CA Versailles, ch civ.. 1-4 construction, 24 novembre 2025, n° 22/07504
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 NOVEMBRE 2025
N° RG 22/07504
N° Portalis DBV3-V-B7G-VSFA
AFFAIRE :
S.A.S. ETABLISSEMENTS HENRIOT
C/
Société REFRIGERATION SOLUTIONS FRANCE
Société CHUBB EUROPEAN GROUP SE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° RG : 2020F01125
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Dan ZERHAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE
S.A.S. ETABLISSEMENTS HENRIOT
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me Soledad RICOUARD de l'AARPI R&B AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0536
****************
INTIMÉES
Société REFRIGERATION SOLUTIONS FRANCE venant aux droits de la société CARRIER
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
Plaidant : Me Nelly MACHADO de la SELARL PIOT-MOUNY, ROY & MACHADO, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 715
Société CHUBB EUROPEAN GROUP SE
[Adresse 5]
[Adresse 5],
[Localité 3]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
Plaidant : Me Nelly MACHADO de la SELARL PIOT-MOUNY, ROY & MACHADO, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 715
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
La société Bretonvilliers, dont l'activité est le soutien aux cultures, a confié par contrat conclu le 5 mars 2014 à la société Raes construction (ci-après « société Raes »), spécialiste de la construction d'entrepôts industriels de stockage et de conservation et assurée auprès de la société Axa France Iard, (ci-après « société Axa »), la construction d'un bâtiment frigorifique destiné au stockage de pommes de terre, à [Localité 4] (28).
Pour la conception et la réalisation de l'installation de deux chambres froides, ou cellules, d'une capacité de 1 250 tonnes chacune, la société Raes a fait appel à la société Établissements Henriot, (ci-après « société Henriot »).
Pour les équipements frigorifiques, la société Henriot s'est fournie auprès de la société Carrier (filiale de la société Profroid), assurée par la société Chubb european group SE, (ci-après « société Chubb ») selon commande du 7 avril 2014 d'un montant de 67 058,36 euros. Par apport partiel d'actif en date du 10 janvier 2024, la société Carrier a apporté à la société Réfrigération solutions France (ci-après la « société Réfrigération ») la branche d'activité liée à la marque Profroid. La société Réfrigération vient par suite aux droits de la société Carrier.
Le 28 avril 2014, la société Bretonvilliers a donné à bail à la société Terre de France un bâtiment réfrigéré de stockage de pommes de terre et une aire de stockage au sol stabilisé pouvant accueillir des palox vides (grandes caisses sur palettes), pour une durée de 9 ans à compter de la réception des travaux en cours de construction.
Pour son activité de stockage de pommes de terre, la société Bretonvillers est assurée en responsabilité professionnelle auprès de la société Aviva assurances, (ci-après « société Aviva ») devenue la société Abeille Iard et santé (ci-après société « Abeille »).
La réception des travaux est intervenue, avec réserves, le 26 août 2014.
La société Terre de France a utilisé la cellule n°2 à compter du 6 septembre 2014.
Le 23 septembre, la société Bretonvilliers a signalé à la société Henriot un problème de ventilation en fond de salle. La société Henriot lui a adressé un plan de repositionnement des palox.
En janvier 2015, la société Terre de France a constaté la germination des pommes de terre stockées depuis fin août 2014 et a dû les vendre en février à vil prix.
Une expertise amiable a été organisée entre les parties.
Plusieurs réunions se sont ainsi tenues entre 2015 et 2017.
Le 17 mai 2017, les experts amiables ont rédigé un procès-verbal de « constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages ». Il a évalué le préjudice de la société Terre de France à 117 322 euros. Les experts des sociétés Raes et Henriot ont émis toutes réserves sur le préjudice relatif à la variété de pommes de terre Charlotte qui n'aurait selon eux, fait l'objet d'aucun constat contradictoire.
Suite à cette expertise amiable, aucune des parties n'a procédé à l'indemnisation de la société Terre de France qui a vainement mis en demeure la société Bretonvilliers de l'indemniser de son préjudice.
Les 23 et 27 février 2018, la société Terre de France a assigné en référé devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, les sociétés Bretonvilliers, Aviva, Raes et Axa, demandant leur condamnation in solidum au versement d'une provision de 117 322 euros et la désignation d'un expert.
Par ordonnance du 18 juillet 2018, M. [I] [V] a été désigné en qualité d'expert pour mission d'établir l'origine des désordres allégués et de chiffrer le préjudice de la société Terre de France. Il a déposé son rapport le 21 mai 2020.
Le 1er septembre 2020, la société Terre de France a été absorbée par la société Priméale France (ci-après « société Priméale »), dans le cadre d'une réorganisation du groupe coopératif Agrial.
C'est dans ces circonstances que la société Terre de France, aux droits de laquelle est venue la société Priméale, a fait assigner séparément devant le tribunal de commerce de Nanterre la société Bretonvilliers, par acte du 17 août 2020 et la société Aviva par acte du 14 août 2020 réclamant notamment 117 322 euros HT à titre de dommages et intérêts.
Les sociétés Bretonvilliers et Aviva ont assigné en garantie les sociétés :
- Raes, Axa et Chubb, le 21 décembre 2020,
- Carrier, le 22 décembre 2020,
- Henriot, le 30 décembre 2020.
Par jugement contradictoire du 26 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté les sociétés Carrier et Chubb de leur demande en nullité du rapport d'expertise,
- dit que le rapport d'expertise était opposable à l'ensemble des parties,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers et Abeille, sous réserve des dispositions du contrat d'assurance les liant et notamment de la franchise contractuelle, à payer à la société Priméale la somme de 117 322 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2017, déboutant la société Priméale pour le surplus,
- condamné les sociétés Raes et Axa à garantir les sociétés Bretonvilliers et Abeille de leur condamnation à hauteur de 105 590 euros,
- débouté la société Henriot de sa demande de garantie de sa condamnation des sociétés Carrier et Chubb,
- débouté la société Priméale France de sa demande de condamnation pour résistance abusive des sociétés Bretonvilliers, Raes et Henriot,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers, Abeille, Raes, Axa et la société Henriot à payer à la société Priméale la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers et Abeille à payer aux sociétés Carrier et Chubb, à chacune, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 de code de procédure civile,
- débouté les parties des autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers, Abeille, Raes, Axa et Henriot aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Sur la demande de nullité ou l'inopposabilité du rapport l'expertise, il sera renvoyé aux motifs du jugement.
Sur le fond, et la prétendue faute de la société Priméale, le tribunal ne l'a pas retenue, en sa qualité de locataire de l'entrepôt frigorifique de la société Bretonvilliers. Il a remarqué qu'elle avait stocké environ 1 400 tonnes pour la campagne 2014/2015 en accord avec les stipulations contractuelles du bail autorisant une capacité minimum de 1 250 tonnes au sein du bâtiment.
Il a relevé que la bailleresse avait attesté à l'occasion des opérations d'expertise qu'un tel niveau de stockage s'était reproduit lors des campagnes suivantes sans provoquer de germination, sans avoir été contredite.
Il a retenu que l'expert judiciaire n'avait pas relevé de responsabilité de la société Terre de France dans les désordres, qu'il avait relevé que « la surcharge de la cellule n°2 ne sembl[ait] pas être la cause unique car elle a[vait] été reproduite les années suivantes et les installations [étaient] taillées pour 1 400 tonnes d'après les documents fournis par les parties ».
Il en a déduit, à la différence de l'expert judiciaire et contrairement aux allégations de la société Henriot, que la surcharge de la cellule louée par la société n'était pas l'une des causes des désordres ayant provoqué la germination des pommes de terre de la campagne 2014/2015.
Sur la faute de la société Bretonvilliers, pour la retenir, en tant que bailleresse et gestionnaire de l'entrepôt frigorifique, le tribunal a jugé, selon le contrat de bail, qu'elle était responsable de l'ensemble du fonctionnement de l'entrepôt frigorifique, et notamment de la disposition des palox à l'intérieur du bâtiment.
Il a considéré que le plan de positionnement n'avait été transmis par la société Henriot à la société Bretonvilliers, que le 23 septembre 2014 et que le non-respect de ce plan et de ces couloirs de ventilation avait été révélé lors de l'expertise amiable.
Il a constaté que la société Bretonvilliers reconnaissait avoir oublié ou n'avoir pas positionné au bon endroit les sondes permettant de surveiller la température de la cellule.
