CA Basse-Terre, 2e ch., 20 novembre 2025, n° 24/01033
BASSE-TERRE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 528 DU 20 NOVEMBRE 2025
N° RG 24/01033 -
N° Portalis DBV7-V-B7I-DXXX
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 06 novembre 2024, dans une instance enregistrée sous le n° 2024R00009
APPELANTE :
S.A.S. TERRAE REAL ESTATE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Michaël SARDA, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Mathieu JUNQUA-LAMARQUE de la SARL GAUDIN, JUNQUA-LAMARQUE § ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS et D'AVIGNON
INTIMEE :
S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Naïma LADAOUI, avocate au barreau de PARIS
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Monsieur [N] [Y]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représenté par Me Ornella SUVIERI, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assisté de Me Victoire BOULANGER avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue le 08 septembre 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Cledat, conseillère,
Mme Aurélia Bryl,conseillère.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 novembre 2025
GREFFIER,
Lors des débats et lors du prononcé : Mme Sonia VICINO, greffière.
ARRÊT :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY gère à [Localité 6] une agence immobilière à l'enseigne 'BARNES [Localité 6]' ;
La S.A.S. TERRAE REAL ESTATE gère elle aussi à [Localité 6] une agence immobilière, sous le nom commercial éponyme ;
Par ordonnance du 4 décembre 2023, le président du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE a notamment, sur requête de la société TERRAE REAL ESTATE :
- désigné la SELAS de commissaires de justice ACTES-HUISSIERS-971-[M], en la personne de l'un de ses associés, en qualité de mandataire de justice avec mission de :
** se rendre au siège social de la S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY, dont le nom commercial est 'BARNES INTERNATIONAL BARTHELEMY', sis à [Adresse 10], immatriculée au RCS de BASSE-TERRE sous le n° 877.702.738,
** se faire remettre tout pouvoir et/ou mandat donné par M. [W] [Y] à la société FRENCH INDIES REALTY, ainsi que toute correspondance échangée entre eux,
** avoir accès à l'ensemble des supports et serveurs informatiques (ordinateur fixe, portable, tablette, téléphone mobile, etc...) utilisés par Mme [S] [E], M. [D] [X], gérants, et M. [C] [E], directeur de l'agence FRENCH INDIES REALTY, ainsi que par tout personnel de ladite agence,
** se faire communiquer, rechercher et prendre en copie tous éléments ou documents au format papier, de toutes correspondances, y compris électroniques émises ou reçues à partir notamment des adresses email [Courriel 9] et [Courriel 12] ou de toute adresse de messagerie paramétrée par défaut sur les supports informatiques consultés ainsi que tous documents ou fichiers informatiques échangés à l'occasion de ces correspondances ou figurant sur les supports et serveurs informatiques utilisés par Mme [S] [E] et M. [C] [E], et ce entre le 1er mars 2023 et le jour de l'exécution de cette ordonnance, contenant les mots clés suivants, tant en minuscule qu'en majuscule, alternativement ou cumulativement : [Y], [R], Saint [N], [I], TERRAE REAL ESTATE,
** 'se faire communiquer et rechercher au sein des fichiers et dossiers commerciaux faisant référence à M. [Y] ou son bien sis [Localité 6], [Localité 11]', ** 'et, plus généralement, tout dossier, sur support papier ou sur support électronique, ouvert au nom de M. [W] [Y] ou se rapportant à tout ou partie de son bien sis [Localité 11] à [Localité 6] (figurant au cadastre Section AI n° [Cadastre 1], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5])',
- autorisé à cette fin le commissaire de justice commis :
** à interroger Mme [S] [E], M. [D] [X] et M. [C] [E], sur l'endroit et/ou sur les lieux où sont conservés leurs documents commerciaux et administratifs, 'comme à leurs propres préposés rencontrés sur place',
** à recourir aux appareils de reprographie ou de photographie par tout procédé de son choix, notamment numérique, éventuellement disponible au siège de la personne saisie, le libre accès à ces appareils devant lui être assuré,
** en cas d'absence de photocopieur sur place ou d'impossibilité d'utiliser l'appareil existant sur place, à emporter momentanément les pièces à copier afin de les reproduire en son étude à charge pour lui de les restituer à la partie saisie une fois les copies faites,
** si des informations utiles étaient conservées sur un support autre que le papier, tel que le microfilm ou des fichiers informatiques, et au besoin avec le concours de tout technicien par lui requis, à réaliser une édition sur papier ou une copie sur tout support approprié en utilisant les moyens disponibles sur place ou à l'extérieur des lieux du constat si nécessaire, moyennant une juste rémunération des parties requises des photocopies réalisées sur ces matériels,
** à se faire ouvrir tout local, bureau ou meuble et se faire donner accès à tout système informatique pour procéder aux recherches susvisées,
** à recueillir toutes les informations utiles aux faits de la cause, notamment par le biais d'interpellations de toute personne présente dans les locaux de la partie saisie, nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
** à accéder à tout fichier informatique permettant d'avoir accès aux documents susdits, en prendre copie,
** plus généralement, à effectuer toute saisie de tout fichier et toutes recherches et constatations utiles, notamment partir des postes informatiques se trouvant sur place, permettant d'établir la preuve, l'origine, la consistance et l'étendue des actes allégués sur la période concernée, en deux exemplaires et sur support magnétique, informatique ou sur papier,
** à rechercher si des fichiers informatiques en rapport avec sa mission n'ont pas été supprimés et, s'il y a lieu, la date de la suppression,
** à se procurer ou se faire procurer tout mot de passe ou tout autre certificat adapté (notamment carte PKI. Mot de passe usage unique (OTP), empreintes digitales) requis pour accéder aux informations sur l'intranet et/ou sur tout matériel informatique sur les lieux où les mesures seront effectuées et à supprimer si besoin ces mots de passe,
** à consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées au cours des opérations en s'abstenant cependant d'interpellations autres que celles nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- autorisé le commissaire de justice commis, si besoin était, compte tenu de la technicité de la mission en cause, à se faire assister par tout homme de l'art et/ou expert notamment informatique, autre que les subordonnés des requérantes,
- autorisé le même commissaire de justice à se faire assister de la force publique et/ou d'un serrurier,
- dit que ce commissaire de justice devrait être en mesure d'assurer la cybersécurité des données qu'il se serait fait remettre, de façon à éviter toute disparition, corruption de données ou captation par des tiers, et, à ce titre, il en assurerait la plus stricte confidentialité grâce à tous les moyens techniques appropriés,
- dit que :
** il serait procédé aux opérations de saisie nonobstant toute opposition des parties requises,
** serait exclu de ladite saisie l'ensemble des données confidentielles portant sur les échanges entre la société FRENCH INDIES REALTY et ses avocats, à l'exception de ceux échangés avec Me TISSOT, avocat de M. [W] [Y],
** le commissaire instrumentaire devrait dresser de l'ensemble de ses opérations un procès-verbal qui servirait ce que de droit et y annexer les copies réalisées au cours de l'exécution de cette ordonnance,
- dit que les opérations de constat devraient être réalisées dans un délai de deux mois à compter de cette ordonnance,
- dit qu'à défaut de saisine du commissaire de justice commis dans un délai d'un mois à compter de cette même ordonnance, sa désignation serait caduque et privée d'effets,
- rappelé que cette ordonnance était exécutoire au seul vu de la minute ;
Cette ordonnance a été signifiée à la société saisie FRENCH INDIES REALTY par acte de commissaire de justice du 9 janvier 2024, soit le jour où la saisie a été pratiquée ;
Sur saisine de la présidente du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE par la susdite société, suivant requête du 15 janvier 2024, cette dernière a été autorisée à assigner la société TERRAE REAL ESTATE en référé d'heure à heure, à l'audience du 17 janvier suivant, aux fins de voir placer sous séquestre divers éléments saisis le 9 janvier 2024 ;
Par ordonnance du 24 janvier 2024, le juge des référés :
- a ordonné au commissaire de justice instrumentaire de placer sous séquestre l'ensemble des éléments saisis en exécution de l'ordonnance du 4 décembre 2023,
- a rejeté la demande de la société FRENCH INDIES REALTY tendant à voir restituer les pièces déjà communiquées à la société TERRAE REAL ESTATE et détruire les copies de celles-ci (procès-verbal de constat d'ordonnance sur requête et le rapport de fin de mission de l'informaticien),
- a dit qu'au delà du délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance du 4 décembre 2023 et en l'absence d'assignation en référé rétractation de cette ordonnance dans ce délai, le commissaire de justice remettrait à la partie requérante les éléments saisis et constatés au cours des opérations de constat, la mesure de séquestre étant alors levée conformément à l'article R153-1 du code de commerce ;
***
Par acte de commissaire de justice du 8 février 2024, la société FRENCH INDIES REALTY a fait assigner la société TERRAE REAL ESTATE devant le juge des référés du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE à l'effet de voir, au visa des articles 16, 145, 493 et suivants du code de procédure civile :
A TITRE PRINCIPAL
- juger que l'ordonnance rendue par le président du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE du 4 décembre 2023, sur requête de la société TERRAE REAL ESTATE, n'a pas été signifiée avec la requête complète,
En conséquence,
- rétracter cette ordonnance,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, de (i) restituer les éléments appréhendés à la société FRENCH INDIES REALTY, (ii) justifier de n'en avoir réalisé ni conservé aucune copie et (iii) attester qu'aucune remise des éléments saisis n'a été faite à la société TERRAE REAL ESTATE,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, (i) qu'il soit restitué et détruit toute copie du procès-verbal de saisie, en ce compris les inventaires, et (ii) qu'ils justifient n'avoir conservé aucune copie de ces éléments,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- juger que les mesures d'instruction prévues par l'ordonnance du 4 décembre 2023 sur requête de la société TERRAE REAL ESTATE sont dépourvues de motif légitime,
En conséquence,
- rétracter cette ordonnance,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, de (i) restituer les éléments appréhendés à la société FRENCH INDIES REALTY, (ii) justifier de n'en avoir réalisé ni conservé aucune copie et (iii) attester qu'aucune remise des éléments saisis n'a été faite à la société TERRAE REAL ESTATE,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, (i) qu'il soit restitué et détruit toute copie du procès-verbal de saisie, et ce compris les inventaires, et (ii) qu'ils justifient n'avoir conservé aucune copie de ces éléments,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- juger que la mesure octroyée par l'ordonnance du 4 décembre 2023 est disproportionnée,
En conséquence,
- modifier cette ordonnance comme suit :
** les supports sur lesquels la saisie est effectuée ne devront se faire qu'à partir de la messagerie professionnelle propre à la société FRENCH INDIES REALTY et se terminant donc par la barre 'barnes-international.fr',
** le mot-clé '[Y]' sera 'modifié' par '[N] [Y]',
** le mot-clé '[I]' sera 'modifié' par '[G] [I]',
** les mots-clés '[R]' et '[Localité 11]' devront être supprimés,
** l'ensemble des mots-clés retenu 'ne devront pas être pris alternativement mais bien cumulativement',
** exclure de la saisie les échanges avec Me TISSOT, avocat, ces éléments étant par nature confidentiels,
- juger que l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, 'devra modifier sa saisie en fonction et les parties seront alors convoquées, par devant Madame le Président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, afin de débat contradictoire, en présence du commissaire de justice et des pièces séquestrées et, pour les sociétés TERRAE REAL ESTATE et FRENCH INDIES REALTY, en la seule présence de leurs avocats et du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Guadeloupe ou de l'un de ses représentants, afin qu'il soit statué sur la communication desdites pièces au regard du secret des affaires et de leur potentiel(le) absence de lien avec le prétendu litige ',
- 'juger que seules les pièces strictement en lien avec le litige potentiel et ne relevant pas du secret des affaires, ni de la confidentialité feront partie de la saisie après décision de Mme le président du tribunal (...)',
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
- 'juger que les parties seront convoquées par devant Madame, Monsieur le président, afin de débat contradictoire, en présence du commissaire de justice et des pièces séquestrées et, pour les sociétés TERRAE REAL ESTATE et FRENCH INDIES REALTY, en la seule présence de leurs avocats et du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Guadeloupe ou de l'un de ses représentants, afin qu'il soit statué sur la communication desdites pièces au regard du secret des affaires et de leur potentiel(le) absence de lien avec le prétendu litige',
- 'juger que seules les pièces strictement en lien avec le litige potentiel et ne relevant pas du secret des affaires, ni de la confidentialité feront partie de la saisie après décision de Mme le président du tribunal (...)'
EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner la société TERRAE REAL ESTATE à verser à la société FRENCH INDIES REALTY la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Lors des débats, la société FRENCH INDIES REALTY a ajouté à ces demandes celle d'une condamnation de la société TERRAE REAL ESTATE à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice d'image, outre 20 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
En réplique, la société TERRAE REAL ESTATE concluait aux fins de voir :
- annuler l'assignation du 8 février 2024,
- prononcer la caducité des mesures de séquestre,
- débouter la société FRENCH INDIES REALY de toutes ses demandes,
- inviter l'huissier instrumentaire à lui remettre la proposition acceptée le 18 décembre 2023,
- Subsidiairement, ordonner la levée du séquestre concernant les documents suivants:
** l'ensemble des documents 'figurant la chemise 147, mandat 147",
** la clé USB,
** l'offre d'achat acceptée le 18 décembre 2023,
- condamner la société FRENCH INDIES REALTY à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Par ordonnance de référé du 12 juin 2024, signifiée par acte de commissaire de justice du 20 juin 2024, le président du tribunal mixte de commerce a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation du 8 février 2024,
- dit n'y avoir lieu à rétractation de son ordonnance du 4 décembre 2023, mais à simple modification de celle-ci,
- modifié ladite ordonnance en ce sens :
COMMETTONS la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M] en la personne d'un de ses associés commissaire de justice-audiencier de ce tribunal, en qualité de mandataire de justice, avec mission de (...) se faire communiquer, des adresses email [Courriel 9] et [Courriel 12] ou de toute adresse de messagerie paramétrée par défaut sur les supports informatiques consultés ainsi que tous documents ou fichiers informatiques échangés à l'occasion de ces correspondances ou figurant sur les supports et serveurs informatiques utilisés par Mme [S] [E] et M. [C] [E], et ce entre le 1er mars 2023 et le jour de l'exécution de la présente ordonnance, contenant les mots clés suivants, tant en minuscule qu'en majuscule, alternativement ou cumulativement : [Y], [R], [I], TERRAE REAL ESTATE,
- DISONS qu'il sera procédé aux opérations de saisie nonobstant toute opposition des parties requises ; Sera exclu de ladite saisie l'ensemble des données confidentielles portant sur les échanges entre la société FRENCH INDIES REALTY et ses avocats et avec Maître TISSOT, avocat de Monsieur [W] [Y] (...) >>,
- ordonné la restitution des pièces saisies sur le fondement du seul mot clé '[Localité 11]' et les échanges intervenus avec Me TISSOT Delphine et ordonné leur destruction par le commissaire de justice,
- ordonné 'la levée du séquestre des pièces saisies (à l'exception des pièces faisant l'objet de la destruction ordonnée ci-dessous)' et dit que 'la procédure de levée de séquestre (devait) être engagée selon la procédure ci-après, tout en préservant les intérêts de la société FRENCH INDIES REALTY en cas d'appel de la décision ',
- dit que les pièces retenues comme devant être communiquées lors de la levée du séquestre, seraient maintenues sous séquestre 'jusqu'au caractère définitif de la décision ',
- dit que la procédure de levée de séquestre serait la suivante : 'demande à la société FRENCH INDIES REALTY de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :
** catégorie A : les pièces qui pourront être communiquées sans examen,
** catégorie B : les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que la société FRENCH INDIES REALTY refuse de communiquer,
** catégorie C : les pièces que la société FRENCH INDIES REALTY refuse de communiquer, mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires,
- dit que ce tri où chaque pièce serait numérotée, serait communiqué à la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaire de justice, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,
- dit que, pour les pièces concernées par le secret des affaires, conformément aux articles R153-3 à R153-8 du code de commerce, la société FRENCH INDIES REALTY communiquerait au président un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui conféraient le caractère d'un secret des affaires,
- fixé le calendrier suivant :
** communication à la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M] et au président, des tris des fichiers demandés, avant le 1er décembre 2024,
** renvoi de l'affaire RG 24R0009, après contrôle de cohérence par l'huissier, à l'audience du mercredi 11 septembre 2024 à 11 heures en cabinet pour examen de la fin de la levée de séquestre, cette décision valant convocation,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnisation formée par la société FRENCH INDIES REALTY,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chacune des parties supporterait par moitié les dépens ;
Les pièces ainsi 'catégorisées' ont été communiquées au tribunal et au commissaire de justice le 30 septembre 2024 et le contrôle de cohérence réalisé par Me [M], commissaire de justice associé, a été adressé au même tribunal le 10 octobre 2024, si bien que l'audience prévue pour le 11 septembre 2024 a été reportée à celle du 14 octobre suivant ;
Lors de cette audience :
- la société FRENCH INDIES REALTY a expliqué que les pièces catégorisées A pouvaient faire l'objet d'une levée du séquestre et que, pour la catégorie B, elle avait constitué des sous-dossiers pour plus de lisibilité et décrivait :
** un dossier 'offre avec futurs acquéreurs nommés' comprenant les pièces 66 à 85, avec cette précision que selon elle la loi dite Hoguet interdisait à toute agence immobilière la diffusion d'informations portant notamment sur l'identité de ses clients et que tout manquement à ce secret professionnel était sanctionné par le code de déontologie des professions immobilières et le code pénal,
** un dossier 'clients ou projets BARNES nommés sans lien avec M. [Y]', comprenant les pièces 86 à 89, précisant s'opposer à la communication de ces pièces, en raison du secret professionnel et de l'absence de liens avec l'objet du litige,
** un dossier 'correspondances avocat-client litige EDEN ROCK' comprenant les pièces 90 et 91, avec cette précision que selon elle ces pièces étaient couvertes par la confidentialité des échanges entre un avocat et son client et étaient relatives à un autre litige auquel était partie M. [Y],
** un dossier 'correspondances notaire' comprenant les pièces 92 à 103, avec cette précision que selon elle ces pièces étaient couvertes par le secret professionnel du notaire,
** un dossier 'documents confidentiels de M. [Y]' comprenant les pièces 104 à 108, avec cette précision qu'il comprenait un certificat médical de M. [Y] couvert par le secret médical, et un bail 'donné à M. [Y] à une société' sans lien avec le litige,
** un dossier 'envoi vente [Y] aux clients BARNES', comprenant les pièces 109 à 117, avec cette précision qu'il s'agissait de mails adressés par la société FRENCH INDIES REALTY à ses clients pour les informer de la vente du bien de M. [Y],
- la même société indiquait que le dossier C était composé d'une seule pièce, la 118, correspondant à des conclusions d'avocat dans un litige étranger à la présente procédure ;
En réplique, la société TERRAE REAL ESTATE indiquait quant à elle :
- que le secret protégé par les articles L151-1 et suivants du code de commerce était le secret des affaires et non le secret professionnel, de sorte que les pièces catégorisées B auraient dû l'être au dossier C,
- que le secret des affaires supposait que soit établie la valeur commerciale d'une information, ce qui pour elle n'était pas le cas en l'espèce,
- que la remise de documents couverts par le secret professionnel ne pouvait donner lieu à sanctions dès lors que l'élément intentionnel serait absent et que cette remise serait ordonnée par une juridiction,
- que la juridiction du juge des référés, dans son ordonnance du 24 janvier 2024, avait déjà tranché le point de savoir si une atteinte au secret des affaires était possible, en estimant qu'elle l'était en cas de motif légitime,
- mais qu'elle ne pouvait faire d'autres observations utiles dans la mesure où elle n'avait pas obtenu communication des pièces en cause ;
Par ordonnance contradictoire du 6 novembre 2024, le juge des référés a :
- ordonné la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE :
** de la totalité des éléments classés par la société FRENCH INDIES REALTY en catégorie A,
** des éléments classés par la même société en catégorie B, à l'exception cependant des pièces suivantes figurant au tableau annexé à ladite ordonnance : 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102, qui seraient conservées en séquestre en tant que de besoin 'jusqu'au caractère définitif de la décision',
- dit que la pièce classée par la société FRENCH INDIES REALTY en catégorie C (118) ne ferait pas l'objet d'une levée de séquestre et serait conservée en tant que de besoin 'jusqu'au caractère définitif de la décision',
- dit que la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], en qualité de séquestre, ne se libérerait entre les mains de la société TERREA REAL ESTATE des pièces susvisées qu'après le caractère 'définitif' de cette ordonnance, faute d'appel dans les délais,
- condamné la société TERRAE REAL ESTATE aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
1°/ Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 14 novembre 2024, enrôlée sous le n° RG 24/1033, la S.A.S. TERRAE REAL ESTATE, représentée par un avocat, a relevé appel de cette ordonnance, y intimant la S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY et y fixant expressément son objet aux dispositions de cette décision par lesquelles le juge des référé :
- a refusé la communication des pièces numérotées 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et des 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102,
- a ordonné leur maintien sous séquestre,
- l'a condamnée aux dépens de l'instance ;
Cet appel a été fixé à bref délai à l'audience du 14 avril 2025, avec délais pour conclure écourtés d'un mois pour chacune des parties, suivant avis d'orientation du greffe en ce sens notifié au conseil de l'appelante le 28 novembre 2024 ;
La société FRENCH INDIES REALTY, intimée, a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante, par RPVA, le 6 janvier 2025, en suite de quoi ce dernier a notifié sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante, remises au greffe le 17 décembre 2024, au conseil de ladite intimée, par RPVA, ce même 6 janvier 2025 ;
2°/ Cependant, la S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY a elle-même relevé appel de l'ordonnance de référé du 6 novembre 2024, et ce par déclaration remise au greffe le 27 novembre 2024 et enrôlée sous le n° RG 24/1082, y intimant la S.A.S. TERRAE REAL ESTATE et y fixant expressément son objet aux dispositions par lesquelles le juge des référés y a ordonné 'la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE des éléments classés par la même société en catégorie B, à l'exception cependant des pièces suivantes tel(les) que figurant au tableau annexé à (ladite) décision : 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102, qui ser(aient) conservées en séquestre en tant que de besoin jusqu'au caractère définitif de la décision' ;
Ce second appel a été lui aussi fixé à bref délai à l'audience du 14 avril 2025, avec délais pour conclure écourtés d'un mois, suivant avis d'orientation et de fixation notifiée au conseil de l'appelante, par RPVA, le 28 novembre 2024 ; la déclaration d'appel et cet avis d'orientation ont été signifiés à la société TERRAE REAL ESTATE suivant acte de commissaire de justice du 16 décembre 2024 et cette dernière a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante, par RPVA, le 13 janvier 2025 ;
Par ordonnance du 15 janvier 2025, le président de chambre a ordonné la jonction de l'instance d'appel n° RG 24/1082 à l'instance d'appel n° RG 24/1033, pour ces deux instances se poursuivre sous ce seul dernier numéro ;
Par conclusions remises au greffe et notifiées aux avocats des appelantes et intimées, par RPVA, le 23 juillet 2025 (après avoir été déposées en version papier le 22 précédent), M. [W] [Y] est intervenu volontairement aux instances jointes sous le n° RG 24/1033 ;
La société TERRAE REAL ESTATE, appelante, a conclu pour la première fois, dans l'affaire RG 24/1033, par acte remis au greffe le 17 décembre 2024 et notifié au conseil de l'intimée, par voie électronique, le 6 janvier 2025 ; elle a ensuite conclu, après jonction des deux appels, à trois reprises, et ce par actes remis au greffe et notifiés au conseil de l'intimée, par même voie, respectivement les 28 mars 2025, 8 août 2025 et 25 août 2025 ('conclusions récapitulatives n° 4 en réplique') ; dans l'affaire RG n° 24/1082, où elle est intimée, elle avait conclu par acte remis au greffe et notifié au conseil de la société FRENCH INDIES REALTY, par RPVA, le 14 janvier 2025 ;
La société FRENCH INDIES REALTY a conclu, dans l'affaire RG 24/1033, mais après jonction avec l'instance RG 24/1082, à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés à l'avocat adverse, par RPVA, respectivement les 17 janvier 2025 et 25 juillet 2025 ('conclusions d'appel et d'intimée n° 2") ; elle avait conclu par acte remis au greffe et notifié au conseil de la société TERRAE REAL ESTATE, par même voir, dès le 23 décembre 2024 dans son instance d'appel n° RG 24/1082 ;
M. [Y], intervenant volontaire, n'a pas conclu en suite de ses conclusions d'intervention notifiées par RPVA le 23 juillet 2025 ;
Par ordonnance du 31 mars 2025, la fixation des affaires jointes sous le seul n° 24/1033, a été reportée à l'audience du 8 septembre 2025 et la clôture prévisible de l'instruction au 25 août précédent ; cette clôture a été prononcée par ordonnance du 25 août 2025 et les parties renvoyées à l'audience du 8 septembre suivant, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré à ce jour ;
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières conclusions d'appelante et d'intimée (n° 4), remises au greffe le 25 août 2025, la société TERRAE REAL ESTATE conclut aux fins de voir :
- infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a refusé la communication des pièces numérotées 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et des 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102,
- a ordonné leur maintien sous séquestre,
Statuant à nouveau,
- juger M. [Y] [W] irrecevable en son intervention volontaire faute d'intérêt à agir,
- débouter la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- juger que ladite société n'invoque aucun secret des affaires aux fins de maintien du séquestre,
- ordonner en conséquence la levée du séquestre de l'ensemble des pièces saisies,
- condamner la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y], in solidum, à payer à la société TERRAE REAL ESTATE la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour l'exposé des moyens proposés par la société TERRAE REAL ESTATE au soutien de ces prétentions ;
2°/ Par ses propres dernières conclusions d'intimée et d'appelante, remises au greffe le 25 juillet 2025, la société FRENCH INDIES REALTY conclut quant à elle aux fins de voir, au visa des ordonnances de la présidente du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE des 24 janvier 2024, 12 juin 2024 et 6 novembre 2024 :
