CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 25 novembre 2025, n° 24/10765
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
(n° / 2025, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/10765 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJSX3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 mars 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2022027800
APPELANTE
S.A. RENTOKIL INITIAL HOLDINGS (FRANCE) SA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 015 551 856,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Matthieu GUYOMAR de la SELARL JURISAIDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2436,
INTIMÉE
S.A.R.L. THEACOM PARTICIPATIONS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de RENNES sous le numéro 509 558 664,
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assistée de Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de RENNES,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Monsieur François VARICHON, conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présent lors de la mise à disposition.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous signature privée non daté mais signé le 30 septembre 2020 selon les déclarations concordantes des parties, la société Rentokil Initial Holdings France (ci-après dénommée 'la société Rentokil') a cédé à la société Theacom Participations les 2.906 actions de la société Medicline qu'elle détenait, représentant la totalité du capital social, moyennant un prix fixé à 100.000 euros déterminé sur la base d'un niveau de trésorerie de zéro euro.
L'acte comportait une clause de garantie d'actif et de passif, l'engagement de la société Rentokil à cet titre étant plafonné à la somme de 50.000 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2021, la société Theacom Participations, faisant valoir que la société Medicline avait découvert, à l'occasion de l'établissement de ses comptes de l'exercice clos au 30 septembre 2020, l'existence de factures impayées de fournisseurs échues antérieurement à la cession, a mis la société Rentokil en demeure de lui payer la somme de 59.643 euros en exécution de la clause de garantie de passif prévue dans l'acte de cession. La société Rentokil s'est opposée à cette demande par courrier du 2 août 2021 en faisant valoir que le délai d'information du garant prévu dans l'acte, fixé à 30 jours à compter de l'événement, n'avait pas été respecté par la société Theacom Participations. Le 10 février 2022, le conseil de la société Theacom Participations a renouvelé cette demande de paiement, que la société Rentokil a contestée pour le même motif par lettre en réponse du 22 février 2022.
Par acte du 2 juillet 2022, la société Theacom Participations a fait assigner la société Rentokil devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation à lui payer la somme de 50.000 euros ou, subsidiairement, de 59.643 euros.
Par jugement du 26 mars 2024, le tribunal a:
- condamné la société Rentokil à payer à la société Theacom Participations la somme de 50.000 euros;
- condamné la société Rentokil à payer à la société Theacom Participations la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que la société Theacom Participations était fondée à mettre en oeuvre la garantie de passif dans la limite du plafond contractuel de 50.000 euros. Il a estimé que le délai de réclamation de 30 jours prévu par la clause de garantie de passif n'était pas exigé à peine de déchéance du droit à garantie et que la société Rentokil ne faisait état d'aucun préjudice chiffré résultant de la tardiveté de la réclamation formée par la société Theacom Participations.
Le 11 juin 2024, la société Rentokil a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 1er juillet 2024, la société Rentokil demande à la cour de:
'INFIRMER le jugement rendu le 26 Mars 2024 par le Tribunal de Commerce de PARIS en ce qu'il a :
- Condamné la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE à payer à THEACOM la somme de 50.000 € ;
- Condamné la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE à payer à THEACOM la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamné la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.
EN CONSEQUENCE :
DECLARER les demandes de la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE recevables et bien fondées, et en conséquence :
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
DECLARER la Société THEACOM PARTICIPATIONS irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
A TITRE SUBSIDIAIRE, ramener le montant du par la Société RENTOKIL INTIAL HOLDINGS FRANCE à la Société THEACOM PARTICIPATIONS à la somme de 35.785,80 €.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER la Société THEACOM PARTICIPATIONS à payer à la Société RENTOKIL INITIAL HOLDING FRANCE la somme de 6.000,00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la Société THEACOM PARTICIPATIONS aux entiers dépens.'
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 30 septembre 2024, la société Theacom Participations demande à la cour de:
'A titre principal,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS en date du 26 mars 2024
A titre subsidiaire et additionnel,
CONDAMNER la société RENTOKIL INITIAL HOLDING FRANCE à payer à la société THEACOM PARTICIPATIONS la somme de 59 643 € à titre de dommages et intérêts
En tout état de cause,
DEBOUTER la société RENTOKIL INITIAL HOLDING France de toutes ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER la société RENTOKIL INITIAL HOLDING FRANCE à payer à la société THEACOM PARTICIPATIONS la somme de 6 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure Civile'.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour un plus ample exposé des faits de l'espèce et des moyens invoqués à l'appui de leurs prétentions.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 8 septembre 2025.
