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Décisions

Cass. com., 28 juin 2016, n° 13-27.245

COUR DE CASSATION

Arrêt

Rejet

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mouillard

Cass. com. n° 13-27.245

27 juin 2016

Vu l'arrêt n° 1010 F-D de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 29 septembre 2015 rabattant l'arrêt n° 191 F-D rendu par elle le 17 février 2015 et disant qu'il sera procédé, sur les moyens omis, à un nouvel examen du pourvoi par la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ;

Donne acte à Mme X...de ce qu'elle reprend l'instance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Top montage ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 19 septembre 2013), que, par acte du 6 avril 2009, la Société générale s'est rendue caution de la société ETPI, aux droits de laquelle se trouve la société Top montage, pour les sommes qu'elle pourrait devoir à la société Barbot dans le cadre de contrats de sous-traitance relatifs à la construction d'une centrale électrique ;


qu'en garantie de cet engagement, la société ETPI a nanti au profit de la Société générale des actions de Sicav ; que, par acte du 19 juin 2009, Mme Y..., gérante de la société ETPI, et son époux se sont rendus cautions de l'ensemble des sommes que la société ETPI pourrait devoir à la Société générale, dans la limite de 169 000 euros et pour une durée de dix ans ; que la Société générale a consenti à la société ETPI une autorisation tacite de découvert d'un montant de 460 000 euros, à laquelle elle a mis fin, le 14 février 2011, en dénonçant la convention de compte bancaire et le découvert afférent à compter du 15 avril 2011 ; que la Société générale a assigné la société Top montage et M. et Mme Y... en paiement ;

Sur le premier moyen, délibéré par la troisième chambre civile :

Attendu que la société Top montage, Mme X..., ès qualités, et M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de la société Top montage tendant à voir ordonner la levée du nantissement affectant les Sicav et à voir ordonner que la somme représentant les titres nantis soit portée en déduction de sa dette alors, selon le moyen :

1°/ qu'à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserve, des travaux réalisés dans le cadre d'un marché, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur ; que la réception des travaux peut être tacite et résulter de la volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que la société Top montage ne pouvait retrouver la libre disposition des titres nantis, de sorte que la valeur de ces titres ne pouvait venir en déduction des sommes réclamées par la Société générale, que la réception des travaux réalisés dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu avec la société Barbot n'était pas intervenue, sans rechercher si la mise en exploitation de la centrale au début de l'année 2010 caractérisait une volonté non équivoque du maître de l'ouvrage de recevoir les travaux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l'article 1779-3° du code civil ;

2°/ qu'à l'expiration du délai d'une année à compter de la date de réception, faite avec ou sans réserve, des travaux réalisés dans le cadre d'un marché et quelle que soit la dernière valorisation des titres nantis, la caution est libérée ou les sommes consignées sont versées à l'entrepreneur, même en l'absence de mainlevée, si le maître de l'ouvrage n'a pas notifié à la caution ou au consignataire, par lettre recommandée, son opposition motivée par l'inexécution des obligations de l'entrepreneur ; qu'en décidant néanmoins que la société Top montage ne pouvait retrouver la libre disposition des titres nantis, de sorte que la valeur de ces titres ne pouvait venir en déduction des sommes réclamées par la Société générale, au motif inopérant que la réalisation du nantissement se fait sur la base de la dernière valorisation disponible des titres nantis et non sur leur valeur au jour du nantissement, la cour d'appel a violé l'article 2 de la loi n° 71-584 du 16 juillet 1971 tendant à réglementer les retenues de garantie en matière de marchés de travaux définis par l'article 1779-3° du code civil ;

