fournit et prévoit de fournir sur le territoire métropolitain continental, et en fonction de ce que représente la part de la production des centrales (…) dans la consommation totale des consommateurs finals. » Ainsi, tout consommateur d’électricité procure à son fournisseur un droit à l’ARENH et les droits des fournisseurs alternatifs doivent globalement correspondre à la réalité du mix énergétique français (environ 70 % d’énergie nucléaire) (voir Rapport d’évaluation de l’Autorité du 22 juillet 2021 sur le dispositif des tarifs réglementés de vente d’électricité, p. 12 à 13.).

29 Délibération de la CRE du 1er décembre 2022 relative à l’allocation des volumes d’ARENH dans le cadre du guichet s'étant clos le 21 novembre 2022.

30 Cote 1584.

31 Cote 1588.

32 Cotes 8 et 9.

33 RTE gère le réseau de transport qui se compose des lignes Très Haute Tension (THT) et Haute Tension (HT).

34 Voir le document d’enregistrement universel 2020 du groupe EDF, pages 10 et 11, disponible ici : https://labrador.cld.bz/EDF-Document-d-enregistrement-universel-2020/10/.35 https://www.edf.fr/groupe-edf/edf-en-bref.

36 https://www.rte-france.com/actualites/resultats-annuels-2021-confirment-bonne-sante-financiere.

37 Cotes 25 à 34.

38 Délibération n° 2022-25 de la Commission de régulation de l’énergie du 20 janvier 2022 portant décision relative aux règles relatives à la programmation, au mécanisme d’ajustement et au dispositif de responsable d’équilibre.

39 Cote 1797.

40 Cotes 25 et 1803.

41 Cotes 1251 et 1252.

42 C’est l’Autorité qui souligne.

43 Cote 1268.

44 Cotes 1261 à 1266.

45 Cotes 1269 à 1271.

46 Cotes 1272 à 1274.

47 Cotes 1275 à 1279.

48 Cote 1281.

49 Cotes 1282 à 1284

50 Cotes 1285 à 1287 : « Nous vous confirmons suspendre à date nos demandes de paiement des factures en cours et à venir et notamment la facture référencée n°217012518 d'un montant de 3 461943,79 € TTC émise le 28/01/2022 et exigible le 02/02/2022. En revanche, nous ne pouvons répondre favorablement à votre demande de suspendre tous les effets de notre lettre de résiliation datée du 7 février 2022. (…) conformément à l'article C.4.3 des Règles, il était demandé à E-PANGO, sous délai de 5 jours ouvrés, de fournir une garantie financière à hauteur de 6 000 000 € (montant calculé conformément aux Règles en vigueur le 27 janvier 2022). A l'expiration du délai susnommé, nous n'avons pas reçu la couverture financière attendue pour le RE E-PANGO. Dès lors, suivant la procédure décrite à l'article C.7 des Règles en vigueur, RTE a procédé à la résiliation de l'accord de participation de Responsabilité d'Equilibre d'E-PANGO le 07/02/2022 – à 23h59. Cette résiliation n'est pas contraire aux dispositions du code de commerce relatives à la procédure de conciliation puisque l'article L. 611-7 dudit code impose uniquement au créancier de suspendre l'exigibilité de sa créance. En revanche, aucune disposition du code de commerce ne prévoit la possibilité pour le conciliateur ou le débiteur de s'opposer à ou de solliciter la suspension de la résiliation d'un contrat pour défaut d'exécution d'une disposition contractuelle, comme c'est le cas ici. ».

51 Cotes 1291 à 1293, « Vous nous avez adressé en retour un courrier daté du 10 février 2022, dans lequel vous nous indiquez contester la mise en demeure de la société RTE pour révision à la hausse de la garantie financière (…). Les procédures contentieuses en cours vis-à-vis des décisions de RTE et de la délibération de la CRE ne permettent pas au fournisseur E-PANGO de déroger à son obligation de prise en charge des écarts générés par la consommation de ses clients et de contractualisation avec un responsable d’équilibre. De plus, ce courrier du 10 février, les échanges entre mes équipes et les vôtres qui s’en sont suivis jusqu’au 17 février et les renseignements pris par nos soins auprès de RTE et d’ENEDIS, n’ont pas permis d’apporter de visibilité concernant la prise en charge des écarts qui incombent à la société E-PANGO depuis le 7 février 2022. En vertu des dispositions des articles L. 142-30 et R. 333-6 du code de l'énergie, je vous informe par conséquent de la suspension partielle, à titre conservatoire, de l’autorisation de la société E-PANGO pour l’achat d’électricité pour revente aux clients finals et aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, concernant la souscription de nouveaux contrats, en raison du manquement aux obligations découlant du deuxième alinéa de l’article L. 321-15 et du 2°i) de l’article R.333-1 du code de l'énergie qui lui incombent. Cette suspension est d’application immédiate. ».

