CA Nîmes, 5e ch. soc. ph, 25 novembre 2025, n° 24/01454
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/01454 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JFQ2
AV/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
09 avril 2024
RG :F22/00161
[F]
C/
Association BANQUE ALIMENTAIRE DU GARD
Grosse délivrée le 25 NOVEMBRE 2025 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 09 Avril 2024, N°F22/00161
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Aude VENTURINI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Gaëlle MARZIN, Présidente
Mme Aude VENTURINI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [U] [F]
née le 23 Août 1964 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Pauline GARCIA de la SELARL PG AVOCAT, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Association BANQUE ALIMENTAIRE DU GARD
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Julien DUMAS LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Novembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
A compter du 1er décembre 2005, Mme [U] [F] a été engagée par l'association Banque Alimentaire du Gard en contrat à durée indéterminée à temps partiel 30 heures par semaine en qualité de secrétaire administrative interne après l'exécution de plusieurs contrats à durée déterminée depuis le 17 avril 2000.
Le 8 août 2022, Mme [U] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, évoquant une situation de harcèlement moral et d'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.
Mme [F] a été placée en arrêt de travail à compter du 18 novembre 2021.
Le 2 décembre 2022, la salariée a été déclarée inapte avec impossibilité de reclassement par le médecin du travail ce qui a conduit à son licenciement le 22 décembre 2022 pour inaptitude.
Mme [U] [F] a saisi le 27 mars 2023 le conseil de prud'hommes de Nîmes d'une deuxième action afin de contester son licenciement pour inaptitude.
Le 9 avril 2024, le conseil de prud'hommes a ordonné la jonction des deux affaires et a débouté Mme [U] [F] de l'ensemble de ses demandes de la manière suivantes :
- ordonné la jonction du dossier n° RG 23/00161 avec le n° RG 22/00396,
- déboute Madame [U] [F] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute l'association banque Alimentaire du Gard de sa demande reconventionnelle,
- dit que les dépens seront supportés par Madame [U] [F].
Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 19 février 2025, ordonné la clôture au 13 mai 2025 avec fixation du dossier à l'audience du 13 juin 2025, audience reportée au 25 septembre 2025.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 avril 2025, Mme [U] [F] demande à la cour de :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de l'ensemble de ses demandes.
Statuant à nouveau,
- DEBOUTER l'Association Banque ALIMENTAIRE du GARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
SUR L'EXECUTION DU CONTRAT :
- JUGER que le salaire brut mensuel de référence de Madame [U] [F] est de 2.150,68 euros.
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur.
- JUGER que l'association Banque Alimentaire du Gard a fait une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail de Madame [U] [F].
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail de Madame [U] [F] par l'association Banque Alimentaire du Gard.
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande de requalification en contrat à temps plein et de rappels de salaire sur la base d'un temps plein.
- REQUALIFIER le contrat de travail à temps partiel de Madame [U] [F] en contrat de travail à temps plein à compter du 1er avril 2020.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 2.856,39 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, outre la somme de 285,63 euros bruts de congés payés y afférents.
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre du harcèlement moral.
- JUGER que Madame [U] [F] a fait l'objet de harcèlement moral au travail.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral.
SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :
A TITRE PRINCIPAL :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre de la résiliation judiciaire du contrat.
- PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [U] [F] aux torts de l'association Banque Alimentaire du Gard à la date du 22 décembre 2022.
- DONNER à la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [U] [F] les effets d'un licenciement nul.
- JUGER que le salaire brut mensuel de référence de Madame [U] [F] est de 2.150,68 euros.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 4.301,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 430,13 euros bruts de congés payés y afférents.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 35.486,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre du licenciement nul.
- JUGER que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame [U] [F] est nul.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 4.301,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 430,13 euros bruts de congés payés y afférents.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 35.486,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.
A TITRE TRES SUBSIDIAIRE :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- JUGER que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame [U] [F] est sans cause réelle et sérieuse.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 4.301,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 430,13 euros bruts de congés payés y afférents.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 35.486,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
EN TOUTE HYPOTHESE :
- CONDAMNER l'Association Banque Alimentaire du Gard à délivrer à Madame [U] [F] des documents sociaux de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification de l'arrêt à intervenir.
- CONDAMNER l'Association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par conclusion récapitulatives en date du 09 octobre 2024, la Banque Alimentaire du Gard sollicite de la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et y ajoutant
- Condamner Mme [U] [F] aux dépens et à payer à la banque alimentaire du Gard la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
1. Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat
1.1 Sur l'exécution déloyale du contrat
Moyens des parties
Mme [F] soutient que l'utilisation d'un système de vidéosurveillance est abusive. Elle conteste la légitimité de la vidéosurveillance mise en place par l'employeur, qu'elle qualifie d'intrusive et disproportionnée et qui constitue une atteinte à la vie privée.
Elle expose par ailleurs, que l'envoi de SMS en dehors des heures de travail bien que non explicitement exigeants et sur son téléphone professionnel, constituaient des sollicitations répétées qui créaient une pression constante pour une disponibilité permanente, même en dehors de ses horaires contractuels bafouant son droit à la déconnexion, ce qui est contraire à l'obligation de loyauté et de bonne foi de l'employeur.
Enfin, elle fait valoir que ces pratiques (vidéosurveillance et sollicitations intempestives) ont entrainé la dégradation de son état de santé, attestée par des certificats médicaux.
La Banque Alimentaire du Gard fait valoir que les caméras ont été installées pendant le confinement COVID-19 pour protéger les locaux et les stocks, alors que l'activité était ralentie et que leur mise en place a fait l'objet d'une information préalable par écrit auprès des salariés, et des bénévoles mais aussi des associations partenaires.
Elle souligne que l'usage de la vidéosurveillance remplit un objectif légitime et est proportionné et qu'il a d'ailleurs permis la révélation de malversations (vols par des bénévoles ou un salarié), ce qui justifie son utilisation. L'association soutient que le contrôle par vidéosurveillance est proportionné puisque les caméras ne filment pas en continu les salariés dans leur bureau, mais visent les zones de stockage et de circulation.
L'association souligne que Mme [F] a signé une note attestant avoir été informée de la vidéosurveillance. Elle ne peut donc prétendre avoir subi une atteinte à sa vie privée ou une exécution déloyale du contrat.
Concernant l'envoi de message en dehors des heures de travail, la banque Alimentaire du Gard indique que le téléphone utilisé est un téléphone professionnel fourni par l'employeur et que Mme [F] pouvait l'éteindre ou ne pas répondre en dehors de ses horaires de travail.
Par ailleurs, elle souligne que les messages qui n'étaient ni répétés ni abusifs ne sollicitaient aucune demande de réponse immédiate.
Elle ajoute que l'appelante ne s'en ai jamais plainte et n'a jamais demandé le paiement d'heures supplémentaires ou signalé une surcharge de travail liée à ces messages.
Réponse de la cour
En application des dispositions des articles L 1222-1 du code du travail : " Le contrat de travail est exécuté de bonne foi " et L 1121-1 du même code « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Par ailleurs l'article 1222-4 du code du travail prévoit qu'« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ».
L'employeur a un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en 'uvre du contrat que l'application de la législation du travail.
Si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser la vidéosurveillance afin de contrôler constamment l'activité des salariés. La mise en place d'une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie personnelle et à leurs droits et libertés individuelles.
Il appartient, en application de l'article 9 du code de procédure civile au salarié qui prétend que l'employeur a exécuté de façon déloyale le contrat de travail d'établir l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
*****
En l'espèce, il n'est pas contesté par la Banque Alimentaire du Gard la mise en 'uvre à compter du 25 juin 2020 de caméra de vidéoprotection. Elle justifie par ailleurs en avoir informé (pièce n°25) personnellement Mme [F] qui a signé la lettre d'information rédigée de la manière suivante « Nous vous informons qu'à compter de ce jour 25 juin 2020, la Banque Alimentaire du Gard située [Adresse 4] est dorénavant sous vidéo protection. Nous vous remercions de bien vouloir retourner un exemplaire de ce courrier signé ».
Si le positionnement des caméras n'est pas précisé dans le courrier, Mme [F] sur qui repose la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat ne rapporte pas la preuve contraire des indications de son employeur précisant que les caméras ne filment pas en continu les salariés dans leur bureau, mais visent surtout les zones de stockage et de circulation et qu'elle subirait une atteinte à sa vie privée excessive par le positionnement de matériel de vidéo surveillance dans son bureau ou dans des lieux permettant de contrôler en continue ses salariés.
Au contraire, Mme [F] produit dans le constat d'huissier réalisé à partir de son téléphone portable des captures d'écrans des caméras de vidéosurveillance montrant la captation d'image de l'entrée du dépôt, du couloir de la chambre froide et du dépôt de stockage et du message de M. [H] indiquant que les caméras sont au nombre de 3.
Les attestations qu'elle verse au débat, ne font que rappeler la présence des caméras, dont les bénévoles et associations partenaires ont été informés, et du sentiment des attestants « d'être épiés chaque fois que nous venons enlever nos produits » concernant M. [AM] responsable d'une association partenaire, d'être « épiés en permanence par des caméras de surveillance » pour Mme [A] bénévole.
Ainsi, il n'est pas justifié que le système de vidéoprotection était attentatoire à la vie personnelle de Mme [F] et disproportionné au but poursuivi allégué par l'employeur, à savoir la sécurité des biens et que l'employeur a commis une faute dans l'exécution du contrat de travail en mettant en place une surveillance abusive.
Concernant l'envoi de SMS en dehors de ses heures de travail, il convient de rappeler que l'avenant au contrat de travail de Mme [F] du 1er juillet 2019 précise que ses horaires de travail sont les suivants : du lundi au vendredi de 07h30 à 13h30.
Pour justifier des heures d'envoi, elle communique un constat d'huissier du 16 décembre 2021, identifiant l'envoi de messages du président de l'association M. [H] sur un téléphone portable dont le caractère professionnel n'est pas contesté, et qui relève :
- un message du 1er avril 2020 envoyé à 3h39 dans lequel il demande à Mme [F] d'envoyer un email à la DGS pour expliquer le fonctionnement de la BA et la facturation, auquel elle répondra à 7h41 « Bjr de qui me parles-tu ' »
- un message le 3 avril 2020 envoyé à 7h20 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires informant d'une réunion l'après-midi en « visio » et qui explique la marche à suivre et donne le lien pour la réunion,
- un message du 28 juin 2020 à 16h44 dans lequel M. [H] indique à Mme [F] que dès que le point sera fait sur le retour des informations sur la vidéosurveillance, l'alarme de la BA sera mise en place et dans lequel il lui communique le code de l'alarme,
- un message du 8 juillet 2020 à 5h50 dans lequel M. [H] indique qu'il sera absent toute la semaine mais joignable par téléphone et mail et dans lequel il demande des éléments pour préparer une réunion en visio du mercredi suivant,
- un message le 15 juillet 2020 envoyé à 20h20 dans lequel M. [H] indique à Mme [F] avoir mis l'alarme et qu'elle fasse attention quand elle arrivera le matin et lui précise qu'elle peut l'appeler le lendemain au besoin.