- infirmer l'ordonnance du 6 novembre 2024 en ce qu'elle a ordonné 'la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE des éléments classés par la société FRENCH INDIES REALTY numérotées 66 à 69 puis 72 à 79, 85, 86, 92 à 101 puis 104, 105 et 109 à 112 puis 114 et 115 selon tableau annexé à la décision',
Et, statuant à nouveau,
- juger que 'les pièces numérotées 66 à 69 puis 72 à 79, 85, 86, 92 à 101 puis 104, 105 et 109 à 112 puis 114 et 115 selon tableau annexé à la décision', seront écartées de la saisie mise actuellement sous séquestre auprès de la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice,
- confirmer l'ordonnance querellée pour le surplus,
En tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions formées par la société TERRAE REAL ESTATE,
- condamner cette dernière à payer à la société FRENCH INDIES REALTY la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour l'exposé des moyens proposés par la société FRENCH INDIES REALTY au soutien de ces prétentions ;
3°/ Par ses conclusions d'intervention volontaire en cause d'appel, remises au greffe le 22 juillet 2025, M. [W] [Y] souhaite voir, au visa des articles 66, 354, 325 et 329 du code de procédure civile, 3, 4 et 20 du Règlement national des notaires, 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et des ordonnances du juge des référés des 24 janvier 2024, 12 juin 2024 et 6 novembre 2024 :
- juger recevable et bien fondée son intervention volontaire 'dans la présente instance enrôlée sous le N° RG24/01033",
- infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a ordonné 'la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE des pièces numérotées 72 à 79, ainsi que les pièces 66 à 69, 85, 86, 92 à 101,104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115 selon tableau annexé à la décision',
Et, statuant à nouveau,
- juger que 'les pièces numérotées 72 à 79, ainsi que les pièces 66 à 69, 85, 86, 92 à 101, 104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115, selon tableau annexé à la décision', seront écartées de la saisie mise actuellement sous séquestre auprès de l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice,
- confirmer l'ordonnance querellée pour le surplus,
En tout état de cause,
- condamner la société TERRAE REAL ESTATE à payer à M. [Y] la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Il est expressément référé à ces écritures pour l'exposé des moyens que M. [Y] formule au soutien de son intervention et de ses demandes ;
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité des appels principaux de chacune des parties
Attendu qu'en application de l'article 490 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande et le délai d'appel est de quinze jours ; que ce délai court de la signification de la décision ;
Attendu qu'en l'espèce, chacune des parties a relevé appel principal, le 14 novembre 2024 pour la société TERRAE REAL ESTATE et le 27 novembre 2024 pour la société FRENCH INDIES REALTY, de l'ordonnance de référé rendue le 6 novembre 2024, mais ce, sans qu'il soit prétendu et moins encore justifié de ce que cette ordonnance ait été signifiée préalablement à l'une ou l'autre ; que chacun de ces appels est donc recevable au plan du délai pour agir ;
III- Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [W] [Y]
Attendu qu'aux termes des dispositions des articles 325, 328, 329 et 330 du code de procédure civile :
- l'intervention, volontaire ou forcée, n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant,
- l'intervention volontaire est principale ou accessoire,
- l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention,
- l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ;
Attendu que l'article 554 du même code précise que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ;
Attendu qu'il résulte des seules mentions de l'ordonnance déférée que M. [Y] n'a été ni partie ni représenté en première instance ;
Attendu qu'à l'encontre de ce qu'il prétend, son intervention n'est pas principale, mais accessoire, puisque ses demandes, hors les frais irrépétibles sollicités à son profit, sont les mêmes que celles de la société FRENCH INDIES REALTY, de quoi il résulte que cette intervention a pour seul objet de venir en appui aux prétentions de cette dernière;
Attendu qu'il est constant que la saisie litigieuse porte sur des éléments (courriers, mails, actes) auxquels M. [Y] a été partie ou qui ont trait au contrat qui le liait à la société FRENCH INDIES REALTY, cette saisie ayant été autorisée dans le cadre d'un possible litige à naître relativement au mandat de vente immobilière qu'il avait donné à la société FRENCH INDIES REALTY après que, pour la même vente, il eut donné un premier mandat à la société TERRAE REAL ESTATE ; que, d'ailleurs, au premier paragraphe de ses dernières conclusions au fond, cette dernière, première appelante à titre principal, indique elle-même que c'est 'dans le cadre d'un litige opposant la société TERRAE REAL ESTATE, d'une part, Monsieur [Y] et la société FRENCH INDIES REALTY, d'autre part, (que) la société TERRAE REAL ESTATE sera autorisée par ordonnance du 4 décembre 2023 (pièce 1) sur le fondement de l'article 145 du CPC, à pratiquer une mesure de saisie de divers documents au sein de l'entreprise FRENCH INDIES REALTY' ; qu'il en résulte que M. [Y] a bel et bien un intérêt direct et personnel à soutenir les demandes de la société FRENCH INDIES REALTY, et ce pour la conservation de ses propres droits sur les éléments ainsi saisis ; qu'il échet en conséquence de le dire recevable en son intervention volontaire et, partant, de rejeter la fin de non-recevoir opposée à celle-ci par la société TERRAE ;
IV- Sur le fond des demandes de chacune des parties
Attendu que le premier juge a exclu des pièces saisies sur son autorisation, pouvant et devant être remises à la société TERRAE REAL ESTATE, saisissante, par l'étude de commissaires de justice instrumentaire après saisie au sein de la société FRENCH INDIES REALTY, les seules pièces numérotées, en un tableau qu'il a annexé à sa décision, 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117 et 102, mais seulement, pour cette dernière, en ses pages 3, 4 et 5, ces pièces relevant de la catégorie B des pièces saisies et cette catégorie, aux termes de l'ordonnance du juge des référés du 12 juin 2024, jamais déférée à la cour, comprenant 'les pièces concernées par le secret des affaires' et que la société saisie, qui avait charge de ce classement, 'refus(ait) de communiquer' ; que ce même juge a également exclu de la communication au saisissant, la pièce 118, la seule qui ait été introduite par la société FRENCH INDIES REALTY dans la catégorie C dédiée aux pièces qu'elle refusait de communiquer bien que non couvertes par le secret des affaires ; qu'en revanche, le premier juge a autorisé la communication de la totalité des éléments classés en catégorie A, laquelle était dédiée aux pièces pouvant être communiquées sans examen ;
Attendu qu'au regard des appels principaux de chacune des parties, la cour n'est saisie que des pièces classées en catégorie B, puisque :
- d'une part, la société TERRAE REAL ESTATE, saisissante, en demande, sur infirmation de l'ordonnance déférée de ce chef, la communication et, partant, la levée du séquestre y relatif, et la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y], intervenant, demandent à l'inverse la confirmation de cette ordonnance en ce qui est de l'exclusion de ces pièces de celles qui sont à remettre à ladite saisissante,
- d'autre part, la société FRENCH INDIES REALTY, également soutenue par M. [Y], intervenant, demande l'infirmation de ladite ordonnance en ce qu'elle a autorisé la remise à la société saisissante des pièces de la catégorie B non exclues et non séquestrées, savoir les pièces 66 à 69, 72 à 79, 85, 86, 92 à 101, 104, 105, 109 à 112, 114 et 115 ;
Attendu qu'il doit être cependant observé qu'à la faveur probablement d'une erreur matérielle, la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y] demandent l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle n'aurait pas écarté de la saisie la pièce 77 (comprise, dans sa demande d'infirmation, au titre des pièces '72 à 79"), alors même qu'il résulte du dispositif de cette ordonnance qu'elle a été expressément exclue des pièces devant être communquées à la société saisissante ; qu'il y aura néanmoins lieu de statuer à son égard puisque la société TERRAE REAL ESTATE en demande la communication et la levée du séquestre y relatif ;
***
Attendu qu'en application de l'article L151-1 du code de commerce, est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité,
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret,
3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ;
Attendu que l'article L151-7 du même code établit que le secret des affaires n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l'Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives;
Attendu qu'en application de l'article L153-1 du même code, lorsque, à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond (sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile) ou à l'occasion d'une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense :
1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues à cet article,
2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l'accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l'assister ou la représenter,
3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil,
4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires ;
Attendu qu'aux termes des dispositions des articles R153-1 et suivants du code de commerce relatifs à l'administration judiciaire de la preuve :
- lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires,
- si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant,
- le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10,
- lorsqu'en application du 1° de l'article L. 153-1, le juge restreint l'accès à la pièce aux seules personnes habilitées à assister ou représenter les parties, il peut également décider que ces personnes ne peuvent pas en faire de copie ou de reproduction, sauf accord du détenteur de la pièce,
- à peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :
1° La version confidentielle intégrale de cette pièce,
2° Une version non confidentielle ou un résumé,
3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires,
- le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce,
- le juge refuse la communication ou la production de la pièce lorsque celle-ci n'est pas nécessaire à la solution du litige,
- le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu'elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires, cependant qu'en ce cas il désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale. Lorsqu'une des parties est une personne morale, il désigne, après avoir recueilli son avis, la ou les personnes physiques pouvant, outre les personnes habilitées à assister ou représenter les parties, avoir accès à la pièce,
- lorsque seuls certains éléments de la pièce sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires sans être nécessaires à la solution du litige, le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans une version non confidentielle ou sous forme d'un résumé, selon les modalités qu'il fixe ;
Attendu qu'en l'espèce, la décision querellée est intervenue dans le cadre de l'assignation, devant le juge des référés, de la société TERRAE REAL ESTATE par la société FRENCH INDIES REALTY, en date du 8 février 2024, aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE le 4 décembre 2023 sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, et après que, par une première ordonnance de référé rendue dans ce cadre le 12 juin 2024, ledit président :
- a dit n'y avoir lieu à rétractation mais à modification de ladite ordonnance, laquelle revenait à une rétractation partielle,
- a donc ordonné la levée du séquestre pour un certain nombre des pièces saisies et la destruction d'un certain nombre d'autres à la diligence du commissaire de justice instrumentaire,
- et a organisé la procédure de levée du séquestre des pièces non visées par cette dernière disposition ;
Attendu que c'est donc dans le double cadre de l'article 145 précité, pour la demande de rétractation, et de l'organisation de la procédure de levée totale ou partielle d'un séquestre, pour le tri opéré entre les pièces saisies communicables ou non, que l'ordonnance querellée a été rendue ;
Attendu qu'en effet, ce tri est intervenu, après qu'il a été statué sur la demande de rétractation, dans un cadre tout autre que celui de l'article 145, savoir celui de l'article R153-1 du code de commerce précité, aux termes du dernier alinéa duquel 'le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance, est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10" ; qu'en conséquence, s'il est vrai que les résultats de l'exécution des mesures ordonnées sur requête ne peuvent être pris en considération pour apprécier la régularité de leur autorisation qui doit être appréciée au moment de son prononcé, le premier juge, en opérant le tri des pièces saisies dans le cadre de l'article R153-1, n'a fait que statuer dans les conditions prévues aux articles R153-3 à R153-10, si bien que c'est à tort que la société FRENCH INDIES REALTY lui reproche d'avoir ainsi violé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu que, dans ce cadre ainsi strictement défini par les susdites dispositions du code de commerce, notamment l'article R153-6, le premier juge a pu, comme il l'a fait, rechercher, in concreto, si la communication de chacune des pièces classées par la société saisie dans la catégorie B dédiée aux éléments ne pouvant, selon elle, être communiqués sans porter atteinte au secret des affaires, était ou non en lien avec le litige et pouvait ou non intervenir en conciliant le droit à la preuve de la société TERRAE REAL ESTATE et la protection du secret des affaires de la société FRENCH INDIES REALTY ;
Attendu qu'en application de ces dispositions, le secret des affaires n'est pas en soi un obstacle à la communication au saisissant, dans le cadre de la mesure de saisie ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, des pièces pouvant lui porter atteinte, mais ce si et seulement si elles sont nécessaires à la solution du litige, ce qui relève de l'appréciation souveraine du juge des référés y statuant sur le fondement de l'article R153-1 précité ;
Attendu que cette appréciation est nécessairement en lien avec la nature et l'objet du litige à venir au titre duquel la mesure in futurum a été sollicitée et obtenue ;
Attendu qu'il est constant que, ainsi qu'encore retenu à juste escient par le premier juge, le contentieux susceptible d'opposer les parties, y compris M. [Y], mandant, dans le cadre d'une instance au fond à venir, a trait à la signature, par l'intermédiation de l'agence immobilière de la société FRENCH INDIES REALTY, d'une offre d'achat acceptée et portant sur un bien immobilier appartenant au susnommé mandant, alors même que, selon la société TERREA REAL ESTATE, ce mandant avait préalablement signé à son profit un mandat de vente exclusif, des visites avaient été organisées par cette dernière société et une offre d'achat avait été signée par M. [Y] sous son égide;
