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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 20 novembre 2025, n° 24/15044

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/15044

20 novembre 2025

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-2

ARRÊT

DU 20 NOVEMBRE 2025

N°2025/654

Rôle N° RG 24/15044 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BODVM

[Y] [W]

[M] [N] [L]

C/

Syndic. de copro. SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES ENSEMBLE IMMOBILIER [Adresse 4] [Localité 9]

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Anne-Hélène REDE-TORT

Me Florence BLANC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance de référé rendue par le Président du TJ de MARSEILLE en date du 25 Octobre 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 24/02384.

APPELANTS

Madame [Y] [W],

née le 24 Juillet 1994

demeurant [Adresse 5] - [Localité 6]

représentée par Me Anne-Hélène REDE-TORT, avocat au barreau de MARSEILLE

Monsieur [M] [N] [L],

né le 21 Novembre 1978

demeurant [Adresse 5] - [Localité 6]

représenté par Me Anne-Hélène REDE-TORT, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIME

Syndicat des copropriétaires de l'[Adresse 10] [Adresse 4] [Localité 9]

représenté par son syndic en exercice, la Société INTESA

dont le siège social est sis [Adresse 3] [Localité 1],

représentée par Me Florence BLANC de l'AARPI BCT AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Octobre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Angélique NETO, Présidente chargée du rapport, et Mme Séverine MOGILKA, Conseillère.

Mme Angélique NETO, Présidente, a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Angélique NETO, Présidente

Mme Séverine MOGILKA, Conseillère

Madame Paloma REPARAZ, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Caroline VAN-HULST.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2025.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 20 Novembre 2025,

Signé par Mme Angélique NETO, Présidente et Mme Caroline VAN-HULST, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [Y] [O] [W] et M. [M] [N] [L] sont propriétaires d'une cave (lot n° 517) et d'un appartement se trouvant au 3ème étage du baâtiment D2 (lot n° 542) dépendant de la [Adresse 10] située [Adresse 4] à [Localité 9].

Faisant grief à Mme [W] et M. [N] [L] d'avoir entrepris des travaux affectant les parties communes sans autorisation préalable de l'assemblée générale des copropriétaires et en méconnaissance du règlement de copropriété, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10], représenté par son syndic en exercice, les a fait assigner, par acte de commissaire de justice en date du 10 juillet 2024, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Marseille aux fins de les entendre condamner, d'une part, à remettre en état le chassis de la baie vitrée qui a été reculé donnant sur la terrasse côté traverse [Adresse 10], les fenêtres à deux vantaux qui ont été remplacées par des ouvertures de taille inférieure avec un importe en partie inférieure et le mur de refend porteur qui a été démoli à l'intérieur de l'appartement et, d'autre part, à lui verser une provision pour résistance abusive.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 25 octobre 2024, ce magistrat a :

- ordonné à Mme [W] et M. [N] [L] à remettre en état :

* le chassis de la baie vitrée qui a été reculé donnant sur la terrasse côté traverse [Adresse 10],

* les fenêtres à deux vantaux qui ont été remplacées par des ouvertures de taille inférieure avec un importe en partie inférieure,

* le mur de refend porteur qui a été démoli à l'intérieur de l'appartement,

sous la surveillance et la responsabilité d'un professionnel qui devra préalablement transmettre les études techniques, descriptifs des travaux et attestations d'assurance au syndic de l'immeuble, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard passé le délai de 3 mois, et ce, pendant une durée de 6 mois à compter de la signification de l'ordonnance ;

- condamné in solidum Mme [W] et M. [N] [L] à verser au syndicat des copropriétaires une provision de 1 000 euros ;

- condamné in solidum Mme [W] et M. [N] [L] à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Il a estimé que la preuve d'une violation manifeste de l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 et du règlement de copropriété (article 4) constitutif d'un trouble manifestement illicite était rapportée en ce que Mme [W] et M. [N] [L] avaient réalisé des travaux affectant les parties communes structurelles et l'aspect extérieur de l'immeuble sans autorisation du syndic ou de l'assemblée générale des copropriétaires. Par ailleurs, il a considéré que l'absence de réalisation des travaux de reconstruction du mur porteur constituait un dommage imminent.

Suivant déclaration transmise au greffe le 17 décembre 2024, Mme [W] et M. [N] [L] ont interjeté appel de cette décision aux fins d'annulation ou d'infirmation en toutes ses dispositions dûment reprises.