- un message du 10 août 2020 à 20h13 dans lequel M. [H] donne des nouvelles d'une personne hospitalisée à la suite d'un malaise au sein de la Banque Alimentaire,
- un message du 8 octobre 2020 à 17h26 dans lequel M. [H] remercie Mme [F] pour ses précieux conseils, son aide et son dévouement et lui indique que la victoire qu'il y a eu lors de l'assemblée générale lui appartient aussi ;
- un message du 13 octobre 2020 à 15h43 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], le secours catholique d'[Localité 6] souhaite redémarrer l'épicerie sociale. Peux-tu lui envoyer un message pour l'informer de la démarche et dossier à fournir. Bonne fin de journée Merci », message auquel Mme [F] n'a pas répondu ; et le même jour à 18h13 dans lequel M. [H] lui demande si elle veut bien se libérer pour visiter un local pour avoir son avis en lui disant on en parle demain et auquel Mme [F] va répondre à 18h14 « Coucou [W], tu peux compter sur moi, bonne soirée à demain » ;
- un message du samedi 20 février 2021 à 6h10 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U] je vais à la BA pour préparer ce que l'on peut faire pour préparer la pose des racks ['] on m'a dit que [AT] avait laissé un courrier pour moi ' Bon WE à lundi », auquel Mme [F] va répondre à 7h55 « Bjr, oui le courrier est sur ton bureau » ;
- un message du 11 mars 2021 à 05h28 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires pour indiquer « Bonjour, ce matin je ne pourrais pas m'occuper de la BA, ma femme est malade et je reste à la maison. Merci d'annuler le rdv ['] », auquel Mme [F] va répondre à 8h31 « Bonjour [W], pour le rdv il a été annulé, tu dois avoir eu l'info ['] » ;
- un message du 20 avril 2021 envoyé à 5h43 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U] peux-tu m'appeler dès que tu seras au bureau, je dois te parler de la visite de jeudi. Merci et à toute à l'heure », message auquel Mme [F] a répondu à 05h55 « Bjr, OK, je t'appelle à mon arrivée à plus tard » ;
- un message du 14 mai 2021 à 19h21 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires pour informer de la visite d'une personne le 18 mai et de leur invitation à être présent et a indiqué ou non leur présence, message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 17 mai 2021 à 17h45 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires pour informer les personnes d'une altercation déroulée au sein de la BA entre deux bénévoles et de l'information du renvoi du bénévole de la banque alimentaire ; message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 2 juin 2021 à 17h55 envoyé à plusieurs destinataires du dimanche 8 août 2021 à 09h22 dans lequel M. [H] demande aux employés d'avoir le même langage que lui en donnant les explications, auprès des médias et partenaires sur une collecte organisée ; message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 22 juin 2021 à 07h03 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], j'ai une réunion avec les Présidents d'accitanie en visio, je vais travailler de chez moi. Je reste disponible au besoin [Localité 7] journée à demain » auquel Mme [F] répondra à 7h29 « Bjr, Ok bonne journée à plus tard » ;
- un message du dimanche 8 août 2021 à 09h22 dans lequel M. [H] indique « [U], je viens de voir sur mon bureau l'absence de pierre du 09 au 11, [Z] est aussi absent, je ne suis pas d'accord pour l'absence de [D] simultanément. On a reparle demain », message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 1er septembre 2021 à 17h19 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], demain tu vas recevoir la visite de m [CL], il va apporter le bail de location du local et te remettre les clefs. Il faudra que tu signes avec la mention pour ordre du président et mettre mon tampon ['] » auquel aucune réponse n'a été apportée le jour même ;
- Un message du 08 septembre 2021 à 07h15 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], Merci de préparer sur [Localité 9] une antenne de la BA pour le nouveau local'. » ;
- Un message vocal du 15 septembre 2021 envoyé à 19h08 auquel Mme [F] va répondre pas SMS « Tu m'as laissé un message je n'ai lpus de réseau il y a de l'orage, ton message s'est mal enregistré » auquel M. [H] répond « on va avoir la livraison de la borne wifi demain, il faut la donner à [P] et il l'installera' » ;
- Un message du 17 septembre 2021 à 15h00 dans lequel M. [H] indique « bonjour [U], désolé de te déranger mais je dois confirmer la formation Astrée['] merci de ta réponse » auquel elle répond à 15h02 « Bjr oui il y aura 10 ou 11 personnes, t'es pas en vacances ' suivi d'un smiley ;
- Un message du 23 septembre 2021 à 06h53 dans lequel M. [H] indique « je suis désolé pour ce matin je ne peux pas venir à la BA, ma femme est en hypoglycémie et je dois attendre avant de pouvoir la laisser seule, désolé [Localité 7] journée », message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- Un message du 10 octobre 2021 (un dimanche) à 19h31 dans lequel M. [H] indique « Bonsoir, je suis désolé mais demain je suis obligé chez le toubib, j'ai un lumbago. ['] Pour la réunion de direction si [X] peut faire le point avec [U] sur la distribution' » auquel aucune réponse n'a été apportée ;
- Un message du 23 octobre 2021 à 17h43 qui indique « Bonjour [U], Peux-tu avec [C] envoyer un courrier au carrefour market d'[Localité 6] pour la collecte nationale et lui indiquer ['] merci de m'indiquer s'il y un pb. Bonne soirée ». Il n'y a pas de réponse de Mme [F] à ce message.
Le constat d'huissier a donc constaté l'envoi de 23 messages en dehors des heures de travail de la salariée sur 18 mois entre le mois d'avril 2020 et d'octobre 2021.
Ainsi, si ce constat d'huissier illustre des envois de messages en dehors des heures et exceptionnellement jours de travail de Mme [F], leur contenu montre qu'ils se limitaient au cadre professionnel afin de donner des informations ou consignes d'ordre professionnel ou personnel pour indiquer une absence et n'impliquaient quasiment jamais de réponse immédiate. D'ailleurs, si Mme [F] répondait elle le faisait la plupart du temps à compter de ses heures de travail.
Par ailleurs, il convient de relever que les messages étaient envoyés sur le portable professionnel de la salariée et qu'aucun élément n'est rapporté pour indiquer qu'elle devait rester obligatoirement joignable en dehors de ses horaires de travail.
Le nombre de messages relevés sur la période permet également de constater qu'il ne peut être valablement soutenu que Mme [F] était à la disposition constante de son employeur et que son droit à la déconnexion n'était pas respecté.
Ainsi, les éléments transmis ne permettent pas de caractériser une exécution déloyale du contrat de travail par la Banque Alimentaire du Gard.
En conséquence, il convient de confirmer la décision du jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024.
1.2 Sur la demande de requalification du contrat de travail de temps partiel à temps plein
Moyens des parties
Mme [F] soutient que son contrat de travail initial conclu en 2005 et l'avenant de 2019 ne mentionnent pas les limites dans lesquelles des heures complémentaires peuvent être effectuées, comme l'exige l'article L3123-6 du Code du travail (anciennement L212-4-3) et que l'absence de ces mentions entraîne une présomption de contrat à temps plein.
Elle allègue que la banque Alimentaire du Gard ne rapporte pas la double preuve de la durée exacte du travail hebdomadaire ou mensuel et qu'elle n'était pas dans la possibilité de prévoir son rythme de travail ou qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à disposition.
Elle indique que le constat d'huissier des échanges par SMS avec le Président de l'association prouve qu'elle était disponible en permanence, ce qui est incompatible avec un contrat à temps partiel, ne pouvant éteindre son téléphone professionnel sans risquer des reproches.
Enfin, l'appelante souligne qu'elle faisait face à une surcharge de travail étant la seule à maîtriser le logiciel [Localité 9] et à gérer les relations avec les associations partenaires, ce qui l'obligeait à travailler au-delà de ses 30 heures contractuelles.
La Banque Alimentaire du Gard fait valoir que le contrat de travail de Mme [F] date de 2005, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 (dite "loi Travail"), qui a renforcé les obligations de mention des heures complémentaires dans les contrats à temps partiel.
Elle ajoute que l'avenant du 1er juillet 2019 ne modifie que la répartition des horaires sans changer la durée du travail. La Banque Alimentaire considère qu'il n'y avait donc pas lieu d'ajouter des mentions sur les heures complémentaires, car la durée hebdomadaire restait inchangée.
L'association souligne l'absence de justification ou demande par la salariée de l'exécution d'heures complémentaires.
Réponse de la cour
Selon l'article L 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 3123-9 du code du travail « les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement ».
L'absence de contrat de travail écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet et c'est à l'employeur qui conteste cette présomption qu'il incombe de rapporter la preuve, d'une part, qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
En présence d'un contrat de travail écrit, conforme aux dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail, il appartient au salarié qui soutient que le contrat de travail est à temps complet de démontrer qu'il n'avait pas eu préalablement connaissance de ses horaires de travail et qu'il devait ainsi se tenir en permanence à la disposition de l'employeur.
Sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut pas être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Ainsi, en absence d'écrit ou en cas d'insuffisance des mentions figurant au contrat, au regard des exigences légales, l'employeur peut renverser cette présomption simple de l'existence d'un contrat de travail à temps plein s'il établit que le salarié travaille effectivement à temps partiel et qu'il peut connaître ses rythmes de travail et n'est pas tenu d'être en permanence à la disposition de l'employeur.
S'agissant des heures complémentaires, l'exécution éventuellement supérieure à la limite contractuelle ne suffit pas à entraîner la requalification du contrat de travail de temps partiel en temps plein, mais permet au salarié d'obtenir le paiement des heures. En effet, aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
*****
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'un contrat de travail écrit a été conclu entre [U] [F] ([BW]) et la Banque Alimentaire du Gard le 21 novembre 2005 prévoyant un temps de travail à temps partiel de 30 heures par semaine réalisées du lundi au vendredi de 8h30 à 14h30. Les horaires de travail, sans changement ni de la durée ni des jours travaillés, ont été ensuite modifiés par avenant du 1er juillet 2019.
Par ailleurs, les bulletins de salaires produits de 2019 à 2021 indiquent tous un temps de travail mensuel de 141 heures, sans heures complémentaires mentionnées.
L'appelante avait donc parfaitement connaissance tant de la durée de son temps de travail que de ses heures et jour de travail et ne justifie donc pas avoir été contrainte de se tenir à la disposition de son employeur pendant toute la durée du contrat, comme déjà exposé ci-dessus.
Au surplus, il convient de relever que l'appelante n'a ni devant le conseil de prud'hommes, ni en appel sollicité le paiement d'heures complémentaires.
Aucune requalification du temps partiel en temps plein n'est par suite encourue.
En conséquence, la décision prud'homale du 9 avril 2024 est confirmée.
1.3 Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
*****
Mme [F] reproche à son employeur et en particulier à M. [H] président de l'association Banque Alimentaire du Gard, un harcèlement moral consistant en:
- une surveillance abusive et climat de méfiance,
- des comportements humiliants et autoritaires en son encontre par des critiques publiques et une dévalorisation de son travail,
- des directives contradictoires créant un stress permanent,
- une surcharge de travail en raison de l'accumulation des tâches qu'elle était la seule à savoir accomplir, devant travailler au-delà de ses heures de travail,
- une volonté de réduire son influence par la mise en place d'une nouvelle organisation,
- une atteinte à sa dignité et à sa santé, les comportements répétés de M. [H] ayant dégradé ses conditions de travail et altéré sa santé, avec depuis le mois de mai 2021, un syndrome anxieux, des insomnies et brûlures gastriques, liées à son travail puis un arrêt maladie à compter du 18 novembre 2021 reconnu comme une affection de longue durée par la sécurité sociale.