Mais attendu qu'ayant souverainement retenu que la réception des travaux de la société ETPI ne pouvait résulter des pièces produites, notamment des articles de presse relatant des essais de fonctionnement de la centrale effectués fin 2009 pour une mise en exploitation au début de l'année 2010, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise, a pu en déduire, abstraction faite du motif surabondant tiré de la date d'évaluation des titres nantis, qu'en l'absence de réception des travaux, la libération de la caution ne pouvait être ordonnée ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leur demande tendant à voir condamner la Société générale à leur payer la somme de 169 000 euros de dommages-intérêts et de rejeter la demande de la société Top montage tendant à voir condamner la Société générale à lui payer la somme de 146 772, 98 euros à titre de dommages-intérêts alors, selon le moyen :

1°/ que la convention par laquelle le banquier consent un crédit à son client pour une durée déterminée n'est pas nécessairement rédigée par écrit ; qu'en décidant néanmoins que la durée du concours financier accordé par la banque à la société Top montage était nécessairement indéterminée, dès lors que les pourparlers n'avaient pas abouti à la signature d'un protocole d'accord prévoyant une durée déterminée, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

2°/ que la convention par laquelle le banquier consent un crédit à un client pour une durée déterminée n'est pas nécessairement rédigée par écrit ; qu'en se bornant à affirmer que la durée du concours financier accordé par la banque à la Société Top montage était indéterminée, dès lors que les pourparlers n'avaient pas abouti à la signature d'un protocole d'accord prévoyant une durée déterminée, sans rechercher s'il résultait du document interne de la banque du 24 juin 2010, qui mentionnait la mise en place d'une ouverture de crédit sur 2 ans, le temps que le litige opposant la société Top montage à la Société Barbot soit réglé, que les parties étaient convenues de conclure une ouverture de crédit pour une durée déterminée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil ;

3°/ qu'en décidant qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à la banque au titre d'un soutien abusif en 2010, aux motifs que le bilan de l'exercice de l'année 2011 tendait à démontrer que la situation de l'entreprise se redressait, la cour d'appel, qui s'est prononcée par un motif impropre à exclure qu'à la date à laquelle elle avait été consentie, soit en 2010, l'ouverture de crédit présentait un caractère abusif, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir constaté qu'au cours des négociations engagées entre M. et Mme Y... et la Société générale, telles que relatées dans un document interne de la banque du 24 juin 2010, les premiers avaient exprimé leur volonté d'obtenir de la seconde, pour le groupe dont la société ETPI faisait partie, un crédit d'une durée maximale de deux ans, le temps de recouvrer les créances faisant l'objet de litiges, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche invoquée par la deuxième branche, a relevé que les parties n'étaient pas parvenues à signer un protocole d'accord, notamment quant à l'octroi du découvert consenti à la société ETPI pour une durée de deux ans, et, par une appréciation souveraine des éléments de preuve produits, en a déduit que le concours consenti par la banque à la société ETPI sous forme d'autorisation de découvert l'avait été pour une durée indéterminée ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que le bilan de l'année 2011 démontrait que, malgré les difficultés rencontrées entre 2008 et 2010, la situation de la société ETPI se redressait puis constaté qu'en septembre 2013, au moment où elle statuait, aucune procédure collective n'était ouverte à son encontre, la cour d'appel a retenu que cette société n'était pas dans une situation irrémédiablement compromise en juin 2010, lors de l'octroi du concours litigieux, ce dont elle a déduit que la banque n'avait pas commis de faute ; qu'en cet état, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. et Mme Y... dont grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir déclarer nuls pour vices de forme les engagements de cautions consentis le 19 juin 2009 au profit de la Société générale et à voir ordonner le remboursement par cette dernière des sommes qu'ils lui avaient déjà versées au titre de ces engagements alors, selon le moyen :

1°/ que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même » ; qu'en décidant néanmoins que l'acte de cautionnement de Mme Y... n'était pas entaché de nullité, après avoir pourtant constaté l'omission de l'expression « de la somme de … » dans la mention manuscrite obligatoire, au motif erroné que cette omission était simplement constitutive d'une erreur matérielle, la cour d'appel a violé l'article L. 341-2 du code de la consommation ;

