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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 24 novembre 2025, n° 25/06492

PARIS

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CA Paris n° 25/06492

24 novembre 2025

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 742-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 24 NOVEMBRE 2025

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 25/06492 - N° Portalis 35L7-V-B7J-CMJQK

Décision déférée : ordonnance rendue le 22 novembre 2025, à 20h34, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Elise Thevenin-Scott, conseillère à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assistée de Ophanie Kerloc'h, greffière aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

M. [R] [K]

né le 15 décembre 2001 à [Localité 1], de nationalité sénégalaise

RETENU au centre de rétention : Mesnil Amelot n°2

assisté de Me Ruben Garcia, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris

et de M. [T] [F] [O], interprète en langue peulh, tout au long de la procédure devant la cour et lors de la notification de la présente ordonnance, serment préalablement prêté, présent en salle d'audience de la Cour d'appel de Paris

INTIMÉ

LE PREFET DES YVELINES

représenté par Me Elif Iscen du cabinet Centaure, avocat au barreau de Paris, présent en salle d'audience au centre de rétention administrative du [3], plaidant par visioconférence

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience

ORDONNANCE :

- contradictoire

- prononcée en audience publique

- Vu l'ordonnance du 22 novembre 2025 du magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux ordonnant la jonction de la procédure introduite par la requête du préfet des Yvelines enregistrée sous le n° RG 25/04734 et celle introduite par le recours de M. [R] [K] enregistré sous le n° RG 25/04733, rejetant le moyen soutenu in limine litis, déclarant le recours de M. [R] [K] recevable, rejetant le recours de M. [R] [K], déclarant la requête du préfet des Yvelines recevable et la procédure régulière, rejetant la demande d'assignation à résidence et ordonnant la prolongation de la rétention de M. [R] [K] au centre de rétention administrative n°2 du [3], ou dans tout autre centre ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt six jours à compter du 22 novembre 2025 ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 23 novembre 2025, à 11h39, par M. [R] [K] ;

- Vu les conclusions reçues le 24 novembre 2025 à 09h33 par le conseil de M. [R] [K] ;

- Après avoir entendu les observations :

- par visioconférence, de M. [R] [K], assisté de son avocat, qui demande l'infirmation de l'ordonnance ;

- du conseil du préfet plaidant par visioconférence, tendant à la confirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

Monsieur [R] [K], né le 15 décembre 2001 à [Localité 1] (Sénégal) a été placé en rétention par arrêté préfectoral en date du 18 novembre 2025, sur la base d'un arrêté préfectoral portant OQTF en date du 03 février 2023.

Par ordonnance en date du 22 novembre 2025, le magistrat du siège en charge du contrôle des mesures restrictives et privatives de liberté de [Localité 2] a rejeté la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention de Monsieur [R] [K] et fait droit à la requête de la préfecture aux fins de prolongation de la mesure de rétention.

Monsieur [R] [K] a interjeté appel, il sollicite :

- Le contrôle d'identité soit déclaré irrégulier ne ce que les réquisitions du procureur de la République ne font pas de lien effectif entre le lieu du contrôle et les infractions visées, contrairement aux réserves d'interprétation du conseil constitutionnel du 24 janvier 2017

- L'absence d'élément sur la notification de l'OQTF à Monsieur [R] [K]

- Subsidiairement il sollicite une assignation à résidence

Sur ce,

Sur la régularité du contrôle d'identité

Il appartient au juge judiciaire, en sa qualité de gardien de la liberté individuelle, de se prononcer sur les irrégularités, invoquées par l'étranger, affectant les procédures préalables à la notification de la décision de placement en rétention. (2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.002, Bull. 1995, II, n° 221, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.006, Bull. 1995, II, n° 212, 2e Civ., 28 juin 1995, pourvoi n° 94-50.005, Bull., 1995, II, n° 211).

Aux termes de l'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée de la mesure de placement en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

L'article 78-2 du code de procédure pénale énonce que « Les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1° peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l'égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner :

- qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ;

- ou qu'elle se prépare à commettre un crime ou un délit ;

- ou qu'elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l'enquête en cas de crime ou de délit;

- ou qu'elle a violé les obligations ou interdictions auxquelles elle est soumise dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'une mesure d'assignation à résidence avec surveillance électronique, d'une peine ou d'une mesure suivie par le juge de l'application des peines ;

- ou qu'elle fait l'objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.

Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.

L'identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l'ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.».

L'article 78-2-2 du même code énonce que :

« I.- Sur réquisitions écrites du procureur de la République, dans les lieux et pour la période de temps que ce magistrat détermine et qui ne peut excéder vingt-quatre heures, renouvelables sur décision expresse et motivée selon la même procédure, les officiers de police judiciaire et, sur l'ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux 1°, 1° bis et 1° ter de l'article 21 du présent code, peuvent procéder aux contrôles d'identité prévus au septième alinéa de l'article 78-2, aux fins de recherche et de poursuite des infractions suivantes :

1° Actes de terrorisme mentionnés aux articles 421-1 à 421-6 du code pénal ;

2° Infractions en matière de prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs mentionnées aux 1° et 2° du I de l'article L. 1333-9, à l'article L. 1333-11, au II des articles L. 1333-13-3 et L. 1333-13-4 et aux articles L. 1333-13-5, L. 2339-14, L. 2339-15, L. 2341-1, L. 2341-2, L. 2341-4, L. 2342-59 et L. 2342-60 du code de la défense ;

3° Infractions en matière d'armes mentionnées à l'article 222-54 du code pénal et à l'article L. 317-8 du code de la sécurité intérieure ;

4° Infractions en matière d'explosifs mentionnés à l'article 322-11-1 du code pénal et à l'article L. 2353-4 du code de la défense ;

5° Infractions de vol mentionnées aux articles 311-3 à 311-11 du code pénal ;

6° Infractions de recel mentionnées aux articles 321-1 et 321-2 du même code ;

7° Faits de trafic de stupéfiants mentionnés aux articles 222-34 à 222-38 dudit code.».

Par décision en date du ' le Conseil constitutionnel, dans un considérant 23 a émis la réserve suivante : « En second lieu, il ressort des dispositions contestées que les réquisitions du procureur de la République ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminés. Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaître la liberté d'aller et de venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans lien avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. Elles ne sauraient non plus autoriser, en particulier par un cumul de réquisitions portant sur des lieux ou des périodes différents, la pratique de contrôles d'identité généralisés dans le temps ou dans l'espace. ».

Il s'en déduit que les réquisitions doivent permettre d'établir, soit par leur seule lecture, soit par le renvoi à une demande annexée, l'effectivité du lien entre le lieu du contrôle et les infractions visées, par exemple en listant un certain nombre de faits constatés sur une période donnée.

Or, en l'espèce les réquisitions ne comportent aucune information et la demande les fondant n'est pas produite, de sorte que l'effectivité du lien n'est pas établie et le contrôle est donc irrégulier.

La décision sera infirmée et la requête de la préfecture rejetée.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance ,

Statuant à nouveau,

DECLARONS irrégulière la procédure,

REJETONS la demande de prolongation de la mesure de rétention

DISONS n'y avoir lieu à maintien en rétention de M. [R] [K],

RAPPELONS à Monsieur [R] [K] qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

DISONS que la présente ordonnance sera notifiée à l'intéressé par l'intermédiaire du chef du centre de rétention administrative (avec traduction orale du dispositif de l'ordonnance dans la langue comprise par l'intéressé ),

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à [Localité 4] le 24 novembre 2025 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS : Pour information : L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

L'avocat de l'intéressé L'interprète

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