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Décisions

Cass. com., 9 mai 2018, n° 16-26.926

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Rémery

Cass. com. n° 16-26.926

8 mai 2018

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 8 septembre 2016), que MM. Y... et A... se sont rendus cautions, le 4 mai 2011, d'un prêt consenti par la société CIC Nord Ouest (la banque) à la société Rouen Créagro développement ; que cette dernière ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné les cautions en exécution de leurs engagements ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'annulation de son engagement de caution alors, selon le moyen :

1°/ que les dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, imposaient, à peine de nullité, que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel fasse précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » ; que cette mention devait être reproduite intégralement et strictement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que la mention reproduite par M. Y..., sur son acte de cautionnement du 4 mai 2011, comportait des erreurs ; qu'en concluant néanmoins que celles-ci n'avaient en rien modifié la signification ou la compréhension de cette mention, la cour d'appel s'est détachée d'une application purement objective de l'exigence précitée, méconnaissant ainsi le sens et la portée de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa version alors applicable ;

2°/ que les juges du fond sont tenus de motiver leur décision ; que, dans ce cadre, ils doivent indiquer et analyser les éléments de preuve sur lesquels ils se fondent pour affirmer l'existence d'un fait ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a relevé que M. Y... n'avait pas parfaitement reproduit, dans son acte de cautionnement du 4 mai 2011, la mention exigée par l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa version alors applicable et que l'ajout du mot « mille » ne modifiait pas la signification de ladite mention ni ne la rendait incompréhensible ; que la cour d'appel en a conclu que ces erreurs ne révélaient pas une incompréhension de M. Y... quant à la portée de son engagement ; qu'en se prononçant ainsi, sans se fonder sur aucun élément précis pour procéder à pareille déduction, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que les juges du fond ne peuvent dénaturer les éléments clairs et précis qui leur sont soumis ; qu'en l'espèce, la mention litigieuse, reproduite sur l'acte d'engagement de M. Y... du 4 mai 2011, indiquait en chiffres « 207 960 mille euros » et en lettres « deux cent sept mille neuf cent soixante mille euros » ; que ces mentions ne correspondent à aucun chiffre existant, ce qui en vicie le caractère compréhensible ; qu'en jugeant néanmoins que « la somme exprimée en lettres est parfaitement exacte » et qu'il s'agissait « d'une imperfection mineure qui n'affecte ni le sens, ni la portée de l'engagement de M. Y... », la cour d'appel a dénaturé l'acte de cautionnement du 4 mai 2011 et violé ainsi l'article 1134 du code civil dans sa version alors applicable ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé que M. Y... avait reproduit la formule prévue par l'article L. 341-2 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016, en mentionnant, en ce qui concerne le montant de son cautionnement, en chiffres « 207 960 mille euros » et en lettres « deux cent sept mille neuf cent soixante mille euros », l'arrêt retient que cette imperfection mineure n'affecte ni le sens, ni la portée de l'engagement de la caution ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, la cour d'appel, qui a fait ressortir que l'ajout du mot « mille » avant l'unité monétaire dans l'expression en chiffres et en lettres du montant du cautionnement n'avait pas modifié le sens et la portée de la mention manuscrite légale, a pu statuer comme elle a fait ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en sa quatrième branche :

Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant au constat du caractère manifestement disproportionné de son engagement de caution à ses biens et revenus et au rejet des demandes de la banque fondées sur ce cautionnement alors, selon le moyen, que M. A... faisait valoir que la société CIC Nord Ouest savait que l'opération était cofinancée par le Crédit agricole, et ajoutait qu'il avait souscrit auprès de cette banque, concomitamment au cautionnement litigieux du 4 mai 2011, un cautionnement de 224 900 euros devant être pris en compte pour apprécier la disproportion ; qu'il produisait l'acte de prêt et de cautionnement souscrits auprès du Crédit agricole, lequel mentionnait qu'il avait été édité le 11 mai 2001 ; que l'arrêt attaqué a retenu que l'opération globale de création du réseau de franchise était cofinancée par le Crédit agricole et par la société CIC Nord Ouest, que cette dernière le savait comme elle savait que le Crédit agricole solliciterait des garanties, et que la société CIC Nord Ouest aurait dû solliciter des informations sur ce point dès lors que la fiche de renseignements ne les fournissait pas ; qu'en refusant de tenir compte des cautionnements recueillis par le Crédit agricole et notamment celui de 224 900 euros au prétexte qu'aucun engagement de caution n'avait été signé au profit du Crédit agricole à la date du cautionnement litigieux, le 4 mai 2011, la cour d'appel a violé l'ancien article L. 341-4 du code de la consommation ;

Mais attendu que la disproportion du cautionnement s'apprécie en prenant en considération l'endettement global de la caution au moment où cet engagement est consenti, sans avoir à tenir compte de ses engagements postérieurs, fussent-ils souscrits dans le cadre du financement d'une même opération dont les modalités étaient connues du créancier ; qu'ayant constaté qu'à la date de conclusion du cautionnement souscrit par M. A... au bénéfice de la société CIC Nord Ouest, celui-ci n'avait encore signé aucun autre engagement de caution dans le cadre de l'opération financée, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il ne devait pas être tenu compte, pour l'évaluation de son endettement global à cette date, de l'engagement souscrit postérieurement au bénéfice de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Normandie Seine ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le premier moyen du pourvoi incident, pris en ses trois premières branches, ni sur le second moyen de ce pourvoi, qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne M. Y... et M. A... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

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