Attendu que, dès lors, toutes les pièces saisies en lien avec le litige à venir relativement au mandat de vente donné à la société FRENCH INDIES REALTY par M. [Y] et l'offre d'achat présentée à ce dernier par la première, fussent-elles par définition attentatoires au secret des affaires de ladite société, peuvent, dans le cadre de la préservation de son droit à la preuve, être communiquées à la société TERRAE REAL ESTATE qui prétend avoir bénéficié elle aussi d'un mandat exclusif de vente portant sur le même immeuble ;
Attendu qu'en revanche, il ne peut être porté atteinte au secret professionnel des notaires puisque, ainsi que rappelé à juste titre par le premier juge, le droit de la preuve et le droit aux preuves ne peuvent faire échec à l'intangibilité de ce type de secret professionnel, lequel n'est délié que par la loi, soit qu'elle impose soit qu'elle autorise sa révélation ; et que la protection d'un tel secret professionnel s'étend à l'hypothèse d'une diffusion qui ne proviendrait pas du notaire lui-même mais d'un tiers qui détiendrait des éléments frappés de ce secret, lesquels ne sont donc pas davantage communicables;
Attendu qu'en revanche, le secret professionnel imposé aux agents immobiliers par la loi dite HOGUET en date du 2 janvier 1970, ne peut être sérieusement opposé à la communication de pièces détenues par cet agent lorsque celle-ci, ordonnée par un juge après saisie autorisée par ce même juge, apparaît indispensable à l'exercice du droit à la preuve du requérant, est proportionné aux intérêts antonymiques des parties, et, ainsi ordonnée par un juge, est mise en oeuvre avec de suffisantes garanties de respect desdits intérêts ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la description que fait le premier juge des pièces litigieuses figurant dans la catégorie B, conformément au classement opéré par la société saisie, soit juste et que, partant, ces pièces soient les suivantes :
- pour les pièces 66 à 69, 72, 86, 104 et 105 : captures d'écran de listing de fichiers divers,
- pour les pièces 70 et 80 : un email du 24 décembre 2023 au futur acquéreur du bien objet du mandat en provenance de l'agence concernant le parking,
- pour les pièces 71, 77, 81 : deux emails des 9 novembre 2023 et 16 novembre 2023 en provenance de l'agence au titre du PBA,
- pour la pièce 73 : un email de l'agence BARNES au notaire en charge de la vente à la suite de la signature d'une offre d'achat par l'acquéreur,
- pour les pièces 74, 75, 76, 78, 79 : les offres d'achat et emails de transmission (projet, offre ferme, offre signée),
- pour les pièces 82 et 83 : un échange d'emails relatif au permis de construire entre les 2 et 4 janvier 2024,
- pour la pièce 84 : des échanges d'emails relatifs notamment aux diagnostics et assurance relatifs au bien objet du mandat dans le cadre de l'offre d'achat reçue par l'agence, composés principalement d'échanges d'emails à compter du 7 novembre 2023 concernant ce bien mais aussi une autre villa,
- pour la pièce 85 : un docusign du 12 décembre 2023,
- pour la pièce 87 : une capture d'écran d'accueil de l'ordinateur de l'agence mentionnant les noms d'autres villas,
- pour la pièce 88 : une capture d'écran d'accueil de l'ordinateur de Mme [E] ne faisant pas apparaître M. [Y],
- pour la pièce 89 : un email de l'agence BARNES en date du 18 septembre 2023 relatif à la vente d'une autre villa,
- pour la pièce 90 : un dossier relatif à un litige impliquant M. [Y] et deux autres sociétés tierces et comprenant des conclusions et un jugement,
- pour la pièce 91 : des échanges d'emails relatifs à des honoraires d'avocat dans une procédure distincte,
- pour la pièce 92 : une demande de transmission de documents signée de M. [Y] avec un courrier de résiliation de mandat en date du 18 juillet 2023,
- pour les pièces 93, 94, 95, 97, 98 et 99 : un courrier de M. [Y] à l'office notarial RICOUR-BRUMIER en date du 19 juillet 2023 concernant la caducité de la promesse de vente signée le 6 février 2023, ainsi que la copie de l'accusé de réception et une relance non signée mais datée du 7 septembre 2023,
- pour la pièce 96 : un second courrier non signé en date du 19 juillet 2023 de M. [Y] à l'office notarial,
- pour les pièces 100 et 101 : des communications de l'agence BARNES à l'attention du notaire et entre collaborateurs de l'agence relatives au projet de mandat et à la promesse de vente signée en février 2023,
- pour les pièces 102 et 103 : des échanges d'emails entre le notaire et l'agence BARNES, entre l'agence BARNES et le commissaire de justice et entre Mme [I] (gérante de l'agence TERRAE REAL ESTATE) et M. [Y],
- pour la pièce 106 : un certificat médical en date du 10 février 2023 concernant M. [Y],
- pour les pièces 107 et 108 : un bail civil portant sur une parcelle de terre conclu entre M. [Y] et une autre société le 24 mai 2019,
- pour la pièce 109 : un email en date du 31 octobre 2023 de la société BARNES,
- pour les pièces 110, 111, 112 et 114 : un échange de courriels rédigés en langue anglaise décrivant un bien et leur traduction,
- pour la pièce 113 : un email de l'agence BARNES concernant une indemnité d'éviction, un bornage et un jugement relatif à une procédure étrangère à la présente procédure,
- pour la pièce 115 : un courrier de l'agence BARNES à [Localité 6] REAL ESTATE à un client en date du 15 novembre 2023, relatif à la présentation de la parcelle de terre de M. [Y] objet du mandat,
- pour les pièces 116 et 117 : des échanges d'emails postérieurs au mois de septembre 2023 concernant notamment le bornage, l'indemnité d'éviction, le permis de construire, l'assurance et les diagnostics, et plusieurs échanges liés à une autre villa ;
1°/ Attendu que le juge des référés, en son ordonnance querellée, a estimé en premier lieu que les pièces 70, 71, 77, 80,81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 107, 108, 113, 116 et 117 étaient étrangères au litige à venir entre les deux agences immobilières et M. [Y] quant à la prévalence de l'un ou l'autre des deux mandats donnés par ce dernier auxdites agences pour la vente du même terrain ;
Attendu que, d'une part, compte tenu de la description qui est faite ci-avant de ces documents, ce constat est parfaitement fondé et, d'autre part, la société TERRAE REAL ESTATE, qui se borne à exciper de l'impossibilité pour le premier juge et, partant, la cour, de juger de l'utilité des pièces saisies, ne démontre pas que ces pièces auraient un quelconque lien avec le procès qu'elle envisage d'engager à l'encontre de l'agence BARNES [Localité 6] ;
Attendu que la société TERRAE REAL ESTATE estime ainsi que le premier juge n'avait pas à juger de l'utilité des pièces saisies dès lors que, selon elle, il n'a pas fait état d'un secret des affaires pour maintenir le séquestre, alors même qu'il a rappelé que toutes les pièces concernées avaient été classées par la société FRENCH INDIES REALTY en catégorie B, laquelle était précisément définie, en l'ordonnance non frappée d'appel du 12 juin 2024, comme les 'pièces concernées par le secret des affaires et que la société FRENCH INDIES REALTY refuse de communiquer' et ce, en confirmité avec la définition légale du secret des affaires résultant de l'article L151-1 du code de commerce d'après lequel, en substance, est protégée au titre du secret des affaires toute information ayant une valeur commerciale ayant un caractère secret, revêtant une valeur, effective ou potentielle, et faisant l'objet de la part de son détenteur légitime, en l'espèce la société FRENCH INDIES REALTY, de mesures de protection raisonnables pour en conserver le caractère non-public ; et que tel est bien le cas des informations révélées par les pièces susvisées, fussent-elles mineures, puisqu'elles ont trait aux affaires de l'agence BARNES, avec ses clients ou interlocuteurs, qu'elle est légitime à vouloir protéger de toute publicité, dans l'intérêt évident desdits clients notamment, mais aussi et surtout dans son propre intérêt à l'égard de ses concurrents potentiels, le marché immobilier barthéloméen, compte tenu du niveau des prix au mètre carré qui y sévit à raison des particularismes notamment fiscaux de ce territoire autonome de la République française, étant particulièrement concurrentiel au regard des enjeux en termes de commissionnements ;
Attendu que c'est encore à tort que la société TERRAE REAL ESTATE reproche au premier juge une violation du principe du contradictoire en ce qu'il a écarté de la communication qui lui a été faite des pièces litigieuses les pièces 84, 88 et 103, alors même qu'aux termes de l'article L153-1 1° du code de commerce, ainsi que rappelé supra, lorsque, à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond (sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile) ou à l'occasion d'une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues à cet article ;
Attendu que c'est donc à juste titre et sans avoir violé une quelconque disposition légale ou règlementaire ou conventionnelle, ni même constitutionnelle, que le premier juge a écarté des pièces communicables à la société saisissante TERRAE REAL ESTATE celles qui, participant de la catégorie B, sont numérotées 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 107, 108, 113, 116 et 117 ; que la société TERRAE REAL ESTATE sera donc déboutée de sa demande de levée du séquestre au titre de ces éléments et l'ordonnance querellée sera subséquemment confirmée sur ce point ;
Mais attendu qu'à l'encontre cette fois de l'opinion du premier juge, il n'apparaît pas que la pièce 106 ait un lien quelconque avec le litige portant sur les deux mandats de vente présentés par la société TERRAE REAL ESTATE comme concurrents et incompatibles; qu'en effet, il s'agit d'un certificat médical concernant M. [Y], lequel, outre que, comme retenu par le premier juge pour l'exclure des pièces communicables, il est couvert par le secret médical, est étranger aux susdits mandats et à la vente subséquemment réalisée au titre de l'un de ceux-ci ; que, pour ces deux motifs cette fois, l'agence TERRAE REAL ESTATE sera encore déboutée de sa demande de levée du séquestre de cette pièce et l'ordonnance déférée confirmée à cet égard ;
2°/ Attendu que, corrélativement, et compte tenu, également, de leur description en procédure, il apparaît manifeste que les autres pièces classées dans la catégorie B, soit les pièces numérotées 66, 67, 68, 69, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 85, 86 (celle-ci ayant été omise par le premier juge en les motifs de sa décision, mais pas dans son dispositif), 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115, apparaissent en lien avec la nature et l'objet du litige à venir puisqu'elles révèlent les actions engagées par l'agence BARNES au titre du mandat que lui a donné M. [Y] en suite de celui dont bénéficiait l'agence TERRAE REAL ESTATE ;
Mais attendu que c'est à tort que la société FRENCH INDIES REALTY oppose le secret notarial à la communication des pièces 92 à 101 ; qu'en effet, eu égard à la définition ci-avant reprise de la nature et de la portée du secret notarial, il apparaît que ces pièces, en tant qu'elles consistent en des courriers ou courriels adressés par ladite société au notaire chargé de la vente du bien de M. [Y] et ne contiennent ainsi aucune information donnée par ce notaire à l'agence BARNES, ne portent aucunement atteinte au secret professionnel notarial ; que c'est donc encore à juste titre que le premier juge a levé le séquestre de ces pièces 92 à 101 et autorisé leurs communication à la société saisissante ;
Attendu qu'en revanche, il n'est pas contesté que la pièce 102, qui consiste en un échange d'emails entre l'agence BARNES et le notaire, contienne, en ses 3ème, 4ème et 5ème pages, des courriels dudit notaire à ladite agence, lesquels sont couverts par le secret professionnel notarial ; que c'est donc encore à juste titre que le juge des référés n'a autorisé la communication au saisissant de cette pièce 102 qu'expurgée de ces trois pages ;
Attendu que, dès lors qu'il n'est pas davantage discuté que la pièce 103 ne soit que la reprise des échanges de la pièce 102, elle mérite d'être écartée des pièces communicables ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en ce que le juge des référés a ordonné la communication à la société TERRAE REAL ESTATE, par le commissaire de justice instrumentaire, des pièces saisies, classées par l'agence BARNES dans la catégorie B et numérotées 66, 67, 68, 69, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 85, 86 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, hors ses 3ème, 4ème et 5ème pages, 104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115 ;
V- Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que c'est à juste titre que les dépens de première instance ont été mis à la charge de la société TERRAE demanderesse à la mesure d'instruction in futurum ;
Attendu qu'en revanche, chacune des parties succombant en son appel principal (pour les sociétés TERRAE REAL ESTATE et FRENCH INDIES REALTY) ou son intervention volontaire (pour M. [Y]), chacune d'elles conservera la charge de ses dépens d'appel et sera subséquemment déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Dit recevable chacune des parties en son appel principal à l'encontre de l'ordonnance du juge des référés du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 6 novembre 2024,
- Dit recevable l'intervention volontaire en cause d'appel de M. [N], Benoît [Y] et rejette par suite la fin de non-recevoir soulevée par la société TERRAE REAL ESTATE à son égard,
- Confirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions déférées,
Y ajoutant,
- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel ou d'intervention,
- Déboute chacune d'elles de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Et ont signé,
La greffière Le Président
2ème CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° 528 DU 20 NOVEMBRE 2025
N° RG 24/01033 -
N° Portalis DBV7-V-B7I-DXXX
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 06 novembre 2024, dans une instance enregistrée sous le n° 2024R00009
APPELANTE :
S.A.S. TERRAE REAL ESTATE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Michaël SARDA, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Mathieu JUNQUA-LAMARQUE de la SARL GAUDIN, JUNQUA-LAMARQUE § ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS et D'AVIGNON
INTIMEE :
S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, avocate au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assistée de Me Naïma LADAOUI, avocate au barreau de PARIS
INTERVENANT VOLONTAIRE :
Monsieur [N] [Y]
[Adresse 8]
[Localité 6]
Représenté par Me Ornella SUVIERI, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART
Assisté de Me Victoire BOULANGER avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue le 08 septembre 2025, en audience publique, devant la cour composée de :
M. Frank Robail, président de chambre,
Mme Annabelle Cledat, conseillère,
Mme Aurélia Bryl,conseillère.
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait rendu par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 novembre 2025
GREFFIER,
Lors des débats et lors du prononcé : Mme Sonia VICINO, greffière.