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises le 24 septembre 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, ils demandent à la cour :

in limine litis,

- de prononcer la nullité de l'assignation délivrée le 10 juillet 2024 par le syndicat des copropriétaires ;

- de prononcer la nullité de tous les actes de procédure subséquentes ;

à titre principal sur le fond,

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- statuant à nouveau,

- de juger n'y avoir lieu à référé ;

à titre subsidiaire, dans le cas où l'existence d'un trouble manifestement illicite serait retenu,

- de leur ordonner de solliciter la ratification des travaux de changement des deux portes-fenêtres lors de la prochaine assemblée générale ;

à titre infiniment subsidiaire, dans le cas où l'existence d'un trouble manifestement illicite serait retenu et que les lieux devraient être remis en état,

- de leur octroyer les plus larges délais qui ne sauraient être inférieurs à 12 mois pour procéder aux travaux de reprise nécessaires pour remettre en état les fenêtres à deux vantaux qui ont été remplacés par des ouvertures de taille inférieure avec un imposte en partie supérieure ;

en tout état de cause,

- de débouter l'intimé de ses demandes ;

- le condamner à leur verser la somme provisionnelle de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour porcédure abusive ;

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a condamné au paiement de la somme provisionnelle de 1 000 euros et à des frais irrépétibles ;

- de condamner l'intimé à leur payer la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

Concernant les nullités soulevées, ils se prévalent du défaut de diligences du commissaire de justice pour rechercher et vérifier leur véritable domicile lors de la signification de l'acte introductif d'instance à étude. Ils exposent avoir loué le bien litigieux à compter du 1er mai 2022, ce dont avait connaissance le syndic au travers de deux mails en date des 6 mai 2022 et 31 octobre 2023 aux termes desquels ils l'ont informé de leur nouvelle adresse, celle d'[Localité 6] étant toujours leur adresse actuelle. Ils affirment qu'il s'agissait bien d'un changement de domiciliation. Ils exposent que c'est bien à cette adresse que l'ordonnance entreprise a été signifiée et que leur convocation à l'assemblée générale du 2 décembre 2024 a été envoyée. Ils estiment donc que l'acte introductif d'instance n'a pas été signifié à leur dernier domicile connu. Ils se prévalent d'un grief étant donné qu'ils ont été privés du double degré de juridiction.

Concernant les troubles manifestement illicites allégués, ils soutiennent avoir procédé à la reconstruction du mur de refend et avoir replacé la baie vitrée donnant sur le terrasse avant d'inviter le syndic à passer dans l'appartement pour le vérifier dès le mois de juillet 2023. Ils relèvent que le syndicat des copropriétaires n'a jamais demandé à venir constater les travaux effectués et a préféré les assigner en justice. Ils exposent que les fenêtres posées sont sensiblement plus petites que celles qui existaient et que les deux impostes sont invisibles depuis l'extérieur comme étant cachés par le coffrage des volets roulants, de sorte que ces travaux ne portent pas atteinte à l'harmonie de l'immeuble. Ils indiquent avoir tenté d'obtenir la validation de ces travaux, en vain. Ils relèvent que ce refus est injustifié étant donné que les huisseries des différents bâtiments de la résidence ne sont pas uniformes comme ayant été changés au fil du temps. Ils exposent que remettre les lieux en l'état reviendrait à poser les anciennes huisseries totalement obsolètes, ce qui serait totalement aberrant et disproportionné.

Concernant leur demande de provision pour procédure abusive, ils soutiennent que le syndicat des copropriétaire n'a pas essayé de trouver une solution amiable puisqu'il a immédiatement mandaté un huissier pour procéder à un constat et un bureau d'études pour une inspection visuelle sans tenter de recueillir la moindre explication et information de leur part. Ils indiquent que l'action initiée par le syndicat des copropriétaires les a contraint à exposer plus de 6 000 euros de frais.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises le 14 avril 2025, auxquelles il convient de se référer pour un exposé plus ample des moyens et prétentions, le syndicat des copropriétaires sollicite de la cour qu'elle :

- juge valable l'acte introductif d'instance ;

- déboute les appelants de leurs demandes tendant à voir prononcer l'annulation de l'assignation ainsi que tous les actes de procédure subséquents ;

- confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- déboute les intimés de leurs demandes ;

- les condamne solidairement à lui verser la somme de 2 400 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel.

