CA Rennes, 3e ch. com., 25 novembre 2025, n° 24/06588
RENNES
Arrêt
Autre
3ème Chambre Commerciale
ARRÊT N°350
N° RG 24/06588 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VN7A
(Réf 1ère instance : 2024001399)
S.A.S. CONCEPT-METALLERIE
C/
COMMUNE [Localité 13]
S.E.L.A.R.L. [V] [L] ET ASSOCIES
S.E.L.A.R.L. SAJ
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me RINEAU
Me ROBINEAU
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à :TC de [Localité 16]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Octobre 2025 devant Madame Sophie RAMIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 25 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. CONCEPT-METALLERIE
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT-NAZAIRE sous le n°823 272 158, prise en la personne de
son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 17]
[Localité 4]
Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL TURENNE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
COMMUNE [Localité 13]
Représentée par le Maire en exercice dûment habilité
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Clhoé MORIN substituant Me Marie ROBINEAU de la SELARL KACERTIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
S.E.L.A.R.L. [V] [L] ET ASSOCIES
Prise en la personne de Maître [V] [L], en qualité de Mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société CONCEPT-METALLERIE, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 19 avril 2023 et maintenu à cette fonction par jugement du 17 avril 2024.
[Adresse 7]
[Localité 3]
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement destinataire de la déclaration d'appel et des conclusions signifiés par acte de commissaire de justice en date du 11.03.2025 remis à personne morale
S.E.L.A.R.L. SAJ
Prise en la personne de Maître [T] [Y], ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société CONCEPT-METALLERIE, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 17 avril 2024.
[Adresse 1]
[Localité 5]
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement destinataire de la déclaration d'appel et des conclusions signifiés par acte de commissaire de justice en date du 11.03.2025 remis à personne morale
Le 21 avril 2017, dans le cadre d'une opération de réhabilitation de la salle communale, la commune [Localité 10] [Localité 8] a confié un lot serrurerie/métallerie à la société Concept métallerie. Le prix du marché a été modifié par avenant du 27 mars 2019 pour être porté à la somme de 115 111,80 € HT.
Le 14 mai 2019, la commune [Localité 10] [Localité 8] a résilié le marché aux torts de la société Concept métallerie et a réclamé diverses pénalités contractuelles. Le titre exécutoire n°493 émis par le comptable public pour celles-ci selon décompte du 23 mai 2019, d'un montant de 102 450 €, a été contesté par la société Concept métallerie devant la juridiction administrative.
Le 19 avril 2023, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Concept métallerie.
La société [V] [L], prise en la personne de M. [L], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Le 30 mai 2023, le comptable public de la direction générales des finances publiques de [Localité 12] a déclaré une créance de 87 498,78 € au titre des pénalités de retard susévoquées (somme restant due sur les 102 450 € objet du titre exécutoire n°493 après recouvrement d'une somme de 14 951,22 €).
Cette créance a été contestée par la société Concept métallerie.
Le 4 juillet 2023, le conseil de la commune [Localité 10] [Localité 8] a également déclaré au passif de la société Concept métallerie une créance à titre chirographaire de 164 010,48 € correspondant au décompte général et définitif du marché établi par le maître d'oeuvre au 30 mars 2023 [153 510,48 € comprenant 209 446,50 € au titre des pénalités de retard (comprenant nécessairement celles ayant fait l'objet du titre exécutoire n°493) et 1 795,81 € au titre de la révision de prix, sommes auxquelles était ôté le restant dû par la commune au titre du marché, soit 57 731,83 €] augmentée des intérêts à la suite de la notification du décompte.
Cette créance a été contestée par la société Concept métallerie.
Le 20 septembre 2023, le juge commissaire a désigné la commune [Localité 11] aux fonctions de contrôleur dans la procédure de redressement judiciaire. La société Concept métallerie a contesté cette décision devant le tribunal de commerce puis s'est désistée de son action et de l'instance.
Par arrêt du 8 mars 2024, la cour administrative d'appel de [Localité 14] a rendu la décision suivante :
- article 1er : la requête de la société Concept métallerie est rejetée,
- article 2 : la somme de 56 460 euros dont a été déchargée la société Concept métallerie par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2022 est ramené à 44 894,10 €, [ndr : décharge sur les 102 450 € objet du titre exécutoire n°493],
- article 3 : l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'arrêt,
- article 4 : la société Concept Métallerie versera la somme de 1 500 € à la commune [Localité 10] [Localité 8] sur le fondement des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative,
- article 5 : le surplus des conclusions de la commune [Localité 10] [Localité 8] est rejeté.
