Cass. com., 7 octobre 2020, n° 19-12.949
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
MOUILLARD
Rapporteur :
Guerlot
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 10 juillet 2018), par un acte du 26 août 2013, M. Y... s'est rendu caution solidaire, dans la limite de 16 200 euros, d'un prêt consenti par la société Crédit coopératif (la banque) à la société Services autonomie amiénois (la société).
2. La société ayant été mise en liquidation judiciaire, la banque a assigné en paiement M. Y..., qui lui a opposé la disproportion manifeste de son engagement à ses biens et revenus ainsi qu'un manquement à ses devoirs de mise en garde et d'information.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. M. Y... fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque la somme de 16 200 euros, alors « que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie ; qu'en prenant en compte, pour apprécier la proportionnalité de l'engagement de caution de M. Y..., les revenus attendus de la société créée par lui, la cour d'appel a violé l'article L. 341-4, devenu L. 332-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 14 mars 2016 :
5. Aux termes de ce texte, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
6. Pour condamner M. Y... à payer à la banque la somme de 16 200 euros, l'arrêt retient qu'au regard de la valeur du bien indivis et du capital social de la société détenus par ce dernier, son engagement litigieux n'était manifestement pas disproportionné, nonobstant son absence de revenus professionnels au moment de son engagement, les revenus attendus de la société créée devant s'ajouter à l'allocation d'aide à la création d'entreprise versée à l'intéressé.
7. En statuant ainsi, alors que la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Et sur le deuxième moyen
Enoncé du moyen
8. M. Y... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande indemnitaire formée au titre du manquement de la banque à son devoir de mise en garde, alors « que l'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'une caution non avertie porte sur le risque d'endettement excessif né du cautionnement du prêt ; qu'en se fondant, pour écarter tout manquement de la banque à son devoir de mise en garde, sur la circonstance inopérante qu'aucun élément ne permettait de retenir que le projet d'entreprise de M. Y... présentait un risque particulier que la banque aurait pu connaître et la caution ignorer, ce qui ne permettait pas d'exclure le risque d'endettement lié au cautionnement du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle de l'ordonnance du 10 février 2016 :
9. En application de ce texte, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'une caution non avertie lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de la caution ou il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti, lequel résulte de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.
10. Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. Y... après avoir constaté que ce dernier n'était pas une caution avertie, l'arrêt retient que la faute imputée à la banque n'est pas établie dès lors qu'aucun élément de fait ne permet de retenir que le projet d'entreprise de la caution présentait un risque particulier que la banque aurait pu connaître et la caution ignorer.
11. En se déterminant ainsi, sans préciser si la caution, qui le contestait, disposait des capacités financières suffisantes pour faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juillet 2018, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société Crédit coopératif aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Crédit coopératif et la condamne à payer à M. Y... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept octobre deux mille vingt.