Concernant les nullités soulevées, il relève que l'acte introductif d'instance a été signifié à étude après vérification par le commissaire de justice de l'exactitude du domicile de Mme [W] et M. [N] [L] résultant de la présence de leur nom sur la boîte aux lettres et sur le tableau des occupants et après avoir laissé un avis de passage dans la boîte aux lettres et l'avoir adressé par courrier. Il souligne que l'acte a été signifié au dernier domicile connu, l'adresse située à [Localité 7] indiquée dans le mail du 6 mai 2022 étant une adresse de correspondance temporaire, de même que celle située à [Localité 6] indiquée dans le mail du 31 octobre 2023. Il relève que l'ordonnance entreprise n'ayant pu être signifiée à la résidence, faute de confirmation du domicile à la date de cette signification, l'acte de signification à l'adresse située à [Localité 6] a été transformé en procès-verbal de recherches infructueuses.

Concernant les troubles manifestement illicites dénoncés, il se prévalent de travaux affectant les parties communes effectués sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, travaux qui ne sont pas contestés par les intimés. Il expose que ces derniers ne démontrent pas avoir procédé à la remise en état des lieux en procédant à la reconstruction du mur porteur démoli et en repositionnant la baie vitrée à son emplacement initial. De plus, il relève qu'ils reconnaissent de pas avoir remis en état les fenêtres, peu important l'absence d'atteinte causée à l'harmonie de l'immeuble.

Concernant la provision sollicitée pour résistance abusive, il expose que les intimés, qui étaient présents à l'assemblée générale des copropriétaires du 27 février 2023, se sont engagés à réaliser les travaux de remise en état et se mettre en conformité au plus tard au 1er juillet 2023, ce qu'ils ne feront jamais.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 29 septembre 2025.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité de l'acte introductif d'instance et des actes de procédure subséquents

L'article 655 du code de procédure civile énonce que, si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L'huissier de justice doit laisser, dans tous les cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie de l'acte a été remise.

Il résulte de l'article 656 du même code que si la personne ne veut recevoir la copie de l'acte et qu'il résulte des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, la signification est faite à domicile. L'huissier de justice doit laisser au domicile ou à la résidence du destinataire un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie de l'acte en l'étude et cette dernière doit être retirée dans le plus bref délai à l'étude de l'huissier, contre récépissé ou émargement, par l'intéressé ou par toute personne spécialement mandatée. La copie de l'acte est conservée à l'étude pendant trois mois. L'huissier peut, à la demande du destinataire, transmettre la copie de l'acte à une autre étude où celui-ci pourra le retirer dans les mêmes conditions.

L'huissier de justice doit s'assurer de la réalité du domicile ou de la résidence du destinataire de l'acte.

A ce titre, il doit résulter des vérifications faites par l'huissier de justice, dont il sera fait mention dans l'acte de signification, que le destinataire demeure bien à l'adresse indiquée, sous peine de nullité de l'acte.

En application des articles 102 à 111 du code civil, le domicile est le siège de la personne physique ou morale. Le domicile de tout français, quant à l'exercice de ses droits civils, est défini comme étant le lieu où il a son principal établissement, ce qui implique la possibilité d'établissements secondaires ou accessoires où la personne ne sera pas domiciliée. Le domicile se distingue de la résidence, définie comme le lieu où la personne vit effectivement et habituellement d'une manière assez stable sans qu'il constitue toujours son domicile. La notion d'adresse est définie comme le lieu où il est matériellement possible d'entrer en contact avec la personne, que celle-ci y habite ou non.

En l'espèce, aux termes des deux actes de signification de l'acte introductif d'instance, remis à étude le 10 juillet 2024, l'huissier de justice énonce s'être rendu à la [Adresse 10], [Adresse 4], bât. D2, 3ème étage, à [Localité 9] .

L'huissier de justice, qui fait état d'une impossibilité de remettre les actes à M. [N] [L] et Mme [W] au motif que personne ne répond à ses appels au moment de son passage, mentionne que le domicile des destinataires est confirmé par le nom figurant sur la boîte aux lettres et sur le tableau des occupants. Par ailleurs, il indique avoir laissé au domicile des destinataires ses avis de passage.