ARRÊT :
- contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
- signé par M. Frank Robail, président de chambre et par Mme Sonia Vicino, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY gère à [Localité 6] une agence immobilière à l'enseigne 'BARNES [Localité 6]' ;
La S.A.S. TERRAE REAL ESTATE gère elle aussi à [Localité 6] une agence immobilière, sous le nom commercial éponyme ;
Par ordonnance du 4 décembre 2023, le président du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE a notamment, sur requête de la société TERRAE REAL ESTATE :
- désigné la SELAS de commissaires de justice ACTES-HUISSIERS-971-[M], en la personne de l'un de ses associés, en qualité de mandataire de justice avec mission de :
** se rendre au siège social de la S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY, dont le nom commercial est 'BARNES INTERNATIONAL BARTHELEMY', sis à [Adresse 10], immatriculée au RCS de BASSE-TERRE sous le n° 877.702.738,
** se faire remettre tout pouvoir et/ou mandat donné par M. [W] [Y] à la société FRENCH INDIES REALTY, ainsi que toute correspondance échangée entre eux,
** avoir accès à l'ensemble des supports et serveurs informatiques (ordinateur fixe, portable, tablette, téléphone mobile, etc...) utilisés par Mme [S] [E], M. [D] [X], gérants, et M. [C] [E], directeur de l'agence FRENCH INDIES REALTY, ainsi que par tout personnel de ladite agence,
** se faire communiquer, rechercher et prendre en copie tous éléments ou documents au format papier, de toutes correspondances, y compris électroniques émises ou reçues à partir notamment des adresses email [Courriel 9] et [Courriel 12] ou de toute adresse de messagerie paramétrée par défaut sur les supports informatiques consultés ainsi que tous documents ou fichiers informatiques échangés à l'occasion de ces correspondances ou figurant sur les supports et serveurs informatiques utilisés par Mme [S] [E] et M. [C] [E], et ce entre le 1er mars 2023 et le jour de l'exécution de cette ordonnance, contenant les mots clés suivants, tant en minuscule qu'en majuscule, alternativement ou cumulativement : [Y], [R], Saint [N], [I], TERRAE REAL ESTATE,
** 'se faire communiquer et rechercher au sein des fichiers et dossiers commerciaux faisant référence à M. [Y] ou son bien sis [Localité 6], [Localité 11]', ** 'et, plus généralement, tout dossier, sur support papier ou sur support électronique, ouvert au nom de M. [W] [Y] ou se rapportant à tout ou partie de son bien sis [Localité 11] à [Localité 6] (figurant au cadastre Section AI n° [Cadastre 1], [Cadastre 3], [Cadastre 4] et [Cadastre 5])',
- autorisé à cette fin le commissaire de justice commis :
** à interroger Mme [S] [E], M. [D] [X] et M. [C] [E], sur l'endroit et/ou sur les lieux où sont conservés leurs documents commerciaux et administratifs, 'comme à leurs propres préposés rencontrés sur place',
** à recourir aux appareils de reprographie ou de photographie par tout procédé de son choix, notamment numérique, éventuellement disponible au siège de la personne saisie, le libre accès à ces appareils devant lui être assuré,
** en cas d'absence de photocopieur sur place ou d'impossibilité d'utiliser l'appareil existant sur place, à emporter momentanément les pièces à copier afin de les reproduire en son étude à charge pour lui de les restituer à la partie saisie une fois les copies faites,
** si des informations utiles étaient conservées sur un support autre que le papier, tel que le microfilm ou des fichiers informatiques, et au besoin avec le concours de tout technicien par lui requis, à réaliser une édition sur papier ou une copie sur tout support approprié en utilisant les moyens disponibles sur place ou à l'extérieur des lieux du constat si nécessaire, moyennant une juste rémunération des parties requises des photocopies réalisées sur ces matériels,
** à se faire ouvrir tout local, bureau ou meuble et se faire donner accès à tout système informatique pour procéder aux recherches susvisées,
** à recueillir toutes les informations utiles aux faits de la cause, notamment par le biais d'interpellations de toute personne présente dans les locaux de la partie saisie, nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
** à accéder à tout fichier informatique permettant d'avoir accès aux documents susdits, en prendre copie,
** plus généralement, à effectuer toute saisie de tout fichier et toutes recherches et constatations utiles, notamment partir des postes informatiques se trouvant sur place, permettant d'établir la preuve, l'origine, la consistance et l'étendue des actes allégués sur la période concernée, en deux exemplaires et sur support magnétique, informatique ou sur papier,
** à rechercher si des fichiers informatiques en rapport avec sa mission n'ont pas été supprimés et, s'il y a lieu, la date de la suppression,
** à se procurer ou se faire procurer tout mot de passe ou tout autre certificat adapté (notamment carte PKI. Mot de passe usage unique (OTP), empreintes digitales) requis pour accéder aux informations sur l'intranet et/ou sur tout matériel informatique sur les lieux où les mesures seront effectuées et à supprimer si besoin ces mots de passe,
** à consigner les déclarations des répondants et toutes paroles prononcées au cours des opérations en s'abstenant cependant d'interpellations autres que celles nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
- autorisé le commissaire de justice commis, si besoin était, compte tenu de la technicité de la mission en cause, à se faire assister par tout homme de l'art et/ou expert notamment informatique, autre que les subordonnés des requérantes,
- autorisé le même commissaire de justice à se faire assister de la force publique et/ou d'un serrurier,
- dit que ce commissaire de justice devrait être en mesure d'assurer la cybersécurité des données qu'il se serait fait remettre, de façon à éviter toute disparition, corruption de données ou captation par des tiers, et, à ce titre, il en assurerait la plus stricte confidentialité grâce à tous les moyens techniques appropriés,
- dit que :
** il serait procédé aux opérations de saisie nonobstant toute opposition des parties requises,
** serait exclu de ladite saisie l'ensemble des données confidentielles portant sur les échanges entre la société FRENCH INDIES REALTY et ses avocats, à l'exception de ceux échangés avec Me TISSOT, avocat de M. [W] [Y],
** le commissaire instrumentaire devrait dresser de l'ensemble de ses opérations un procès-verbal qui servirait ce que de droit et y annexer les copies réalisées au cours de l'exécution de cette ordonnance,
- dit que les opérations de constat devraient être réalisées dans un délai de deux mois à compter de cette ordonnance,
- dit qu'à défaut de saisine du commissaire de justice commis dans un délai d'un mois à compter de cette même ordonnance, sa désignation serait caduque et privée d'effets,
- rappelé que cette ordonnance était exécutoire au seul vu de la minute ;
Cette ordonnance a été signifiée à la société saisie FRENCH INDIES REALTY par acte de commissaire de justice du 9 janvier 2024, soit le jour où la saisie a été pratiquée ;
Sur saisine de la présidente du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE par la susdite société, suivant requête du 15 janvier 2024, cette dernière a été autorisée à assigner la société TERRAE REAL ESTATE en référé d'heure à heure, à l'audience du 17 janvier suivant, aux fins de voir placer sous séquestre divers éléments saisis le 9 janvier 2024 ;
Par ordonnance du 24 janvier 2024, le juge des référés :
- a ordonné au commissaire de justice instrumentaire de placer sous séquestre l'ensemble des éléments saisis en exécution de l'ordonnance du 4 décembre 2023,
- a rejeté la demande de la société FRENCH INDIES REALTY tendant à voir restituer les pièces déjà communiquées à la société TERRAE REAL ESTATE et détruire les copies de celles-ci (procès-verbal de constat d'ordonnance sur requête et le rapport de fin de mission de l'informaticien),
- a dit qu'au delà du délai d'un mois à compter de la signification de l'ordonnance du 4 décembre 2023 et en l'absence d'assignation en référé rétractation de cette ordonnance dans ce délai, le commissaire de justice remettrait à la partie requérante les éléments saisis et constatés au cours des opérations de constat, la mesure de séquestre étant alors levée conformément à l'article R153-1 du code de commerce ;
***
Par acte de commissaire de justice du 8 février 2024, la société FRENCH INDIES REALTY a fait assigner la société TERRAE REAL ESTATE devant le juge des référés du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE à l'effet de voir, au visa des articles 16, 145, 493 et suivants du code de procédure civile :
A TITRE PRINCIPAL
- juger que l'ordonnance rendue par le président du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE du 4 décembre 2023, sur requête de la société TERRAE REAL ESTATE, n'a pas été signifiée avec la requête complète,
En conséquence,
- rétracter cette ordonnance,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, de (i) restituer les éléments appréhendés à la société FRENCH INDIES REALTY, (ii) justifier de n'en avoir réalisé ni conservé aucune copie et (iii) attester qu'aucune remise des éléments saisis n'a été faite à la société TERRAE REAL ESTATE,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, (i) qu'il soit restitué et détruit toute copie du procès-verbal de saisie, en ce compris les inventaires, et (ii) qu'ils justifient n'avoir conservé aucune copie de ces éléments,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- juger que les mesures d'instruction prévues par l'ordonnance du 4 décembre 2023 sur requête de la société TERRAE REAL ESTATE sont dépourvues de motif légitime,
En conséquence,
- rétracter cette ordonnance,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, de (i) restituer les éléments appréhendés à la société FRENCH INDIES REALTY, (ii) justifier de n'en avoir réalisé ni conservé aucune copie et (iii) attester qu'aucune remise des éléments saisis n'a été faite à la société TERRAE REAL ESTATE,
- ordonner à l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, (i) qu'il soit restitué et détruit toute copie du procès-verbal de saisie, et ce compris les inventaires, et (ii) qu'ils justifient n'avoir conservé aucune copie de ces éléments,
A TITRE SUBSIDIAIRE
- juger que la mesure octroyée par l'ordonnance du 4 décembre 2023 est disproportionnée,
En conséquence,
- modifier cette ordonnance comme suit :
** les supports sur lesquels la saisie est effectuée ne devront se faire qu'à partir de la messagerie professionnelle propre à la société FRENCH INDIES REALTY et se terminant donc par la barre 'barnes-international.fr',
** le mot-clé '[Y]' sera 'modifié' par '[N] [Y]',
** le mot-clé '[I]' sera 'modifié' par '[G] [I]',
** les mots-clés '[R]' et '[Localité 11]' devront être supprimés,
** l'ensemble des mots-clés retenu 'ne devront pas être pris alternativement mais bien cumulativement',
** exclure de la saisie les échanges avec Me TISSOT, avocat, ces éléments étant par nature confidentiels,
- juger que l'étude de commissaires de justice ACTES-HUISSIER-971-[M] étant intervenue, 'devra modifier sa saisie en fonction et les parties seront alors convoquées, par devant Madame le Président du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, afin de débat contradictoire, en présence du commissaire de justice et des pièces séquestrées et, pour les sociétés TERRAE REAL ESTATE et FRENCH INDIES REALTY, en la seule présence de leurs avocats et du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Guadeloupe ou de l'un de ses représentants, afin qu'il soit statué sur la communication desdites pièces au regard du secret des affaires et de leur potentiel(le) absence de lien avec le prétendu litige ',
- 'juger que seules les pièces strictement en lien avec le litige potentiel et ne relevant pas du secret des affaires, ni de la confidentialité feront partie de la saisie après décision de Mme le président du tribunal (...)',
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE
- 'juger que les parties seront convoquées par devant Madame, Monsieur le président, afin de débat contradictoire, en présence du commissaire de justice et des pièces séquestrées et, pour les sociétés TERRAE REAL ESTATE et FRENCH INDIES REALTY, en la seule présence de leurs avocats et du Bâtonnier de l'ordre des avocats de Guadeloupe ou de l'un de ses représentants, afin qu'il soit statué sur la communication desdites pièces au regard du secret des affaires et de leur potentiel(le) absence de lien avec le prétendu litige',
- 'juger que seules les pièces strictement en lien avec le litige potentiel et ne relevant pas du secret des affaires, ni de la confidentialité feront partie de la saisie après décision de Mme le président du tribunal (...)'
