CJUE, 9e ch., 27 novembre 2025, n° C-746/24
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPEENNE
Arrêt
Question préjudicielle
PARTIES
Demandeur :
Bank Millennium SA
Défendeur :
PR
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président de chambre :
M. Condinanzi
Juges :
N. Jääskinen, R. Frendo
Avocat général :
R. Norkus
Avocats :
M. Hudyma, W. Budzewski, C. De Nicola, M. Cherubini, A. De Curtis
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29), ainsi que du principe d’effectivité.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Bank Millennium SA, un établissement bancaire, à PR, un consommateur, au sujet d’une action en restitution du montant du prêt versé en vertu d’un contrat annulé en raison de clauses abusives y figurant.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le vingt-quatrième considérant de la directive 93/13 énonce que « les autorités judiciaires et organes administratifs des États membres doivent disposer de moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’application de clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ».
4 L’article 6, paragraphe 1, de cette directive dispose :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
5 L’article 7, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :
« Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel. »
Le droit polonais
Le code civil
6 Aux termes de l’article 58, paragraphe 1, de l’ustawa – Kodeks cywilny (loi portant code civil), du 23 avril 1964 (Dz. U. no 16, position 93), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après le « code civil ») :
« Un acte juridique contraire à la loi ou visant à contourner la loi est nul et non avenu, à moins qu’une disposition pertinente n’en dispose autrement, notamment qu’elle prévoie que les dispositions invalides de l’acte juridique soient remplacées par les dispositions pertinentes de la loi. »
7 En vertu de l’article 3851, paragraphes 1 et 2, du code civil :
« 1. Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas ce consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui‑ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant manifestement atteinte à ses intérêts (clauses illicites). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui déterminent les prestations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non équivoque.
2. Lorsqu’une clause du contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres dispositions du contrat. »
8 L’article 405 de ce code prévoit :
« Toute personne qui, sans fondement juridique, a obtenu un avantage pécuniaire aux dépens d’une autre personne est tenue de restituer cet avantage en nature et, si cela n’est pas possible, d’en rembourser la valeur. »
9 L’article 410 dudit code dispose :
« 1. Les dispositions des articles précédents s’appliquent, notamment, en cas de prestation indue.
2. Une prestation est indue si la personne qui l’a fournie n’était absolument pas tenue de la fournir ou n’était pas tenue de la fournir à la personne à qui elle a été fournie, si le fondement de cette prestation a disparu, si le but visé par ladite prestation n’a pas été atteint ou si l’acte juridique exigeant la même prestation était nul et n’est pas devenu valable après que cette dernière a été fournie. »
10 Aux termes de l’article 498 du même code :
« 1. Lorsque deux personnes sont simultanément et réciproquement débiteurs et créanciers, chacune d’elles peut procéder à la compensation entre sa créance et celle de l’autre partie si les deux créances portent sur de l’argent ou des choses d’une même nature désignées uniquement par leur genre, si les deux créances sont exigibles et peuvent être invoquées devant une juridiction ou une autre autorité de l’État.
2. Par l’effet de la compensation, les deux créances se compensent à concurrence de la créance la moins élevée. »
Le code de procédure civile
11 L’article 98, paragraphes 1 et 3, de l’ustawa – Kodeks postępowania cywilnego (loi portant code de procédure civile), du 17 novembre 1964 (Dz. U. de 1964, no 43, position 296), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après le « code de procédure civile »), dispose :
« (1) La partie qui succombe est tenue de rembourser à la partie adverse les frais que celle-ci a nécessairement exposés pour faire valoir ses droits ou pour se défendre utilement (dépens), s’il est conclu en ce sens.
[...]