Dès lors que l'acte authentique, en application de l'article 1371 du code civil, fait foi jusqu'à inscription de faux de ce que l'officier public dit avoir personnellement accompli, les appelants, qui n'ont procédé à aucune inscription de faux à l'encontre des actes de signification, ne peuvent se prévaloir de l'inexactitude des faits que le commissaire de justice énonce comme ayant été accomplis et s'étant passés en sa présence, à savoir la confirmation du domicile par le nom figurant sur la boîte aux lettres ainsi sur le tableau des occupants et par le fait que personne n'ait répondu à ses appels.

En revanche, ils sont fondés à remettre en cause les diligences et recherches utiles effectuées par le commissaire justice afin de s'assurer de l'exactitude de leur domicile.

En l'occurrence, les appelants, qui affirment être domiciliés [Adresse 5] à [Localité 6], versent aux débats un courriel qu'ils ont adressé au syndic de la copropriété, le 31 octobre 2023, dans lequel ils les informent de cette nouvelle adresse en réponse à une demande faite en ce sens par le syndic, par courriel du 19 octobre 2023, afin de mettre en conformité leur dossier.

Tant dans la déclaration d'appel que dans leurs dernières conclusions, les appelants continuent de déclarer comme adresse celle située [Adresse 5] à [Localité 6], ce qui signifient qu'ils considèrent toujours y être domiciliés depuis au moins le 31 octobre 2023, date à laquelle ils ont informé le syndic de cette adresse.

Or, il convient de relever que les actes de signification de l'ordonnance entreprise, rendue le 25 octobre 2024, faite à l'adresse déclarée, [Adresse 5] à [Localité 6], ont été transformés, le 3 décembre 2024, en procès-verbaux de recherches infructueuses en application de l'article 659 du code de procédure civile au motif que le nom des destinataires ne figurait pas sur la boîte aux lettres, l'enquête de voisinage s'était révélée infructueuse, les services de la mairie d'[Localité 6] avaient refusé de lui communiquer tout renseignement, la recherche effectuée sur l'annuaire téléphonique du Lot et Garonne n'avait donné aucun résultat, qu'il n'avait connaissance ni l'employeur, ni des coordonnées téléphoniques des destinataires de l'acte et que, s'agissant de M. [N] [L], l'activité professionnelle qu'il exerçait [Adresse 2] à [Localité 8] n'était plus active depuis le 29 décembre 2023 selon l'avis de situation au répertoire Sirene.

Dans ces conditions, faute pour les appelants de justifier avoir accompli des diligences pour formaliser le changement d'adresse qu'ils allèguent et que d'autres actes de signification, que ceux de l'ordonnance entreprise, ont été effectués à l'adresse qu'ils déclarent, aucune irrégularité ne résulte de la signification de l'acte introductif d'instance à l'adresse du bien loué, le commissaire de justice s'est suffisamment exécuté en vérifiant que le nom des destinataires figurait sur la boîte aux lettres et le tableau des occupants mais que personne ne répondait à ses appels pour recevoir les actes.

Il y a donc lieu de rejeter la demande des appelants tendant à voir déclarer nuls les actes de signification de l'acte introductif d'instance ainsi que les actes subséquents en raison d'un manque de diligences nécessaires du commissaire de justice.

Sur les troubles manifestement illicites

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite : dans les cas ou l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

Si l'existence de contestations sérieuses n'interdit pas au juge de prendre les mesures nécessaires pour faire cesser un dommage imminent ou un trouble manifestement illicite, il reste qu'une contestation réellement sérieuse sur l'existence même du trouble et sur son caractère manifestement illicite doit conduire le juge des référés à refuser de prescrire la mesure sollicitée.

La cour doit apprécier l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite au moment où le premier juge a statué, peu important le fait que ce dernier ait cessé, en raison de l'exécution de l'ordonnance déférée, exécutoire de plein droit.

Constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou juridique, le juge des référés pouvant mettre fin à un tel trouble en cours de réalisation.

La violation d'un règlement de copropriété est susceptible de constituer le caractère manifestement illicite d'un trouble.

Il en est de même de la violation de l'article 25 b de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 qui dispose que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.

Par application des dispositions de ce texte, tous les travaux effectués par un copropriétaire sur les parties communes, même à usage privatif, doivent être autorisés et ce, même s'ils tendent à rendre l'immeuble conforme au règlement de copropriété ou à l'état descriptif.