Le 17 avril 2024, un plan de redressement a été arrêté et la société SAJ, prise en la personne de M. [Y], désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le 29 juillet 2024, la créance déclarée par le comptable public le 30 mai 2023 au titre des pénalités de retard du titre exécutoire n°493 a été admise au passif à hauteur de 42 604,68 € à titre chirographaire par le juge commissaire [102 450€ - la décharge de 44 894,10 € - le recouvrement de 14 951,22 €].
Par ordonnance du 25 novembre 2024, le juge commissaire du tribunal de commerce de Saint Nazaire, statuant sur la contestation de la créance déclarée par la commune [Localité 10] Croisic le 4 juillet 2023, a :
- admis au passif à titre définitif et chirographaire la créance pour un montant de 44 894,10 € à laquelle s'ajoute la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative,
- dit que la mention de l'ordonnance sera portée sur l'état de vérification du passif par les soins du greffier du tribunal,
- ordonné la notification de l'ordonnance (...)
- ordonnons l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Par déclaration du 9 décembre 2024, la société Concept métallerie a interjeté appel de la décision et a intimé la commune [Localité 10] [Localité 8], le mandataire judiciaire et le commissaire au plan.
Les dernières conclusions de l'appelant ont été déposées le 3 septembre 2025 ; celles de la commune [Localité 10] [Localité 8], le 2 juin 2025.
Le mandataire judiciaire et le commissaire au plan, à qui l'avis de la déclaration d'appel et les premières conclusions de l'appelant ont été signifiées le 11 mars 2025, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2025.
Il a été demandé en cours de délibéré aux parties de faire toutes observations sur la question de savoir si la conséquence d'un éventuel défaut de pouvoir de la commune pour déclarer la créance serait l'annulation de la déclaration de créance.
Les parties ont chacune fait parvenir leurs notes en délibéré dans les délais impartis.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
La société Concept métallerie demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 25 novembre 2024 par le juge commissaire en ce qu'il a admis, à titre définitif et chirographaire, la créance déclarée par la commune [Localité 10] [Localité 8] à hauteur de 44.894,10 €,
statuant à nouveau :
- juger la société Concept métallerie recevable en ces conclusions,
- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la société Concept métallerie,
- débouter la commune [Localité 10] [Localité 8] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- juger la commune [Localité 10] [Localité 8] incompétente pour déclarer une créance du secteur public local,
- juger que la créance déclarée par la commune [Localité 10] [Localité 8] fait « doublon » avec celle déclarée par le SGC de [Localité 15] (anciennement « Trésorerie de [Localité 12] »),
- rejeter intégralement la créance déclarée par la commune [Localité 10] [Localité 8],
à titre subsidiaire,
- constater que la cour administrative d'appel de [Localité 14] a jugé que le montant dû par la société Concept métallerie au titre des pénalités de retard est de 57.555,90 € et a condamné cette dernière à versé la somme de 1 500 € à la commune [Localité 10] [Localité 8] au titre de l'article L761-1 code de justice administrative,
- constater que la somme de 14.951,22 € a déjà été réglée par la société Concept métallerie,
- juger que, tout au plus, les sommes restant dues par la société Concept métallerie sont les suivantes :
- 42 604,68 € au titre des pénalités de retard (57.555,90 - 14.951,22) ;
- 1 500 € au titre de l'article L761-1 code de justice administrative.
en tout état de cause,
- condamner la commune [Localité 10] [Localité 8] à verser la somme de 5 000 € à la société Concept métallerie au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la commune [Localité 10] [Localité 8] aux entiers dépens.
La commune [Localité 10] [Localité 8] demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire, en ce qu'il a admis à titre définitif et chirographaire la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie,
- infirmer l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'il a admis la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie pour un montant de 44 894,10 €,
et, statuant à nouveau,
- admettre la créance de la commune [Localité 10] [Localité 8] au passif de la société Concept métallerie pour un montant de 110.116,38 € TTC,
- en tout état de cause,
- condamner la société Concept métallerie au paiement d'une somme 10.000 € au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.