(3) Les dépens indispensables d’une partie représentée par un avocat comprennent les honoraires, sans dépasser toutefois les taux d’honoraires visés dans des dispositions spécifiques et les sommes dépensées par l’avocat, les frais de justice et les frais de comparution personnelle de la partie. »
12 L’article 100 du code de procédure civile prévoit :
« Au cas où il ne serait fait que partiellement droit aux conclusions, les dépens seront mutuellement supportés ou répartis proportionnellement. Toutefois, la juridiction peut condamner l’une des parties à l’ensemble des dépens si la partie adverse n’a succombé que sur une part minime de ses conclusions ou si la fixation du montant qui lui était dû était subordonnée à la détermination d’obligations réciproques ou à l’appréciation de la juridiction. »
13 Aux termes de l’article 101 de ce code :
« Les dépens sont remboursés au défendeur même si le recours a été accueilli, lorsque cette partie n’a pas provoqué l’introduction du recours et a acquiescé aux conclusions de la requête lors du premier acte de procédure. »
14 L’article 102 dudit code est libellé comme suit :
« Dans des cas particulièrement justifiés, la juridiction peut ne condamner la partie qui succombe qu’à une partie des dépens, voire ne pas la condamner du tout à ce titre. »
15 L’article 103, paragraphe 1, du même code dispose :
« La juridiction peut, quelle que soit l’issue du procès, imposer à une partie ou à un intervenant l’obligation de rembourser les dépens causés par leur comportement négligent ou manifestement inapproprié. »
La loi relative aux frais de justice en matière civile
16 L’article 13, paragraphe 2, de l’ustawa o kosztach sądowych w sprawach cywilnych (loi relative aux frais de justice en matière civile), du 28 juillet 2005 (Dz. U. no 167, position 1398), dans sa version consolidée (Dz. U. de 2022, position 1125, ci‑après la « loi relative aux frais de justice »), prévoit :
« Dans les affaires en matière de droits patrimoniaux, lorsque la valeur de l’objet du litige ou la valeur de l’objet du recours dépasse 20 000 [zlotys polonais (PLN) (environ 4 713 euros)], un droit proportionnel s’élevant à 5 % de cette valeur, mais ne dépassant pas 200 000 PLN [(environ 47 136 euros)], est perçu sur l’acte de procédure. »
17 Aux termes de l’article 13a de loi relative aux frais de justice :
« Dans les affaires portant sur des créances liées à des transactions bancaires, des frais fixes de 1 000 PLN [(environ 236 euros)] sont dus par une partie qui est un consommateur ou une personne physique gérant une entreprise familiale si la valeur de l’objet du litige ou la valeur de l’objet du recours dépasse 20 000 PLN [(environ 4 713 euros)]. »
Le litige au principal et la question préjudicielle
18 Le 27 juin 2008, PR et Bank Millennium ont conclu un contrat de crédit portant sur un montant de 640 000 PLN (environ 150 000 euros), libellé en francs suisses (CHF).
19 PR a réglé les mensualités de ce crédit à hauteur des sommes de 126 421,23 PLN (environ 29 800 euros) et de 66 600,96 CHF (environ 71 480 euros).
20 Le 26 juin 2020, PR a introduit un recours contre Bank Millennium visant à obtenir la constatation de la nullité de ce contrat et la restitution des prestations indûment fournies en exécution de celui‑ci.
21 Par un arrêt du 11 mai 2022, le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie, Pologne), qui est la juridiction de renvoi, a constaté la nullité du contrat de crédit en raison des clauses abusives qu’il contenait. Par conséquent, cette juridiction a condamné Bank Millennium à verser à PR les montants de 65 907,32 PLN (environ 15 530 euros) et de 66 600,96 CHF (environ 71 480 euros), majorés des intérêts de retard au taux légal à compter du 19 février 2022 jusqu’à la date de paiement, ainsi qu’à rembourser les dépens exposés par ce dernier. Cet arrêt a été confirmé en appel par le Sąd Apelacyjny w Warszawie (cour d’appel de Varsovie, Pologne).
22 Le 23 novembre 2022, Bank Millennium a introduit, devant la juridiction de renvoi, un recours contre PR tendant à obtenir la condamnation de ce dernier au remboursement du capital du prêt, soit un montant de 640 000 PLN (environ 150 000 euros), majoré des intérêts de retard au taux légal à compter de la date d’introduction du recours jusqu’à la date de paiement. Elle demande également à ce que PR soit condamné au paiement des dépens, incluant, d’une part, les frais de justice représentant 5 % de la valeur de l’objet du litige, soit 32 000 PLN (environ 7 544 euros), et, d’autre part, les frais de représentation par un avocat, fixés forfaitairement à 10 800 PLN (environ 2 546 euros).