EN TOUT ETAT DE CAUSE, condamner la société TERRAE REAL ESTATE à verser à la société FRENCH INDIES REALTY la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Lors des débats, la société FRENCH INDIES REALTY a ajouté à ces demandes celle d'une condamnation de la société TERRAE REAL ESTATE à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice d'image, outre 20 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
En réplique, la société TERRAE REAL ESTATE concluait aux fins de voir :
- annuler l'assignation du 8 février 2024,
- prononcer la caducité des mesures de séquestre,
- débouter la société FRENCH INDIES REALY de toutes ses demandes,
- inviter l'huissier instrumentaire à lui remettre la proposition acceptée le 18 décembre 2023,
- Subsidiairement, ordonner la levée du séquestre concernant les documents suivants:
** l'ensemble des documents 'figurant la chemise 147, mandat 147",
** la clé USB,
** l'offre d'achat acceptée le 18 décembre 2023,
- condamner la société FRENCH INDIES REALTY à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Par ordonnance de référé du 12 juin 2024, signifiée par acte de commissaire de justice du 20 juin 2024, le président du tribunal mixte de commerce a :
- rejeté l'exception de nullité de l'assignation du 8 février 2024,
- dit n'y avoir lieu à rétractation de son ordonnance du 4 décembre 2023, mais à simple modification de celle-ci,
- modifié ladite ordonnance en ce sens :
COMMETTONS la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M] en la personne d'un de ses associés commissaire de justice-audiencier de ce tribunal, en qualité de mandataire de justice, avec mission de (...) se faire communiquer, des adresses email [Courriel 9] et [Courriel 12] ou de toute adresse de messagerie paramétrée par défaut sur les supports informatiques consultés ainsi que tous documents ou fichiers informatiques échangés à l'occasion de ces correspondances ou figurant sur les supports et serveurs informatiques utilisés par Mme [S] [E] et M. [C] [E], et ce entre le 1er mars 2023 et le jour de l'exécution de la présente ordonnance, contenant les mots clés suivants, tant en minuscule qu'en majuscule, alternativement ou cumulativement : [Y], [R], [I], TERRAE REAL ESTATE,
- DISONS qu'il sera procédé aux opérations de saisie nonobstant toute opposition des parties requises ; Sera exclu de ladite saisie l'ensemble des données confidentielles portant sur les échanges entre la société FRENCH INDIES REALTY et ses avocats et avec Maître TISSOT, avocat de Monsieur [W] [Y] (...) >>,
- ordonné la restitution des pièces saisies sur le fondement du seul mot clé '[Localité 11]' et les échanges intervenus avec Me TISSOT Delphine et ordonné leur destruction par le commissaire de justice,
- ordonné 'la levée du séquestre des pièces saisies (à l'exception des pièces faisant l'objet de la destruction ordonnée ci-dessous)' et dit que 'la procédure de levée de séquestre (devait) être engagée selon la procédure ci-après, tout en préservant les intérêts de la société FRENCH INDIES REALTY en cas d'appel de la décision ',
- dit que les pièces retenues comme devant être communiquées lors de la levée du séquestre, seraient maintenues sous séquestre 'jusqu'au caractère définitif de la décision ',
- dit que la procédure de levée de séquestre serait la suivante : 'demande à la société FRENCH INDIES REALTY de faire un tri sur les fichiers des pièces séquestrées en trois catégories :
** catégorie A : les pièces qui pourront être communiquées sans examen,
** catégorie B : les pièces qui sont concernées par le secret des affaires et que la société FRENCH INDIES REALTY refuse de communiquer,
** catégorie C : les pièces que la société FRENCH INDIES REALTY refuse de communiquer, mais qui ne sont pas concernées par le secret des affaires,
- dit que ce tri où chaque pièce serait numérotée, serait communiqué à la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaire de justice, pour un contrôle de cohérence avec le fichier initial séquestré,
- dit que, pour les pièces concernées par le secret des affaires, conformément aux articles R153-3 à R153-8 du code de commerce, la société FRENCH INDIES REALTY communiquerait au président un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui conféraient le caractère d'un secret des affaires,
- fixé le calendrier suivant :
** communication à la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M] et au président, des tris des fichiers demandés, avant le 1er décembre 2024,
** renvoi de l'affaire RG 24R0009, après contrôle de cohérence par l'huissier, à l'audience du mercredi 11 septembre 2024 à 11 heures en cabinet pour examen de la fin de la levée de séquestre, cette décision valant convocation,
- dit n'y avoir lieu à référé sur la demande d'indemnisation formée par la société FRENCH INDIES REALTY,
- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit que chacune des parties supporterait par moitié les dépens ;
Les pièces ainsi 'catégorisées' ont été communiquées au tribunal et au commissaire de justice le 30 septembre 2024 et le contrôle de cohérence réalisé par Me [M], commissaire de justice associé, a été adressé au même tribunal le 10 octobre 2024, si bien que l'audience prévue pour le 11 septembre 2024 a été reportée à celle du 14 octobre suivant ;
Lors de cette audience :
- la société FRENCH INDIES REALTY a expliqué que les pièces catégorisées A pouvaient faire l'objet d'une levée du séquestre et que, pour la catégorie B, elle avait constitué des sous-dossiers pour plus de lisibilité et décrivait :
** un dossier 'offre avec futurs acquéreurs nommés' comprenant les pièces 66 à 85, avec cette précision que selon elle la loi dite Hoguet interdisait à toute agence immobilière la diffusion d'informations portant notamment sur l'identité de ses clients et que tout manquement à ce secret professionnel était sanctionné par le code de déontologie des professions immobilières et le code pénal,
** un dossier 'clients ou projets BARNES nommés sans lien avec M. [Y]', comprenant les pièces 86 à 89, précisant s'opposer à la communication de ces pièces, en raison du secret professionnel et de l'absence de liens avec l'objet du litige,
** un dossier 'correspondances avocat-client litige EDEN ROCK' comprenant les pièces 90 et 91, avec cette précision que selon elle ces pièces étaient couvertes par la confidentialité des échanges entre un avocat et son client et étaient relatives à un autre litige auquel était partie M. [Y],
** un dossier 'correspondances notaire' comprenant les pièces 92 à 103, avec cette précision que selon elle ces pièces étaient couvertes par le secret professionnel du notaire,
** un dossier 'documents confidentiels de M. [Y]' comprenant les pièces 104 à 108, avec cette précision qu'il comprenait un certificat médical de M. [Y] couvert par le secret médical, et un bail 'donné à M. [Y] à une société' sans lien avec le litige,
** un dossier 'envoi vente [Y] aux clients BARNES', comprenant les pièces 109 à 117, avec cette précision qu'il s'agissait de mails adressés par la société FRENCH INDIES REALTY à ses clients pour les informer de la vente du bien de M. [Y],
- la même société indiquait que le dossier C était composé d'une seule pièce, la 118, correspondant à des conclusions d'avocat dans un litige étranger à la présente procédure ;
En réplique, la société TERRAE REAL ESTATE indiquait quant à elle :
- que le secret protégé par les articles L151-1 et suivants du code de commerce était le secret des affaires et non le secret professionnel, de sorte que les pièces catégorisées B auraient dû l'être au dossier C,
- que le secret des affaires supposait que soit établie la valeur commerciale d'une information, ce qui pour elle n'était pas le cas en l'espèce,
- que la remise de documents couverts par le secret professionnel ne pouvait donner lieu à sanctions dès lors que l'élément intentionnel serait absent et que cette remise serait ordonnée par une juridiction,
- que la juridiction du juge des référés, dans son ordonnance du 24 janvier 2024, avait déjà tranché le point de savoir si une atteinte au secret des affaires était possible, en estimant qu'elle l'était en cas de motif légitime,
- mais qu'elle ne pouvait faire d'autres observations utiles dans la mesure où elle n'avait pas obtenu communication des pièces en cause ;
Par ordonnance contradictoire du 6 novembre 2024, le juge des référés a :
- ordonné la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE :
** de la totalité des éléments classés par la société FRENCH INDIES REALTY en catégorie A,
** des éléments classés par la même société en catégorie B, à l'exception cependant des pièces suivantes figurant au tableau annexé à ladite ordonnance : 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102, qui seraient conservées en séquestre en tant que de besoin 'jusqu'au caractère définitif de la décision',
- dit que la pièce classée par la société FRENCH INDIES REALTY en catégorie C (118) ne ferait pas l'objet d'une levée de séquestre et serait conservée en tant que de besoin 'jusqu'au caractère définitif de la décision',
- dit que la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], en qualité de séquestre, ne se libérerait entre les mains de la société TERREA REAL ESTATE des pièces susvisées qu'après le caractère 'définitif' de cette ordonnance, faute d'appel dans les délais,
- condamné la société TERRAE REAL ESTATE aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
1°/ Par déclaration remise au greffe par voie électronique (RPVA) le 14 novembre 2024, enrôlée sous le n° RG 24/1033, la S.A.S. TERRAE REAL ESTATE, représentée par un avocat, a relevé appel de cette ordonnance, y intimant la S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY et y fixant expressément son objet aux dispositions de cette décision par lesquelles le juge des référé :
- a refusé la communication des pièces numérotées 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et des 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102,
- a ordonné leur maintien sous séquestre,
- l'a condamnée aux dépens de l'instance ;
Cet appel a été fixé à bref délai à l'audience du 14 avril 2025, avec délais pour conclure écourtés d'un mois pour chacune des parties, suivant avis d'orientation du greffe en ce sens notifié au conseil de l'appelante le 28 novembre 2024 ;
La société FRENCH INDIES REALTY, intimée, a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante, par RPVA, le 6 janvier 2025, en suite de quoi ce dernier a notifié sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante, remises au greffe le 17 décembre 2024, au conseil de ladite intimée, par RPVA, ce même 6 janvier 2025 ;
2°/ Cependant, la S.A.R.L. FRENCH INDIES REALTY a elle-même relevé appel de l'ordonnance de référé du 6 novembre 2024, et ce par déclaration remise au greffe le 27 novembre 2024 et enrôlée sous le n° RG 24/1082, y intimant la S.A.S. TERRAE REAL ESTATE et y fixant expressément son objet aux dispositions par lesquelles le juge des référés y a ordonné 'la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE des éléments classés par la même société en catégorie B, à l'exception cependant des pièces suivantes tel(les) que figurant au tableau annexé à (ladite) décision : 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102, qui ser(aient) conservées en séquestre en tant que de besoin jusqu'au caractère définitif de la décision' ;
Ce second appel a été lui aussi fixé à bref délai à l'audience du 14 avril 2025, avec délais pour conclure écourtés d'un mois, suivant avis d'orientation et de fixation notifiée au conseil de l'appelante, par RPVA, le 28 novembre 2024 ; la déclaration d'appel et cet avis d'orientation ont été signifiés à la société TERRAE REAL ESTATE suivant acte de commissaire de justice du 16 décembre 2024 et cette dernière a constitué avocat par acte remis au greffe et notifié au conseil de l'appelante, par RPVA, le 13 janvier 2025 ;
Par ordonnance du 15 janvier 2025, le président de chambre a ordonné la jonction de l'instance d'appel n° RG 24/1082 à l'instance d'appel n° RG 24/1033, pour ces deux instances se poursuivre sous ce seul dernier numéro ;
Par conclusions remises au greffe et notifiées aux avocats des appelantes et intimées, par RPVA, le 23 juillet 2025 (après avoir été déposées en version papier le 22 précédent), M. [W] [Y] est intervenu volontairement aux instances jointes sous le n° RG 24/1033 ;
La société TERRAE REAL ESTATE, appelante, a conclu pour la première fois, dans l'affaire RG 24/1033, par acte remis au greffe le 17 décembre 2024 et notifié au conseil de l'intimée, par voie électronique, le 6 janvier 2025 ; elle a ensuite conclu, après jonction des deux appels, à trois reprises, et ce par actes remis au greffe et notifiés au conseil de l'intimée, par même voie, respectivement les 28 mars 2025, 8 août 2025 et 25 août 2025 ('conclusions récapitulatives n° 4 en réplique') ; dans l'affaire RG n° 24/1082, où elle est intimée, elle avait conclu par acte remis au greffe et notifié au conseil de la société FRENCH INDIES REALTY, par RPVA, le 14 janvier 2025 ;
La société FRENCH INDIES REALTY a conclu, dans l'affaire RG 24/1033, mais après jonction avec l'instance RG 24/1082, à deux reprises, par actes remis au greffe et notifiés à l'avocat adverse, par RPVA, respectivement les 17 janvier 2025 et 25 juillet 2025 ('conclusions d'appel et d'intimée n° 2") ; elle avait conclu par acte remis au greffe et notifié au conseil de la société TERRAE REAL ESTATE, par même voir, dès le 23 décembre 2024 dans son instance d'appel n° RG 24/1082 ;
M. [Y], intervenant volontaire, n'a pas conclu en suite de ses conclusions d'intervention notifiées par RPVA le 23 juillet 2025 ;
Par ordonnance du 31 mars 2025, la fixation des affaires jointes sous le seul n° 24/1033, a été reportée à l'audience du 8 septembre 2025 et la clôture prévisible de l'instruction au 25 août précédent ; cette clôture a été prononcée par ordonnance du 25 août 2025 et les parties renvoyées à l'audience du 8 septembre suivant, à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré à ce jour ;
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
1°/ Par ses dernières conclusions d'appelante et d'intimée (n° 4), remises au greffe le 25 août 2025, la société TERRAE REAL ESTATE conclut aux fins de voir :
- infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a refusé la communication des pièces numérotées 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117, et des 3ème, 4ème et 5ème pages de la pièce 102,
- a ordonné leur maintien sous séquestre,
Statuant à nouveau,
- juger M. [Y] [W] irrecevable en son intervention volontaire faute d'intérêt à agir,
- débouter la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- juger que ladite société n'invoque aucun secret des affaires aux fins de maintien du séquestre,
- ordonner en conséquence la levée du séquestre de l'ensemble des pièces saisies,
- condamner la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y], in solidum, à payer à la société TERRAE REAL ESTATE la somme de 20 000 euro au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour l'exposé des moyens proposés par la société TERRAE REAL ESTATE au soutien de ces prétentions ;
2°/ Par ses propres dernières conclusions d'intimée et d'appelante, remises au greffe le 25 juillet 2025, la société FRENCH INDIES REALTY conclut quant à elle aux fins de voir, au visa des ordonnances de la présidente du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE des 24 janvier 2024, 12 juin 2024 et 6 novembre 2024 :
- infirmer l'ordonnance du 6 novembre 2024 en ce qu'elle a ordonné 'la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE des éléments classés par la société FRENCH INDIES REALTY numérotées 66 à 69 puis 72 à 79, 85, 86, 92 à 101 puis 104, 105 et 109 à 112 puis 114 et 115 selon tableau annexé à la décision',