Au soutien de ses allégations, l'appelante s'appuie sur les éléments suivants :
- des attestations de bénévoles, travailleurs ou membres d'associations partenaires de la Banque Alimentaire :
* M. [L], en service civique du 1er février au 1er octobre 2021, qui indique « je déclara avoir été témoin de la façon dont se comportait le président M. [W] [H] avec Mme [F] [U] et M. [CV] ['] celui-ci employait un ton exécrable en s'adressant à eux, il avait toujours quelques chose à leur reprocher sur leur travail alors que la charge de travail était de plus en plus lourde (pas assez vite, pas assez bien, ce ne sont pas mes consignes , il lui arrivait aussi qu'il ne leur dise pas bonjour , certains jours il ne leur adressait même pas la parole »,
* Mme [A], bénévole au sein de la banque alimentaire de mars 2020 à novembre 2021 qui indique « plusieurs personnes m'avaient prévenu qu'il se comportait comme un tyran, mais je refusais d'y croire. Aujourd'hui après avoir été bénévole au sein de l'association de la banque alimentaire, j'ai pu constater malheureusement par moi-même que les personnes avaient raison. Il a un comportement autoritaire, agressif et dédaigneux envers le personnel salarié et les bénévoles. Lorsqu'il est devenu président, tout a changé, avant son élection, il faisait des louanges de [U] et [Z], il disait qu'ils étaient tous les deux des employés dévoués ['] petit à petit il s'est mis à critiquer cette salariée en disant qu'elle n'en faisait jamais assez et que ce n'était jamais assez bien, qu'elle ne suivait pas ses consignes et autres. Alors qu'elle était submergée de travail, pour tout il fallait qu'on passe par [U].
Il commandait à son insu des fruits et légumes et autres alors que [U] connaissait les besoins [']. Nous avions donc beaucoup trop de marchandises. Du coup, il était furieux contre [U] et il l'accusé d'avoir trop commandé de produits. Il passait sa colère sur elle, car pour lui on devait impérativement distribuer ces marchandises aux associations »,
* Mme [R], bénévole puis employée en CDD du 1er avril au 31 décembre 2021 comme chargée de communication qui indique « durant ces mois j'ai assisté à une réelle dégradation des conditions de travail, d'un réel manque de bienveillance, de pression, de pleurs, de critiques envers les salariés. [']
Le président, s'est plaint plusieurs fois auprès de moi que [U] refusait le changement d'organisation. Il ne comprenait pas pourquoi. [']
[U] a été aussi surveillée. Pendant ses vacances, le président m'a demandé de transférer son répertoire dans le google drive partagé de la BA. En voulant lui montrer comment faire j'ai compris qu'il s'agissait en fait de transférer tous les documents de l'ordinateur de [U], j'ai refusé de le faire »,
* M. [AM], président de l'association FOI qui indique « Depuis l'élection du nouveau président et du nouveau conseil d'administration en 2020, j'ai constaté ainsi que les bénévoles de notre association qu'il y avait un malaise vis à vis des salariés Mme [F] et M. [CV] et les nouveaux membres du bureau, une charge de travail de plus en plus conséquente et une grande pression, depuis tout a été chamboulé »,
* Mme [BI], bénévole et membre du bureau jusqu'au printemps 2021 qui indique « Certes, il est nécessaire de moderniser la Banque Alimentaire (BA). Certes, la pandémie n'a facilité la tâche de personne, néanmoins les méthodes employées pour obtenir le résultat que [W] [H] souhaite sont très contestables.
L'organisation de la BA demandait à être modifiée. En conséquence, il a souhaité faire signer des avenants au contrat de travail des salariés. Quand elle a pris connaissance du descriptif de poste dans l'avenant à signer, [U] [F] a émis des réserves. À compter de cet instant, [W] [H] a commencé à la tyranniser : ordres, contre-ordres.
Il l'a accusée d'avoir établi une attestation pour un bénévole qui pourrait porter préjudice à la BA vis-à-vis de l'inspection du travail, cherchant peut-être à la licencier pour faute.
Il lui a remis des courriers urgents erronés, obligeant [U] [F] à tout recommencer, toujours dans l'urgence.
Il lui a demandé d'envoyer des mails toutes affaires cessantes aux associations pour une future formation, alors qu'elle était occupée à d'autres tâches également urgentes.
Absent lors du passage de la messagerie de la BA sous tutelle de la Fédération Française des Banques Alimentaires (FFBA), [U] [F] a été obligée de rester jusqu'à 16h, alors que son service se termine à 13h30. Il n'était pas prévu par [U] [F] de rester aussi tard. Il a (dit-il) oublié ce rendez-vous !
J'ai entendu son refus de payer les heures supplémentaires effectuées. Je ne sais pas si ces heures ont été réglées par la suite. »
- le constat d'huissier établi par Maître [J] le 16 décembre 2021 déjà examiné ci-dessus,
- un certificat du Dr. [G], médecin généraliste du 18 novembre 2021 indiquant « Madame [F] [U] présente depuis le mois de mai 2021, un syndrome anxieux, avec insomnies et brûlures gastriques, liés semble-t-il à une situation conflictuelle sur son lieu de travail. Cette symptomatologie est inhabituelle chez madame [F] »,
- un arrêt de travail initial du 18 novembre 2021 pour un mois « pour épuisement professionnel sans rapport avec une affectation de longue durée » et la prolongation du 28 février 2022 au 28 mars 2022.
- des prescriptions médicales d'antidépresseurs et de régulateur gastrique.
- un document de l'assurance maladie du 13 mai 2022 adressé à Mme [F] indiquant « votre arrêt de travail du 18/11/2021 a été reconnu en rapport avec une affection de longue durée ».
- copie d'un mail envoyé par Monsieur [H] le 28 septembre 2021 à [N] [V] conseiller ressources humaines à la fédération française des banques Alimentaires qui indique « Nous avons 4 salariés en CDI. J'ai fait des avenants à leur contrat de travail afin de clarifier leurs taches. ['] La secrétaire est aussi à 4 ans de la retraite et elle s'est accaparée toutes les tâches la rendant indispensable et intouchable.
Je suis en train de tricoter son pouvoir et former plusieurs personnes à toutes ces taches afin de ne plus être sous son emprise et chantage. Malgré qu'elle bosse beaucoup, elle freine la modernité de la BA et sa réorganisation. Peut-on envisager une séparation à l'amiable ' ».
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que les faits décrits par la salariée, sont matériellement établis et concordants et que pris dans leur ensemble, ils laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
La Banque Alimentaire du Gard rétorque que les attestations produites ne sont pas probantes car elles sont vagues, générales et non étayées par des faits concrets et ont été rédigées par des personnes partiales ayant des conflits personnels avec M. [H] soulignant que Mme [A] a été exclue pour vol, Mme [R] a vu son contrat de travail à durée déterminée non renouvelé et M. [AM] a été accusé de détournement de marchandises.
L'employeur produit quant à lui :
- une attestation de M. [B] (vice-président) qui indique « depuis 2020 j'ai eu l'occasion de participer aux réunions hebdomadaires de direction du lundi matin en présence des membres du bureau et de Mme [F]. Toutes les décisions concernant le fonctionnement courant de la BA 30 étaient prises dans cette instance. Je peux témoigner que M. [H] s'est toujours montré respectueux de Mme [F]. Au contraire l'avis et l'accord de cette dernière étaient systématiquement recherchés eu égard à ses connaissance historiques sur le fonctionnement de la BA 30 ».
- une attestation de M. [K], vice-président de l'association, confirme que M. [H] a toujours été respectueux envers Mme [F] et qu'il cherchait à améliorer ses conditions de travail (augmentation de salaire, allègement des tâches).
- une attestation établie par M. [T], bénévole qui indique avoir rejoint le service administratif « pour soulager Mme [F] pour notamment 2 tâches : la facturation trimestrielle des 20 associations et la saisie et l'exploitation des fiches de présence des bénévoles.
Que ce soit du bureau à proximité de celui de Mme [F] ou lors de réunions hebdomadaires de coordination, je n'ai jamais été témoin de problèmes particulier sur ses conditions de travail ».
- les bulletins de paie de Mme [F] montrant une augmentation salariale de 1850 euros bruts en décembre 2020 à 2000 euros bruts en janvier 2021.
- une attestation rédigée par M. [S], membre du conseil d'administration qui indique « j'ai pu vérifier que Mme [F] [U] cumulait sous sa seule responsabilité, plusieurs tâches d'organisation centrale de notre association. J'ai également constaté qu'elle ne faisait aucun effort de partage de transfert des dossiers qu'elle gérait.
Afin de valoriser cet ensemble de tâches, il lui a été proposé de prendre le poste de directrice, accompagnée pour assurer au mieux cette responsabilité d'utiliser les services d'un coach. Je puis témoigner qu'elle a sciemment refusé l'une et l'autre de ces propositions. Devant ce refus réitéré, il lui a été proposé le poste de coordinatrice, assorti d'une augmentation significative de rémunération. Elle a accepté la rémunération mais a refusé de prendre le poste de coordinatrice. L'ensemble de ces propositions manifestait s'il en est besoin qu'elle bénéficiait d'une réelle considération et quelle ne subissait aucune pression pour accepter ces offres ».
- un courriel de M. [M] [I] du 10 février 2021 qui indique « Monsieur le président, vous m'avez mandaté pour réaliser un accompagnement à Mme [F] qui était pressentie pour exercer des fonctions de directrice à la banque alimentaire du Gard. A ce jour je n'ai pu prendre contact avec cette dame malgré plusieurs appels de ma part, et vous lui avez demandé de m'appeler, ce qu'elle n'a pas fait. Aussi, je suis dans l'obligation de vous dire que ce comportement n'est pas digne d'une future directrice. A mon grand regret, je décline l'offre d'accompagnement de cette personne ».
- une attestation établie par M. [Y], membre du conseil d'administration et trésorier de l'association qui indique « La réorganisation de la banque alimentaire s'est avérée nécessaire afin de moderniser notre outil de travail. Le travail administratif était fait en grande partie manuellement par [U] [F]. Les membres du bureau et le CA ont décidé de se réorganiser en utilisant les outils informatiques mis à disposition par la FFBA.
- nous avons allégé son travail en répartissant de nombreuses tâches à d'autres personnes, qui sont réalisées informatiquement avec les outils adaptés.
Le poste de [U] a été recentré sur la coordination de la BA. Il était nécessaire de recentrer son poste vers un travail plus collectif ['] L'objectif était de valoriser le travail de Madame [F]. Son salaire a été augmenté de 21,58% en 4 ans entre 2018 et 2021.
J'ai mis en place lorsque j'ai pris mes fonctions de trésorier un suivi des heures supplémentaires pour chaque salarié. Chaque mois je me réfère à ces feuilles lors de la paie, le système est toujours opérationnel et le même pour chaque salarié. A aucun moment [U] [F] ne m'a informé d'heures supplémentaires. »
- un courrier du 7 avril 2021 de M. [H] à Mme [F] concernant le changement d'organigramme et la redéfinition des postes de travail signé par cette dernière le 7 avril 2021 avec la mention « lu et approuvé » qui indique « Madame,
Vous occupez actuellement, suivant vos différents contrats de travail, un poste de secrétaire administrative.
Au cours de notre dernier entretien en novembre 2020, et les différentes réunions que nous avons eues, je vous ai informé que l'organisation de la BA allait évoluer pour faire face aux nouveaux enjeux et répondre au mieux aux besoins exprimés par les associations partenaires.