23 La juridiction de renvoi nourrit des doutes quant à la compatibilité du régime de répartition des dépens prévu en droit polonais avec la directive 93/13.
24 Elle relève, tout d’abord, que, en vertu du code de procédure civile, le principe de base régissant la répartition des dépens dans les procédures civiles est celui de la responsabilité pour l’issue de l’affaire, selon lequel, d’une part, la partie qui succombe est tenue de rembourser les dépens à la partie ayant obtenu gain de cause conformément à l’article 98, paragraphe 1, de ce code et, d’autre part, en cas d’accueil partiel des chefs de conclusions, les dépens sont mutuellement supportés ou répartis proportionnellement en application de l’article 100 dudit code. Ce principe serait tempéré par plusieurs exceptions prévues aux articles 101, 102 et à l’article 103, paragraphe 1, du code de procédure civile, à savoir, respectivement, la possibilité que les dépens restent à la charge du requérant lorsque le défendeur a acquiescé aux conclusions de la requête lors du premier acte de procédure, le recours au principe d’équité et l’application du principe de la faute. Toutefois, selon ladite juridiction, aucune de ces exceptions ne trouverait à s’appliquer en l’espèce.
25 Ensuite, se référant à la jurisprudence de la Cour [arrêts du 22 septembre 2022, Servicios prescriptor y medios de pagos EFC, C‑215/21, EU:C:2022:723, point 41, et du 21 mars 2024, Profi Credit Bulgaria (Services accessoires au contrat de crédit), C‑714/22, EU:C:2024:263, point 83], la juridiction de renvoi souligne que le régime de répartition des dépens applicable à une procédure visant à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle ne doit pas avoir pour effet de dissuader le consommateur d’exercer les droits que lui reconnaît la directive 93/13.
26 À cet égard, cette juridiction observe que, dans l’affaire au principal, PR pourrait être condamné à verser à Bank Millennium, outre le capital emprunté d’un montant de 640 000 PLN (environ 150 000 euros), assorti des intérêts de retard au taux légal, un montant total de 42 800 PLN (environ 10 090 euros) au titre des dépens. Une telle charge financière, équivalente à environ six mois de salaire moyen en Pologne, serait susceptible de porter atteinte tant aux objectifs de la directive 93/13 qu’au principe d’effectivité du droit de l’Union.
27 En outre, s’agissant de la structure des coûts dans les deux procédures judiciaires concernées, ladite juridiction précise que si le montant des honoraires d’avocat, à savoir 10 800 PLN (environ 2 546 euros), est identique, que la procédure soit engagée par le professionnel ou le consommateur, il en va différemment des frais de justice. En effet, dans le cadre de la procédure visant à obtenir la nullité du contrat de crédit, PR a dû s’acquitter d’un montant de 1 000 PLN (environ 236 euros), en application de l’article 13a de la loi sur les frais de justice, lorsqu’il a introduit son recours contre la banque, tandis que cette dernière réclame 32 000 PLN (environ 7 544 euros) au titre des frais de justice dans la procédure au principal qu’elle doit supporter conformément à l’article 13, paragraphe 2, de cette loi.
28 Cela étant, la juridiction de renvoi constate que, d’une part, PR avait été dûment informé, tant par son conseil que par elle-même dans le cadre de la procédure initiale que celui‑ci a intentée, des conséquences de la nullité du contrat de crédit, notamment de l’obligation de rembourser le capital prêté, les éventuels intérêts de retard au taux légal, ainsi que les dépens. Il ne saurait, dès lors, être valablement soutenu que la condamnation aux dépens revêtirait pour le consommateur un caractère imprévisible.
29 D’autre part, cette juridiction relève que PR aurait pu acquiescer aux conclusions du recours de la banque dès réception de la requête. Une telle démarche aurait entraîné l’application de l’article 101 du code de procédure civile et Bank Millennium aurait alors été tenue de supporter l’intégralité des dépens. Par ailleurs, PR aurait pu invoquer la compensation des créances, conformément à l’article 498, paragraphe 1, du code civil. S’il avait formulé une déclaration de compensation après réception de la requête, les créances réciproques des parties se seraient éteintes à concurrence de la créance la moins élevée, en application du paragraphe 2 de ce dernier article. La créance de la banque aurait ainsi été notablement diminuée. Or, PR aurait opté pour une stratégie procédurale différente consistant à contester la créance de la banque en invoquant la prescription, moyen que ladite juridiction estime infondé.