Il a relevé un défaut de surveillance de la société Bretonvilliers entre le 23 septembre 2014 et le 27 janvier 2015, date à laquelle la société Terre de France avait procédé au signalement de la germination des pommes de terre.
Il a aussi relevé que l'expert judiciaire avait mentionné en conclusion de son rapport qu'il « s'agi[ssai]t bien d'origines multiples liées à l'inexpérience du bailleur et à une problématique de ventilation (') ».
Sur l'absence de faute de la société Raes, il a constaté qu'elle n'avait joué aucun rôle dans la conception et l'installation de l'équipement frigorifique de la cellule qu'elle avait construite et que le bâtiment qu'elle avait livré n'était pas en cause.
Sur les fautes de la société Henriot dans l'accomplissement de sa mission de conception de l'installation de l'équipement frigorifique, le tribunal a relevé que l'ensemble des éléments des expertises amiables et judiciaires avait permis de dégager un faisceau d'indices concordants sur sa responsabilité première dans les désordres intervenus.
Il a ainsi considéré que la société Henriot n'avait pas délivré aux sociétés Bretonvilliers et Raes, fin août 2014, une cellule à la ventilation correctement conçue, conduisant à la germination des pommes de terre stockées par la société Terre de France, et que ce n'était que suite à ses interventions des 2 juillet et 30 septembre 2025 qu'il avait été mis fin aux désordres, confirmant ainsi que l'installation initiale ne permettait pas une ventilation correcte.
Sur l'absence de faute de la société Carrier, fournisseur d'équipements frigorifiques à la société Henriot, il a constaté que l'expert judiciaire attestait dans son rapport que « concernant le problème de ventilation, il [était]aujourd'hui connu [et] résolu » et qu'il ne pensait pas que « le débat sur les notices techniques soit de nature à éclairer le débat », réfutant ainsi les allégations de la société Henriot sur une prétendue insuffisance des instructions d'installation.
Il en a conclu que la société ne démontrait ni que l'équipement fourni par la société Carrier avait été défaillant ni que les informations techniques fournies par la société Carrier étaient fausses, incomplètes ou inadaptées à l'installation dont la société Henriot avait la charge.
Sur le préjudice de la société Priméale et son quantum, le tribunal, reprenant les conclusions de l'expert judiciaire, a dit que le stockage de la variété tant Charlotte qu'Anabelle pendant la période suivant la récolte 2014 était établi et que leur germination avait causé un préjudice.
Il a arrêté le montant du préjudice de la société Priméale, venue aux droits de la société Terre de France, à la somme de 117 322 euros, reprenant le chiffrage fait par les experts d'assurance dans leur procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages du 17 mai 2017 et confirmé par l'expert judiciaire dans son rapport du 21 mai 2020.
Sur la demande de la société Priméale, venue aux droits de la société Terre de France, à l'encontre des sociétés Bretonvilliers et Aviva, devenue la société Abeille, pour les condamner au visa de l'article 1147 ancien du code civil à payer à la société Priméale la somme de 117 322 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2017, date de la mise en demeure, le tribunal a retenu que le procès-verbal de « constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages » dressé le 17 mai 2017 par les experts amiables des différentes parties, établissait le défaut de ventilation des installations comme origine des désordres, ce qui avait été confirmé par le rapport d'expertise judiciaire du 21 mai 2020.
Il a retenu qu'étant liée par contrat par lequel le bailleur « s'engag[eait] à tout mettre en 'uvre pour assurer une conservation optimale des pommes de terre stockées » et qu' « il [était] responsable des problèmes de conservation dus au mauvais fonctionnement du matériel mis en service et à disposition par ses soins » avec obligation de « couvrir sa responsabilité par une assurance et d'en justifier au preneur », la société Bretonvilliers avait commis une faute et devait réparer le préjudice qu'elle avait causé à la société Priméale.
Il a constaté que les sociétés Bretonvilliers et Aviva reconnaissaient la responsabilité de la société Bretonvilliers vis-à-vis de la société Priméale.
Pour condamner in solidum les sociétés Raes et Axa à garantir la société Bretonvilliers et la société Aviva de leur condamnation, le tribunal a relevé, au visa des articles 1792 et 1792-7 du code civil, que le contrat conclu entre les sociétés Bretonvilliers et Raes, avait pour objet la fourniture par la seconde à la première d'un bâtiment dont la destination était, sans équivoque possible, de servir de stockage frigorifique pour pommes de terres et qu'elle avait choisi pour la partie frigorifique la société Henriot qui s'était révélée fautive dans son intervention, et qu'en ne livrant pas au maître d'ouvrage le bâtiment auquel elle s'était engagée, la société Raes avait failli à son obligation de résultat et avait engagé sa responsabilité contractuelle.
Il a relevé qu'un équipement frigorifique constitué de canalisations assurant le transport du froid dans l'ensemble des locaux en traversant des cloisons isothermes, comprenant une salle de machines alimentant des réseaux desservant d'autres locaux, le froid étant transporté par deux réseaux indépendants de tuyauteries relevait de l'article 1792 du code civil.
Il a relevé que même s'il était établi que la société Raes n'avait pas commis de faute personnelle, la faute de son sous-traitant, la société Henriot, engageait sa responsabilité en tant qu'entrepreneur principal à l'égard du maître de l'ouvrage, la société Bretonvilliers.
Il a estimé que la société Bretonvilliers, du fait de ses fautes, avait concouru au préjudice de la société Priméale à hauteur de 10 %, les 90 % restant étant dus aux fautes de l'installateur Henriot, sous-traitant de la société Raes et dont celle-ci était responsable.
Sur l'appel en garantie de la société Henriot par les sociétés Raes et Axa, pour condamner la société Henriot à les garantir de la totalité de leur condamnation, le tribunal a relevé que la société Raes avait confié à la société Henriot la conception et l'installation des équipements frigorifiques, ce qui était reconnu par les deux parties, et que la société Henriot, tenue d'une responsabilité contractuelle envers la société Raes, était tenue de lui délivrer une installation frigorifique assurant une ventilation adéquate. Il a relevé que la société Henriot n'avait pas respecté ses obligations et l'absence de faute personnelle au cours de l'opération de construction de la société Raes.
Le tribunal a débouté la société Henriot de sa demande de garantie à l'encontre des sociétés Carrier et Chubb.
Par déclaration du 14 décembre 2022, la société Henriot a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident du 16 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a pris acte du désistement d'incident introduit par la société Carrier et par la société Chubb tendant à faire déclarer irrecevable l'appel de la société Henriot qui n'avait pas fait appeler dans l'instance d'appel l'ensemble des parties au litige mais qui avait par la suite modifié ses demandes.
Aux termes de ses conclusions n°3 remises au greffe le 30 avril 2025 (24 pages) la société Henriot demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Carrier, aux droits de laquelle vient la société Réfrigération, et la société Chubb de leur demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire et dit le rapport d'expertise opposable à l'ensemble des parties,
- débouter la société Réfrigération et son assureur, la société Chubb, de leur appel incident ainsi que de l'ensemble de leurs demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande de garantie des sociétés Carrier et Chubb de sa condamnation,
- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum la société Bretonvilliers et la société Abeille, la société Raes et la société Axa, et la société Henriot aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamner in solidum les sociétés Réfrigération et Chubb à la garantir de sa condamnation en principal, intérêts, frais et dépens,
- les débouter de l'ensemble de leurs autres demandes,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- les condamner aux entiers dépens, dont distraction pour ceux le concernant au profit de M. Debray, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions n°3 remises au greffe le 30 juin 2025 (21 pages) la société Réfrigération venant aux droits de la société Carrier et son assureur la société Chubb forment appel incident et demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il:
- les a déboutées de leur demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire,
- dit que le rapport était opposable à l'ensemble des parties,
- de prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire ou, à tout le moins, le déclarer inopposable à leur encontre,
- de confirmer le jugement en tous ses chefs et, notamment, en ce qu'il a débouté la société Henriot de sa demande de condamnation à la garantir des condamnations prononcées à leur encontre,
- de débouter la société Henriot de toutes ses demandes,
- de condamner la société Henriot à leur régler à chacune la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Henriot aux entiers dépens de l'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2025. L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 8 septembre 2025 et elle a été mise en délibéré au 24 novembre 2025.
