Cass. 1re civ., 28 octobre 2015, n° 14-23.110
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Batut
Rapporteur :
Le Gall
Avocat général :
Cailliau
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. et Mme X... ont assigné M. Y... en paiement de la somme de 114 000 euros au titre de trois reconnaissances de dette, en date des 2 avril, 2 juin et 2 juillet 2009 ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en paiement au titre de la reconnaissance de dette du 2 juillet 2009 et leur demande de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte de l'article 1326 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi 2000-230 du 13 mars 2000 « Adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et signature électronique », que la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s'engage, n'est plus nécessairement manuscrite ; qu'il suffit qu'elle résulte, selon la nature du support, d'un des procédés d'identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s'assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention ; qu'en considérant qu'à défaut de mention manuscrite de la somme en lettres et en chiffres sur l'acte du 2 juillet 2009, qui est dactylographié, ce document serait non-conforme aux exigences de l'article 1326 du code civil et ne constituerait qu'un commencement de preuve par écrit qu'il y aurait lieu de compléter par des éléments extrinsèques de preuve, la cour d'appel a violé l'article 1326 du code civil ;
2°/ que si la reconnaissance de dette du 2 juillet 2009 stipule que la société Yoni Marques a reconnu avoir reçu la somme de 54 000 euros de la part de M. et Mme X..., il en résulte cependant de façon claire et précise que c'est M. Michaël Y..., et non ce dernier en qualité de dirigeant de la société Yoni Marques, qui s'est obligé de rendre cette somme à M. et Mme X... ; qu'en énonçant que ce document comporterait un engagement de la société Yoni Marques et que M. Y... y apparaîtrait, en ce qui concerne l'engagement de payer, en qualité de représentant de la société, la cour d'appel a dénaturé cet acte et violé l'article 1134 du code civil ;
3°/ que la convention n'en est pas moins valable, quoique la cause n'en soit pas exprimée ; que dès lors, l'absence de stipulation par l'acte du 2 juillet 2009 de la cause de l'engagement de M. Y... de payer la somme de 54 000 euros est indifférente à la validité et à l'existence de cet engagement ; qu'en se fondant pour dispenser M. Y... de l'exécution de son engagement, sur la circonstance qu'il n'apparaît pas à l'acte du 2 juillet 2009 en tant que caution, la cour d'appel a violé l'article 1132 du code civil ;
Mais attendu que c'est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, que les juges du fond ont estimé que M. Y... n'était pas personnellement engagé puisqu'il apparaissait, dans la reconnaissance de dette du 2 juillet 2009, en qualité de représentant de la société Yoni Marques et que l'acte ne portait pas de mention expresse de son engagement personnel ou en qualité de caution ; que le moyen, qui critique des motifs surabondants en sa première branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
Mais sur le premier moyen :
Vu l'article 1326 du code civil ;
Attendu qu'il résulte de ce texte, dans sa rédaction issue de la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 « Adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et signature électronique », que si la mention de la somme ou de la quantité en toutes lettres et en chiffres, écrite par la partie même qui s'engage, n'est plus nécessairement manuscrite, elle doit alors résulter, selon la nature du support, d'un des procédés d'identification conforme aux règles qui gouvernent la signature électronique ou de tout autre procédé permettant de s'assurer que le signataire est le scripteur de ladite mention ;
Attendu que, pour rejeter la demande fondée sur les reconnaissances de dette des 2 avril et 2 juin 2009, que M. Y... ne contestait pas avoir signées, l'arrêt retient que ces deux documents ne comportent pas la mention manuscrite de la somme due en lettres et en chiffres, mais uniquement la signature de M. Y..., et que, leur non-conformité aux dispositions de l'article 1326 du code civil étant avérée, ils ne peuvent constituer qu'un commencement de preuve par écrit ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en paiement de M. et Mme X... au titre des reconnaissances de dette des 2 avril et 2 juin 2009, l'arrêt rendu le 9 mai 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. Y... à payer à M. et Mme X... la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quinze.