Cass. 1re civ., 3 février 2021, n° 19-16.599
COUR DE CASSATION
Arrêt
Rejet
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Batut
Rapporteur :
Kerner-Menay
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 7 février 2019), entre octobre 2006 et août 2008, la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur (la banque) a consenti à la société civile immobilière DG Immo quatre prêts immobiliers pour financer l'acquisition d'appartements, garantis par des cautions consenties par MM. M... et I... B..., ses associés.
2. Après avoir vainement mis en demeure la SCI DG Immo et MM. M... et I... B... de régler des échéances impayées, la banque les a, par acte du 9 juin 2015, assignés en paiement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. M. I... B..., fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en nullité de son cautionnement au titre du premier des prêts et d'accueillir la demande de la banque, alors « que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d'une mention manuscrite indiquant l'identité du débiteur principal ; que la cour d'appel a relevé que la mention manuscrite par laquelle M. I... B... s'était porté caution au titre du prêt d'un montant de 303 500 euros indiquait, en qualité de débiteur principal, « M... B... (SCI DG Immo) » ; qu'en jugeant néanmoins que le cautionnement avait été donné pour garantir la dette de la société DG Immo, et non celle de M. M... B..., la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation, en sa rédaction applicable en l'espèce. »
Réponse de la Cour
4. Selon l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable au litige, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature d'une mention manuscrite telle qu'édictée par ce texte, et uniquement de celle-ci, comportant notamment l'identité du débiteur principal.
5. Ayant constaté que, lors de son engagement de caution au titre de ce prêt, M. I... B... avait systématiquement ajouté, à côté du nom et du prénom de son fils, M. M... B..., la mention « SCI DG Immo » entre parenthèses, la cour d'appel en a déduit, à bon droit, que l'identité du débiteur principal était mentionnée dans l'acte et que le cautionnement était valide.
6.Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
7. M. M... B... fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la banque, alors :
« 1°/ qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement, manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution personne physique lors de sa conclusion, d'établir qu'au moment où il l'appelle son patrimoine lui permet de faire face à son obligation ; que la cour d'appel a constaté que l'engagement de la caution était disproportionné au jour de sa souscription, au regard des revenus de M. M... B... et de son patrimoine immobilier, d'une valeur nette pondérée de 810 396 euros ; que la cour d'appel a constaté que la banque justifiait, sans le réactualiser en 2015, de ce que le patrimoine immobilier détenu par la caution présentait une valeur nette pondérée de 810 396 euros ; que, pour accueillir l'action en paiement à l'encontre de M. M... B..., la cour d'appel a considéré que la valeur de ce patrimoine avait nécessairement augmenté, du fait de la diminution du capital restant dû pour chaque emprunt des SCI, et de l'acquisition d'un nouveau bien en 2008, donnant une valeur nette minimale en avril 2015 de 21 247 euros ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'elle constatait que la banque ne justifiait que de l'étendue du patrimoine de M. M... B... en 2007, sans le réactualiser en 2015, tandis que la preuve de l'étendue de ce patrimoine incombait au créancier, la cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
2°/ qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement, manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution personne physique lors de sa conclusion, d'établir qu'au moment où il l'appelle, son patrimoine lui permet de faire face à son obligation ; que la cour d'appel a constaté que l'engagement de la caution était disproportionné au jour de sa souscription, au regard des revenus de M. M... B... et de son patrimoine immobilier, d'une valeur nette pondérée de 810 396 euros ; que la cour d'appel a constaté que la banque justifiait, sans le réactualiser en 2015, de ce que le patrimoine immobilier détenu par la caution présentait une valeur nette pondérée de 810 396 euros ; que, pour accueillir l'action en paiement à l'encontre de M. M... B..., la cour d'appel a considéré que la valeur de ce patrimoine avait nécessairement augmenté, du fait de la diminution du capital restant dû pour chaque emprunt des SCI, et de l'acquisition d'un nouveau bien en 2008, donnant une valeur nette minimale en avril 2015 de 21 247 euros ; qu'en statuant ainsi, par des motifs dont il ressort que la valeur nette pondérée du patrimoine immobilier de la caution était, en 2015, égale à 21 247 euros, tandis que sa valeur était en 2007 de 810 396 euros, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que ce patrimoine avait diminué, violant ainsi les articles 1353 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 ;
3°/ que la cour d'appel a constaté que l'engagement de la caution était disproportionné au jour de sa souscription, au regard des revenus de M. M... B... et de son patrimoine immobilier, d'une valeur nette pondérée de 810 396 euros ; que, pour accueillir l'action en paiement de la banque à l'encontre de M. M... B..., la cour d'appel a considéré que la caution était gérant de la SCI DG Immo, débiteur principal, et « à la tête » de la SCI CDG Immo, de la Sarl NDG Immo et des SAS DS Réception et VIP Consulting, et que M. M... B... ne justifiait pas des bilans de ces sociétés ni de ses revenus actualisés ; qu'en statuant par de tels motifs, impropres à établir qu'en sa qualité de dirigeant de ces sociétés M. M... B... disposait de revenus lui permettant de faire face à son engagement, ce qu'il appartenait à la banque d'établir, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1353 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation, en sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
9. Après avoir estimé que l'engagement de M. M... B... était, lors de la conclusion du cautionnement, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, l'arrêt retient que la banque justifie, après la revente du bien, que, même si elle ne l'a pas réactualisé en 2015, le patrimoine immobilier détenu par M. M... B..., au travers des SCI Dakar, DG Immo et Leratoc, présente au regard de l'estimation de leurs biens et des capitaux restant dus au titre des prêts au 20 août 2007, une valeur nette pondérée de 810 396 euros et que cette valeur est nécessairement supérieure dès lors que le capital restant dû de chaque emprunt a diminué et qu'un nouveau bien a été acquis au prix de 229 000 euros donnant une valeur nette minimale en avril 2015 de 21 247 euros. Il ajoute que la banque démontre également que M. M... B... est non seulement gérant des SCI DG Immo et Leratoc mais qu'il est également gérant ou associé de quatre sociétés dont trois sociétés commerciales, créées entre novembre 2009 et septembre 2013 exerçant dans le domaine de l'immobilier ou l'organisation de congrès et présentant pour deux d'entre elles un résultat d'exploitation bénéficiaire.
10. De ces énonciations et constatations, procédant de son appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a pu déduire que le patrimoine de M. M... B... lui permettait, au jour des réclamations de la banque, de faire face à ses engagements.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. I... et M... B... aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. I... et M... B... et les condamne in solidum à payer à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Provence Côte d'Azur la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois février deux mille vingt et un.