Après la clôture de l'instruction, le 21 juillet 2025, par conclusions d'incident, le conseil de la société Henriot a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture et un rejet des débats des conclusions n°3 déposées par les sociétés Carrier et Chubb pour non-respect du principe du contradictoire car elles auraient développé dans ces conclusions un fondement nouveau à leur argumentation. L'incident a été joint au fond.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel est circonscrit au rejet par le tribunal de l'appel en garantie formé par la société Henriot envers la société Réfrigération venant aux droits des sociétés Carrier et Chubb. Les autres condamnations prononcées par le tribunal ne sont pas contestées et sont donc définitives.
Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture
En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, le conseil de la société Henriot soutient que l'avocat des sociétés Réfrigération et Chubb dans ses dernières conclusions déposées juste avant la clôture affirme qu'il y a eu vente entre eux alors qu'auparavant elle faisait état d'un contrat de louage d'ouvrage avec une responsabilité contractuelle de droit commun. Or, ces contrats ne comportant pas les mêmes obligations, il estime ne pas avoir pu répondre à ce nouvel argument.
Son contradicteur réplique qu'il n'y a aucune nouveauté dans son argumentaire, depuis la première instance, il soutient que c'est une vente entre professionnel de la même spécialité et que la société Henriot a choisi le matériel vendu dans son catalogue.
En effet, il ne ressort pas de leurs conclusions que les sociétés Réfrigération et Chubb aient changé leur argumentation juridique.
Cette demande de rabat de l'ordonnance de clôture n'a aucune pertinence, le principe du contradictoire a été respecté. Les dernières conclusions des sociétés intimées ne sont pas écartées.
Sur la nullité et/ou la non-opposabilité du rapport d'expertise judiciaire
Comme en première instance les sociétés Réfrigération et Chubb soutiennent que l'expert judiciaire M. [V] n'étant pas inscrit sur la liste des experts agréés auprès de la cour dans la spécialité thermique n'avait donc aucune compétence en cette matière et, plus particulièrement, en matière de réfrigération, et qu'il aurait dû recueillir l'avis d'un sapiteur dans cette spécialité, ce qu'il n'a pas fait malgré la demande de certaines parties. Elles se fondent sur l'article 233 du code de procédure civile pour estimer que son rapport est nul ou, tout du moins, inopposable aux parties, faute pour l'expert d'avoir effectué lui-même ses constatations puisqu'il a conclu que les causes du dommage étaient plurales et qu'il n'a pas pu les déterminer précisément.
La société Henriot demande le rejet de ces demandes.
Le tribunal a rappelé que la mission confiée à l'expert dans son ordonnance de référé du 18 juillet 2018 était une mission classique d'examiner des désordres allégués par le demandeur dans son assignation, de les décrire, d'en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition, selon toutes les modalités techniques nécessaires, de décrire les conditions de stockage dans le bâtiment litigieux des pommes de terre de la campagne 2014/2015, de donner un avis sur le préjudice éventuellement subi par la société Terre de France à la suite de la germination des pommes de terre de variétés Charlotte et Annabelle stockées dans l'entrepôt de la société Bretonvilliers entre 2014 et 2015, de donner son avis sur les causes et origines du sinistre, en précisant en particulier s'il relevait cumulativement ou alternativement d'une ou plusieurs causes, et en cas de pluralité de causes, dans quelles proportions respectives, de fournir tous renseignements techniques et de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues, enfin de donner son avis sur le chiffrage des préjudices éventuels de la demanderesse.
Il est patent que l'expert désigné, M. [V], est inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Versailles dans la spécialité « Agriculture - Agro-Alimentaire - Animaux ' Forêt », dans trois sous-rubriques « Améliorations foncières » « Constructions et Aménagements » et « Economie agricole », qui correspondent amplement à l'objet du litige puisqu'il concerne la ventilation d'un local de stockage de pommes de terre.
Il faut préciser que M. [V], détenteur de nombreux diplômes, dont un master de droit et science politique spécialité expertise foncière, est ingénieur en agronomie spécialisé en économie agricole et développement des territoires ruraux.
Le tribunal a justement relevé qu'aucune des parties n'avait contesté sa désignation, ni n'avait ensuite demandé sa récusation, et n'avait de façon générale soulevé ce problème au début des opérations d'expertise devant le juge de contrôle des expertises comme l'article 234 du code de procédure civile leur en laissait la possibilité.
Il faut rappeler que le juge n'est pas lié par les constatations de l'expert et que celui-ci est tenu de remplir personnellement sa mission.
Si le code de procédure civile lui permet de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et de se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité, ceci n'est qu'une faculté.
En l'espèce, M. [V] n'a pas estimé utile de s'adjoindre un autre technicien, ce qui ne peut lui être reproché même si les parties lui ont demandé.
Enfin, le tribunal a justement relevé que l'expert a été nommé en juillet 2018 pour des problèmes de germination de pommes de terre intervenus fin 2014-début 2015 alors que lesdites pommes de terre avaient été rapidement vendues à vil prix et que les travaux correctifs sur la ventilation avaient été effectués à l'été 2015 pour assurer la prochaine saison 2015/2016.
Ceci pourrait expliquer qu'il n'a pu déterminer de façon précise les responsabilités de chacun des intervenants, et c'est par honnêteté intellectuelle qu'il n'a pas tranché ce point et l'a indiqué à la juridiction dans son rapport.
Il a méthodiquement, par examen des documents produits -notamment les rapports d'expertise amiables effectués à la demande des parties- et visite sur les lieux, reconstitué la chaîne des évènements ayant conduit aux désordres et a rendu un rapport clair et circonstancié remplissant pleinement et personnellement la mission qui lui avait été confiée.
Ce rapport a été par suite soumis à la libre discussion des parties.
Ainsi, aucune nullité du rapport n'est encourue, ni aucune inopposabilité n'est possible.
En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Carrier, aux droits de laquelle vient la société Réfrigération, et Chubb de leur demande de nullité du rapport d'expertise et dit que ce rapport était opposable aux parties.
Sur l'appel en garantie formé par la société Henriot à l'encontre de la société Réfrigération et son assureur
La société Henriot se fonde sur l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction ancienne applicable au litige, qui dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Elle invoque également l'article 1603 du code civil qui met à la charge du vendeur deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Elle ajoute que le contractant s'oblige, et plus spécialement le vendeur, en application de l'article 1602 du code civil et des accessoires à l'obligation de délivrance, à fournir à son cocontractant information et conseil.
Elle fait remarquer qu'il existe une contradiction dans la motivation du jugement qui a retenu sa propre faute dans la conception et la fourniture d'une installation inadaptée aux besoins de sa cliente et, dans le même temps, a estimé que la société Carrier, son propre fournisseur, n'avait commis aucune faute dans la fourniture du matériel.
Il faut rappeler que la société Henriot était le sous-traitant de la société Raes pour la conception et la réalisation de l'installation frigorifique, selon un devis accepté du 24 mars 2014, pour deux chambres froides (cellules) de 1 250 tonnes.
La société Carrier, fabricant, a fourni à la société Henriot les équipements frigorifiques, dont deux évaporateurs cubiques industriels.
La responsabilité de la société Raes a été retenue, comme devant répondre de son sous-traitant, la société Henriot redevable d'une obligation de résultat quant au bon fonctionnement de l'installation frigorifique.
Le tribunal a jugé que la société Henriot, spécialiste du froid industriel, agroalimentaire et viticole, était le concepteur et l'installateur de l'installation frigorifique défaillante lors de l'hiver 2014/2015.
Selon la chronologie reconstituée par l'expert judiciaire, la première alerte émise par la société Bretonvilliers est intervenue le 23 septembre 2014, celle-ci indiquant un manque de ventilation en fond de salle. La société Henriot a adressé à la société Bretonvilliers un plan de positionnement des palox à la suite de cette alerte.
Le 2 février 2015, la société Henriot a changé les hélices des évaporateurs. Les pommes de terre germées ont été sorties de l'entrepôt. Le 18 février suivant, la société Carrier a fait effectuer une expertise sur place à la demande de la société Henriot.
Le 25 mars 2015, lors d'une réunion d'expertise amiable entre les sociétés Terre de France, Bretonvilliers, Raes, Henriot et leurs assureurs respectifs, un relevé de mesures a indiqué une faible ventilation au fond de la cellule n°2.