30 Enfin, la juridiction de renvoi se demande si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne lui imposent pas d’imputer au professionnel toutes les conséquences négatives de l’inclusion de clauses contractuelles illicites dans le contrat. En effet, si le contrat de crédit n’avait pas contenu de clauses abusives, la procédure au principal n’aurait pas eu lieu. Il s’agirait, dès lors, de déterminer si, dans une telle hypothèse, le professionnel ne devrait pas supporter l’intégralité des dépens dans le cadre de la présente procédure, quelle qu’en soit l’issue, et même dans le cas où il obtiendrait entièrement gain de cause.
31 C’est dans ces conditions que le Sąd Okręgowy w Warszawie (tribunal régional de Varsovie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :
« L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive [93/13], ainsi que le principe d’effectivité, doivent‑ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une législation nationale permettant de condamner le consommateur aux dépens dans le cadre d’une procédure dans laquelle la juridiction nationale a fait droit au recours du professionnel ayant pour objet la restitution par le consommateur des prestations fournies en exécution d’un contrat nul du fait qu’il contient des clauses contractuelles abusives ? »
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
32 Bank Millennium excipe de l’irrecevabilité de la question préjudicielle au motif que celle‑ci ne porte pas sur l’interprétation du droit de l’Union dès lors que les dispositions de la directive 93/13 ne sont pas applicables aux effets de la suppression des clauses abusives. En effet, cette question, relative au remboursement des dépens dans le cadre d’une action en restitution introduite par la banque, concernerait l’interprétation du seul droit national.
33 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le système de coopération établi à l’article 267 TFUE est fondé sur une séparation nette des fonctions entre les juridictions nationales et la Cour. Dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de cet article, l’interprétation des dispositions nationales appartient aux juridictions des États membres et non à la Cour, et il n’incombe pas à cette dernière de se prononcer sur la compatibilité de normes de droit interne avec les dispositions du droit de l’Union. En revanche, la Cour est compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit de l’Union qui permettent à celle-ci d’apprécier la compatibilité de normes de droit interne avec la réglementation de l’Union (voir arrêts du 16 mars 1978, Oehlschläger, 104/77, EU:C:1978:69, point 4, et du 17 mars 2021, Consulmarketing, C-652/19, EU:C:2021:208, point 32 ainsi que jurisprudence citée).
34 En outre, conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [voir arrêts du 29 novembre 1978, Redmond, 83/78, EU:C:1978:214, point 25, et du 2 février 2023, Towarzystwo Ubezpieczeń Ż (Contrats types d’assurance trompeurs), C‑208/21, EU:C:2023:64, point 42 ainsi que jurisprudence citée].
35 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [voir arrêts du 7 septembre 1999, Beck et Bergdorf, C‑355/97, EU:C:1999:391, point 22, et du 2 février 2023, Towarzystwo Ubezpieczeń Ż (Contrats types d’assurance trompeurs), C‑208/21, EU:C:2023:64, point 43 ainsi que jurisprudence citée].
36 Tel n’est cependant pas le cas dans la présente affaire.
37 En effet, il ressort de la décision de renvoi que le litige au principal porte sur une action en restitution du capital prêté, engagée par Bank Millennium contre PR, faisant suite à une première procédure ayant conduit à l’annulation d’un contrat de crédit au motif qu’il contenait des clauses abusives. Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi interroge expressément la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union et, en particulier, sur celle qu’il convient de donner à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité. Cette juridiction cherche à savoir si ces dispositions doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à une législation nationale conduisant à ce que, dans le cadre d’une telle action en restitution, un consommateur qui succombe puisse être condamné à supporter des frais de justice, inclus dans les dépens, qui excèdent significativement ceux qu’aurait dû supporter ce consommateur s’il avait succombé dans le cadre d’une action intentée par lui visant à faire constater le caractère abusif de ces clauses et, le cas échéant, la nullité de celles-ci et du contrat de crédit.