Et, statuant à nouveau,
- juger que 'les pièces numérotées 66 à 69 puis 72 à 79, 85, 86, 92 à 101 puis 104, 105 et 109 à 112 puis 114 et 115 selon tableau annexé à la décision', seront écartées de la saisie mise actuellement sous séquestre auprès de la SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice,
- confirmer l'ordonnance querellée pour le surplus,
En tout état de cause,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions formées par la société TERRAE REAL ESTATE,
- condamner cette dernière à payer à la société FRENCH INDIES REALTY la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Il est expressément renvoyé à ces conclusions pour l'exposé des moyens proposés par la société FRENCH INDIES REALTY au soutien de ces prétentions ;
3°/ Par ses conclusions d'intervention volontaire en cause d'appel, remises au greffe le 22 juillet 2025, M. [W] [Y] souhaite voir, au visa des articles 66, 354, 325 et 329 du code de procédure civile, 3, 4 et 20 du Règlement national des notaires, 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, et des ordonnances du juge des référés des 24 janvier 2024, 12 juin 2024 et 6 novembre 2024 :
- juger recevable et bien fondée son intervention volontaire 'dans la présente instance enrôlée sous le N° RG24/01033",
- infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a ordonné 'la communication par l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice, à la société TERRAE REAL ESTATE des pièces numérotées 72 à 79, ainsi que les pièces 66 à 69, 85, 86, 92 à 101,104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115 selon tableau annexé à la décision',
Et, statuant à nouveau,
- juger que 'les pièces numérotées 72 à 79, ainsi que les pièces 66 à 69, 85, 86, 92 à 101, 104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115, selon tableau annexé à la décision', seront écartées de la saisie mise actuellement sous séquestre auprès de l'étude SELAS ACTES-HUISSIERS-971-[M], commissaires de justice,
- confirmer l'ordonnance querellée pour le surplus,
En tout état de cause,
- condamner la société TERRAE REAL ESTATE à payer à M. [Y] la somme de 10000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;
Il est expressément référé à ces écritures pour l'exposé des moyens que M. [Y] formule au soutien de son intervention et de ses demandes ;
MOTIFS DE LA DECISION
I- Sur la recevabilité des appels principaux de chacune des parties
Attendu qu'en application de l'article 490 du code de procédure civile, l'ordonnance de référé peut être frappée d'appel à moins qu'elle n'émane du premier président de la cour d'appel ou qu'elle n'ait été rendue en dernier ressort en raison du montant ou de l'objet de la demande et le délai d'appel est de quinze jours ; que ce délai court de la signification de la décision ;
Attendu qu'en l'espèce, chacune des parties a relevé appel principal, le 14 novembre 2024 pour la société TERRAE REAL ESTATE et le 27 novembre 2024 pour la société FRENCH INDIES REALTY, de l'ordonnance de référé rendue le 6 novembre 2024, mais ce, sans qu'il soit prétendu et moins encore justifié de ce que cette ordonnance ait été signifiée préalablement à l'une ou l'autre ; que chacun de ces appels est donc recevable au plan du délai pour agir ;
III- Sur la recevabilité de l'intervention volontaire de M. [W] [Y]
Attendu qu'aux termes des dispositions des articles 325, 328, 329 et 330 du code de procédure civile :
- l'intervention, volontaire ou forcée, n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant,
- l'intervention volontaire est principale ou accessoire,
- l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme et n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention,
- l'intervention est accessoire lorsqu'elle appuie les prétentions d'une partie et est recevable si son auteur a intérêt, pour la conservation de ses droits, à soutenir cette partie ;
Attendu que l'article 554 du même code précise que peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité ;
Attendu qu'il résulte des seules mentions de l'ordonnance déférée que M. [Y] n'a été ni partie ni représenté en première instance ;
Attendu qu'à l'encontre de ce qu'il prétend, son intervention n'est pas principale, mais accessoire, puisque ses demandes, hors les frais irrépétibles sollicités à son profit, sont les mêmes que celles de la société FRENCH INDIES REALTY, de quoi il résulte que cette intervention a pour seul objet de venir en appui aux prétentions de cette dernière;
Attendu qu'il est constant que la saisie litigieuse porte sur des éléments (courriers, mails, actes) auxquels M. [Y] a été partie ou qui ont trait au contrat qui le liait à la société FRENCH INDIES REALTY, cette saisie ayant été autorisée dans le cadre d'un possible litige à naître relativement au mandat de vente immobilière qu'il avait donné à la société FRENCH INDIES REALTY après que, pour la même vente, il eut donné un premier mandat à la société TERRAE REAL ESTATE ; que, d'ailleurs, au premier paragraphe de ses dernières conclusions au fond, cette dernière, première appelante à titre principal, indique elle-même que c'est 'dans le cadre d'un litige opposant la société TERRAE REAL ESTATE, d'une part, Monsieur [Y] et la société FRENCH INDIES REALTY, d'autre part, (que) la société TERRAE REAL ESTATE sera autorisée par ordonnance du 4 décembre 2023 (pièce 1) sur le fondement de l'article 145 du CPC, à pratiquer une mesure de saisie de divers documents au sein de l'entreprise FRENCH INDIES REALTY' ; qu'il en résulte que M. [Y] a bel et bien un intérêt direct et personnel à soutenir les demandes de la société FRENCH INDIES REALTY, et ce pour la conservation de ses propres droits sur les éléments ainsi saisis ; qu'il échet en conséquence de le dire recevable en son intervention volontaire et, partant, de rejeter la fin de non-recevoir opposée à celle-ci par la société TERRAE ;
IV- Sur le fond des demandes de chacune des parties
Attendu que le premier juge a exclu des pièces saisies sur son autorisation, pouvant et devant être remises à la société TERRAE REAL ESTATE, saisissante, par l'étude de commissaires de justice instrumentaire après saisie au sein de la société FRENCH INDIES REALTY, les seules pièces numérotées, en un tableau qu'il a annexé à sa décision, 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 90, 91, 103, 106, 107, 108, 113, 116, 117 et 102, mais seulement, pour cette dernière, en ses pages 3, 4 et 5, ces pièces relevant de la catégorie B des pièces saisies et cette catégorie, aux termes de l'ordonnance du juge des référés du 12 juin 2024, jamais déférée à la cour, comprenant 'les pièces concernées par le secret des affaires' et que la société saisie, qui avait charge de ce classement, 'refus(ait) de communiquer' ; que ce même juge a également exclu de la communication au saisissant, la pièce 118, la seule qui ait été introduite par la société FRENCH INDIES REALTY dans la catégorie C dédiée aux pièces qu'elle refusait de communiquer bien que non couvertes par le secret des affaires ; qu'en revanche, le premier juge a autorisé la communication de la totalité des éléments classés en catégorie A, laquelle était dédiée aux pièces pouvant être communiquées sans examen ;
Attendu qu'au regard des appels principaux de chacune des parties, la cour n'est saisie que des pièces classées en catégorie B, puisque :
- d'une part, la société TERRAE REAL ESTATE, saisissante, en demande, sur infirmation de l'ordonnance déférée de ce chef, la communication et, partant, la levée du séquestre y relatif, et la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y], intervenant, demandent à l'inverse la confirmation de cette ordonnance en ce qui est de l'exclusion de ces pièces de celles qui sont à remettre à ladite saisissante,
- d'autre part, la société FRENCH INDIES REALTY, également soutenue par M. [Y], intervenant, demande l'infirmation de ladite ordonnance en ce qu'elle a autorisé la remise à la société saisissante des pièces de la catégorie B non exclues et non séquestrées, savoir les pièces 66 à 69, 72 à 79, 85, 86, 92 à 101, 104, 105, 109 à 112, 114 et 115 ;
Attendu qu'il doit être cependant observé qu'à la faveur probablement d'une erreur matérielle, la société FRENCH INDIES REALTY et M. [Y] demandent l'infirmation de l'ordonnance déférée en ce qu'elle n'aurait pas écarté de la saisie la pièce 77 (comprise, dans sa demande d'infirmation, au titre des pièces '72 à 79"), alors même qu'il résulte du dispositif de cette ordonnance qu'elle a été expressément exclue des pièces devant être communquées à la société saisissante ; qu'il y aura néanmoins lieu de statuer à son égard puisque la société TERRAE REAL ESTATE en demande la communication et la levée du séquestre y relatif ;
***
Attendu qu'en application de l'article L151-1 du code de commerce, est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants :
1° Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité,
2° Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret,
3° Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ;
Attendu que l'article L151-7 du même code établit que le secret des affaires n'est pas opposable lorsque l'obtention, l'utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l'Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l'exercice des pouvoirs d'enquête, de contrôle, d'autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives;
Attendu qu'en application de l'article L153-1 du même code, lorsque, à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond (sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile) ou à l'occasion d'une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense :
1° Prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues à cet article,
2° Décider de limiter la communication ou la production de cette pièce à certains de ses éléments, en ordonner la communication ou la production sous une forme de résumé ou en restreindre l'accès, pour chacune des parties, au plus à une personne physique et une personne habilitée à l'assister ou la représenter,
3° Décider que les débats auront lieu et que la décision sera prononcée en chambre du conseil,
4° Adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection du secret des affaires ;
Attendu qu'aux termes des dispositions des articles R153-1 et suivants du code de commerce relatifs à l'administration judiciaire de la preuve :
- lorsqu'il est saisi sur requête sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ou au cours d'une mesure d'instruction ordonnée sur ce fondement, le juge peut ordonner d'office le placement sous séquestre provisoire des pièces demandées afin d'assurer la protection du secret des affaires,
- si le juge n'est pas saisi d'une demande de modification ou de rétractation de son ordonnance en application de l'article 497 du code de procédure civile dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, la mesure de séquestre provisoire mentionnée à l'alinéa précédent est levée et les pièces sont transmises au requérant,
- le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10,
- lorsqu'en application du 1° de l'article L. 153-1, le juge restreint l'accès à la pièce aux seules personnes habilitées à assister ou représenter les parties, il peut également décider que ces personnes ne peuvent pas en faire de copie ou de reproduction, sauf accord du détenteur de la pièce,
- à peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci :
1° La version confidentielle intégrale de cette pièce,
2° Une version non confidentielle ou un résumé,
3° Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires,
- le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce,
- le juge refuse la communication ou la production de la pièce lorsque celle-ci n'est pas nécessaire à la solution du litige,
- le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans sa version intégrale lorsque celle-ci est nécessaire à la solution du litige, alors même qu'elle est susceptible de porter atteinte à un secret des affaires, cependant qu'en ce cas il désigne la ou les personnes pouvant avoir accès à la pièce dans sa version intégrale. Lorsqu'une des parties est une personne morale, il désigne, après avoir recueilli son avis, la ou les personnes physiques pouvant, outre les personnes habilitées à assister ou représenter les parties, avoir accès à la pièce,
- lorsque seuls certains éléments de la pièce sont de nature à porter atteinte à un secret des affaires sans être nécessaires à la solution du litige, le juge ordonne la communication ou la production de la pièce dans une version non confidentielle ou sous forme d'un résumé, selon les modalités qu'il fixe ;
Attendu qu'en l'espèce, la décision querellée est intervenue dans le cadre de l'assignation, devant le juge des référés, de la société TERRAE REAL ESTATE par la société FRENCH INDIES REALTY, en date du 8 février 2024, aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête rendue par le président du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE le 4 décembre 2023 sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, et après que, par une première ordonnance de référé rendue dans ce cadre le 12 juin 2024, ledit président :
- a dit n'y avoir lieu à rétractation mais à modification de ladite ordonnance, laquelle revenait à une rétractation partielle,
- a donc ordonné la levée du séquestre pour un certain nombre des pièces saisies et la destruction d'un certain nombre d'autres à la diligence du commissaire de justice instrumentaire,
- et a organisé la procédure de levée du séquestre des pièces non visées par cette dernière disposition ;
Attendu que c'est donc dans le double cadre de l'article 145 précité, pour la demande de rétractation, et de l'organisation de la procédure de levée totale ou partielle d'un séquestre, pour le tri opéré entre les pièces saisies communicables ou non, que l'ordonnance querellée a été rendue ;
Attendu qu'en effet, ce tri est intervenu, après qu'il a été statué sur la demande de rétractation, dans un cadre tout autre que celui de l'article 145, savoir celui de l'article R153-1 du code de commerce précité, aux termes du dernier alinéa duquel 'le juge saisi en référé d'une demande de modification ou de rétractation de l'ordonnance, est compétent pour statuer sur la levée totale ou partielle de la mesure de séquestre dans les conditions prévues par les articles R. 153-3 à R. 153-10" ; qu'en conséquence, s'il est vrai que les résultats de l'exécution des mesures ordonnées sur requête ne peuvent être pris en considération pour apprécier la régularité de leur autorisation qui doit être appréciée au moment de son prononcé, le premier juge, en opérant le tri des pièces saisies dans le cadre de l'article R153-1, n'a fait que statuer dans les conditions prévues aux articles R153-3 à R153-10, si bien que c'est à tort que la société FRENCH INDIES REALTY lui reproche d'avoir ainsi violé les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile ;
Attendu que, dans ce cadre ainsi strictement défini par les susdites dispositions du code de commerce, notamment l'article R153-6, le premier juge a pu, comme il l'a fait, rechercher, in concreto, si la communication de chacune des pièces classées par la société saisie dans la catégorie B dédiée aux éléments ne pouvant, selon elle, être communiqués sans porter atteinte au secret des affaires, était ou non en lien avec le litige et pouvait ou non intervenir en conciliant le droit à la preuve de la société TERRAE REAL ESTATE et la protection du secret des affaires de la société FRENCH INDIES REALTY ;