Le 2 juillet 2015, la société Henriot a mis en place des casquettes sur les deux évaporateurs et remis les hélices d'origine sur les ventilateurs. Le 30 septembre 2015, elle a installé deux boosters pour permettre aux flux d'air d'aller jusqu'au fond du bâtiment. Suite à la réalisation de ces modifications, la société Bretonvilliers a indiqué que les installations de ventilation fonctionnaient parfaitement et avaient apporté entière satisfaction lors de la campagne de stockage suivante.
L'expert judiciaire a confirmé ceci dans son rapport : « Il s'agit bien d'origines multiples liées à l'inexpérience du bailleur et à une problématique de ventilation résolue par les interventions techniques du frigoriste et de l'installateur. Il s'est toutefois passé 4 mois durant l'hiver [2014/ 2015] où l'installation n'était pas conforme, induisant le préjudice sur les pommes de terre stockées ».
Le tribunal a jugé que la société Henriot, concepteur de l'installation frigorifique, n'avait pas délivré aux sociétés Bretonvilliers et Raes fin août 2014 une cellule munie d'une ventilation correctement conçue, ce qui avait conduit à la germination des pommes de terre stockées par la société Terre de France, remarquant ensuite que ses deux interventions de juillet et septembre 2015 avaient permis de corriger les problèmes.
Ceci confirme que ce sont les défauts de l'installation initiale qui ne permettaient pas une ventilation correcte.
En conséquence, il a dit que la société Henriot avait commis des fautes dans l'accomplissement de sa mission de conception et d'installation de l'équipement frigorifique. Sa condamnation, non remise en cause, est à ce titre définitive.
La société Henriot se retourne vers la société Carrier qui lui a proposé et fourni un matériel spécifique et qui devrait, selon elle, à ce titre la garantir de l'ensemble de ses condamnations.
Il faut rappeler que les obligations entre toutes les parties peuvent être de nature différente et de plus ou moins forte intensité. Le rapport d'obligation entre les parties présentes au litige actuel s'analyse comme une vente et non comme une prestation de service avec une obligation de résultat à la charge de la société Carrier, comme le soutient pour partie la société Henriot. Celle-ci invoquant les deux fondements, vente et prestation de service, de façon assez confuse.
En effet, la société Henriot a commandé un matériel standard figurant au catalogue de la société Carrier. De plus, celle-ci ne s'est pas rendue sur les lieux avant la commande. Elle n'a émis aucune instruction technique sur l'installation frigorifique de la société Bretonvilliers qui aurait pu la faire retenir dans les obligations du prestataire de service.
En matière de vente, il est admis que le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu.
Toutefois, cette obligation de conseil n'existe qu'entre le vendeur professionnel et l'acquéreur profane qui doit être, en cette qualité, bénéficiaire d'une information pleine et entière.
Entre deux professionnels de la même spécialité -il est patent que la société Henriot est un professionnel du froid et la société Carrier est un fournisseur de matériel frigorifique- l'obligation de conseil est très limitée.
L'acquéreur professionnel est censé connaître les spécificités du bien qu'il acquière et le vendeur n'a pas à l'informer des caractéristiques de celui-ci, sauf s'il s'agit d'un produit nouveau.
De plus, relevant que la commande passée par la société Henriot était régie par les conditions générales de vente de la société Carrier, il en a justement déduit que ses conditions s'appliquaient.
Or la proposition établie par la société Carrier et acceptée par Henriot précisait que « La présente Proposition-Devis est uniquement régie par les termes des conditions générales de vente de Profroid Industries. En vertu du présent document le client s'engage à prendre connaissance des dites Conditions Générales de Vente et si nécessaire s'en faire remettre un exemplaire par Profroid Industries. En vertu de la présente stipulation, le client ne pourra opposer de bonne foi à Profroid Industries son ignorance des conditions générales de vente ».
Les conditions générales de vente de la société Carrier prévoyaient, en leur article 10.1 que « Le client, en tant que professionnel averti, éventuellement assisté à ses frais par tout conseil de son choix, déclare avoir procédé ou fait procéder, préalablement à la passation de la commande, à l'étude des caractéristiques et performances du matériel et qu'il le juge adapté à ses besoins et qu'en conséquence, il renonce à toute contestation sur ce point. »
Ces conditions générales de vente ajoutaient en leur article 11.1 « En passant commande, le client reconnaît que le Vendeur a mis à sa disposition les informations nécessaires afin de lui permettre d'apprécier l'adéquation du matériel ou de sa prestation et de prendre les précautions nécessaires pour limiter le dysfonctionnement du matériel ou d'une mauvaise réalisation de la prestation de services »,
Enfin, en leur article 11 elles précisaient « Le client, en tant que professionnel averti, s'engage expressément tant pour lui-même et pour le compte de ses préposés et ayants-droits que pour ses assureurs, à renoncer, à quelque titre que ce soit, à l'exercice de tout recours pour, sans que cette énumération soit limitative, des dommages directs ou indirects, matériels ou immatériels, tels que les pertes d'exploitation, de production, de profit, de données, de jouissance, résultant de ou liés à la livraison, au fonctionnement et à l'usage des matériels, à l'impossibilité pour le client de les utiliser, ou à toute prestation de service, quelle que soit l'identité de la personne qui invoque ou qui a subi ledit dommage. Le client s'engage à rendre opposable à ses assureurs, à ses propres clients et à leurs assureurs les limitations contractuelles de responsabilité définies aux présentes ».
De toute façon, il appartenait à la société Henriot, professionnel averti, de vérifier l'adéquation du matériel avec la configuration des lieux, avant de l'installer.
En sa qualité d'installateur professionnel, elle ne pouvait ignorer que les machines devaient être installées à plat, proches du plafond, afin d'en assurer le bon fonctionnement. Il lui aurait ainsi suffi de consulter la notice technique de la société Carrier d'installation du matériel pour vérifier l'inadaptation du matériel à la configuration de la toiture.
L'expert judiciaire a indiqué : « concernant le problème de ventilation, il est aujourd'hui connu et résolu. Je ne pense pas que le débat sur les notices techniques soit de nature à éclairer le débat ». Il réfute ainsi les arguments de la société Henriot sur une prétendue insuffisance des instructions d'installation, aucune défaillance intrinsèque du matériel en cause n'ayant été par ailleurs relevée.
La société Henriot a choisi un matériel inadapté au bâtiment litigieux, sa notice d'utilisation indiquant expressément que son fonctionnement nécessitait une pose en toit plat.
Il n'est pas contesté que les problèmes de ventilation ont été résolus après les deux interventions de la société Henriot de juillet et septembre 2015, sans que la participation de la société Carrier à ces interventions n'ait été nécessaire.
De tout ceci, il ressort que la société Carrier n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité envers la société Henriot.
En conséquence, confirmant le jugement, la demande de la société Henriot est rejetée.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
La société Henriot, qui succombe, a été à juste titre condamnée à une partie des dépens de première instance, le jugement est également confirmé sur ce point. Elle est également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions, les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Henriot à payer à la partie adverse la somme de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel interjeté ;
Rejette les demandes de rabat de l'ordonnance de clôture de l'instruction présentée par la société Etablissements Henriot et de rejet des conclusions remises au greffe le 30 juin 2025 par les sociétés Réfrigération solutions France et société Chubb european group SE ;
Confirme le jugement en totalité ;
Y ajoutant,
Condamne la société Etablissements Henriot à payer les dépens d'appel ;
Condamne la société Établissements Henriot à payer aux sociétés Réfrigération solutions France et société Chubb european group SE, ensemble, une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
DE
VERSAILLES
Code nac : 54G
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 24 NOVEMBRE 2025
N° RG 22/07504
N° Portalis DBV3-V-B7G-VSFA
AFFAIRE :
S.A.S. ETABLISSEMENTS HENRIOT
C/
Société REFRIGERATION SOLUTIONS FRANCE
Société CHUBB EUROPEAN GROUP SE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 26 Octobre 2022 par le Tribunal de Commerce de Nanterre
N° RG : 2020F01125
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Christophe DEBRAY
Me Dan ZERHAT
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTE
S.A.S. ETABLISSEMENTS HENRIOT
[Adresse 7]
[Localité 2]
Représentant : Me Christophe DEBRAY, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627
Plaidant : Me Soledad RICOUARD de l'AARPI R&B AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C0536
****************
INTIMÉES
Société REFRIGERATION SOLUTIONS FRANCE venant aux droits de la société CARRIER
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
Plaidant : Me Nelly MACHADO de la SELARL PIOT-MOUNY, ROY & MACHADO, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 715
Société CHUBB EUROPEAN GROUP SE
[Adresse 5]
[Adresse 5],
[Localité 3]
Représentant : Me Dan ZERHAT de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 731
Plaidant : Me Nelly MACHADO de la SELARL PIOT-MOUNY, ROY & MACHADO, avocat au barreau de LYON, vestiaire : 715
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 08 Septembre 2025 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et Madame Séverine ROMI, Conseillère chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
La société Bretonvilliers, dont l'activité est le soutien aux cultures, a confié par contrat conclu le 5 mars 2014 à la société Raes construction (ci-après « société Raes »), spécialiste de la construction d'entrepôts industriels de stockage et de conservation et assurée auprès de la société Axa France Iard, (ci-après « société Axa »), la construction d'un bâtiment frigorifique destiné au stockage de pommes de terre, à [Localité 4] (28).