Il est acquis qu'à défaut d'obtention d'une telle autorisation, le syndicat des copropriétaires est en droit d'exiger le rétablissement des lieux en leur état antérieur, sans avoir justifier d'un quelconque préjudice.

S'agissant des travaux réalisés sur les parties privatives, ils peuvent être entrepris, sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires à la condition de ne pas affecter l'harmonie de l'immeuble.

En principe, le règlement de copropriété détermine les parties communes, celles privatives et les droits des copropriétaires.

En l'espèce, les appelants ne contestent pas avoir procédé, au cours de l'année 2021, à différents travaux dans leur appartement consistant à :

- reculer la position du châssis de la porte fenêtre créant un agrandissement de la surface de la terrasse de la façade donnant sur la traverse [Adresse 10] ;

- changer les deux ouvrants de la façade donnant sur le jardin en y installant des fenêtres à deux vantaux de taille inférieure à celles d'origine ainsi que deux impostes afin d'y placer les nouvelles fenêtres ;

- démolir un mur de refend.

Or, alors même qu'il est acquis que ces travaux affectent les parties communes, et notamment la structure de l'immeuble, ils ont été réalisés sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.

Si les appelants affirment avoir reconstruit le mur de refend et avoir replacé la baie vitrée donnant sur la terrasse, en produisant un procès-verbal de constat qu'ils ont fait établir le 7 février 2025, à hauteur d' appel, ils ne démontrent pas que tel était déjà le cas lorsque le premier juge a statué, date à laquelle la cour doit se placer pour apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite.

En effet, les photographies produites en première instance, dès lors qu'elles sont discutées par le syndicat des copropriétaires, ne pouvaient, à elles seules, établir la remise en état des lieux conformément à son état d'origine.

De plus, étant donné qu'il appartient aux appelants d'apporter la preuve de ce qu'ils allèguent, ils ne peuvent faire grief au syndicat des copropriétaires ne se pas s'être déplacé à leur domicile pour vérifier la réalité et conformité des travaux de reprise.

Enfin, les pièces de la procédure ne permettent aucunement de s'assurer que les travaux qui ont été effectués ont été de nature à remédier aux désordres causés aux parties communes.

Dans ces conditions, les travaux entrepris sur le mur et la porte fenêtre de la terrasse, sans autorisation de l'assemblée générale, causent à la copropriété un trouble manifestement illicite.

S'agissant des nouvelles fenêtres donnant sur le jardin, les appelants reconnaissent ne pas avoir procéder à leur remise en état, au motif qu'ils ne portent pas atteinte à l'harmonie de l'immeuble.

Il résulte de l'article 4 du règlement de copropriété que, si les copropriétaires peuvent exécuter à l'intérieur de leurs locaux les travaux qu'ils jugeront utiles, ils ne pourront réaliser les travaux concernant les parties communes ainsi que les parties visibles de l'extérieur, qu'avec l'autorisation de l'assemblée générale du syndic et sous la direction de l'architecte de l'immeuble. De même, les travaux modifiant l'harmonie de l'immeuble ou concernant le gros oeuvre ne pourront être décidés qu'en assemblée générale.

En l'occurrence, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 20 septembre 2021 à la demande de l'intimé que les fenêtres en question à deux ventaux équipées, chacune, d'un imposte sont visibles du jardin situé à l'arrière des bâtiments et qu'elles ont une taille inférieure à celles de l'ensemble des appartements voisins. Aux termes du procès-verbal de constat dressé le 7 février 2025 à la demande des appelants, les anciennes fenêtres à deux vantaux, sous-dimensionnées, ont été remplacées par des fenêtres toute hauteur, plus cohérentes avec les proportions de la façade.

Or, dès lors que les fenêtres installées en façade de l'immeuble sont visibles de l'extérieur, elles ne pouvaient être mofidiées sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaire, et ce, nonobstant le fait qu'elles ne portent pas atteinte à l'harmonie de l'immeuble.

Même à supposer que d'autres copropriétaires ont modifié leurs ouvrants dans les mêmes conditions que les appelants, cela n'enlève rien à la violation manifeste causée au règlement de copropriété, d'autant qu'ils n'allèguent ni ne démontrent avoir sollicité de l'assemblée générale des copropriétaires qu'elle notifie a posteriori la modification des fenêtres en question.

