Cass. 1re civ., 13 novembre 1997, n° 95-20.107
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
LEMONTEY
Rapporteur :
Delaroche
Avocat général :
Gaunet
Attendu que, le 5 juin 1990, la Banque populaire de l'Ouest (BPO) a consenti à la société JFB Matériel un prêt de 350 000 francs destiné au financement de fonds de roulement de l'entreprise;
que ce prêt était assorti de la garantie de la Sofaris et des cautionnements solidaires de M. X..., gérant de la société, et de M. Y..., associé, à hauteur de 175 000 francs chacun;
que la liquidation judiciaire de la société a été prononcée le 4 août 1992;
qu'après mise en demeure des cautions, la banque les a assignées en paiement de la somme de 319 073,90 francs, outre les intérêts au taux contractuel;
que M. Y... a opposé que son consentement avait été vicié, que la banque n'avait pas exécuté ses obligations de bonne foi et que, par application de l'article 48 de la loi du 1er mars 1984, elle devait être déchue des intérêts échus jusqu'à la mise en demeure des cautions le 26 août 1992;
que l'arrêt attaqué a condamné solidairement M. Baron et M. Y... à verser à la BPO, chacun, la somme de 175 000 francs en principal avec intérêts au taux conventionnel majoré à compter du 26 août 1992 ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le moyen, d'une part, que la cour d'appel ne pouvait se dispenser de s'expliquer sur les conclusions d'appel de l'intéressé invoquant l'absence de déclaration régulière de sa créance par la BPO et faisant, par conséquent, valoir que l'exécution des cautionnements ne pouvait plus être poursuivie en raison de l'extinction de la créance;
qu'elle a, en conséquence, violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
et alors, d'autre part, que le prêt consenti par la BPO s'intégrait dans le cadre d'un programme de financement d'un montant de 1 500 000 francs pour lequel M. Y... s'était porté caution de la société JFB Matériel;
qu'il appartenait à la cour d'appel de rechercher si l'engagement de caution souscrit par M. Y... n'était pas manifestement disproportionné par rapport à sa surface financière, non au regard de l'action du prêt de 350 000 francs, mais à celui du montant total de l'opération de financement à laquelle la banque avait donné son consentement;
que la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 7-4 de la loi n° 78-22 du 10 janvier 1978 et 2011 du Code civil ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions du 29 juillet 1994 de M. Y..., qui se bornait à prétendre, au titre de la justification de la déclaration de créance, que "la production d'un document unilatéral sans accusé de réception ni acceptation ne vaut pas justificatif", la BPO a, le 7 octobre 1994, précisé qu'elle produisait la copie de sa déclaration de créances ainsi que l'accusé de réception;
que dans le dernier état de ses conclusions, M. Y... n'a pas repris ce chef de discussion;
que, dès lors, la cour d'appel, qui, en confirmant le jugement, a fait sienne la constatation de la régularité de la déclaration de créance, n'avait pas à s'expliquer plus amplement sur ce point;
qu'ensuite, la cour d'appel n'avait à se prononcer que sur la validité de l'engagement de la caution à l'occasion du seul prêt octroyé par la BPO au regard des vices du consentement et non au regard des dispositions de l'article 7-4 de la loi du 10 janvier 1978, laquelle n'était pas dans le débat et exclut de son champ d'application les prêts destinés à financer les besoins d'une activité professionnelle;
que le grief est nouveau, mélangé de fait et, partant, irrecevable ;
Mais sur le second moyen :
Vu l'article 48 de la loi du 1er mars 1984 ;
Attendu que, pour décider que la BPO était en droit d'obtenir le paiement des intérêts échus au taux conventionnel depuis l'arrêté des comptes sur la somme principale jusqu'à parfait paiement dans la limite des engagements des cautions, l'arrêt, après avoir relevé que le prêt avait été consenti au mois de juin 1990 et que la société JFB Matériel avait été déclarée en redressement judiciaire le 3 janvier 1992, retient que la banque avait satisfait à son devoir d'information en justifiant avoir adressé aux deux cautions, le 18 mars 1991, l'état de la situation comptable du prêt au 31 décembre 1990 ;
Attendu qu'en se prononçant ainsi, alors qu'il résulte de ses constatations que l'état adressé ne faisait apparaître que le capital restant dû, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la BPO était en droit d'obtenir paiement des intérêts échus au taux conventionnel depuis l'arrêté des comptes sur la somme principale jusqu'à parfait paiement, l'arrêt rendu le 16 mai 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;
Condamne la BPO aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;