Pour la conception et la réalisation de l'installation de deux chambres froides, ou cellules, d'une capacité de 1 250 tonnes chacune, la société Raes a fait appel à la société Établissements Henriot, (ci-après « société Henriot »).
Pour les équipements frigorifiques, la société Henriot s'est fournie auprès de la société Carrier (filiale de la société Profroid), assurée par la société Chubb european group SE, (ci-après « société Chubb ») selon commande du 7 avril 2014 d'un montant de 67 058,36 euros. Par apport partiel d'actif en date du 10 janvier 2024, la société Carrier a apporté à la société Réfrigération solutions France (ci-après la « société Réfrigération ») la branche d'activité liée à la marque Profroid. La société Réfrigération vient par suite aux droits de la société Carrier.
Le 28 avril 2014, la société Bretonvilliers a donné à bail à la société Terre de France un bâtiment réfrigéré de stockage de pommes de terre et une aire de stockage au sol stabilisé pouvant accueillir des palox vides (grandes caisses sur palettes), pour une durée de 9 ans à compter de la réception des travaux en cours de construction.
Pour son activité de stockage de pommes de terre, la société Bretonvillers est assurée en responsabilité professionnelle auprès de la société Aviva assurances, (ci-après « société Aviva ») devenue la société Abeille Iard et santé (ci-après société « Abeille »).
La réception des travaux est intervenue, avec réserves, le 26 août 2014.
La société Terre de France a utilisé la cellule n°2 à compter du 6 septembre 2014.
Le 23 septembre, la société Bretonvilliers a signalé à la société Henriot un problème de ventilation en fond de salle. La société Henriot lui a adressé un plan de repositionnement des palox.
En janvier 2015, la société Terre de France a constaté la germination des pommes de terre stockées depuis fin août 2014 et a dû les vendre en février à vil prix.
Une expertise amiable a été organisée entre les parties.
Plusieurs réunions se sont ainsi tenues entre 2015 et 2017.
Le 17 mai 2017, les experts amiables ont rédigé un procès-verbal de « constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages ». Il a évalué le préjudice de la société Terre de France à 117 322 euros. Les experts des sociétés Raes et Henriot ont émis toutes réserves sur le préjudice relatif à la variété de pommes de terre Charlotte qui n'aurait selon eux, fait l'objet d'aucun constat contradictoire.
Suite à cette expertise amiable, aucune des parties n'a procédé à l'indemnisation de la société Terre de France qui a vainement mis en demeure la société Bretonvilliers de l'indemniser de son préjudice.
Les 23 et 27 février 2018, la société Terre de France a assigné en référé devant le président du tribunal de commerce de Nanterre, les sociétés Bretonvilliers, Aviva, Raes et Axa, demandant leur condamnation in solidum au versement d'une provision de 117 322 euros et la désignation d'un expert.
Par ordonnance du 18 juillet 2018, M. [I] [V] a été désigné en qualité d'expert pour mission d'établir l'origine des désordres allégués et de chiffrer le préjudice de la société Terre de France. Il a déposé son rapport le 21 mai 2020.
Le 1er septembre 2020, la société Terre de France a été absorbée par la société Priméale France (ci-après « société Priméale »), dans le cadre d'une réorganisation du groupe coopératif Agrial.
C'est dans ces circonstances que la société Terre de France, aux droits de laquelle est venue la société Priméale, a fait assigner séparément devant le tribunal de commerce de Nanterre la société Bretonvilliers, par acte du 17 août 2020 et la société Aviva par acte du 14 août 2020 réclamant notamment 117 322 euros HT à titre de dommages et intérêts.
Les sociétés Bretonvilliers et Aviva ont assigné en garantie les sociétés :
- Raes, Axa et Chubb, le 21 décembre 2020,
- Carrier, le 22 décembre 2020,
- Henriot, le 30 décembre 2020.
Par jugement contradictoire du 26 octobre 2022, le tribunal de commerce de Nanterre a :
- débouté les sociétés Carrier et Chubb de leur demande en nullité du rapport d'expertise,
- dit que le rapport d'expertise était opposable à l'ensemble des parties,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers et Abeille, sous réserve des dispositions du contrat d'assurance les liant et notamment de la franchise contractuelle, à payer à la société Priméale la somme de 117 322 euros avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2017, déboutant la société Priméale pour le surplus,
- condamné les sociétés Raes et Axa à garantir les sociétés Bretonvilliers et Abeille de leur condamnation à hauteur de 105 590 euros,
- débouté la société Henriot de sa demande de garantie de sa condamnation des sociétés Carrier et Chubb,
- débouté la société Priméale France de sa demande de condamnation pour résistance abusive des sociétés Bretonvilliers, Raes et Henriot,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers, Abeille, Raes, Axa et la société Henriot à payer à la société Priméale la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers et Abeille à payer aux sociétés Carrier et Chubb, à chacune, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 de code de procédure civile,
- débouté les parties des autres demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les sociétés Bretonvilliers, Abeille, Raes, Axa et Henriot aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.
Sur la demande de nullité ou l'inopposabilité du rapport l'expertise, il sera renvoyé aux motifs du jugement.
Sur le fond, et la prétendue faute de la société Priméale, le tribunal ne l'a pas retenue, en sa qualité de locataire de l'entrepôt frigorifique de la société Bretonvilliers. Il a remarqué qu'elle avait stocké environ 1 400 tonnes pour la campagne 2014/2015 en accord avec les stipulations contractuelles du bail autorisant une capacité minimum de 1 250 tonnes au sein du bâtiment.
Il a relevé que la bailleresse avait attesté à l'occasion des opérations d'expertise qu'un tel niveau de stockage s'était reproduit lors des campagnes suivantes sans provoquer de germination, sans avoir été contredite.
Il a retenu que l'expert judiciaire n'avait pas relevé de responsabilité de la société Terre de France dans les désordres, qu'il avait relevé que « la surcharge de la cellule n°2 ne sembl[ait] pas être la cause unique car elle a[vait] été reproduite les années suivantes et les installations [étaient] taillées pour 1 400 tonnes d'après les documents fournis par les parties ».
Il en a déduit, à la différence de l'expert judiciaire et contrairement aux allégations de la société Henriot, que la surcharge de la cellule louée par la société n'était pas l'une des causes des désordres ayant provoqué la germination des pommes de terre de la campagne 2014/2015.
Sur la faute de la société Bretonvilliers, pour la retenir, en tant que bailleresse et gestionnaire de l'entrepôt frigorifique, le tribunal a jugé, selon le contrat de bail, qu'elle était responsable de l'ensemble du fonctionnement de l'entrepôt frigorifique, et notamment de la disposition des palox à l'intérieur du bâtiment.
Il a considéré que le plan de positionnement n'avait été transmis par la société Henriot à la société Bretonvilliers, que le 23 septembre 2014 et que le non-respect de ce plan et de ces couloirs de ventilation avait été révélé lors de l'expertise amiable.
Il a constaté que la société Bretonvilliers reconnaissait avoir oublié ou n'avoir pas positionné au bon endroit les sondes permettant de surveiller la température de la cellule.
Il a relevé un défaut de surveillance de la société Bretonvilliers entre le 23 septembre 2014 et le 27 janvier 2015, date à laquelle la société Terre de France avait procédé au signalement de la germination des pommes de terre.