Je vous ai déjà informé que les activités de votre poste seraient redéfinies. Après avoir travaillé avec chacun d'entre vous et les membres du Conseil d'Administration, un nouvel organigramme a été élaboré et a été approuvé par le Conseil d'Administration du lundi 22 mars 2021.
De ce fait, vos missions seront précisées et redéfinies. Vous recevrez ensuite un courrier avec la description de vos missions. Ni vos horaires de travail, ni votre salaire ne seront changés.
La nouvelle organisation sera mise en place et vous occuperez vos nouvelles fonctions dès la signature de l'avenant à votre contrat ».
- un avenant au contrat de travail de Mme [F] du 28 juin 2021 indiquant « au cours de l'entretien du 07/04/2021, nous avons fait le point sur l'évolution des missions et tâches que vous effectuez depuis un an.['] A l'issue de cette expérimentation et après validation par le conseil d'administration du 22 mars 2021 du nouvel organigramme nous avons convenu ensemble de vous confirmer dans ces fonctions de coordinatrice de l'activité logistique de l'entrepôt de la BA du Gard. Pour vous permettre de réaliser ces différentes missions, il est nécessaire qu'une partie du travail administratif que vous réalisez soit pris en charge par une autre personne (en cours de recrutement) et e bénévoles dédiés. Ce courrier tient lieu d'avenant à votre contrat de travail, nous avons anticipé cette évolution de fonction avec une augmentation de salaire dès décembre 2020 ».
- un courrier rédigé par M. [H] à Mme [F] qui lui a été remis en main propre le 2 septembre 2021 et qui indique « [U],
En tant que président et responsable du bon fonctionnement de la Banque Alimentaire du Gard, je me permets de te faire un rappel de certaines règles non contournables ;
À plusieurs reprises, je t'ai demandé de nous laisser l'accès à ton ordinateur et de me communiquer le mot de passe pour pouvoir accéder aux différents fichiers et applications nécessaires au fonctionnement de la BA30. Ces demandes sont restées sans effet et n'ont pas été prises en compte de ta part. Vendredi 13 août, je t'ai demandé à trois reprises de me laisser le mot de passe d'ouverture de ton ordinateur avant ton départ en congés. Tu devais le laisser sur mon bureau et me l'envoyer par SMS. N'ayant rien reçu de ta part, j'ai fait une relance par SMS sur le numéro de téléphone de la BA à 14h15. Cette demande est restée sans réponse à ce jour.
Je t'ai demandé de former [D] [O], [E] [CF] et [Z] [CV] à l'application [Localité 9], en complément du cycle de formation que ces trois derniers ont suivi, notamment pour la préparation des distributions journalières et pour t'aider dans cette tâche. Encore une fois, cette demande est restée sans effet de ta part.
Je t'ai demandé de prendre tes dispositions pour avoir une autre personne qui travaille avec toi dans ton bureau. Cette demande est également restée sans effet.
Je t'ai demandé de transférer les documents archivés sur ton ordinateur sur le Google Drive partagé et protégé. Cette demande est restée sans effet.
En tant que responsable, je t'ai demandé de porter les EPI, obligatoires sur le lieu de travail. Cette demande est restée sans effet.
Je souhaite que cette situation cesse. Pour commencer, je te demande de m'envoyer par retour de mail le mot de passe de l'ordinateur de ton bureau.
Lors de ta reprise de travail, je souhaite avoir un entretien sur ton poste et redéfinir tes prérogatives sur le fonctionnement de la BA30.
La Banque Alimentaire ne peut pas continuer à fonctionner avec une maîtrise totale du fonctionnement détenue par une seule personne, aux risques de tout bloquer en cas d'absence ou de dysfonctionnement. Dès le mois de septembre, il faudra passer au fonctionnement qui a été arrêté par le Conseil d'Administration et dont on t'a fait part, fonctionnement et réorganisation que tu as acceptés en signant l'avenant à ton contrat de travail. »
La réorganisation de la Banque Alimentaire du Gard évoquée dans les attestations et la clarification des postes de travail des employés salariés dont celui de Mme [F] relève du pouvoir de direction de l'employeur.
Au regard des éléments versés par l'intimée, il convient de relever que les attestations produites par l'appelante ne sont pas assez précises pour justifier de la réalité de propos humiliants ou dévalorisants à son égard, alors même que l'employeur démontre, au contraire, une augmentation du salaire de Mme [F] de 8,10% entre 2020 et 2021, deux propositions de postes de travail d'un niveau supérieur à son emploi de secrétaire administrative et également la volonté de décharger la salariée de certaines tâches pour la soulager.
La demande d'accès à son poste de travail et aux fichiers de la Banque Alimentaire ou de transférer des fichiers professionnels sur un compte accessible à tous ne constitue pas, de la part de l'employeur, une volonté de contrôle ou de surveillance mais la nécessité d'un accès essentiel aux données et outils de travail permettant la poursuite de l'activité en l'absence de la salariée.
Par ailleurs il a été jugé ci-dessus que Mme [F] ne justifiait pas de l'exécution déloyale du contrat de travail quant à la surveillance des salariés ou de sa mise à disposition permanente au profit de son employeur ou de demande en paiement d'heure complémentaire.
Enfin, si les éléments médicaux attestent de la dégradation de l'état de santé de Mme [F], ils ne permettent pas d'établir les faits de harcèlement moral dès lors qu'ils ne font que reprendre les déclarations de cette dernière quant à leur imputation à son activité professionnelle et qu'en outre l'inaptitude professionnelle relevée par le médecin du travail ne mentionne pas d'origine professionnelle.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur établit que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La décision du conseil de prud'hommes de Nîmes du 09 avril 2024 sera donc confirmée.
2. Sur les demandes au titre de la rupture du contrat
En application des dispositions de l'article 1152-3 toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles 1152-1 et 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement s'il l'estime non fondée qu'il doit statuer sur le licenciement postérieur (Soc., 16 février 2005, pourvoi n° 02-46.649, Bull. 2005, V, n 54 et Soc., 12 juin 2012, pourvoi n° 11-19.641, Bull. 2012, V, n° 177).
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
En l'espèce, la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur par Mme [F] étant antérieure à la déclaration de son inaptitude et son licenciement, il y a lieu d'apprécier, en premier lieu, les mérites de cette demande et de dire, en conséquence, si les manquements reprochés à la Banque Alimentaire du Gard sont constitués et suffisamment graves pour fonder le prononcé du licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
2.1 Sur la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur
Moyens des parties
Mme [F] invoque des manquements répétés et graves de la Banque Alimentaire du Gard constitués par une exécution déloyale du contrat et surtout la mise en 'uvre d'un harcèlement moral ayant dégradé son état de santé, rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
La Banque Alimentaire du Gard conteste fermement l'idée qu'elle aurait commis des manquements suffisamment graves pour justifier une résiliation judiciaire indiquant avoir toujours agi dans le respect des obligations légales et contractuelles et déniant tout harcèlement moral.
Réponse de la cour
Mme [F] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à son égard, constitutifs de harcèlement moral.
Les faits dénoncés n'étant pas caractérisés, comme la cour en a décidé supra, l'appelante a été justement déboutée par les premiers juges de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La décision déférée sera par suite confirmée sur ce point.
2.2 Sur la demande subsidiaire au titre de la nullité du licenciement pour inaptitude
Mme [F] soutient que son licenciement pour inaptitude est nul en raison du harcèlement moral commis par la Banque Alimentaire du Gard, qui est à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ayant conduit à la décision d'inaptitude.
Comme évoqué précédemment, le harcèlement moral de l'employeur n'ayant pas été caractérisé, il ne peut fonder la nullité du licenciement pour inaptitude.
Il y a donc lieu de débouter l'appelante de sa demande et de ses demandes indemnitaires subséquentes.
2.3 Sur la demande infiniment subsidiaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Moyens des parties
Mme [F] soutient que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse, car il résulte directement des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention des risques psychosociaux, en lien avec le harcèlement moral dont elle a été victime.
Elle fait valoir que la Banque Alimentaire du Gard n'a pas pris de mesure concrète de prévention, en ne produisant pas de Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), obligatoire selon l'article L4121-3-1 du Code du travail), qui aurait dû identifier et prévenir les risques psychosociaux (stress, harcèlement, surcharge de travail) et en n'associant pas la médecine du travail dans l'évaluation de ces risques Enfin, l'appelante souligne l'absence par l'employeur d'organisation de formation pratique et appropriée à la sécurité pour les salariés (article L4141-2 du Code du travail), notamment sur la gestion du stress ou des risques psychosociaux en l'espèce une vidéosurveillance abusive, l'envoi de SMS en dehors des horaires et le harcèlement moral.
La Banque Alimentaire du Gard n'a pas répondu précisément à cette demande sauf à indiquer l'absence de harcèlement moral et l'absence d'information de la salariée avant son arrêt de travail concernant des difficultés au travail.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions de d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L. 4121-2 du code du travail dispose que l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques à la source ;
3° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état de l'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Le licenciement d'un salarié pour inaptitude trouvant son origine dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est réputé sans cause réelle et sérieuse.
*****
En l'espèce, il a été jugé précédemment que l'inaptitude de Mme [F] n'avait pas pour origine le harcèlement moral invoqué par la salariée. Ainsi, en l'absence de faute de l'employeur à l'origine de l'inaptitude, le manquement ou non de ce dernier à son obligation de prévention et de sécurité n'a aucune conséquence sur le fondement du licenciement.
Il y a donc lieu de débouter Mme [F] de sa demande.
3. Sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par Mme [U] [F] partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure.
Il convient donc de débouter la Banque Alimentaire du Gard de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mis à disposition au greffe,
- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024,
Et y ajoutant,
- Déboute la banque Alimentaire du Gard de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne [U] [F] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 24/01454 - N° Portalis DBVH-V-B7I-JFQ2
AV/EB
CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE NIMES
09 avril 2024
RG :F22/00161
[F]
C/
Association BANQUE ALIMENTAIRE DU GARD
Grosse délivrée le 25 NOVEMBRE 2025 à :
- Me
- Me
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de NIMES en date du 09 Avril 2024, N°F22/00161
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Aude VENTURINI, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Mme Gaëlle MARZIN, Présidente
Mme Aude VENTURINI, Conseillère
GREFFIER :
Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 25 Septembre 2025, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 Novembre 2025.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [U] [F]
née le 23 Août 1964 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Pauline GARCIA de la SELARL PG AVOCAT, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉE :
Association BANQUE ALIMENTAIRE DU GARD
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Julien DUMAS LAIROLLE, avocat au barreau de NIMES
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 25 Novembre 2025, par mise à disposition au greffe de la cour.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
A compter du 1er décembre 2005, Mme [U] [F] a été engagée par l'association Banque Alimentaire du Gard en contrat à durée indéterminée à temps partiel 30 heures par semaine en qualité de secrétaire administrative interne après l'exécution de plusieurs contrats à durée déterminée depuis le 17 avril 2000.
Le 8 août 2022, Mme [U] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Nîmes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, évoquant une situation de harcèlement moral et d'exécution déloyale du contrat de travail par l'employeur.
Mme [F] a été placée en arrêt de travail à compter du 18 novembre 2021.