52 Ordonnance du 24 février 2022, n° 461075, cotes 1 801 à 1 805.

53 C’est l’Autorité qui souligne.

54 Cote 1360.

55 Cotes 1363 à 1384.

56 Cote 1366 : « En synthèse, la facture n° 217 012 576 d'u montant TTC de 6.032.205,65 € intègre les consommations des points de décompte du Syndicat des 3 Vallées [S3V3 entré dans le périmètre de E-PANGO depuis le 1er janvier 2022. De son côté, E-PANGO n'est pas en mesure de facturer le Syndicat des 3 Vallées, du fait que ENEDIS n'a pas transmis, à date, les données de consommations du mois de janvier 2022 ; étant précisé que ces données sont habituellement disponibles sous un délai de 2/3 jours. En l'absence de ces données, E-PANGO n'est pas en mesure de valider les consommations facturées par RTE, qui sont supérieures d'environ 40% aux estimations faites par E-PANGO (…). ».

57 Cote 1366.

58 Cote 1366.

59 Au regard du contexte et de la mention dans la saisine de ce client, il s’agit de la consommation du Syndicat des Trois Vallées, dont le saisissant affirme qu’il n’est pas possible qu’il ait consommé autant d’électricité.

60 Cote 1384.

61 Cote 1384 : « Des discussions entre les parties, et selon la compréhension du Conciliateur, 1 des 2 points de décompte de S3V n’était pas en « courbe de charge », mais en « profil » sans « décompte des décomptants ». ENEDIS indique qu’après correction, l’impact est de 48 MWh, soit 11 K € d’encours générés ».

62 Cote 34.

63 Cote 1397.

64 Cotes 1391 à 1395.

65 Cotes 1397 à 1399.

66 Cotes 1822.

67 Cotes 1401 et 1407.

68 Cotes 1432 à 1434.

69 Cote 2096.

70 CE, 17 octobre 2022 n° 461073.

71 Cotes 1409 à 1411.

72 Cote 1436.

73 Cote 1437.

74 Cote 2098.

75 Cotes 1438 à 1441.

76 Cotes 1420 à 1431.

77 Cotes 1605 à 1608.

78 Cote 2102.

79 Cotes 2183 à 2189

80 Cote 1281.

81 TC, 4 mai 2009, n° 3714, Éditions Jean-Paul Gisserot.

82 Cass. com, 16 mai 2000, affaire « Semmaris », n° 98-11800.

83 TC, 18 octobre 1999 n° C03174 TAT/ADP.

84 Cass. com, 1er février 2023, ordre des architectes, n° 20-21.844.

85 Décision n° 10-D-13 du 15 avril 2010, paragraphe 149.

86 Décision n° 11-D-09 du 8 juin 2011 relative à des pratiques mises en œuvre par EDF et RTE dans le secteur de l’électricité, paragraphes 106 à 126.

87 TC, 26 avril 2004, conseil supérieur consultatif des comités mixtes à la production et autres, n° C3379.

88 Cote 1583.

89 Décision n° 11-D-09 du 8 juin 2011, paragraphes 110 à 112.

90 Cote 1359.

91 Cote 1498-1500.

92 Côtes 1272 à 1274.

93 Cote 1388 à 1390.

94 Cote 1382-1384.

95 1384.

96 Cote 1420-1431.

97 Cote 1588.

98 Voir paragraphe 65.

99 Voir paragraphe 82.

100 Côte 1363-1371

101 Cotes 1432 à 1434.

102 Cote 1541.

103 Cotes 2095 à 2102.et cotes 2193-2194.

 

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