2°/ que toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite précitée, et uniquement de celle-ci ; que la personne physique qui se porte caution solidaire au bénéfice d'un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... » ; que si ces deux mentions légales sont correctement reproduites par la caution, les dispositions légales ne font pas obstacle à ce que la caution approuve, par l'apposition d'une unique signature, les deux mentions, qui se font immédiatement suite, mais à la condition que cette unique signature soit apposée à la suite des deux mentions ; qu'en décidant néanmoins que le fait que la signature de M. Y... soit apposée au milieu de la mention manuscrite, et non pas à la suite des deux mentions, n'entachait pas l'acte de caution nullité, la cour d'appel a violé les articles L. 341-2 et L 341-3 du code de la consommation ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir rappelé les termes de la mention manuscrite portée par Mme Y... sur son engagement de caution, dans laquelle l'expression « la somme de... », destinée à fixer la limite de cet engagement, était manquante, l'arrêt retient que, dans la mesure où les termes 169 000 sont suivis du symbole de l'euro, puis sont repris entre parenthèses en toutes lettres et précèdent les mentions « couvrant le paiement », l'arrêt retient que l'absence des mots « la somme de... » est simplement constitutive d'une erreur matérielle qui n'affecte ni le sens, ni la portée de l'engagement contracté par Mme Y..., qui ne pouvait ignorer que le chiffre ainsi inséré dans le texte manuscrit ne pouvait être autre chose qu'une somme ; que la cour d'appel a pu déduire de cette appréciation que l'omission des mots « la somme de... » n'affectait pas la validité du cautionnement de Mme Y... ;

Attendu, d'autre part, qu'ayant relevé que la mention manuscrite portée par M. Y... sur l'acte de cautionnement avait été interrompue par un texte pré-imprimé tiré de la loi informatique et libertés, qui empêchait une rédaction en continu, et avait été reprise, au dessous de ce texte, pour se terminer tout en bas de page, empêchant ainsi l'apposition de la signature à sa suite, puis constaté que la signature de M. Y... était portée à droite de la mention pré-imprimée, au milieu de la mention manuscrite, l'arrêt retient qu'au regard de ces conditions matérielles de rédaction de la mention manuscrite, M. Y... n'a pu qu'apposer sa signature dans l'espace restant, après avoir complètement rédigé la mention manuscrite ; qu'en l'état de ses constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que le cautionnement était valable ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le quatrième moyen :

Attendu que M. et Mme Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes tendant à voir constater que les engagements de caution conclus le 19 juin 2002 avec la Société générale étaient manifestement disproportionnés par rapport à leurs revenus et patrimoine au moment de leur conclusion, déclarer en conséquence ces engagements inopposables à leur égard et ordonner le remboursement par la Société générale des sommes qu'ils lui avaient déjà versées au titre de leurs engagements de cautions alors, selon le moyen, qu'un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'en se bornant à lister les revenus, le patrimoine et les charges de M. et Mme Y..., sans même procéder à un calcul permettant de déterminer si leurs engagements de cautions étaient manifestement disproportionnés par rapport à leurs facultés de remboursement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation ;

Mais attendu que, loin de se borner à lister les revenus, le patrimoine et les charges de M. et Mme Y..., la cour d'appel a rapproché le montant de leurs engagements de caution de l'évaluation des biens et revenus mentionnée dans les fiches de renseignements remises par chacun d'eux à la banque puis retenu, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve versés au débat, que le taux d'endettement de 57 % et l'engagement de caution dont ils se prévalaient pour une autre des sociétés du groupe n'étaient pas justifiés ; qu'en déduisant de ces appréciations que, lors de la souscription de leurs engagements de caution en juin 2009, M. et Mme Y... disposaient de revenus mensuels qui leur permettaient, sans endettement excessif, la constitution d'un patrimoine immobilier et qu'il n'y avait donc aucune disproportion manifeste entre leurs facultés de remboursement et leurs engagements de caution, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Top montage, Mme X..., en sa qualité de liquidateur judiciaire de cette société, et M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et condamne M. et Mme Y... à payer à la Société générale la somme globale de 3 000 euros ;

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