Le 2 décembre 2022, la salariée a été déclarée inapte avec impossibilité de reclassement par le médecin du travail ce qui a conduit à son licenciement le 22 décembre 2022 pour inaptitude.
Mme [U] [F] a saisi le 27 mars 2023 le conseil de prud'hommes de Nîmes d'une deuxième action afin de contester son licenciement pour inaptitude.
Le 9 avril 2024, le conseil de prud'hommes a ordonné la jonction des deux affaires et a débouté Mme [U] [F] de l'ensemble de ses demandes de la manière suivantes :
- ordonné la jonction du dossier n° RG 23/00161 avec le n° RG 22/00396,
- déboute Madame [U] [F] de l'ensemble de ses demandes,
- déboute l'association banque Alimentaire du Gard de sa demande reconventionnelle,
- dit que les dépens seront supportés par Madame [U] [F].
Le conseiller de la mise en état a, par ordonnance du 19 février 2025, ordonné la clôture au 13 mai 2025 avec fixation du dossier à l'audience du 13 juin 2025, audience reportée au 25 septembre 2025.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 23 avril 2025, Mme [U] [F] demande à la cour de :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de l'ensemble de ses demandes.
Statuant à nouveau,
- DEBOUTER l'Association Banque ALIMENTAIRE du GARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
SUR L'EXECUTION DU CONTRAT :
- JUGER que le salaire brut mensuel de référence de Madame [U] [F] est de 2.150,68 euros.
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail par l'employeur.
- JUGER que l'association Banque Alimentaire du Gard a fait une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail de Madame [U] [F].
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant de l'exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail de Madame [U] [F] par l'association Banque Alimentaire du Gard.
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande de requalification en contrat à temps plein et de rappels de salaire sur la base d'un temps plein.
- REQUALIFIER le contrat de travail à temps partiel de Madame [U] [F] en contrat de travail à temps plein à compter du 1er avril 2020.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 2.856,39 euros bruts à titre de rappel de salaire sur la base d'un temps plein, outre la somme de 285,63 euros bruts de congés payés y afférents.
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre du harcèlement moral.
- JUGER que Madame [U] [F] a fait l'objet de harcèlement moral au travail.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral.
SUR LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL :
A TITRE PRINCIPAL :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre de la résiliation judiciaire du contrat.
- PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [U] [F] aux torts de l'association Banque Alimentaire du Gard à la date du 22 décembre 2022.
- DONNER à la résiliation judiciaire du contrat de travail de Madame [U] [F] les effets d'un licenciement nul.
- JUGER que le salaire brut mensuel de référence de Madame [U] [F] est de 2.150,68 euros.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 4.301,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 430,13 euros bruts de congés payés y afférents.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 35.486,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre du licenciement nul.
- JUGER que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame [U] [F] est nul.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 4.301,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 430,13 euros bruts de congés payés y afférents.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 35.486,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.
A TITRE TRES SUBSIDIAIRE :
- INFIRMER le jugement du Conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024 en ce qu'il a débouté Madame [U] [F] de sa demande au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- JUGER que le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de Madame [U] [F] est sans cause réelle et sérieuse.
- CONDAMNER l'association Banque alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 4.301,36 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 430,13 euros bruts de congés payés y afférents.
- CONDAMNER l'association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 35.486,22 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
EN TOUTE HYPOTHESE :
- CONDAMNER l'Association Banque Alimentaire du Gard à délivrer à Madame [U] [F] des documents sociaux de fin de contrat et des bulletins de paie rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 30ème jour de la notification de l'arrêt à intervenir.
- CONDAMNER l'Association Banque Alimentaire du Gard à payer à Madame [U] [F] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel.
- ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Par conclusion récapitulatives en date du 09 octobre 2024, la Banque Alimentaire du Gard sollicite de la cour de :
- Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
et y ajoutant
- Condamner Mme [U] [F] aux dépens et à payer à la banque alimentaire du Gard la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
MOTIFS
1. Sur les demandes au titre de l'exécution du contrat
1.1 Sur l'exécution déloyale du contrat
Moyens des parties
Mme [F] soutient que l'utilisation d'un système de vidéosurveillance est abusive. Elle conteste la légitimité de la vidéosurveillance mise en place par l'employeur, qu'elle qualifie d'intrusive et disproportionnée et qui constitue une atteinte à la vie privée.
Elle expose par ailleurs, que l'envoi de SMS en dehors des heures de travail bien que non explicitement exigeants et sur son téléphone professionnel, constituaient des sollicitations répétées qui créaient une pression constante pour une disponibilité permanente, même en dehors de ses horaires contractuels bafouant son droit à la déconnexion, ce qui est contraire à l'obligation de loyauté et de bonne foi de l'employeur.
Enfin, elle fait valoir que ces pratiques (vidéosurveillance et sollicitations intempestives) ont entrainé la dégradation de son état de santé, attestée par des certificats médicaux.
La Banque Alimentaire du Gard fait valoir que les caméras ont été installées pendant le confinement COVID-19 pour protéger les locaux et les stocks, alors que l'activité était ralentie et que leur mise en place a fait l'objet d'une information préalable par écrit auprès des salariés, et des bénévoles mais aussi des associations partenaires.
Elle souligne que l'usage de la vidéosurveillance remplit un objectif légitime et est proportionné et qu'il a d'ailleurs permis la révélation de malversations (vols par des bénévoles ou un salarié), ce qui justifie son utilisation. L'association soutient que le contrôle par vidéosurveillance est proportionné puisque les caméras ne filment pas en continu les salariés dans leur bureau, mais visent les zones de stockage et de circulation.
L'association souligne que Mme [F] a signé une note attestant avoir été informée de la vidéosurveillance. Elle ne peut donc prétendre avoir subi une atteinte à sa vie privée ou une exécution déloyale du contrat.
Concernant l'envoi de message en dehors des heures de travail, la banque Alimentaire du Gard indique que le téléphone utilisé est un téléphone professionnel fourni par l'employeur et que Mme [F] pouvait l'éteindre ou ne pas répondre en dehors de ses horaires de travail.
Par ailleurs, elle souligne que les messages qui n'étaient ni répétés ni abusifs ne sollicitaient aucune demande de réponse immédiate.
Elle ajoute que l'appelante ne s'en ai jamais plainte et n'a jamais demandé le paiement d'heures supplémentaires ou signalé une surcharge de travail liée à ces messages.
Réponse de la cour
En application des dispositions des articles L 1222-1 du code du travail : " Le contrat de travail est exécuté de bonne foi " et L 1121-1 du même code « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. »
Par ailleurs l'article 1222-4 du code du travail prévoit qu'« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ».
L'employeur a un devoir de loyauté dans l'exécution du contrat de travail aussi bien en ce qui concerne la mise en 'uvre du contrat que l'application de la législation du travail.
Si l'employeur a le droit de contrôler et de surveiller l'activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser la vidéosurveillance afin de contrôler constamment l'activité des salariés. La mise en place d'une caméra dans un but de surveillance excessive des salariés est attentatoire à leur vie personnelle et à leurs droits et libertés individuelles.
Il appartient, en application de l'article 9 du code de procédure civile au salarié qui prétend que l'employeur a exécuté de façon déloyale le contrat de travail d'établir l'existence d'un fait générateur de responsabilité, du préjudice en découlant et d'un lien de causalité entre le préjudice et la faute.
*****
En l'espèce, il n'est pas contesté par la Banque Alimentaire du Gard la mise en 'uvre à compter du 25 juin 2020 de caméra de vidéoprotection. Elle justifie par ailleurs en avoir informé (pièce n°25) personnellement Mme [F] qui a signé la lettre d'information rédigée de la manière suivante « Nous vous informons qu'à compter de ce jour 25 juin 2020, la Banque Alimentaire du Gard située [Adresse 4] est dorénavant sous vidéo protection. Nous vous remercions de bien vouloir retourner un exemplaire de ce courrier signé ».
Si le positionnement des caméras n'est pas précisé dans le courrier, Mme [F] sur qui repose la charge de la preuve de l'exécution déloyale du contrat ne rapporte pas la preuve contraire des indications de son employeur précisant que les caméras ne filment pas en continu les salariés dans leur bureau, mais visent surtout les zones de stockage et de circulation et qu'elle subirait une atteinte à sa vie privée excessive par le positionnement de matériel de vidéo surveillance dans son bureau ou dans des lieux permettant de contrôler en continue ses salariés.
Au contraire, Mme [F] produit dans le constat d'huissier réalisé à partir de son téléphone portable des captures d'écrans des caméras de vidéosurveillance montrant la captation d'image de l'entrée du dépôt, du couloir de la chambre froide et du dépôt de stockage et du message de M. [H] indiquant que les caméras sont au nombre de 3.
Les attestations qu'elle verse au débat, ne font que rappeler la présence des caméras, dont les bénévoles et associations partenaires ont été informés, et du sentiment des attestants « d'être épiés chaque fois que nous venons enlever nos produits » concernant M. [AM] responsable d'une association partenaire, d'être « épiés en permanence par des caméras de surveillance » pour Mme [A] bénévole.
Ainsi, il n'est pas justifié que le système de vidéoprotection était attentatoire à la vie personnelle de Mme [F] et disproportionné au but poursuivi allégué par l'employeur, à savoir la sécurité des biens et que l'employeur a commis une faute dans l'exécution du contrat de travail en mettant en place une surveillance abusive.
Concernant l'envoi de SMS en dehors de ses heures de travail, il convient de rappeler que l'avenant au contrat de travail de Mme [F] du 1er juillet 2019 précise que ses horaires de travail sont les suivants : du lundi au vendredi de 07h30 à 13h30.
Pour justifier des heures d'envoi, elle communique un constat d'huissier du 16 décembre 2021, identifiant l'envoi de messages du président de l'association M. [H] sur un téléphone portable dont le caractère professionnel n'est pas contesté, et qui relève :
- un message du 1er avril 2020 envoyé à 3h39 dans lequel il demande à Mme [F] d'envoyer un email à la DGS pour expliquer le fonctionnement de la BA et la facturation, auquel elle répondra à 7h41 « Bjr de qui me parles-tu ' »
- un message le 3 avril 2020 envoyé à 7h20 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires informant d'une réunion l'après-midi en « visio » et qui explique la marche à suivre et donne le lien pour la réunion,
- un message du 28 juin 2020 à 16h44 dans lequel M. [H] indique à Mme [F] que dès que le point sera fait sur le retour des informations sur la vidéosurveillance, l'alarme de la BA sera mise en place et dans lequel il lui communique le code de l'alarme,
- un message du 8 juillet 2020 à 5h50 dans lequel M. [H] indique qu'il sera absent toute la semaine mais joignable par téléphone et mail et dans lequel il demande des éléments pour préparer une réunion en visio du mercredi suivant,
- un message le 15 juillet 2020 envoyé à 20h20 dans lequel M. [H] indique à Mme [F] avoir mis l'alarme et qu'elle fasse attention quand elle arrivera le matin et lui précise qu'elle peut l'appeler le lendemain au besoin.