DISCUSSION
La société Concept métallerie fait valoir que seul le comptable public tient de la loi le pouvoir de déclarer la créance d'une collectivité publique et que dès lors, la créance déclarée par la commune elle-même doit être rejetée.
La commune [Localité 10] [Adresse 9] répond que la société Concept métallerie est irrecevable à remettre en cause la qualité de créancier de la commune, en ce qu'elle s'est désistée de l'instance et de l'action critiquant sa désignation, par le juge commissaire, en qualité de créancier contrôleur.
Il est relevé que les demandes d'irrecevabilité ne sont pas reprises au dispositif des conclusions de la commune [Localité 10] [Adresse 9].
En tout état de cause, la question du pouvoir de la commune [Localité 10] [Adresse 9] a déclaré sa créance, et partant, la question de la régularité de la déclaration de créance, est sans rapport avec la reconnaissance par la société Concept métallerie de sa qualité de créancier par le désistement de son action visant à critiquer son admission comme contrôleur à la procédure.
Il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable la société Concept métallerie en ses demandes.
La commune [Localité 10] [Localité 8] ajoute que la déclaration de créance a été réalisée par un avocat et non directement par la commune créancière.
Selon l'article L. 622-24 du code de commerce applicable au redressement judiciaire en application de l'article L.631-14 du même code, la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.
Toutefois, selon l'article L.2343-1 du code général des collectivités territoriales,
« Sous réserve des dispositions de l'article 201 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, le comptable de la commune est chargé seul et sous sa responsabilité d'exécuter les recettes et les dépenses, de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues, ainsi que d'acquitter les dépenses ordonnancées par le maire jusqu'à concurrence des crédits régulièrement accordés (...) ».
Le Conseil d'Etat a rappelé que :
« le principe de l'exclusivité de compétence du comptable public pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques doit être regardé comme un principe général des finances publiques applicable à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (...) » (CE, Avis n 373.788).
En application de ce principe général des finances publiques, seul le comptable de la commune, qui tient de la loi le pouvoir de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues, peut les déclarer au passif du débiteur.
Ce principe a été rappelé au mandataire judiciaire par courrier de la direction générale des finances publiques du 15 janvier 2024 lui faisant observer qu'il convenait de rejeter la déclaration de créance de la commune, et non la sienne. (Pièce 13 société Concept métallerie)
Ainsi, l'avocat de la commune, qui n'est pas, au surplus, le mandataire du comptable public, n'avait pas le pouvoir de déclarer la créance de la commune.
Le défaut de pouvoir est sanctionné par la nullité de la déclaration de créance en application de l'article 117 du code de procédure civile.
Aucune régularisation n'a eu lieu devant la cour.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'elle a admis à titre définitif et chirographaire la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie à hauteur de 44.894,10 € tel qu'apprécié à l'aune de la déclaration de créance de la commune du 4 juillet 2023, et de prononcer l'annulation de la déclaration de créance effectuée par le conseil de la commune le 4 juillet 2023.
Il convient de condamner la commune [Localité 10] [Localité 8] aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la société Concept métallerie la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'elle a admis à titre définitif et chirographaire la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie à hauteur de 44.894,10 €,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité de la déclaration de créance de la commune [Localité 10] [Localité 8] formalisée par son conseil le 4 juillet 2023,
Condamne la commune [Localité 10] [Localité 8] aux dépens de l'appel,
Condamne la commune [Localité 10] [Localité 8] à payer à la société Concept métallerie la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N°350
N° RG 24/06588 - N° Portalis DBVL-V-B7I-VN7A
(Réf 1ère instance : 2024001399)
S.A.S. CONCEPT-METALLERIE
C/
COMMUNE [Localité 13]
S.E.L.A.R.L. [V] [L] ET ASSOCIES
S.E.L.A.R.L. SAJ
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me RINEAU
Me ROBINEAU
Copie certifiée conforme délivrée
le :
à :TC de [Localité 16]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,
Assesseur : Madame Sophie RAMIN, Conseiller,
Assesseur : Mme Constance DESMORAT, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Frédérique HABARE, lors des débats et Madame Julie ROUET lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 09 Octobre 2025 devant Madame Sophie RAMIN, magistrat rapporteur, tenant seule l'audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 25 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
S.A.S. CONCEPT-METALLERIE
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de SAINT-NAZAIRE sous le n°823 272 158, prise en la personne de
son représentant légal domicilié en cette qualité au siège
[Adresse 17]
[Localité 4]
Représentée par Me Bernard RINEAU de la SELARL TURENNE AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
COMMUNE [Localité 13]
Représentée par le Maire en exercice dûment habilité
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représenté par Me Clhoé MORIN substituant Me Marie ROBINEAU de la SELARL KACERTIS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
S.E.L.A.R.L. [V] [L] ET ASSOCIES
Prise en la personne de Maître [V] [L], en qualité de Mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société CONCEPT-METALLERIE, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 19 avril 2023 et maintenu à cette fonction par jugement du 17 avril 2024.
