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Décisions

Cass. com., 27 septembre 2016, n° 14-18.282

COUR DE CASSATION

Arrêt

Cassation

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mouillard

Cass. com. n° 14-18.282

26 septembre 2016

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société CGX a ouvert un compte courant dans les livres de la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 (la Caisse), avec qui elle a également conclu une convention de cession de créances professionnelles ; que, par acte du 10 mai 2000, M. X..., dirigeant de la société CGX s'est rendu caution solidaire de toutes ses dettes envers la Caisse, dans la limite de la somme de 152 449, 02 euros ; qu'après la mise en redressement judiciaire de la société CGX et l'adoption d'un plan de cession, la Caisse a assigné en paiement M. X... qui, en défense, a opposé la décharge de son engagement de caution sur le fondement de l'article 2314 du code civil et a recherché, à l'appui d'une demande reconventionnelle de dommages-intérêts, la responsabilité de la Caisse en raison de fautes qu'elle aurait commises ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de le condamner, en sa qualité de caution solidaire de la société CGX, à payer à la Caisse la somme de 152 449, 02 euros alors, selon le moyen :

1°/ que la décharge de la caution s'applique à la perte de tout droit exclusif ou préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance ; qu'au cas présent, poursuivi par la Caisse en sa qualité de caution de la société CGX, M. X... a opposé à la Caisse qu'il était déchargé de son engagement dès lors qu'elle n'avait pas notifié aux débiteurs cédés les cessions de créances professionnelles qui lui avaient été consenties par la société CGX en remboursement du crédit cautionné ; que, pour considérer que M. X... ne pourrait être ainsi déchargé de son engagement de caution, la cour d'appel a énoncé que le mécanisme de cession de créance ne « génère pas de droit préférentiel » ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que les droits nés d'une cession de créance confèrent au cessionnaire un droit exclusif pour le recouvrement de sa créance, et figurent dès lors au rang des droits permettant la mise en oeuvre de l'article 2037 du code civil, la cour d'appel a violé l'article 2037 devenu 2314 du code civil ;

2°/ que si la notification d'une cession de créances professionnelles est, de manière générale, une faculté pour la banque cessionnaire, elle devient une obligation lorsque le crédit en remboursement duquel la cession de créances a été consentie est par ailleurs garanti par un cautionnement ; que, pour considérer que M. X... ne pourrait être déchargé de son engagement, la cour d'appel a affirmé que le défaut de notification n'était pas de nature à permettre la décharge de la caution dès lors que la notification ne constituerait qu'une simple faculté pour le cessionnaire ; qu'en se déterminant ainsi cependant que la notification était une obligation pour la banque dès lors que le crédit consenti était garanti par un cautionnement, la cour d'appel a violé l'article 2037 devenu l'article 2314 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, que l'arrêt retient exactement que, si l'établissement de crédit cessionnaire d'une créance professionnelle s'abstient de notifier la cession au débiteur cédé, la caution qui invoque la subrogation dans les droits du cessionnaire ne justifie pas de la perte d'un droit préférentiel conférant un avantage particulier au créancier pour le recouvrement de sa créance et n'est, dès lors, pas fondée à se prévaloir des dispositions de l'article 2314 du code civil ;

Et attendu, d'autre part, que, selon l'article L. 313-28 du code monétaire et financier, la notification de la cession d'une créance professionnelle est, pour l'établissement de crédit cessionnaire, une faculté et non une obligation, même lorsque le crédit en remboursement duquel la cession a été consentie est garanti par un cautionnement ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'abstention du cessionnaire d'y procéder ne peut être invoquée par la caution du cédant comme constitutive d'une faute à son égard ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt du rejet de sa demande de dommages-intérêts alors, selon le moyen, qu'au cas présent, M. X... faisait valoir que la Caisse avait par diverses fautes (défaut de mise en oeuvre de la cession de créances, octroi et rupture abusifs de crédits), provoqué l'ouverture de la procédure collective et demandait également réparation du préjudice qu'il avait subi du fait de son éviction de la société consécutive à la procédure collective ; qu'en déclarant sa demande indemnitaire irrecevable cependant que le préjudice dont il se prévalait du fait de l'éviction de la société constituait bien un préjudice individuel, la cour d'appel a violé l'article 31 du code de procédure civile ;


Mais attendu que le représentant des créanciers d'une société mise en redressement judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l'intérêt collectif des créanciers en vue de la protection et de la reconstitution de leur gage commun ; que dès lors que M. X... estimait, dans ses conclusions, que, par l'effet de l'adoption du plan de cession, il avait subi, en tant qu'associé, un préjudice « qui ne saurait être inférieur à la valeur de la moitié du capital social qu'il avait vocation à détenir », c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que l'action tendant à l'indemnisation d'un tel préjudice, consistant en la perte de la créance de l'associé, relevait du monopole du représentant des créanciers ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article 31 du code de procédure civile ;

Attendu que, pour juger irrecevable la demande de M. X... tendant à voir condamner la Caisse à lui payer une certaine somme à titre de dommages-intérêts en raison des fautes qu'elle aurait commises à l'encontre de la société CGX et qui seraient la cause de la mise en oeuvre de sa garantie, l'arrêt retient qu'il ne se prévaut d'aucun préjudice individuel, distinct du préjudice collectif, que le préjudice résultant d'un soutien abusif de la banque est un préjudice subi par les créanciers dont seul le liquidateur peut demander réparation et que M. X... ne dispose pas de la qualité à agir en responsabilité à l'encontre de la Caisse ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le préjudice résultant pour la caution de la mise en oeuvre de sa garantie constitue un préjudice personnel, distinct de celui, collectif, subi par les créanciers et que la demande en réparation de ce préjudice est recevable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il juge que la demande de M. X... en paiement de dommages-intérêts formée contre la Caisse en réparation du préjudice résultant de la mise en oeuvre de sa garantie de caution est irrecevable, l'arrêt rendu le 19 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen ;

Condamne la société Caisse régionale de crédit agricole mutuel Toulouse 31 aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept septembre deux mille seize.

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