38 Dans ces conditions, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation sollicitée de la directive 93/13 soit sans aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal ou que le problème soulevé présente un caractère hypothétique. Dès lors, en l’occurrence, l’objection tirée de l’inapplicabilité de cet acte à l’affaire au principal n’a pas trait à la recevabilité de la demande de décision préjudicielle, mais relève du fond des questions [voir, en ce sens, arrêt du 24 février 2022, TGSS (Chômage des employés de maison), C‑389/20, EU:C:2022:120, point 31 et jurisprudence citée].
39 Par conséquent, la question préjudicielle est recevable.
Sur le fond
40 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la coopération entre les juridictions nationales et la Cour instituée à l’article 267 TFUE, il appartient à celle‑ci de donner au juge national une réponse utile qui lui permette de trancher le litige dont il est saisi. Dans cette optique, il incombe, le cas échéant, à la Cour de reformuler les questions qui lui sont soumises. Il lui appartient, à cet égard, d’extraire de l’ensemble des éléments fournis par la juridiction nationale, et notamment de la motivation de la décision de renvoi, les éléments de droit de l’Union qui appellent une interprétation compte tenu de l’objet du litige (voir arrêts du 29 novembre 1978, Redmond, 83/78, EU:C:1978:214, point 26 ; du 28 novembre 2000, Roquette Frères, C‑88/99, EU:C:2000:652, point 18, et du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-224/19 et C-259/19, EU:C:2020:578, point 47).
41 En l’occurrence, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi s’interroge sur la compatibilité avec l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, de la réglementation nationale qui prévoit la condamnation aux dépens du consommateur ayant succombé dans le cadre d’une action en restitution du capital prêté engagée par un professionnel à la suite de l’annulation d’un contrat de crédit au motif qu’il contenait des clauses abusives. Cette juridiction relève que les frais de justice, inclus dans les dépens, mis à la charge de ce consommateur peuvent excéder significativement ceux que ledit consommateur aurait dû supporter s’il avait succombé dans le cadre d’une action intentée par lui visant à faire constater le caractère abusif de ces clauses et, le cas échéant, la nullité de celles-ci et du contrat de crédit. Cette situation résulterait de la distinction instaurée par la législation polonaise, en matière de frais de justice, quant aux modalités de calcul de ces frais selon que le recours est introduit par un professionnel ou par un consommateur.
42 Dans ces conditions, il convient de comprendre que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale permettant qu’un consommateur, en tant que partie défenderesse ayant succombé dans le cadre d’une action en restitution du capital prêté introduite par un professionnel à la suite de l’annulation d’un contrat de crédit en raison du caractère abusif de clauses y figurant, soit condamné aux dépens incluant des frais de justice qui, du fait de la différenciation opérée par cette réglementation dans le calcul du montant de ces frais selon la qualité de consommateur, ou non, de la partie requérante, dépassent significativement ceux qu’aurait dû supporter ce consommateur s’il avait succombé dans le cadre d’une action intentée par lui et visant à faire constater le caractère abusif de ces clauses et, le cas échéant, la nullité de celles-ci et du contrat de crédit.
43 Il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que, aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux.
44 Compte tenu de la nature et de l’importance de l’intérêt public que constitue la protection des consommateurs, qui se trouvent dans une situation d’infériorité à l’égard des professionnels, la directive 93/13 impose aux États membres, ainsi qu’il ressort de son article 7, paragraphe 1, lu en combinaison avec son vingt‑quatrième considérant, de prévoir des moyens adéquats et efficaces « afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel » (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 56 ainsi que jurisprudence citée).
45 La Cour a jugé que les conséquences qu’il convient de tirer de la constatation du caractère abusif d’une clause contenue dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur doivent permettre la réalisation de deux objectifs. D’une part, le juge doit veiller à ce que puisse être rétablie l’égalité entre les parties au contrat que l’application d’une clause abusive à l’égard du consommateur aurait mise en péril. D’autre part, il y a lieu de s’assurer que le professionnel soit dissuadé d’insérer de telles clauses dans les contrats qu’il propose aux consommateurs (arrêt du 25 novembre 2020, Banca B., C‑269/19, EU:C:2020:954, point 38). Ainsi, l’obligation pour le juge national d’écarter une clause contractuelle abusive imposant le paiement de sommes qui se révèlent indues emporte, en principe, un effet restitutoire correspondant à l’égard de ces sommes (arrêt du 21 décembre 2016, Gutiérrez Naranjo e.a., C‑154/15, C‑307/15 et C‑308/15, EU:C:2016:980, point 62).