- un message du 10 août 2020 à 20h13 dans lequel M. [H] donne des nouvelles d'une personne hospitalisée à la suite d'un malaise au sein de la Banque Alimentaire,
- un message du 8 octobre 2020 à 17h26 dans lequel M. [H] remercie Mme [F] pour ses précieux conseils, son aide et son dévouement et lui indique que la victoire qu'il y a eu lors de l'assemblée générale lui appartient aussi ;
- un message du 13 octobre 2020 à 15h43 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], le secours catholique d'[Localité 6] souhaite redémarrer l'épicerie sociale. Peux-tu lui envoyer un message pour l'informer de la démarche et dossier à fournir. Bonne fin de journée Merci », message auquel Mme [F] n'a pas répondu ; et le même jour à 18h13 dans lequel M. [H] lui demande si elle veut bien se libérer pour visiter un local pour avoir son avis en lui disant on en parle demain et auquel Mme [F] va répondre à 18h14 « Coucou [W], tu peux compter sur moi, bonne soirée à demain » ;
- un message du samedi 20 février 2021 à 6h10 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U] je vais à la BA pour préparer ce que l'on peut faire pour préparer la pose des racks ['] on m'a dit que [AT] avait laissé un courrier pour moi ' Bon WE à lundi », auquel Mme [F] va répondre à 7h55 « Bjr, oui le courrier est sur ton bureau » ;
- un message du 11 mars 2021 à 05h28 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires pour indiquer « Bonjour, ce matin je ne pourrais pas m'occuper de la BA, ma femme est malade et je reste à la maison. Merci d'annuler le rdv ['] », auquel Mme [F] va répondre à 8h31 « Bonjour [W], pour le rdv il a été annulé, tu dois avoir eu l'info ['] » ;
- un message du 20 avril 2021 envoyé à 5h43 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U] peux-tu m'appeler dès que tu seras au bureau, je dois te parler de la visite de jeudi. Merci et à toute à l'heure », message auquel Mme [F] a répondu à 05h55 « Bjr, OK, je t'appelle à mon arrivée à plus tard » ;
- un message du 14 mai 2021 à 19h21 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires pour informer de la visite d'une personne le 18 mai et de leur invitation à être présent et a indiqué ou non leur présence, message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 17 mai 2021 à 17h45 envoyé par M. [H] à plusieurs destinataires pour informer les personnes d'une altercation déroulée au sein de la BA entre deux bénévoles et de l'information du renvoi du bénévole de la banque alimentaire ; message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 2 juin 2021 à 17h55 envoyé à plusieurs destinataires du dimanche 8 août 2021 à 09h22 dans lequel M. [H] demande aux employés d'avoir le même langage que lui en donnant les explications, auprès des médias et partenaires sur une collecte organisée ; message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 22 juin 2021 à 07h03 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], j'ai une réunion avec les Présidents d'accitanie en visio, je vais travailler de chez moi. Je reste disponible au besoin [Localité 7] journée à demain » auquel Mme [F] répondra à 7h29 « Bjr, Ok bonne journée à plus tard » ;
- un message du dimanche 8 août 2021 à 09h22 dans lequel M. [H] indique « [U], je viens de voir sur mon bureau l'absence de pierre du 09 au 11, [Z] est aussi absent, je ne suis pas d'accord pour l'absence de [D] simultanément. On a reparle demain », message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- un message du 1er septembre 2021 à 17h19 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], demain tu vas recevoir la visite de m [CL], il va apporter le bail de location du local et te remettre les clefs. Il faudra que tu signes avec la mention pour ordre du président et mettre mon tampon ['] » auquel aucune réponse n'a été apportée le jour même ;
- Un message du 08 septembre 2021 à 07h15 dans lequel M. [H] indique « Bonjour [U], Merci de préparer sur [Localité 9] une antenne de la BA pour le nouveau local'. » ;
- Un message vocal du 15 septembre 2021 envoyé à 19h08 auquel Mme [F] va répondre pas SMS « Tu m'as laissé un message je n'ai lpus de réseau il y a de l'orage, ton message s'est mal enregistré » auquel M. [H] répond « on va avoir la livraison de la borne wifi demain, il faut la donner à [P] et il l'installera' » ;
- Un message du 17 septembre 2021 à 15h00 dans lequel M. [H] indique « bonjour [U], désolé de te déranger mais je dois confirmer la formation Astrée['] merci de ta réponse » auquel elle répond à 15h02 « Bjr oui il y aura 10 ou 11 personnes, t'es pas en vacances ' suivi d'un smiley ;
- Un message du 23 septembre 2021 à 06h53 dans lequel M. [H] indique « je suis désolé pour ce matin je ne peux pas venir à la BA, ma femme est en hypoglycémie et je dois attendre avant de pouvoir la laisser seule, désolé [Localité 7] journée », message auquel Mme [F] n'a pas répondu ;
- Un message du 10 octobre 2021 (un dimanche) à 19h31 dans lequel M. [H] indique « Bonsoir, je suis désolé mais demain je suis obligé chez le toubib, j'ai un lumbago. ['] Pour la réunion de direction si [X] peut faire le point avec [U] sur la distribution' » auquel aucune réponse n'a été apportée ;
- Un message du 23 octobre 2021 à 17h43 qui indique « Bonjour [U], Peux-tu avec [C] envoyer un courrier au carrefour market d'[Localité 6] pour la collecte nationale et lui indiquer ['] merci de m'indiquer s'il y un pb. Bonne soirée ». Il n'y a pas de réponse de Mme [F] à ce message.
Le constat d'huissier a donc constaté l'envoi de 23 messages en dehors des heures de travail de la salariée sur 18 mois entre le mois d'avril 2020 et d'octobre 2021.
Ainsi, si ce constat d'huissier illustre des envois de messages en dehors des heures et exceptionnellement jours de travail de Mme [F], leur contenu montre qu'ils se limitaient au cadre professionnel afin de donner des informations ou consignes d'ordre professionnel ou personnel pour indiquer une absence et n'impliquaient quasiment jamais de réponse immédiate. D'ailleurs, si Mme [F] répondait elle le faisait la plupart du temps à compter de ses heures de travail.
Par ailleurs, il convient de relever que les messages étaient envoyés sur le portable professionnel de la salariée et qu'aucun élément n'est rapporté pour indiquer qu'elle devait rester obligatoirement joignable en dehors de ses horaires de travail.
Le nombre de messages relevés sur la période permet également de constater qu'il ne peut être valablement soutenu que Mme [F] était à la disposition constante de son employeur et que son droit à la déconnexion n'était pas respecté.
Ainsi, les éléments transmis ne permettent pas de caractériser une exécution déloyale du contrat de travail par la Banque Alimentaire du Gard.
En conséquence, il convient de confirmer la décision du jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024.
1.2 Sur la demande de requalification du contrat de travail de temps partiel à temps plein
Moyens des parties
Mme [F] soutient que son contrat de travail initial conclu en 2005 et l'avenant de 2019 ne mentionnent pas les limites dans lesquelles des heures complémentaires peuvent être effectuées, comme l'exige l'article L3123-6 du Code du travail (anciennement L212-4-3) et que l'absence de ces mentions entraîne une présomption de contrat à temps plein.
Elle allègue que la banque Alimentaire du Gard ne rapporte pas la double preuve de la durée exacte du travail hebdomadaire ou mensuel et qu'elle n'était pas dans la possibilité de prévoir son rythme de travail ou qu'elle n'avait pas à se tenir constamment à disposition.
Elle indique que le constat d'huissier des échanges par SMS avec le Président de l'association prouve qu'elle était disponible en permanence, ce qui est incompatible avec un contrat à temps partiel, ne pouvant éteindre son téléphone professionnel sans risquer des reproches.
Enfin, l'appelante souligne qu'elle faisait face à une surcharge de travail étant la seule à maîtriser le logiciel [Localité 9] et à gérer les relations avec les associations partenaires, ce qui l'obligeait à travailler au-delà de ses 30 heures contractuelles.
La Banque Alimentaire du Gard fait valoir que le contrat de travail de Mme [F] date de 2005, soit avant l'entrée en vigueur de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 (dite "loi Travail"), qui a renforcé les obligations de mention des heures complémentaires dans les contrats à temps partiel.
Elle ajoute que l'avenant du 1er juillet 2019 ne modifie que la répartition des horaires sans changer la durée du travail. La Banque Alimentaire considère qu'il n'y avait donc pas lieu d'ajouter des mentions sur les heures complémentaires, car la durée hebdomadaire restait inchangée.
L'association souligne l'absence de justification ou demande par la salariée de l'exécution d'heures complémentaires.
Réponse de la cour
Selon l'article L 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.
L'avenant au contrat de travail prévu à l'article L. 3123-22 mentionne les modalités selon lesquelles des compléments d'heures peuvent être accomplis au-delà de la durée fixée par le contrat.
Par ailleurs, aux termes de l'article L. 3123-9 du code du travail « les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée de travail accomplie par un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale du travail ou, si elle est inférieure, au niveau de la durée de travail fixée conventionnellement ».
L'absence de contrat de travail écrit fait présumer que l'emploi est à temps complet et c'est à l'employeur qui conteste cette présomption qu'il incombe de rapporter la preuve, d'une part, qu'il s'agissait d'un emploi à temps partiel, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
En présence d'un contrat de travail écrit, conforme aux dispositions de l'article L 3123-14 du code du travail, il appartient au salarié qui soutient que le contrat de travail est à temps complet de démontrer qu'il n'avait pas eu préalablement connaissance de ses horaires de travail et qu'il devait ainsi se tenir en permanence à la disposition de l'employeur.
Sauf exceptions prévues par la loi, il ne peut pas être dérogé par l'employeur à l'obligation de mentionner, dans le contrat de travail à temps partiel, la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue et sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.
Ainsi, en absence d'écrit ou en cas d'insuffisance des mentions figurant au contrat, au regard des exigences légales, l'employeur peut renverser cette présomption simple de l'existence d'un contrat de travail à temps plein s'il établit que le salarié travaille effectivement à temps partiel et qu'il peut connaître ses rythmes de travail et n'est pas tenu d'être en permanence à la disposition de l'employeur.
S'agissant des heures complémentaires, l'exécution éventuellement supérieure à la limite contractuelle ne suffit pas à entraîner la requalification du contrat de travail de temps partiel en temps plein, mais permet au salarié d'obtenir le paiement des heures. En effet, aux termes de l'article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
*****
En l'espèce, il n'est pas contesté qu'un contrat de travail écrit a été conclu entre [U] [F] ([BW]) et la Banque Alimentaire du Gard le 21 novembre 2005 prévoyant un temps de travail à temps partiel de 30 heures par semaine réalisées du lundi au vendredi de 8h30 à 14h30. Les horaires de travail, sans changement ni de la durée ni des jours travaillés, ont été ensuite modifiés par avenant du 1er juillet 2019.
Par ailleurs, les bulletins de salaires produits de 2019 à 2021 indiquent tous un temps de travail mensuel de 141 heures, sans heures complémentaires mentionnées.
L'appelante avait donc parfaitement connaissance tant de la durée de son temps de travail que de ses heures et jour de travail et ne justifie donc pas avoir été contrainte de se tenir à la disposition de son employeur pendant toute la durée du contrat, comme déjà exposé ci-dessus.
Au surplus, il convient de relever que l'appelante n'a ni devant le conseil de prud'hommes, ni en appel sollicité le paiement d'heures complémentaires.
Aucune requalification du temps partiel en temps plein n'est par suite encourue.
En conséquence, la décision prud'homale du 9 avril 2024 est confirmée.