[Adresse 7]
[Localité 3]
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement destinataire de la déclaration d'appel et des conclusions signifiés par acte de commissaire de justice en date du 11.03.2025 remis à personne morale
S.E.L.A.R.L. SAJ
Prise en la personne de Maître [T] [Y], ès qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement de la société CONCEPT-METALLERIE, désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Saint-Nazaire du 17 avril 2024.
[Adresse 1]
[Localité 5]
N'ayant pas constitué avocat bien que régulièrement destinataire de la déclaration d'appel et des conclusions signifiés par acte de commissaire de justice en date du 11.03.2025 remis à personne morale
Le 21 avril 2017, dans le cadre d'une opération de réhabilitation de la salle communale, la commune [Localité 10] [Localité 8] a confié un lot serrurerie/métallerie à la société Concept métallerie. Le prix du marché a été modifié par avenant du 27 mars 2019 pour être porté à la somme de 115 111,80 € HT.
Le 14 mai 2019, la commune [Localité 10] [Localité 8] a résilié le marché aux torts de la société Concept métallerie et a réclamé diverses pénalités contractuelles. Le titre exécutoire n°493 émis par le comptable public pour celles-ci selon décompte du 23 mai 2019, d'un montant de 102 450 €, a été contesté par la société Concept métallerie devant la juridiction administrative.
Le 19 avril 2023, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de la société Concept métallerie.
La société [V] [L], prise en la personne de M. [L], a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Le 30 mai 2023, le comptable public de la direction générales des finances publiques de [Localité 12] a déclaré une créance de 87 498,78 € au titre des pénalités de retard susévoquées (somme restant due sur les 102 450 € objet du titre exécutoire n°493 après recouvrement d'une somme de 14 951,22 €).
Cette créance a été contestée par la société Concept métallerie.
Le 4 juillet 2023, le conseil de la commune [Localité 10] [Localité 8] a également déclaré au passif de la société Concept métallerie une créance à titre chirographaire de 164 010,48 € correspondant au décompte général et définitif du marché établi par le maître d'oeuvre au 30 mars 2023 [153 510,48 € comprenant 209 446,50 € au titre des pénalités de retard (comprenant nécessairement celles ayant fait l'objet du titre exécutoire n°493) et 1 795,81 € au titre de la révision de prix, sommes auxquelles était ôté le restant dû par la commune au titre du marché, soit 57 731,83 €] augmentée des intérêts à la suite de la notification du décompte.
Cette créance a été contestée par la société Concept métallerie.
Le 20 septembre 2023, le juge commissaire a désigné la commune [Localité 11] aux fonctions de contrôleur dans la procédure de redressement judiciaire. La société Concept métallerie a contesté cette décision devant le tribunal de commerce puis s'est désistée de son action et de l'instance.
Par arrêt du 8 mars 2024, la cour administrative d'appel de [Localité 14] a rendu la décision suivante :
- article 1er : la requête de la société Concept métallerie est rejetée,
- article 2 : la somme de 56 460 euros dont a été déchargée la société Concept métallerie par l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2022 est ramené à 44 894,10 €, [ndr : décharge sur les 102 450 € objet du titre exécutoire n°493],
- article 3 : l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 octobre 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'arrêt,
- article 4 : la société Concept Métallerie versera la somme de 1 500 € à la commune [Localité 10] [Localité 8] sur le fondement des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative,
- article 5 : le surplus des conclusions de la commune [Localité 10] [Localité 8] est rejeté.