46 En second lieu, il convient de relever que la répartition des dépens d’une procédure juridictionnelle devant les juridictions nationales relève de l’autonomie procédurale des États membres sous réserve du respect des principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt du 22 septembre 2022, Servicios prescriptor y medios de pagos EFC, C‑215/21, EU:C:2022:723, point 34 et jurisprudence citée).
47 En ce qui concerne le principe d’effectivité, qui fait seul l’objet des interrogations de la juridiction de renvoi, il y a lieu de rappeler que chaque cas où se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysé en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêt du 22 septembre 2022, Servicios prescriptor y medios de pagos EFC, C‑215/21, EU:C:2022:723, point 35 et jurisprudence citée).
48 Si le principe d’effectivité ne s’oppose pas, en général, à ce que le consommateur supporte certains frais de justice lorsqu’il intente un recours visant à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle (arrêt du 7 avril 2022, Caixabank, C‑385/20, EU:C:2022:278, point 51), il y a lieu également d’observer que la directive 93/13 confère au consommateur un droit de s’adresser à un juge afin de faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle et d’écarter l’application de celle-ci, droit dont le caractère effectif doit être préservé. Dès lors, le régime de répartition des dépens d’une telle procédure ne doit pas dissuader le consommateur d’exercer ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 22 septembre 2022, Servicios prescriptor y medios de pagos EFC, C‑215/21, EU:C:2022:723, point 37 et jurisprudence citée).
49 Il ressort également de la jurisprudence que faire dépendre le sort de la répartition des dépens de cette procédure des seules sommes payées indûment et dont la restitution est ordonnée serait de nature à dissuader ce consommateur d’exercer ce droit, eu égard aux frais qu’un recours juridictionnel entraînerait. Partant, l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que le principe d’effectivité s’opposent à un régime qui permet de faire peser une partie des dépens procéduraux sur un consommateur selon le niveau des sommes indûment payées qui lui sont restituées à la suite de la constatation de la nullité d’une clause contractuelle en raison du caractère abusif de celle-ci, étant donné qu’un tel régime crée un obstacle substantiel susceptible de décourager les consommateurs d’exercer le droit à un contrôle juridictionnel effectif du caractère potentiellement abusif de clauses contractuelles tel que ce droit est conféré par cette directive (arrêt du 16 juillet 2020, Caixabank et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C‑224/19 et C‑259/19, EU:C:2020:578, points 98 et 99).
50 À cet égard, il y a lieu de relever que les procédures engagées en application de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, en principe, le sont par un consommateur, agissant en qualité de partie requérante, contre un professionnel, partie défenderesse. Afin de préserver l’effet utile de cette directive et d’assurer une protection effective du consommateur contre les conséquences particulièrement préjudiciables que l’annulation du contrat de crédit en cause pourrait provoquer, il convient de considérer que l’appréciation retenue par la Cour quant à la répartition des dépens dans le cadre d’une procédure tendant à faire constater le caractère abusif d’une clause contractuelle, visée aux points 48 et 49 du présent arrêt, s’applique également, et par analogie, dans une situation telle que celle en cause au principal, dans laquelle le consommateur est défendeur à une action en restitution du capital prêté introduite par un professionnel à la suite de l’annulation d’un contrat de crédit au motif qu’il contenait des clauses abusives.
51 Il importe de relever, dans cette optique, que la Cour a jugé que des modalités procédurales qui entraînent des coûts trop élevés pour le consommateur pourraient avoir comme conséquence que celui‑ci soit dissuadé d’intervenir, de manière utile, dans la défense de ses droits devant la juridiction saisie par le professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2022, Caixabank, C‑385/20, EU:C:2022:278, point 54 et jurisprudence citée).