1.3 Sur le harcèlement moral
Aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, « aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
*****
Mme [F] reproche à son employeur et en particulier à M. [H] président de l'association Banque Alimentaire du Gard, un harcèlement moral consistant en:
- une surveillance abusive et climat de méfiance,
- des comportements humiliants et autoritaires en son encontre par des critiques publiques et une dévalorisation de son travail,
- des directives contradictoires créant un stress permanent,
- une surcharge de travail en raison de l'accumulation des tâches qu'elle était la seule à savoir accomplir, devant travailler au-delà de ses heures de travail,
- une volonté de réduire son influence par la mise en place d'une nouvelle organisation,
- une atteinte à sa dignité et à sa santé, les comportements répétés de M. [H] ayant dégradé ses conditions de travail et altéré sa santé, avec depuis le mois de mai 2021, un syndrome anxieux, des insomnies et brûlures gastriques, liées à son travail puis un arrêt maladie à compter du 18 novembre 2021 reconnu comme une affection de longue durée par la sécurité sociale.
Au soutien de ses allégations, l'appelante s'appuie sur les éléments suivants :
- des attestations de bénévoles, travailleurs ou membres d'associations partenaires de la Banque Alimentaire :
* M. [L], en service civique du 1er février au 1er octobre 2021, qui indique « je déclara avoir été témoin de la façon dont se comportait le président M. [W] [H] avec Mme [F] [U] et M. [CV] ['] celui-ci employait un ton exécrable en s'adressant à eux, il avait toujours quelques chose à leur reprocher sur leur travail alors que la charge de travail était de plus en plus lourde (pas assez vite, pas assez bien, ce ne sont pas mes consignes , il lui arrivait aussi qu'il ne leur dise pas bonjour , certains jours il ne leur adressait même pas la parole »,
* Mme [A], bénévole au sein de la banque alimentaire de mars 2020 à novembre 2021 qui indique « plusieurs personnes m'avaient prévenu qu'il se comportait comme un tyran, mais je refusais d'y croire. Aujourd'hui après avoir été bénévole au sein de l'association de la banque alimentaire, j'ai pu constater malheureusement par moi-même que les personnes avaient raison. Il a un comportement autoritaire, agressif et dédaigneux envers le personnel salarié et les bénévoles. Lorsqu'il est devenu président, tout a changé, avant son élection, il faisait des louanges de [U] et [Z], il disait qu'ils étaient tous les deux des employés dévoués ['] petit à petit il s'est mis à critiquer cette salariée en disant qu'elle n'en faisait jamais assez et que ce n'était jamais assez bien, qu'elle ne suivait pas ses consignes et autres. Alors qu'elle était submergée de travail, pour tout il fallait qu'on passe par [U].
Il commandait à son insu des fruits et légumes et autres alors que [U] connaissait les besoins [']. Nous avions donc beaucoup trop de marchandises. Du coup, il était furieux contre [U] et il l'accusé d'avoir trop commandé de produits. Il passait sa colère sur elle, car pour lui on devait impérativement distribuer ces marchandises aux associations »,
* Mme [R], bénévole puis employée en CDD du 1er avril au 31 décembre 2021 comme chargée de communication qui indique « durant ces mois j'ai assisté à une réelle dégradation des conditions de travail, d'un réel manque de bienveillance, de pression, de pleurs, de critiques envers les salariés. [']
Le président, s'est plaint plusieurs fois auprès de moi que [U] refusait le changement d'organisation. Il ne comprenait pas pourquoi. [']
[U] a été aussi surveillée. Pendant ses vacances, le président m'a demandé de transférer son répertoire dans le google drive partagé de la BA. En voulant lui montrer comment faire j'ai compris qu'il s'agissait en fait de transférer tous les documents de l'ordinateur de [U], j'ai refusé de le faire »,
* M. [AM], président de l'association FOI qui indique « Depuis l'élection du nouveau président et du nouveau conseil d'administration en 2020, j'ai constaté ainsi que les bénévoles de notre association qu'il y avait un malaise vis à vis des salariés Mme [F] et M. [CV] et les nouveaux membres du bureau, une charge de travail de plus en plus conséquente et une grande pression, depuis tout a été chamboulé »,
* Mme [BI], bénévole et membre du bureau jusqu'au printemps 2021 qui indique « Certes, il est nécessaire de moderniser la Banque Alimentaire (BA). Certes, la pandémie n'a facilité la tâche de personne, néanmoins les méthodes employées pour obtenir le résultat que [W] [H] souhaite sont très contestables.
L'organisation de la BA demandait à être modifiée. En conséquence, il a souhaité faire signer des avenants au contrat de travail des salariés. Quand elle a pris connaissance du descriptif de poste dans l'avenant à signer, [U] [F] a émis des réserves. À compter de cet instant, [W] [H] a commencé à la tyranniser : ordres, contre-ordres.
Il l'a accusée d'avoir établi une attestation pour un bénévole qui pourrait porter préjudice à la BA vis-à-vis de l'inspection du travail, cherchant peut-être à la licencier pour faute.
Il lui a remis des courriers urgents erronés, obligeant [U] [F] à tout recommencer, toujours dans l'urgence.
Il lui a demandé d'envoyer des mails toutes affaires cessantes aux associations pour une future formation, alors qu'elle était occupée à d'autres tâches également urgentes.
Absent lors du passage de la messagerie de la BA sous tutelle de la Fédération Française des Banques Alimentaires (FFBA), [U] [F] a été obligée de rester jusqu'à 16h, alors que son service se termine à 13h30. Il n'était pas prévu par [U] [F] de rester aussi tard. Il a (dit-il) oublié ce rendez-vous !
J'ai entendu son refus de payer les heures supplémentaires effectuées. Je ne sais pas si ces heures ont été réglées par la suite. »
- le constat d'huissier établi par Maître [J] le 16 décembre 2021 déjà examiné ci-dessus,
- un certificat du Dr. [G], médecin généraliste du 18 novembre 2021 indiquant « Madame [F] [U] présente depuis le mois de mai 2021, un syndrome anxieux, avec insomnies et brûlures gastriques, liés semble-t-il à une situation conflictuelle sur son lieu de travail. Cette symptomatologie est inhabituelle chez madame [F] »,
- un arrêt de travail initial du 18 novembre 2021 pour un mois « pour épuisement professionnel sans rapport avec une affectation de longue durée » et la prolongation du 28 février 2022 au 28 mars 2022.
- des prescriptions médicales d'antidépresseurs et de régulateur gastrique.
- un document de l'assurance maladie du 13 mai 2022 adressé à Mme [F] indiquant « votre arrêt de travail du 18/11/2021 a été reconnu en rapport avec une affection de longue durée ».
- copie d'un mail envoyé par Monsieur [H] le 28 septembre 2021 à [N] [V] conseiller ressources humaines à la fédération française des banques Alimentaires qui indique « Nous avons 4 salariés en CDI. J'ai fait des avenants à leur contrat de travail afin de clarifier leurs taches. ['] La secrétaire est aussi à 4 ans de la retraite et elle s'est accaparée toutes les tâches la rendant indispensable et intouchable.
Je suis en train de tricoter son pouvoir et former plusieurs personnes à toutes ces taches afin de ne plus être sous son emprise et chantage. Malgré qu'elle bosse beaucoup, elle freine la modernité de la BA et sa réorganisation. Peut-on envisager une séparation à l'amiable ' ».
Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que les faits décrits par la salariée, sont matériellement établis et concordants et que pris dans leur ensemble, ils laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral.
La Banque Alimentaire du Gard rétorque que les attestations produites ne sont pas probantes car elles sont vagues, générales et non étayées par des faits concrets et ont été rédigées par des personnes partiales ayant des conflits personnels avec M. [H] soulignant que Mme [A] a été exclue pour vol, Mme [R] a vu son contrat de travail à durée déterminée non renouvelé et M. [AM] a été accusé de détournement de marchandises.
L'employeur produit quant à lui :
- une attestation de M. [B] (vice-président) qui indique « depuis 2020 j'ai eu l'occasion de participer aux réunions hebdomadaires de direction du lundi matin en présence des membres du bureau et de Mme [F]. Toutes les décisions concernant le fonctionnement courant de la BA 30 étaient prises dans cette instance. Je peux témoigner que M. [H] s'est toujours montré respectueux de Mme [F]. Au contraire l'avis et l'accord de cette dernière étaient systématiquement recherchés eu égard à ses connaissance historiques sur le fonctionnement de la BA 30 ».
- une attestation de M. [K], vice-président de l'association, confirme que M. [H] a toujours été respectueux envers Mme [F] et qu'il cherchait à améliorer ses conditions de travail (augmentation de salaire, allègement des tâches).
- une attestation établie par M. [T], bénévole qui indique avoir rejoint le service administratif « pour soulager Mme [F] pour notamment 2 tâches : la facturation trimestrielle des 20 associations et la saisie et l'exploitation des fiches de présence des bénévoles.
Que ce soit du bureau à proximité de celui de Mme [F] ou lors de réunions hebdomadaires de coordination, je n'ai jamais été témoin de problèmes particulier sur ses conditions de travail ».
- les bulletins de paie de Mme [F] montrant une augmentation salariale de 1850 euros bruts en décembre 2020 à 2000 euros bruts en janvier 2021.
- une attestation rédigée par M. [S], membre du conseil d'administration qui indique « j'ai pu vérifier que Mme [F] [U] cumulait sous sa seule responsabilité, plusieurs tâches d'organisation centrale de notre association. J'ai également constaté qu'elle ne faisait aucun effort de partage de transfert des dossiers qu'elle gérait.
Afin de valoriser cet ensemble de tâches, il lui a été proposé de prendre le poste de directrice, accompagnée pour assurer au mieux cette responsabilité d'utiliser les services d'un coach. Je puis témoigner qu'elle a sciemment refusé l'une et l'autre de ces propositions. Devant ce refus réitéré, il lui a été proposé le poste de coordinatrice, assorti d'une augmentation significative de rémunération. Elle a accepté la rémunération mais a refusé de prendre le poste de coordinatrice. L'ensemble de ces propositions manifestait s'il en est besoin qu'elle bénéficiait d'une réelle considération et quelle ne subissait aucune pression pour accepter ces offres ».
- un courriel de M. [M] [I] du 10 février 2021 qui indique « Monsieur le président, vous m'avez mandaté pour réaliser un accompagnement à Mme [F] qui était pressentie pour exercer des fonctions de directrice à la banque alimentaire du Gard. A ce jour je n'ai pu prendre contact avec cette dame malgré plusieurs appels de ma part, et vous lui avez demandé de m'appeler, ce qu'elle n'a pas fait. Aussi, je suis dans l'obligation de vous dire que ce comportement n'est pas digne d'une future directrice. A mon grand regret, je décline l'offre d'accompagnement de cette personne ».
- une attestation établie par M. [Y], membre du conseil d'administration et trésorier de l'association qui indique « La réorganisation de la banque alimentaire s'est avérée nécessaire afin de moderniser notre outil de travail. Le travail administratif était fait en grande partie manuellement par [U] [F]. Les membres du bureau et le CA ont décidé de se réorganiser en utilisant les outils informatiques mis à disposition par la FFBA.
- nous avons allégé son travail en répartissant de nombreuses tâches à d'autres personnes, qui sont réalisées informatiquement avec les outils adaptés.
Le poste de [U] a été recentré sur la coordination de la BA. Il était nécessaire de recentrer son poste vers un travail plus collectif ['] L'objectif était de valoriser le travail de Madame [F]. Son salaire a été augmenté de 21,58% en 4 ans entre 2018 et 2021.