Il a aussi relevé que l'expert judiciaire avait mentionné en conclusion de son rapport qu'il « s'agi[ssai]t bien d'origines multiples liées à l'inexpérience du bailleur et à une problématique de ventilation (') ».
Sur l'absence de faute de la société Raes, il a constaté qu'elle n'avait joué aucun rôle dans la conception et l'installation de l'équipement frigorifique de la cellule qu'elle avait construite et que le bâtiment qu'elle avait livré n'était pas en cause.
Sur les fautes de la société Henriot dans l'accomplissement de sa mission de conception de l'installation de l'équipement frigorifique, le tribunal a relevé que l'ensemble des éléments des expertises amiables et judiciaires avait permis de dégager un faisceau d'indices concordants sur sa responsabilité première dans les désordres intervenus.
Il a ainsi considéré que la société Henriot n'avait pas délivré aux sociétés Bretonvilliers et Raes, fin août 2014, une cellule à la ventilation correctement conçue, conduisant à la germination des pommes de terre stockées par la société Terre de France, et que ce n'était que suite à ses interventions des 2 juillet et 30 septembre 2025 qu'il avait été mis fin aux désordres, confirmant ainsi que l'installation initiale ne permettait pas une ventilation correcte.
Sur l'absence de faute de la société Carrier, fournisseur d'équipements frigorifiques à la société Henriot, il a constaté que l'expert judiciaire attestait dans son rapport que « concernant le problème de ventilation, il [était]aujourd'hui connu [et] résolu » et qu'il ne pensait pas que « le débat sur les notices techniques soit de nature à éclairer le débat », réfutant ainsi les allégations de la société Henriot sur une prétendue insuffisance des instructions d'installation.
Il en a conclu que la société ne démontrait ni que l'équipement fourni par la société Carrier avait été défaillant ni que les informations techniques fournies par la société Carrier étaient fausses, incomplètes ou inadaptées à l'installation dont la société Henriot avait la charge.
Sur le préjudice de la société Priméale et son quantum, le tribunal, reprenant les conclusions de l'expert judiciaire, a dit que le stockage de la variété tant Charlotte qu'Anabelle pendant la période suivant la récolte 2014 était établi et que leur germination avait causé un préjudice.
Il a arrêté le montant du préjudice de la société Priméale, venue aux droits de la société Terre de France, à la somme de 117 322 euros, reprenant le chiffrage fait par les experts d'assurance dans leur procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation des dommages du 17 mai 2017 et confirmé par l'expert judiciaire dans son rapport du 21 mai 2020.
Sur la demande de la société Priméale, venue aux droits de la société Terre de France, à l'encontre des sociétés Bretonvilliers et Aviva, devenue la société Abeille, pour les condamner au visa de l'article 1147 ancien du code civil à payer à la société Priméale la somme de 117 322 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 novembre 2017, date de la mise en demeure, le tribunal a retenu que le procès-verbal de « constatations relatives aux causes, circonstances et à l'évaluation des dommages » dressé le 17 mai 2017 par les experts amiables des différentes parties, établissait le défaut de ventilation des installations comme origine des désordres, ce qui avait été confirmé par le rapport d'expertise judiciaire du 21 mai 2020.
Il a retenu qu'étant liée par contrat par lequel le bailleur « s'engag[eait] à tout mettre en 'uvre pour assurer une conservation optimale des pommes de terre stockées » et qu' « il [était] responsable des problèmes de conservation dus au mauvais fonctionnement du matériel mis en service et à disposition par ses soins » avec obligation de « couvrir sa responsabilité par une assurance et d'en justifier au preneur », la société Bretonvilliers avait commis une faute et devait réparer le préjudice qu'elle avait causé à la société Priméale.
Il a constaté que les sociétés Bretonvilliers et Aviva reconnaissaient la responsabilité de la société Bretonvilliers vis-à-vis de la société Priméale.
Pour condamner in solidum les sociétés Raes et Axa à garantir la société Bretonvilliers et la société Aviva de leur condamnation, le tribunal a relevé, au visa des articles 1792 et 1792-7 du code civil, que le contrat conclu entre les sociétés Bretonvilliers et Raes, avait pour objet la fourniture par la seconde à la première d'un bâtiment dont la destination était, sans équivoque possible, de servir de stockage frigorifique pour pommes de terres et qu'elle avait choisi pour la partie frigorifique la société Henriot qui s'était révélée fautive dans son intervention, et qu'en ne livrant pas au maître d'ouvrage le bâtiment auquel elle s'était engagée, la société Raes avait failli à son obligation de résultat et avait engagé sa responsabilité contractuelle.
Il a relevé qu'un équipement frigorifique constitué de canalisations assurant le transport du froid dans l'ensemble des locaux en traversant des cloisons isothermes, comprenant une salle de machines alimentant des réseaux desservant d'autres locaux, le froid étant transporté par deux réseaux indépendants de tuyauteries relevait de l'article 1792 du code civil.
Il a relevé que même s'il était établi que la société Raes n'avait pas commis de faute personnelle, la faute de son sous-traitant, la société Henriot, engageait sa responsabilité en tant qu'entrepreneur principal à l'égard du maître de l'ouvrage, la société Bretonvilliers.
Il a estimé que la société Bretonvilliers, du fait de ses fautes, avait concouru au préjudice de la société Priméale à hauteur de 10 %, les 90 % restant étant dus aux fautes de l'installateur Henriot, sous-traitant de la société Raes et dont celle-ci était responsable.
Sur l'appel en garantie de la société Henriot par les sociétés Raes et Axa, pour condamner la société Henriot à les garantir de la totalité de leur condamnation, le tribunal a relevé que la société Raes avait confié à la société Henriot la conception et l'installation des équipements frigorifiques, ce qui était reconnu par les deux parties, et que la société Henriot, tenue d'une responsabilité contractuelle envers la société Raes, était tenue de lui délivrer une installation frigorifique assurant une ventilation adéquate. Il a relevé que la société Henriot n'avait pas respecté ses obligations et l'absence de faute personnelle au cours de l'opération de construction de la société Raes.
Le tribunal a débouté la société Henriot de sa demande de garantie à l'encontre des sociétés Carrier et Chubb.
Par déclaration du 14 décembre 2022, la société Henriot a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance d'incident du 16 janvier 2024, le conseiller de la mise en état a pris acte du désistement d'incident introduit par la société Carrier et par la société Chubb tendant à faire déclarer irrecevable l'appel de la société Henriot qui n'avait pas fait appeler dans l'instance d'appel l'ensemble des parties au litige mais qui avait par la suite modifié ses demandes.
Aux termes de ses conclusions n°3 remises au greffe le 30 avril 2025 (24 pages) la société Henriot demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société Carrier, aux droits de laquelle vient la société Réfrigération, et la société Chubb de leur demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire et dit le rapport d'expertise opposable à l'ensemble des parties,
- débouter la société Réfrigération et son assureur, la société Chubb, de leur appel incident ainsi que de l'ensemble de leurs demandes,
- infirmer le jugement en ce qu'il :
- l'a déboutée de sa demande de garantie des sociétés Carrier et Chubb de sa condamnation,
- a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum la société Bretonvilliers et la société Abeille, la société Raes et la société Axa, et la société Henriot aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire,
- condamner in solidum les sociétés Réfrigération et Chubb à la garantir de sa condamnation en principal, intérêts, frais et dépens,
- les débouter de l'ensemble de leurs autres demandes,
- les condamner in solidum à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et celle de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
- les condamner aux entiers dépens, dont distraction pour ceux le concernant au profit de M. Debray, avocat, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de leurs conclusions n°3 remises au greffe le 30 juin 2025 (21 pages) la société Réfrigération venant aux droits de la société Carrier et son assureur la société Chubb forment appel incident et demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement en ce qu'il:
- les a déboutées de leur demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire,
- dit que le rapport était opposable à l'ensemble des parties,
- de prononcer la nullité du rapport d'expertise judiciaire ou, à tout le moins, le déclarer inopposable à leur encontre,
- de confirmer le jugement en tous ses chefs et, notamment, en ce qu'il a débouté la société Henriot de sa demande de condamnation à la garantir des condamnations prononcées à leur encontre,
- de débouter la société Henriot de toutes ses demandes,
- de condamner la société Henriot à leur régler à chacune la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- de condamner la société Henriot aux entiers dépens de l'appel.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 1er juillet 2025. L'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 8 septembre 2025 et elle a été mise en délibéré au 24 novembre 2025.