52 En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que, en droit polonais, la constatation judiciaire de la nullité d’un contrat de prêt en raison d’une clause abusive y figurant a pour conséquence que les paiements effectués en exécution de ce contrat, que ce soit par les emprunteurs ou par l’établissement bancaire, constituent des paiements indus au sens de l’article 410, paragraphe 2, du code civil, qui doivent être restitués en vertu des dispositions combinées de l’article 410, paragraphe 1, et de l’article 405 de ce code.
53 Il en ressort également que, d’une part, l’article 98, paragraphe 1, du code de procédure civile prévoit que la partie qui succombe est tenue de rembourser les dépens à la partie ayant obtenu gain de cause. D’autre part, le droit polonais établit une distinction, en matière de frais de justice, selon que le recours est introduit par un professionnel ou par un consommateur. En effet, conformément à l’article 13, paragraphe 2, de la loi relative aux frais de justice, les recours portant sur des droits patrimoniaux donnent lieu à l’application d’un droit proportionnel, équivalent à 5 % de la valeur du litige, dans la limite d’un plafond légal. En revanche, dans les affaires portant sur des créances liées à des transactions bancaires, l’article 13a de cette loi institue, pour les actions introduites par un consommateur, des frais fixes d’un montant de 1 000 PLN (environ 236 euros), lorsque la valeur de l’objet du litige ou du recours dépasse 20 000 PLN (environ 4 713 euros).
54 Selon les indications fournies par la juridiction de renvoi, cette différence dans les modalités de calcul des frais de justice est susceptible de conduire à des situations dans lesquelles le consommateur, lorsqu’il est défendeur à une action en restitution du capital prêté introduite par un professionnel à la suite de l’annulation d’un contrat de crédit contenant des clauses abusives et qu’il succombe, est condamné aux dépens incluant des frais de justice significativement plus élevés que ceux qu’aurait dû supporter ce consommateur s’il avait succombé dans le cadre d’une action intentée par lui visant à faire constater le caractère abusif de ces clauses et, le cas échéant, la nullité de celles-ci et du contrat de crédit.
55 Il y a lieu de relever qu’une réglementation telle que celle en cause au principal, qui prévoit des frais de justice fixes réduits lorsque le consommateur introduit un recours portant sur des créances liées à des transactions bancaires, est, en principe, favorable à ce dernier.
56 Toutefois, compte tenu du niveau significativement plus élevé des frais de justice applicables aux actions introduites par un professionnel en matière de droits patrimoniaux et du fait que le montant de ces frais que le consommateur peut être tenu de rembourser dépend directement de celui de la créance invoquée par le professionnel, l’application automatique du principe selon lequel la partie qui succombe est tenue de supporter l’intégralité des dépens, incluant lesdits frais, est susceptible d’amener le consommateur, lorsqu’il succombe à l’occasion d’une telle action, à devoir supporter une charge financière disproportionnée. En effet, il ressort du dossier dont dispose la Cour que, d’une part, PR a dû s’acquitter d’un montant de 1 000 PLN (environ 236 euros) au titre des frais de justice dans le cadre du recours introduit contre Bank Millennium ayant conduit à la condamnation de celle-ci à lui régler une somme d’environ 101 280 euros. D’autre part, PR serait tenu, en tant que défendeur dans le cadre de la procédure engagée ultérieurement par Bank Millennium portant sur la restitution du capital prêté, soit une créance de 640 000 PLN (environ 150 000 euros), et au terme de laquelle il succombe, à lui rembourser des frais de justice s’élevant à 5 % de la valeur du litige, en l’occurrence, 32 000 PLN (environ 7 544 euros).
57 De tels coûts susceptibles d’être mis à la charge du consommateur, en vertu de l’application combinée des règles nationales relatives au calcul des frais de justice et à l’automaticité du principe selon lequel la partie qui succombe est tenue de supporter l’intégralité des dépens, incluant ces frais, sont de nature à empêcher ou à dissuader le consommateur d’exercer utilement les droits qui lui sont conférés par la directive 93/13 devant la juridiction saisie par le professionnel, en méconnaissance de la jurisprudence citée aux points 48 et 51 du présent arrêt.