Le 17 avril 2024, un plan de redressement a été arrêté et la société SAJ, prise en la personne de M. [Y], désignée en qualité de commissaire à l'exécution du plan.
Le 29 juillet 2024, la créance déclarée par le comptable public le 30 mai 2023 au titre des pénalités de retard du titre exécutoire n°493 a été admise au passif à hauteur de 42 604,68 € à titre chirographaire par le juge commissaire [102 450€ - la décharge de 44 894,10 € - le recouvrement de 14 951,22 €].
Par ordonnance du 25 novembre 2024, le juge commissaire du tribunal de commerce de Saint Nazaire, statuant sur la contestation de la créance déclarée par la commune [Localité 10] Croisic le 4 juillet 2023, a :
- admis au passif à titre définitif et chirographaire la créance pour un montant de 44 894,10 € à laquelle s'ajoute la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l'article L761-1 du code de justice administrative,
- dit que la mention de l'ordonnance sera portée sur l'état de vérification du passif par les soins du greffier du tribunal,
- ordonné la notification de l'ordonnance (...)
- ordonnons l'emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure collective.
Par déclaration du 9 décembre 2024, la société Concept métallerie a interjeté appel de la décision et a intimé la commune [Localité 10] [Localité 8], le mandataire judiciaire et le commissaire au plan.
Les dernières conclusions de l'appelant ont été déposées le 3 septembre 2025 ; celles de la commune [Localité 10] [Localité 8], le 2 juin 2025.
Le mandataire judiciaire et le commissaire au plan, à qui l'avis de la déclaration d'appel et les premières conclusions de l'appelant ont été signifiées le 11 mars 2025, n'ont pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2025.
Il a été demandé en cours de délibéré aux parties de faire toutes observations sur la question de savoir si la conséquence d'un éventuel défaut de pouvoir de la commune pour déclarer la créance serait l'annulation de la déclaration de créance.
Les parties ont chacune fait parvenir leurs notes en délibéré dans les délais impartis.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
La société Concept métallerie demande à la cour de :
- infirmer l'ordonnance rendue le 25 novembre 2024 par le juge commissaire en ce qu'il a admis, à titre définitif et chirographaire, la créance déclarée par la commune [Localité 10] [Localité 8] à hauteur de 44.894,10 €,
statuant à nouveau :
- juger la société Concept métallerie recevable en ces conclusions,
- recevoir l'intégralité des moyens et prétentions de la société Concept métallerie,
- débouter la commune [Localité 10] [Localité 8] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- juger la commune [Localité 10] [Localité 8] incompétente pour déclarer une créance du secteur public local,
- juger que la créance déclarée par la commune [Localité 10] [Localité 8] fait « doublon » avec celle déclarée par le SGC de [Localité 15] (anciennement « Trésorerie de [Localité 12] »),
- rejeter intégralement la créance déclarée par la commune [Localité 10] [Localité 8],
à titre subsidiaire,
- constater que la cour administrative d'appel de [Localité 14] a jugé que le montant dû par la société Concept métallerie au titre des pénalités de retard est de 57.555,90 € et a condamné cette dernière à versé la somme de 1 500 € à la commune [Localité 10] [Localité 8] au titre de l'article L761-1 code de justice administrative,
- constater que la somme de 14.951,22 € a déjà été réglée par la société Concept métallerie,
- juger que, tout au plus, les sommes restant dues par la société Concept métallerie sont les suivantes :
- 42 604,68 € au titre des pénalités de retard (57.555,90 - 14.951,22) ;
- 1 500 € au titre de l'article L761-1 code de justice administrative.
en tout état de cause,
- condamner la commune [Localité 10] [Localité 8] à verser la somme de 5 000 € à la société Concept métallerie au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la commune [Localité 10] [Localité 8] aux entiers dépens.
La commune [Localité 10] [Localité 8] demande à la cour de :
- confirmer l'ordonnance rendue par le juge commissaire, en ce qu'il a admis à titre définitif et chirographaire la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie,
- infirmer l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'il a admis la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie pour un montant de 44 894,10 €,
et, statuant à nouveau,
- admettre la créance de la commune [Localité 10] [Localité 8] au passif de la société Concept métallerie pour un montant de 110.116,38 € TTC,
- en tout état de cause,
- condamner la société Concept métallerie au paiement d'une somme 10.000 € au titre de l'article 700 et aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties visées supra pour l'exposé complet de leurs moyens et prétentions.