Dans ces conditions, les fenêtres visibles de l'extérieur qui ont été modifiées par les appelants, sans autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires, sont également constitutif d'un trouble manifestement illicite.

Etant donné que le syndic de la copropriété a demandé aux appelants de déposer les fenêtres en question et de les mettre en conformité avec les fenêtres existantes pour la première le 9 septembre 2021 et que l'ordonnance entreprise a été rendue le 25 octobre 2024, les appelants ont eu tout le temps nécessaire pour demander à l'assemblée générale des copropriétaires de ratifier les travaux en question, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les enjoindre à le faire.

Il s'avère que la remise en état des lieux est la seule mesure de nature à mettre fin au trouble manifestement illicite causé à la copropriété sans que les appelants ne puissent valablement se prévaloir d'une mesure disproportionnée au regard de la nature des travaux en question.

De plus, s'agissant de travaux contestés depuis plus de 4 ans, il n'y a pas lieu d'accorder aux appelants un délai ne pouvant être inférieur à 12 mois pour remettre en état les fenêtres. Le délai de 3 mois accordé par le premier juge était largement suffisant.

En conséquence, l'ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu'elle a ordonné aux appelants de remettre en état le chassis de la baie vitrée, les fenêtres à deux vantaux et le mur de refend porteur, sous la surveillance et la responsabilité d'un professionnel, dans un délai de 3 mois et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard, pendant une durée de 6 mois à compter de la signification de l'ordonnance entreprise.

Sur les demandes de provisions

Par application de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il appartient au demandeur d'établir l'existence de l'obligation qui fonde sa demande de provision tant en son principe qu'en son montant et la condamnation provisionnelle, que peut prononcer le juge des référés sans excéder ses pouvoirs, n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la créance alléguée.

Une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

C'est au moment où la cour statue qu'elle doit apprécier l'existence d'une contestation sérieuse, le litige n'étant pas figé par les positions initiale ou antérieures des parties dans l'articulation de ce moyen.

Pour résistance abusive

Il résulte de ce qui précède que le syndicat des copropriétaire s'oppose aux travaux effectués par les appelants depuis le 9 septembre 2021.

Alors même que l'assemblée générale des copropriétaires du 27 février 2023 a, aux termes d'une résolution n° 28, décidé de laisser un délai allant jusqu'au 1er juillet 2023 aux appelants pour remplacer les fenêtres non conformes et remettre à l'identique le mur maître qui a été supprimé sans autorisation, à défaut de quoi le syndic est autorisé à ester en justice à leur encontre, ils n'en feront rien.

Seul le procès-verbal de constat dressé le 7 février 2025 révèle que des travaux de reprise ont été effectués sans pour autant que la preuve de leur conformité avec ce qui existait ne soit rapportée.

Dans ces conditions, l'obligation pour les appelants de réparer le préjudice subi par l'intimé du fait de leur résistance abusive n'est pas sérieusement contestable.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle les a condamnés à verser à l'intimé une provision de 1 000 euros pour résistance abusive.

Pour procédure abusive

Etant donné que les appelants succombent en appel, leur demande de provision à valoir sur les dommages et intérêts pour procédure abusive n'est pas justifiée.

Ils seront donc déboutés de leur demande formée de ce chef.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les appelants, succombant en appel, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle les a condamnés aux dépens et à verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Ils seront également tenus in solidum aux dépens de la procédure d'appel.

L'équité commande en outre de les condamner in solidum à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 2 400 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.

En tant que parties perdantes, les appelants seront déboutés de leur demande formée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [Y] [W] et M. [M] [N] [L] de leur demande tendant à voir annuler l'acte introductif d'instance signifié le 10 juillet 2024 et tous les actes de procédure subséquents ;

Déboute Mme [Y] [W] et M. [M] [N] [L] de leurs demandes portant sur la ratification des travaux, les délais pour remettre en état les lieux et la provision à valoir sur les dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne in solidum Mme [Y] [W] et M. [M] [N] [L] à verser au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 10], représenté par son syndic en exercice, la somme de 2 400 euros pour les frais exposés en appel non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute Mme [Y] [W] et M. [M] [N] [L] de leur demande formée sur le même fondement ;

Condamne in solidum Mme [Y] [W] et M. [M] [N] [L] aux entiers dépens de la procédure d'appel.

La greffière La présidente

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