Après la clôture de l'instruction, le 21 juillet 2025, par conclusions d'incident, le conseil de la société Henriot a demandé la révocation de l'ordonnance de clôture et un rejet des débats des conclusions n°3 déposées par les sociétés Carrier et Chubb pour non-respect du principe du contradictoire car elles auraient développé dans ces conclusions un fondement nouveau à leur argumentation. L'incident a été joint au fond.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'appel est circonscrit au rejet par le tribunal de l'appel en garantie formé par la société Henriot envers la société Réfrigération venant aux droits des sociétés Carrier et Chubb. Les autres condamnations prononcées par le tribunal ne sont pas contestées et sont donc définitives.
Sur la demande de rabat de l'ordonnance de clôture
En application de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, le conseil de la société Henriot soutient que l'avocat des sociétés Réfrigération et Chubb dans ses dernières conclusions déposées juste avant la clôture affirme qu'il y a eu vente entre eux alors qu'auparavant elle faisait état d'un contrat de louage d'ouvrage avec une responsabilité contractuelle de droit commun. Or, ces contrats ne comportant pas les mêmes obligations, il estime ne pas avoir pu répondre à ce nouvel argument.
Son contradicteur réplique qu'il n'y a aucune nouveauté dans son argumentaire, depuis la première instance, il soutient que c'est une vente entre professionnel de la même spécialité et que la société Henriot a choisi le matériel vendu dans son catalogue.
En effet, il ne ressort pas de leurs conclusions que les sociétés Réfrigération et Chubb aient changé leur argumentation juridique.
Cette demande de rabat de l'ordonnance de clôture n'a aucune pertinence, le principe du contradictoire a été respecté. Les dernières conclusions des sociétés intimées ne sont pas écartées.
Sur la nullité et/ou la non-opposabilité du rapport d'expertise judiciaire
Comme en première instance les sociétés Réfrigération et Chubb soutiennent que l'expert judiciaire M. [V] n'étant pas inscrit sur la liste des experts agréés auprès de la cour dans la spécialité thermique n'avait donc aucune compétence en cette matière et, plus particulièrement, en matière de réfrigération, et qu'il aurait dû recueillir l'avis d'un sapiteur dans cette spécialité, ce qu'il n'a pas fait malgré la demande de certaines parties. Elles se fondent sur l'article 233 du code de procédure civile pour estimer que son rapport est nul ou, tout du moins, inopposable aux parties, faute pour l'expert d'avoir effectué lui-même ses constatations puisqu'il a conclu que les causes du dommage étaient plurales et qu'il n'a pas pu les déterminer précisément.
La société Henriot demande le rejet de ces demandes.
Le tribunal a rappelé que la mission confiée à l'expert dans son ordonnance de référé du 18 juillet 2018 était une mission classique d'examiner des désordres allégués par le demandeur dans son assignation, de les décrire, d'en indiquer la nature, l'importance, la date d'apparition, selon toutes les modalités techniques nécessaires, de décrire les conditions de stockage dans le bâtiment litigieux des pommes de terre de la campagne 2014/2015, de donner un avis sur le préjudice éventuellement subi par la société Terre de France à la suite de la germination des pommes de terre de variétés Charlotte et Annabelle stockées dans l'entrepôt de la société Bretonvilliers entre 2014 et 2015, de donner son avis sur les causes et origines du sinistre, en précisant en particulier s'il relevait cumulativement ou alternativement d'une ou plusieurs causes, et en cas de pluralité de causes, dans quelles proportions respectives, de fournir tous renseignements techniques et de fait permettant au tribunal de statuer sur les éventuelles responsabilités encourues, enfin de donner son avis sur le chiffrage des préjudices éventuels de la demanderesse.
Il est patent que l'expert désigné, M. [V], est inscrit sur la liste des experts près la cour d'appel de Versailles dans la spécialité « Agriculture - Agro-Alimentaire - Animaux ' Forêt », dans trois sous-rubriques « Améliorations foncières » « Constructions et Aménagements » et « Economie agricole », qui correspondent amplement à l'objet du litige puisqu'il concerne la ventilation d'un local de stockage de pommes de terre.
Il faut préciser que M. [V], détenteur de nombreux diplômes, dont un master de droit et science politique spécialité expertise foncière, est ingénieur en agronomie spécialisé en économie agricole et développement des territoires ruraux.
Le tribunal a justement relevé qu'aucune des parties n'avait contesté sa désignation, ni n'avait ensuite demandé sa récusation, et n'avait de façon générale soulevé ce problème au début des opérations d'expertise devant le juge de contrôle des expertises comme l'article 234 du code de procédure civile leur en laissait la possibilité.
Il faut rappeler que le juge n'est pas lié par les constatations de l'expert et que celui-ci est tenu de remplir personnellement sa mission.
Si le code de procédure civile lui permet de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne, et de se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité, ceci n'est qu'une faculté.
En l'espèce, M. [V] n'a pas estimé utile de s'adjoindre un autre technicien, ce qui ne peut lui être reproché même si les parties lui ont demandé.
Enfin, le tribunal a justement relevé que l'expert a été nommé en juillet 2018 pour des problèmes de germination de pommes de terre intervenus fin 2014-début 2015 alors que lesdites pommes de terre avaient été rapidement vendues à vil prix et que les travaux correctifs sur la ventilation avaient été effectués à l'été 2015 pour assurer la prochaine saison 2015/2016.
Ceci pourrait expliquer qu'il n'a pu déterminer de façon précise les responsabilités de chacun des intervenants, et c'est par honnêteté intellectuelle qu'il n'a pas tranché ce point et l'a indiqué à la juridiction dans son rapport.
Il a méthodiquement, par examen des documents produits -notamment les rapports d'expertise amiables effectués à la demande des parties- et visite sur les lieux, reconstitué la chaîne des évènements ayant conduit aux désordres et a rendu un rapport clair et circonstancié remplissant pleinement et personnellement la mission qui lui avait été confiée.
Ce rapport a été par suite soumis à la libre discussion des parties.
Ainsi, aucune nullité du rapport n'est encourue, ni aucune inopposabilité n'est possible.
En conséquence, la cour confirme le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Carrier, aux droits de laquelle vient la société Réfrigération, et Chubb de leur demande de nullité du rapport d'expertise et dit que ce rapport était opposable aux parties.
Sur l'appel en garantie formé par la société Henriot à l'encontre de la société Réfrigération et son assureur
La société Henriot se fonde sur l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction ancienne applicable au litige, qui dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Elle invoque également l'article 1603 du code civil qui met à la charge du vendeur deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend.
Elle ajoute que le contractant s'oblige, et plus spécialement le vendeur, en application de l'article 1602 du code civil et des accessoires à l'obligation de délivrance, à fournir à son cocontractant information et conseil.
Elle fait remarquer qu'il existe une contradiction dans la motivation du jugement qui a retenu sa propre faute dans la conception et la fourniture d'une installation inadaptée aux besoins de sa cliente et, dans le même temps, a estimé que la société Carrier, son propre fournisseur, n'avait commis aucune faute dans la fourniture du matériel.
Il faut rappeler que la société Henriot était le sous-traitant de la société Raes pour la conception et la réalisation de l'installation frigorifique, selon un devis accepté du 24 mars 2014, pour deux chambres froides (cellules) de 1 250 tonnes.
La société Carrier, fabricant, a fourni à la société Henriot les équipements frigorifiques, dont deux évaporateurs cubiques industriels.
La responsabilité de la société Raes a été retenue, comme devant répondre de son sous-traitant, la société Henriot redevable d'une obligation de résultat quant au bon fonctionnement de l'installation frigorifique.
Le tribunal a jugé que la société Henriot, spécialiste du froid industriel, agroalimentaire et viticole, était le concepteur et l'installateur de l'installation frigorifique défaillante lors de l'hiver 2014/2015.
Selon la chronologie reconstituée par l'expert judiciaire, la première alerte émise par la société Bretonvilliers est intervenue le 23 septembre 2014, celle-ci indiquant un manque de ventilation en fond de salle. La société Henriot a adressé à la société Bretonvilliers un plan de positionnement des palox à la suite de cette alerte.