58 En effet, de telles modalités procédurales sont susceptibles de dissuader le consommateur, lorsqu’il a la qualité de défendeur dans le cadre d’une action en restitution du capital prêté introduite par le professionnel faisant suite à l’annulation du contrat de crédit comportant des clauses abusives, de maintenir ses prétentions, indépendamment du bien-fondé de ces dernières, dans la mesure où un tel maintien risque d’aboutir à une condamnation aux dépens, incluant des frais de justice disproportionnellement élevés, en cas d’issue défavorable de la procédure.
59 Ces modalités procédurales semblent également de nature à compromettre le caractère dissuasif résultant de l’annulation du contrat en raison des clauses abusives y figurant, dès lors que, nonobstant cette annulation, le consommateur se trouve tenu de supporter des frais de justice particulièrement élevés dans le cadre de l’action en restitution engagée par le professionnel, sauf, notamment, si ce consommateur acquiesce aux prétentions du professionnel. Partant, lesdites modalités reviennent, en définitive, à méconnaître le principe d’effectivité.
60 Cela étant, il importe de rappeler que le principe d’interprétation conforme du droit national au droit de l’Union requiert que les juridictions nationales, dans le respect, notamment, de l’interdiction d’interprétation contra legem du droit national, fassent tout ce qui relève de leur compétence, en prenant en considération l’ensemble du droit interne et en faisant application des méthodes d’interprétation reconnues par celui-ci, afin de garantir la pleine effectivité de la directive en cause et d’aboutir à une solution conforme à la finalité poursuivie par celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a., C‑397/01 à C‑403/01, EU:C:2004:584, points 118 et 119, ainsi que du 15 octobre 2024, KUBERA, C‑144/23, EU:C:2024:881, point 51 et jurisprudence citée).
61 En l’occurrence, dans leurs observations écrites devant la Cour, le gouvernement polonais et la Commission européenne soutiennent que l’article 98, paragraphe 1, du code de procédure civil est susceptible d’être interprété de manière conforme à l’article 6, paragraphe 1, et à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité. En effet, il incomberait au juge national de tenir compte, le cas échéant, des exceptions prévues, notamment, aux articles 102 et 103 de ce code qui permettent une modulation des dépens en fonction du principe d’équité ou encore du comportement fautif éventuellement imputable à l’une des parties.
62 Il appartient, en définitive, à la juridiction de renvoi d’examiner si la réglementation nationale en cause au principal peut faire l’objet d’une interprétation conforme à la directive 93/13 et, dans l’affirmative, d’en tirer les conséquences en droit.
63 Eu égard aux motifs qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, lus à la lumière du principe d’effectivité, doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale permettant qu’un consommateur, en tant que partie défenderesse ayant succombé dans le cadre d’une action en restitution du capital prêté introduite par un professionnel à la suite de l’annulation d’un contrat de crédit en raison du caractère abusif de clauses y figurant, soit condamné aux dépens incluant des frais de justice qui, du fait de la différenciation opérée par cette réglementation dans le calcul du montant de ces frais selon la qualité de consommateur, ou non, de la partie requérante, dépassent significativement ceux qu’aurait dû supporter ce consommateur s’il avait succombé dans le cadre d’une action intentée par lui et visant à faire constater le caractère abusif de ces clauses et, le cas échéant, la nullité de celles-ci et du contrat de crédit.
Sur les dépens
64 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
L’article 6, paragraphe 1, et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, lus à la lumière du principe d’effectivité,
doivent être interprétés en ce sens que :
ils s’opposent à une réglementation nationale permettant qu’un consommateur, en tant que partie défenderesse ayant succombé dans le cadre d’une action en restitution du capital prêté introduite par un professionnel à la suite de l’annulation d’un contrat de crédit en raison du caractère abusif de clauses y figurant, soit condamné aux dépens incluant des frais de justice qui, du fait de la différenciation opérée par cette réglementation dans le calcul du montant de ces frais selon la qualité de consommateur, ou non, de la partie requérante, dépassent significativement ceux qu’aurait dû supporter ce consommateur s’il avait succombé dans le cadre d’une action intentée par lui et visant à faire constater le caractère abusif de ces clauses et, le cas échéant, la nullité de celles-ci et du contrat de crédit.