DISCUSSION
La société Concept métallerie fait valoir que seul le comptable public tient de la loi le pouvoir de déclarer la créance d'une collectivité publique et que dès lors, la créance déclarée par la commune elle-même doit être rejetée.
La commune [Localité 10] [Adresse 9] répond que la société Concept métallerie est irrecevable à remettre en cause la qualité de créancier de la commune, en ce qu'elle s'est désistée de l'instance et de l'action critiquant sa désignation, par le juge commissaire, en qualité de créancier contrôleur.
Il est relevé que les demandes d'irrecevabilité ne sont pas reprises au dispositif des conclusions de la commune [Localité 10] [Adresse 9].
En tout état de cause, la question du pouvoir de la commune [Localité 10] [Adresse 9] a déclaré sa créance, et partant, la question de la régularité de la déclaration de créance, est sans rapport avec la reconnaissance par la société Concept métallerie de sa qualité de créancier par le désistement de son action visant à critiquer son admission comme contrôleur à la procédure.
Il n'y a pas lieu de déclarer irrecevable la société Concept métallerie en ses demandes.
La commune [Localité 10] [Localité 8] ajoute que la déclaration de créance a été réalisée par un avocat et non directement par la commune créancière.
Selon l'article L. 622-24 du code de commerce applicable au redressement judiciaire en application de l'article L.631-14 du même code, la déclaration des créances peut être faite par le créancier ou par tout préposé ou mandataire de son choix.
Toutefois, selon l'article L.2343-1 du code général des collectivités territoriales,
« Sous réserve des dispositions de l'article 201 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, le comptable de la commune est chargé seul et sous sa responsabilité d'exécuter les recettes et les dépenses, de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues, ainsi que d'acquitter les dépenses ordonnancées par le maire jusqu'à concurrence des crédits régulièrement accordés (...) ».
Le Conseil d'Etat a rappelé que :
« le principe de l'exclusivité de compétence du comptable public pour procéder au recouvrement des recettes et au paiement des dépenses publiques doit être regardé comme un principe général des finances publiques applicable à l'ensemble des collectivités territoriales et de leurs établissements publics (...) » (CE, Avis n 373.788).
En application de ce principe général des finances publiques, seul le comptable de la commune, qui tient de la loi le pouvoir de poursuivre la rentrée de tous les revenus de la commune et de toutes les sommes qui lui sont dues, peut les déclarer au passif du débiteur.
Ce principe a été rappelé au mandataire judiciaire par courrier de la direction générale des finances publiques du 15 janvier 2024 lui faisant observer qu'il convenait de rejeter la déclaration de créance de la commune, et non la sienne. (Pièce 13 société Concept métallerie)
Ainsi, l'avocat de la commune, qui n'est pas, au surplus, le mandataire du comptable public, n'avait pas le pouvoir de déclarer la créance de la commune.
Le défaut de pouvoir est sanctionné par la nullité de la déclaration de créance en application de l'article 117 du code de procédure civile.
Aucune régularisation n'a eu lieu devant la cour.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'elle a admis à titre définitif et chirographaire la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie à hauteur de 44.894,10 € tel qu'apprécié à l'aune de la déclaration de créance de la commune du 4 juillet 2023, et de prononcer l'annulation de la déclaration de créance effectuée par le conseil de la commune le 4 juillet 2023.
Il convient de condamner la commune [Localité 10] [Localité 8] aux dépens de l'instance d'appel et à payer à la société Concept métallerie la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme l'ordonnance du juge commissaire en ce qu'elle a admis à titre définitif et chirographaire la créance de la commune [Localité 10] [Adresse 9] au passif de la société Concept métallerie à hauteur de 44.894,10 €,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Prononce la nullité de la déclaration de créance de la commune [Localité 10] [Localité 8] formalisée par son conseil le 4 juillet 2023,
Condamne la commune [Localité 10] [Localité 8] aux dépens de l'appel,
Condamne la commune [Localité 10] [Localité 8] à payer à la société Concept métallerie la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
LE GREFFIER LE PRESIDENT