Le 2 février 2015, la société Henriot a changé les hélices des évaporateurs. Les pommes de terre germées ont été sorties de l'entrepôt. Le 18 février suivant, la société Carrier a fait effectuer une expertise sur place à la demande de la société Henriot.
Le 25 mars 2015, lors d'une réunion d'expertise amiable entre les sociétés Terre de France, Bretonvilliers, Raes, Henriot et leurs assureurs respectifs, un relevé de mesures a indiqué une faible ventilation au fond de la cellule n°2.
Le 2 juillet 2015, la société Henriot a mis en place des casquettes sur les deux évaporateurs et remis les hélices d'origine sur les ventilateurs. Le 30 septembre 2015, elle a installé deux boosters pour permettre aux flux d'air d'aller jusqu'au fond du bâtiment. Suite à la réalisation de ces modifications, la société Bretonvilliers a indiqué que les installations de ventilation fonctionnaient parfaitement et avaient apporté entière satisfaction lors de la campagne de stockage suivante.
L'expert judiciaire a confirmé ceci dans son rapport : « Il s'agit bien d'origines multiples liées à l'inexpérience du bailleur et à une problématique de ventilation résolue par les interventions techniques du frigoriste et de l'installateur. Il s'est toutefois passé 4 mois durant l'hiver [2014/ 2015] où l'installation n'était pas conforme, induisant le préjudice sur les pommes de terre stockées ».
Le tribunal a jugé que la société Henriot, concepteur de l'installation frigorifique, n'avait pas délivré aux sociétés Bretonvilliers et Raes fin août 2014 une cellule munie d'une ventilation correctement conçue, ce qui avait conduit à la germination des pommes de terre stockées par la société Terre de France, remarquant ensuite que ses deux interventions de juillet et septembre 2015 avaient permis de corriger les problèmes.
Ceci confirme que ce sont les défauts de l'installation initiale qui ne permettaient pas une ventilation correcte.
En conséquence, il a dit que la société Henriot avait commis des fautes dans l'accomplissement de sa mission de conception et d'installation de l'équipement frigorifique. Sa condamnation, non remise en cause, est à ce titre définitive.
La société Henriot se retourne vers la société Carrier qui lui a proposé et fourni un matériel spécifique et qui devrait, selon elle, à ce titre la garantir de l'ensemble de ses condamnations.
Il faut rappeler que les obligations entre toutes les parties peuvent être de nature différente et de plus ou moins forte intensité. Le rapport d'obligation entre les parties présentes au litige actuel s'analyse comme une vente et non comme une prestation de service avec une obligation de résultat à la charge de la société Carrier, comme le soutient pour partie la société Henriot. Celle-ci invoquant les deux fondements, vente et prestation de service, de façon assez confuse.
En effet, la société Henriot a commandé un matériel standard figurant au catalogue de la société Carrier. De plus, celle-ci ne s'est pas rendue sur les lieux avant la commande. Elle n'a émis aucune instruction technique sur l'installation frigorifique de la société Bretonvilliers qui aurait pu la faire retenir dans les obligations du prestataire de service.
En matière de vente, il est admis que le vendeur professionnel est tenu, avant la vente, d'une obligation de conseil qui lui impose de se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation entre le bien qui est proposé et l'usage qui en est prévu.
Toutefois, cette obligation de conseil n'existe qu'entre le vendeur professionnel et l'acquéreur profane qui doit être, en cette qualité, bénéficiaire d'une information pleine et entière.
Entre deux professionnels de la même spécialité -il est patent que la société Henriot est un professionnel du froid et la société Carrier est un fournisseur de matériel frigorifique- l'obligation de conseil est très limitée.
L'acquéreur professionnel est censé connaître les spécificités du bien qu'il acquière et le vendeur n'a pas à l'informer des caractéristiques de celui-ci, sauf s'il s'agit d'un produit nouveau.
De plus, relevant que la commande passée par la société Henriot était régie par les conditions générales de vente de la société Carrier, il en a justement déduit que ses conditions s'appliquaient.
Or la proposition établie par la société Carrier et acceptée par Henriot précisait que « La présente Proposition-Devis est uniquement régie par les termes des conditions générales de vente de Profroid Industries. En vertu du présent document le client s'engage à prendre connaissance des dites Conditions Générales de Vente et si nécessaire s'en faire remettre un exemplaire par Profroid Industries. En vertu de la présente stipulation, le client ne pourra opposer de bonne foi à Profroid Industries son ignorance des conditions générales de vente ».
Les conditions générales de vente de la société Carrier prévoyaient, en leur article 10.1 que « Le client, en tant que professionnel averti, éventuellement assisté à ses frais par tout conseil de son choix, déclare avoir procédé ou fait procéder, préalablement à la passation de la commande, à l'étude des caractéristiques et performances du matériel et qu'il le juge adapté à ses besoins et qu'en conséquence, il renonce à toute contestation sur ce point. »
Ces conditions générales de vente ajoutaient en leur article 11.1 « En passant commande, le client reconnaît que le Vendeur a mis à sa disposition les informations nécessaires afin de lui permettre d'apprécier l'adéquation du matériel ou de sa prestation et de prendre les précautions nécessaires pour limiter le dysfonctionnement du matériel ou d'une mauvaise réalisation de la prestation de services »,
Enfin, en leur article 11 elles précisaient « Le client, en tant que professionnel averti, s'engage expressément tant pour lui-même et pour le compte de ses préposés et ayants-droits que pour ses assureurs, à renoncer, à quelque titre que ce soit, à l'exercice de tout recours pour, sans que cette énumération soit limitative, des dommages directs ou indirects, matériels ou immatériels, tels que les pertes d'exploitation, de production, de profit, de données, de jouissance, résultant de ou liés à la livraison, au fonctionnement et à l'usage des matériels, à l'impossibilité pour le client de les utiliser, ou à toute prestation de service, quelle que soit l'identité de la personne qui invoque ou qui a subi ledit dommage. Le client s'engage à rendre opposable à ses assureurs, à ses propres clients et à leurs assureurs les limitations contractuelles de responsabilité définies aux présentes ».
De toute façon, il appartenait à la société Henriot, professionnel averti, de vérifier l'adéquation du matériel avec la configuration des lieux, avant de l'installer.
En sa qualité d'installateur professionnel, elle ne pouvait ignorer que les machines devaient être installées à plat, proches du plafond, afin d'en assurer le bon fonctionnement. Il lui aurait ainsi suffi de consulter la notice technique de la société Carrier d'installation du matériel pour vérifier l'inadaptation du matériel à la configuration de la toiture.
L'expert judiciaire a indiqué : « concernant le problème de ventilation, il est aujourd'hui connu et résolu. Je ne pense pas que le débat sur les notices techniques soit de nature à éclairer le débat ». Il réfute ainsi les arguments de la société Henriot sur une prétendue insuffisance des instructions d'installation, aucune défaillance intrinsèque du matériel en cause n'ayant été par ailleurs relevée.
La société Henriot a choisi un matériel inadapté au bâtiment litigieux, sa notice d'utilisation indiquant expressément que son fonctionnement nécessitait une pose en toit plat.
Il n'est pas contesté que les problèmes de ventilation ont été résolus après les deux interventions de la société Henriot de juillet et septembre 2015, sans que la participation de la société Carrier à ces interventions n'ait été nécessaire.
De tout ceci, il ressort que la société Carrier n'a pas commis de faute engageant sa responsabilité envers la société Henriot.
En conséquence, confirmant le jugement, la demande de la société Henriot est rejetée.
Sur les dépens et les autres frais de procédure
La société Henriot, qui succombe, a été à juste titre condamnée à une partie des dépens de première instance, le jugement est également confirmé sur ce point. Elle est également condamnée aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile.
Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Le premier juge a fait une application équitable de ces dispositions, les circonstances de l'espèce justifient de condamner la société Henriot à payer à la partie adverse la somme de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens exposés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire, dans les limites de l'appel interjeté ;
Rejette les demandes de rabat de l'ordonnance de clôture de l'instruction présentée par la société Etablissements Henriot et de rejet des conclusions remises au greffe le 30 juin 2025 par les sociétés Réfrigération solutions France et société Chubb european group SE ;
Confirme le jugement en totalité ;
Y ajoutant,
Condamne la société Etablissements Henriot à payer les dépens d'appel ;
Condamne la société Établissements Henriot à payer aux sociétés Réfrigération solutions France et société Chubb european group SE, ensemble, une indemnité de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,