J'ai mis en place lorsque j'ai pris mes fonctions de trésorier un suivi des heures supplémentaires pour chaque salarié. Chaque mois je me réfère à ces feuilles lors de la paie, le système est toujours opérationnel et le même pour chaque salarié. A aucun moment [U] [F] ne m'a informé d'heures supplémentaires. »
- un courrier du 7 avril 2021 de M. [H] à Mme [F] concernant le changement d'organigramme et la redéfinition des postes de travail signé par cette dernière le 7 avril 2021 avec la mention « lu et approuvé » qui indique « Madame,
Vous occupez actuellement, suivant vos différents contrats de travail, un poste de secrétaire administrative.
Au cours de notre dernier entretien en novembre 2020, et les différentes réunions que nous avons eues, je vous ai informé que l'organisation de la BA allait évoluer pour faire face aux nouveaux enjeux et répondre au mieux aux besoins exprimés par les associations partenaires.
Je vous ai déjà informé que les activités de votre poste seraient redéfinies. Après avoir travaillé avec chacun d'entre vous et les membres du Conseil d'Administration, un nouvel organigramme a été élaboré et a été approuvé par le Conseil d'Administration du lundi 22 mars 2021.
De ce fait, vos missions seront précisées et redéfinies. Vous recevrez ensuite un courrier avec la description de vos missions. Ni vos horaires de travail, ni votre salaire ne seront changés.
La nouvelle organisation sera mise en place et vous occuperez vos nouvelles fonctions dès la signature de l'avenant à votre contrat ».
- un avenant au contrat de travail de Mme [F] du 28 juin 2021 indiquant « au cours de l'entretien du 07/04/2021, nous avons fait le point sur l'évolution des missions et tâches que vous effectuez depuis un an.['] A l'issue de cette expérimentation et après validation par le conseil d'administration du 22 mars 2021 du nouvel organigramme nous avons convenu ensemble de vous confirmer dans ces fonctions de coordinatrice de l'activité logistique de l'entrepôt de la BA du Gard. Pour vous permettre de réaliser ces différentes missions, il est nécessaire qu'une partie du travail administratif que vous réalisez soit pris en charge par une autre personne (en cours de recrutement) et e bénévoles dédiés. Ce courrier tient lieu d'avenant à votre contrat de travail, nous avons anticipé cette évolution de fonction avec une augmentation de salaire dès décembre 2020 ».
- un courrier rédigé par M. [H] à Mme [F] qui lui a été remis en main propre le 2 septembre 2021 et qui indique « [U],
En tant que président et responsable du bon fonctionnement de la Banque Alimentaire du Gard, je me permets de te faire un rappel de certaines règles non contournables ;
À plusieurs reprises, je t'ai demandé de nous laisser l'accès à ton ordinateur et de me communiquer le mot de passe pour pouvoir accéder aux différents fichiers et applications nécessaires au fonctionnement de la BA30. Ces demandes sont restées sans effet et n'ont pas été prises en compte de ta part. Vendredi 13 août, je t'ai demandé à trois reprises de me laisser le mot de passe d'ouverture de ton ordinateur avant ton départ en congés. Tu devais le laisser sur mon bureau et me l'envoyer par SMS. N'ayant rien reçu de ta part, j'ai fait une relance par SMS sur le numéro de téléphone de la BA à 14h15. Cette demande est restée sans réponse à ce jour.
Je t'ai demandé de former [D] [O], [E] [CF] et [Z] [CV] à l'application [Localité 9], en complément du cycle de formation que ces trois derniers ont suivi, notamment pour la préparation des distributions journalières et pour t'aider dans cette tâche. Encore une fois, cette demande est restée sans effet de ta part.
Je t'ai demandé de prendre tes dispositions pour avoir une autre personne qui travaille avec toi dans ton bureau. Cette demande est également restée sans effet.
Je t'ai demandé de transférer les documents archivés sur ton ordinateur sur le Google Drive partagé et protégé. Cette demande est restée sans effet.
En tant que responsable, je t'ai demandé de porter les EPI, obligatoires sur le lieu de travail. Cette demande est restée sans effet.
Je souhaite que cette situation cesse. Pour commencer, je te demande de m'envoyer par retour de mail le mot de passe de l'ordinateur de ton bureau.
Lors de ta reprise de travail, je souhaite avoir un entretien sur ton poste et redéfinir tes prérogatives sur le fonctionnement de la BA30.
La Banque Alimentaire ne peut pas continuer à fonctionner avec une maîtrise totale du fonctionnement détenue par une seule personne, aux risques de tout bloquer en cas d'absence ou de dysfonctionnement. Dès le mois de septembre, il faudra passer au fonctionnement qui a été arrêté par le Conseil d'Administration et dont on t'a fait part, fonctionnement et réorganisation que tu as acceptés en signant l'avenant à ton contrat de travail. »
La réorganisation de la Banque Alimentaire du Gard évoquée dans les attestations et la clarification des postes de travail des employés salariés dont celui de Mme [F] relève du pouvoir de direction de l'employeur.
Au regard des éléments versés par l'intimée, il convient de relever que les attestations produites par l'appelante ne sont pas assez précises pour justifier de la réalité de propos humiliants ou dévalorisants à son égard, alors même que l'employeur démontre, au contraire, une augmentation du salaire de Mme [F] de 8,10% entre 2020 et 2021, deux propositions de postes de travail d'un niveau supérieur à son emploi de secrétaire administrative et également la volonté de décharger la salariée de certaines tâches pour la soulager.
La demande d'accès à son poste de travail et aux fichiers de la Banque Alimentaire ou de transférer des fichiers professionnels sur un compte accessible à tous ne constitue pas, de la part de l'employeur, une volonté de contrôle ou de surveillance mais la nécessité d'un accès essentiel aux données et outils de travail permettant la poursuite de l'activité en l'absence de la salariée.
Par ailleurs il a été jugé ci-dessus que Mme [F] ne justifiait pas de l'exécution déloyale du contrat de travail quant à la surveillance des salariés ou de sa mise à disposition permanente au profit de son employeur ou de demande en paiement d'heure complémentaire.
Enfin, si les éléments médicaux attestent de la dégradation de l'état de santé de Mme [F], ils ne permettent pas d'établir les faits de harcèlement moral dès lors qu'ils ne font que reprendre les déclarations de cette dernière quant à leur imputation à son activité professionnelle et qu'en outre l'inaptitude professionnelle relevée par le médecin du travail ne mentionne pas d'origine professionnelle.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que l'employeur établit que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La décision du conseil de prud'hommes de Nîmes du 09 avril 2024 sera donc confirmée.
2. Sur les demandes au titre de la rupture du contrat
En application des dispositions de l'article 1152-3 toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des articles 1152-1 et 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.
Lorsqu'un salarié sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement s'il l'estime non fondée qu'il doit statuer sur le licenciement postérieur (Soc., 16 février 2005, pourvoi n° 02-46.649, Bull. 2005, V, n 54 et Soc., 12 juin 2012, pourvoi n° 11-19.641, Bull. 2012, V, n° 177).
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
Si le salarié n'est plus au service de son employeur au jour où il est statué sur la demande de résiliation judiciaire, cette dernière prend effet, si le juge la prononce, au jour du licenciement.
En l'espèce, la demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur par Mme [F] étant antérieure à la déclaration de son inaptitude et son licenciement, il y a lieu d'apprécier, en premier lieu, les mérites de cette demande et de dire, en conséquence, si les manquements reprochés à la Banque Alimentaire du Gard sont constitués et suffisamment graves pour fonder le prononcé du licenciement sans cause réelle et sérieuse ou nul.
2.1 Sur la demande de résiliation judiciaire aux torts de l'employeur
Moyens des parties
Mme [F] invoque des manquements répétés et graves de la Banque Alimentaire du Gard constitués par une exécution déloyale du contrat et surtout la mise en 'uvre d'un harcèlement moral ayant dégradé son état de santé, rendant impossible la poursuite du contrat de travail.
La Banque Alimentaire du Gard conteste fermement l'idée qu'elle aurait commis des manquements suffisamment graves pour justifier une résiliation judiciaire indiquant avoir toujours agi dans le respect des obligations légales et contractuelles et déniant tout harcèlement moral.
Réponse de la cour
Mme [F] sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à son égard, constitutifs de harcèlement moral.
Les faits dénoncés n'étant pas caractérisés, comme la cour en a décidé supra, l'appelante a été justement déboutée par les premiers juges de sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
La décision déférée sera par suite confirmée sur ce point.
2.2 Sur la demande subsidiaire au titre de la nullité du licenciement pour inaptitude
Mme [F] soutient que son licenciement pour inaptitude est nul en raison du harcèlement moral commis par la Banque Alimentaire du Gard, qui est à l'origine de la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé ayant conduit à la décision d'inaptitude.
Comme évoqué précédemment, le harcèlement moral de l'employeur n'ayant pas été caractérisé, il ne peut fonder la nullité du licenciement pour inaptitude.
Il y a donc lieu de débouter l'appelante de sa demande et de ses demandes indemnitaires subséquentes.
2.3 Sur la demande infiniment subsidiaire au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Moyens des parties
Mme [F] soutient que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse, car il résulte directement des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention des risques psychosociaux, en lien avec le harcèlement moral dont elle a été victime.
Elle fait valoir que la Banque Alimentaire du Gard n'a pas pris de mesure concrète de prévention, en ne produisant pas de Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP), obligatoire selon l'article L4121-3-1 du Code du travail), qui aurait dû identifier et prévenir les risques psychosociaux (stress, harcèlement, surcharge de travail) et en n'associant pas la médecine du travail dans l'évaluation de ces risques Enfin, l'appelante souligne l'absence par l'employeur d'organisation de formation pratique et appropriée à la sécurité pour les salariés (article L4141-2 du Code du travail), notamment sur la gestion du stress ou des risques psychosociaux en l'espèce une vidéosurveillance abusive, l'envoi de SMS en dehors des horaires et le harcèlement moral.
La Banque Alimentaire du Gard n'a pas répondu précisément à cette demande sauf à indiquer l'absence de harcèlement moral et l'absence d'information de la salariée avant son arrêt de travail concernant des difficultés au travail.
Réponse de la cour
Selon les dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2° Des actions de d'information et de formation ;
3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.
L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.
L'article L. 4121-2 du code du travail dispose que l'employeur met en 'uvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques à la source ;
3° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l'état de l'évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Le licenciement d'un salarié pour inaptitude trouvant son origine dans un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité est réputé sans cause réelle et sérieuse.
*****
En l'espèce, il a été jugé précédemment que l'inaptitude de Mme [F] n'avait pas pour origine le harcèlement moral invoqué par la salariée. Ainsi, en l'absence de faute de l'employeur à l'origine de l'inaptitude, le manquement ou non de ce dernier à son obligation de prévention et de sécurité n'a aucune conséquence sur le fondement du licenciement.
Il y a donc lieu de débouter Mme [F] de sa demande.
3. Sur les demandes accessoires
Les dépens de première instance et d'appel, suivant le principal, seront supportés par Mme [U] [F] partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile.
L'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il ne soit pas fait application de l'article 700 du code de procédure.
Il convient donc de débouter la Banque Alimentaire du Gard de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mis à disposition au greffe,
- Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Nîmes du 9 avril 2024,
Et y ajoutant,
- Déboute la banque Alimentaire du Gard de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamne [U] [F] aux dépens d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffière.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,