Attendu qu'en application de ces dispositions, le secret des affaires n'est pas en soi un obstacle à la communication au saisissant, dans le cadre de la mesure de saisie ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, des pièces pouvant lui porter atteinte, mais ce si et seulement si elles sont nécessaires à la solution du litige, ce qui relève de l'appréciation souveraine du juge des référés y statuant sur le fondement de l'article R153-1 précité ;
Attendu que cette appréciation est nécessairement en lien avec la nature et l'objet du litige à venir au titre duquel la mesure in futurum a été sollicitée et obtenue ;
Attendu qu'il est constant que, ainsi qu'encore retenu à juste escient par le premier juge, le contentieux susceptible d'opposer les parties, y compris M. [Y], mandant, dans le cadre d'une instance au fond à venir, a trait à la signature, par l'intermédiation de l'agence immobilière de la société FRENCH INDIES REALTY, d'une offre d'achat acceptée et portant sur un bien immobilier appartenant au susnommé mandant, alors même que, selon la société TERREA REAL ESTATE, ce mandant avait préalablement signé à son profit un mandat de vente exclusif, des visites avaient été organisées par cette dernière société et une offre d'achat avait été signée par M. [Y] sous son égide;
Attendu que, dès lors, toutes les pièces saisies en lien avec le litige à venir relativement au mandat de vente donné à la société FRENCH INDIES REALTY par M. [Y] et l'offre d'achat présentée à ce dernier par la première, fussent-elles par définition attentatoires au secret des affaires de ladite société, peuvent, dans le cadre de la préservation de son droit à la preuve, être communiquées à la société TERRAE REAL ESTATE qui prétend avoir bénéficié elle aussi d'un mandat exclusif de vente portant sur le même immeuble ;
Attendu qu'en revanche, il ne peut être porté atteinte au secret professionnel des notaires puisque, ainsi que rappelé à juste titre par le premier juge, le droit de la preuve et le droit aux preuves ne peuvent faire échec à l'intangibilité de ce type de secret professionnel, lequel n'est délié que par la loi, soit qu'elle impose soit qu'elle autorise sa révélation ; et que la protection d'un tel secret professionnel s'étend à l'hypothèse d'une diffusion qui ne proviendrait pas du notaire lui-même mais d'un tiers qui détiendrait des éléments frappés de ce secret, lesquels ne sont donc pas davantage communicables;
Attendu qu'en revanche, le secret professionnel imposé aux agents immobiliers par la loi dite HOGUET en date du 2 janvier 1970, ne peut être sérieusement opposé à la communication de pièces détenues par cet agent lorsque celle-ci, ordonnée par un juge après saisie autorisée par ce même juge, apparaît indispensable à l'exercice du droit à la preuve du requérant, est proportionné aux intérêts antonymiques des parties, et, ainsi ordonnée par un juge, est mise en oeuvre avec de suffisantes garanties de respect desdits intérêts ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que la description que fait le premier juge des pièces litigieuses figurant dans la catégorie B, conformément au classement opéré par la société saisie, soit juste et que, partant, ces pièces soient les suivantes :
- pour les pièces 66 à 69, 72, 86, 104 et 105 : captures d'écran de listing de fichiers divers,
- pour les pièces 70 et 80 : un email du 24 décembre 2023 au futur acquéreur du bien objet du mandat en provenance de l'agence concernant le parking,
- pour les pièces 71, 77, 81 : deux emails des 9 novembre 2023 et 16 novembre 2023 en provenance de l'agence au titre du PBA,
- pour la pièce 73 : un email de l'agence BARNES au notaire en charge de la vente à la suite de la signature d'une offre d'achat par l'acquéreur,
- pour les pièces 74, 75, 76, 78, 79 : les offres d'achat et emails de transmission (projet, offre ferme, offre signée),
- pour les pièces 82 et 83 : un échange d'emails relatif au permis de construire entre les 2 et 4 janvier 2024,
- pour la pièce 84 : des échanges d'emails relatifs notamment aux diagnostics et assurance relatifs au bien objet du mandat dans le cadre de l'offre d'achat reçue par l'agence, composés principalement d'échanges d'emails à compter du 7 novembre 2023 concernant ce bien mais aussi une autre villa,
- pour la pièce 85 : un docusign du 12 décembre 2023,
- pour la pièce 87 : une capture d'écran d'accueil de l'ordinateur de l'agence mentionnant les noms d'autres villas,
- pour la pièce 88 : une capture d'écran d'accueil de l'ordinateur de Mme [E] ne faisant pas apparaître M. [Y],
- pour la pièce 89 : un email de l'agence BARNES en date du 18 septembre 2023 relatif à la vente d'une autre villa,
- pour la pièce 90 : un dossier relatif à un litige impliquant M. [Y] et deux autres sociétés tierces et comprenant des conclusions et un jugement,
- pour la pièce 91 : des échanges d'emails relatifs à des honoraires d'avocat dans une procédure distincte,
- pour la pièce 92 : une demande de transmission de documents signée de M. [Y] avec un courrier de résiliation de mandat en date du 18 juillet 2023,
- pour les pièces 93, 94, 95, 97, 98 et 99 : un courrier de M. [Y] à l'office notarial RICOUR-BRUMIER en date du 19 juillet 2023 concernant la caducité de la promesse de vente signée le 6 février 2023, ainsi que la copie de l'accusé de réception et une relance non signée mais datée du 7 septembre 2023,
- pour la pièce 96 : un second courrier non signé en date du 19 juillet 2023 de M. [Y] à l'office notarial,
- pour les pièces 100 et 101 : des communications de l'agence BARNES à l'attention du notaire et entre collaborateurs de l'agence relatives au projet de mandat et à la promesse de vente signée en février 2023,
- pour les pièces 102 et 103 : des échanges d'emails entre le notaire et l'agence BARNES, entre l'agence BARNES et le commissaire de justice et entre Mme [I] (gérante de l'agence TERRAE REAL ESTATE) et M. [Y],
- pour la pièce 106 : un certificat médical en date du 10 février 2023 concernant M. [Y],
- pour les pièces 107 et 108 : un bail civil portant sur une parcelle de terre conclu entre M. [Y] et une autre société le 24 mai 2019,
- pour la pièce 109 : un email en date du 31 octobre 2023 de la société BARNES,
- pour les pièces 110, 111, 112 et 114 : un échange de courriels rédigés en langue anglaise décrivant un bien et leur traduction,
- pour la pièce 113 : un email de l'agence BARNES concernant une indemnité d'éviction, un bornage et un jugement relatif à une procédure étrangère à la présente procédure,
- pour la pièce 115 : un courrier de l'agence BARNES à [Localité 6] REAL ESTATE à un client en date du 15 novembre 2023, relatif à la présentation de la parcelle de terre de M. [Y] objet du mandat,
- pour les pièces 116 et 117 : des échanges d'emails postérieurs au mois de septembre 2023 concernant notamment le bornage, l'indemnité d'éviction, le permis de construire, l'assurance et les diagnostics, et plusieurs échanges liés à une autre villa ;
1°/ Attendu que le juge des référés, en son ordonnance querellée, a estimé en premier lieu que les pièces 70, 71, 77, 80,81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 107, 108, 113, 116 et 117 étaient étrangères au litige à venir entre les deux agences immobilières et M. [Y] quant à la prévalence de l'un ou l'autre des deux mandats donnés par ce dernier auxdites agences pour la vente du même terrain ;
Attendu que, d'une part, compte tenu de la description qui est faite ci-avant de ces documents, ce constat est parfaitement fondé et, d'autre part, la société TERRAE REAL ESTATE, qui se borne à exciper de l'impossibilité pour le premier juge et, partant, la cour, de juger de l'utilité des pièces saisies, ne démontre pas que ces pièces auraient un quelconque lien avec le procès qu'elle envisage d'engager à l'encontre de l'agence BARNES [Localité 6] ;
Attendu que la société TERRAE REAL ESTATE estime ainsi que le premier juge n'avait pas à juger de l'utilité des pièces saisies dès lors que, selon elle, il n'a pas fait état d'un secret des affaires pour maintenir le séquestre, alors même qu'il a rappelé que toutes les pièces concernées avaient été classées par la société FRENCH INDIES REALTY en catégorie B, laquelle était précisément définie, en l'ordonnance non frappée d'appel du 12 juin 2024, comme les 'pièces concernées par le secret des affaires et que la société FRENCH INDIES REALTY refuse de communiquer' et ce, en confirmité avec la définition légale du secret des affaires résultant de l'article L151-1 du code de commerce d'après lequel, en substance, est protégée au titre du secret des affaires toute information ayant une valeur commerciale ayant un caractère secret, revêtant une valeur, effective ou potentielle, et faisant l'objet de la part de son détenteur légitime, en l'espèce la société FRENCH INDIES REALTY, de mesures de protection raisonnables pour en conserver le caractère non-public ; et que tel est bien le cas des informations révélées par les pièces susvisées, fussent-elles mineures, puisqu'elles ont trait aux affaires de l'agence BARNES, avec ses clients ou interlocuteurs, qu'elle est légitime à vouloir protéger de toute publicité, dans l'intérêt évident desdits clients notamment, mais aussi et surtout dans son propre intérêt à l'égard de ses concurrents potentiels, le marché immobilier barthéloméen, compte tenu du niveau des prix au mètre carré qui y sévit à raison des particularismes notamment fiscaux de ce territoire autonome de la République française, étant particulièrement concurrentiel au regard des enjeux en termes de commissionnements ;
Attendu que c'est encore à tort que la société TERRAE REAL ESTATE reproche au premier juge une violation du principe du contradictoire en ce qu'il a écarté de la communication qui lui a été faite des pièces litigieuses les pièces 84, 88 et 103, alors même qu'aux termes de l'article L153-1 1° du code de commerce, ainsi que rappelé supra, lorsque, à l'occasion d'une instance civile ou commerciale ayant pour objet une mesure d'instruction sollicitée avant tout procès au fond (sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile) ou à l'occasion d'une instance au fond, il est fait état ou est demandée la communication ou la production d'une pièce dont il est allégué par une partie ou un tiers ou dont il a été jugé qu'elle est de nature à porter atteinte à un secret des affaires, le juge peut, d'office ou à la demande d'une partie ou d'un tiers, si la protection de ce secret ne peut être assurée autrement et sans préjudice de l'exercice des droits de la défense, prendre connaissance seul de cette pièce et, s'il l'estime nécessaire, ordonner une expertise et solliciter l'avis, pour chacune des parties, d'une personne habilitée à l'assister ou la représenter, afin de décider s'il y a lieu d'appliquer des mesures de protection prévues à cet article ;
Attendu que c'est donc à juste titre et sans avoir violé une quelconque disposition légale ou règlementaire ou conventionnelle, ni même constitutionnelle, que le premier juge a écarté des pièces communicables à la société saisissante TERRAE REAL ESTATE celles qui, participant de la catégorie B, sont numérotées 70, 71, 77, 80, 81, 82, 83, 84, 87, 88, 89, 90, 91, 107, 108, 113, 116 et 117 ; que la société TERRAE REAL ESTATE sera donc déboutée de sa demande de levée du séquestre au titre de ces éléments et l'ordonnance querellée sera subséquemment confirmée sur ce point ;
Mais attendu qu'à l'encontre cette fois de l'opinion du premier juge, il n'apparaît pas que la pièce 106 ait un lien quelconque avec le litige portant sur les deux mandats de vente présentés par la société TERRAE REAL ESTATE comme concurrents et incompatibles; qu'en effet, il s'agit d'un certificat médical concernant M. [Y], lequel, outre que, comme retenu par le premier juge pour l'exclure des pièces communicables, il est couvert par le secret médical, est étranger aux susdits mandats et à la vente subséquemment réalisée au titre de l'un de ceux-ci ; que, pour ces deux motifs cette fois, l'agence TERRAE REAL ESTATE sera encore déboutée de sa demande de levée du séquestre de cette pièce et l'ordonnance déférée confirmée à cet égard ;
2°/ Attendu que, corrélativement, et compte tenu, également, de leur description en procédure, il apparaît manifeste que les autres pièces classées dans la catégorie B, soit les pièces numérotées 66, 67, 68, 69, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 85, 86 (celle-ci ayant été omise par le premier juge en les motifs de sa décision, mais pas dans son dispositif), 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115, apparaissent en lien avec la nature et l'objet du litige à venir puisqu'elles révèlent les actions engagées par l'agence BARNES au titre du mandat que lui a donné M. [Y] en suite de celui dont bénéficiait l'agence TERRAE REAL ESTATE ;
Mais attendu que c'est à tort que la société FRENCH INDIES REALTY oppose le secret notarial à la communication des pièces 92 à 101 ; qu'en effet, eu égard à la définition ci-avant reprise de la nature et de la portée du secret notarial, il apparaît que ces pièces, en tant qu'elles consistent en des courriers ou courriels adressés par ladite société au notaire chargé de la vente du bien de M. [Y] et ne contiennent ainsi aucune information donnée par ce notaire à l'agence BARNES, ne portent aucunement atteinte au secret professionnel notarial ; que c'est donc encore à juste titre que le premier juge a levé le séquestre de ces pièces 92 à 101 et autorisé leurs communication à la société saisissante ;
Attendu qu'en revanche, il n'est pas contesté que la pièce 102, qui consiste en un échange d'emails entre l'agence BARNES et le notaire, contienne, en ses 3ème, 4ème et 5ème pages, des courriels dudit notaire à ladite agence, lesquels sont couverts par le secret professionnel notarial ; que c'est donc encore à juste titre que le juge des référés n'a autorisé la communication au saisissant de cette pièce 102 qu'expurgée de ces trois pages ;
Attendu que, dès lors qu'il n'est pas davantage discuté que la pièce 103 ne soit que la reprise des échanges de la pièce 102, elle mérite d'être écartée des pièces communicables ;
Attendu qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance déférée en ce que le juge des référés a ordonné la communication à la société TERRAE REAL ESTATE, par le commissaire de justice instrumentaire, des pièces saisies, classées par l'agence BARNES dans la catégorie B et numérotées 66, 67, 68, 69, 72, 73, 74, 75, 76, 78, 79, 85, 86 92, 93, 94, 95, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, hors ses 3ème, 4ème et 5ème pages, 104, 105, 109, 110, 111, 112, 114 et 115 ;
V- Sur les dépens et les frais irrépétibles
Attendu que c'est à juste titre que les dépens de première instance ont été mis à la charge de la société TERRAE demanderesse à la mesure d'instruction in futurum ;
Attendu qu'en revanche, chacune des parties succombant en son appel principal (pour les sociétés TERRAE REAL ESTATE et FRENCH INDIES REALTY) ou son intervention volontaire (pour M. [Y]), chacune d'elles conservera la charge de ses dépens d'appel et sera subséquemment déboutée de sa demande au titre de ses frais irrépétibles ;
PAR CES MOTIFS
La cour,
- Dit recevable chacune des parties en son appel principal à l'encontre de l'ordonnance du juge des référés du tribunal mixte de commerce de BASSE-TERRE en date du 6 novembre 2024,
- Dit recevable l'intervention volontaire en cause d'appel de M. [N], Benoît [Y] et rejette par suite la fin de non-recevoir soulevée par la société TERRAE REAL ESTATE à son égard,
- Confirme l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions déférées,
Y ajoutant,
- Dit que chacune des parties conservera la charge de ses dépens d'appel ou d'intervention,
- Déboute chacune d'elles de sa demande au titre des frais irrépétibles.
Et ont signé,
La greffière Le Président