SUR CE,
Sur la demande principale de la société Theacom Participations de condamnation de la société Rentokil au paiement de la somme de 50.000 euros en exécution de la clause de garantie de passif
A l'appui de son appel fondé sur les dispositions de l'article 1103 du code civil, la société Rentokil fait valoir:
- que la demande de la société Theacom Participations est irrecevable pour avoir été formée tardivement; qu'en effet, l'article 2.4.1 du contrat de cession subordonne la mise en oeuvre de la garantie à l'information du garant, par le bénéficiaire, dans le délai de 30 jours de la survenance de tout événement susceptible de justifier la mise en jeu de la garantie;
- qu'en l'espèce, il est avéré que dès le 14 octobre 2020, la société Theacom Participations avait connaissance de la situation du compte fournisseur de la société Rentokil puisque par courriel de ce jour, cette dernière lui a adressé les liens contenant l'ensemble des factures clients et fournisseurs; que la société Theacom Participations a pris connaissance de ce courriel puisqu'elle y a répondu le jour même; que la société Theacom Participations a d'ailleurs elle-même produit les 21 factures litigieuses en première instance, ce qui prouve qu'elles lui avaient été communiquées au plus tard le 14 octobre 2020 puisqu'aucune autre transmission de factures n'est intervenue depuis cet envoi; que la société Theacom Participations savait bien que ces factures étaient impayées puisqu'elles ont toutes été réglées entre le 20 octobre et le 30 novembre 2020 selon ses propres indications; que la mise en jeu de la garantie n'est toutefois intervenue que par courrier du 23 juillet 2021, soit neuf mois après le paiement de la dernière facture litigieuse; que la société Theacom Participations est par conséquent forclose en sa demande;
- que par ailleurs, en payant les factures litigieuses sans avoir recueilli au préalable les observations de la société Rentokil, la société Theacom Participations a méconnu l'article 2.4.2 du contrat de cession qui l'obligeait à notifier au garant les réclamations des tiers pour lui permettre de faire valoir ses arguments; que ce faisant, la société Theacom Participations n'a pas respecté les droits de la défense de la société Rentokil et ne lui a pas permis de remettre en cause le bien-fondé des factures litigieuses; qu'à cet égard, la société Theacom Participations ne justifie, ni de la commande des prestations correspondant à ces factures, ni de leur exécution; qu'en outre, en violation du protocole de cession, elle ne lui a jamais adressé les mises en demeure qu'elle affirme avoir reçues de la part des fournisseurs impayés;
- que les critiques de la société Theacom Participations concernant la comptabilité de la société Medicline sont infondées dès lors que l'intéressée a pu faire procéder à un audit préalable au vu duquel elle a confirmé sa décision d'acquérir les actions de la société Medicline; que ses allégations de rétention d'information ne sont pas justifiées;
- que pour unique justificatif du bien-fondé de la mise en jeu de la garantie, la société Theacom Participations a transmis, en annexe à sa lettre du 23 juillet 2021, un tableau récapitulatif des factures litigieuses, imprécis et comportant des erreurs manifestes; que les factures visées dans ce document n'existant pas pour la plupart d'entre elles, la cause de l'appel en garantie était elle-même inexistante;
- qu'il résulte de ces différents éléments que la société Theacom Participations a manqué à ses obligations contractuelles s'agissant des modalités prévues pour la mise en oeuvre de la garantie; que dans ces conditions, elle ne peut invoquer le bénéfice de cette dernière;
- qu'en outre, la société Theacom Participations a toujours accepté que les dettes fournisseurs de la société Medicline soient supportées par la société Medicline sans mise en jeu de la garantie; que tel est l'objet des 'accords' évoqués dans le courriel que la société Theacom Participations lui a adressé le 14 octobre 2020; que malgré la prise en charge par la société Medicline des factures litigieuses, l'économie du contrat de cession reste très profitable à la société Theacom Participations;
- qu'à titre subsidiaire, en cas de mise en oeuvre de la garantie, la somme due à ce titre, déterminée conformément à l'article 2.3 du protocole de cession, devra être fixée à 35.785,80 euros afin de tenir compte de l'économie d'impôt réalisée par la société Medicline du fait du paiement des factures litigieuses, qui est venu minorer son résultat imposable d'un montant de 13.916,70 euros.
La société Theacom Participations réplique:
- qu'au cours du premier semestre 2021, à l'occasion de l'établissement des comptes de la société Medicline portant sur l'exercice clos le 30 septembre 2020, il est apparu que cette dernière, contrairement aux déclarations de la société Rentokil figurant à l'article 2.2.10 du contrat de cession, n'était pas à jour de ses obligations contractuelles puisqu'elle était redevable, au jour de la vente, de factures échues impayées d'un montant total de 59.643 euros; qu'elle a alors décidé de mettre en oeuvre la clause de garantie de passif stipulée dans l'acte de cession;
- que lorsque la clause de garantie ne prévoit pas expressément de déchéance de garantie dans l'hypothèse d'une information donnée au cédant ne respectant pas les formes prévues par l'accord, il appartient alors au cédant de démontrer l'existence d'un préjudice en lien avec cette faute; qu'à défaut, la déchéance de la garantie ne peut être prononcée; qu'à ce titre, il a été jugé que si le cédant connaissait les faits permettant à l'acquéreur de mettre en oeuvre la garantie, aucun préjudice ne peut alors lui être reconnu;
- qu'en l'espèce, le contrat de cession ne prévoit aucune déchéance de garantie dans l'hypothèse où l'acquéreur ne respecte pas les formes prévues l'article 2.4.1, notamment le délai de 30 jours; que l'article 2.5 de la convention confirme que le non-respect de ce délai n'est pas sanctionné pas une quelconque déchéance puisqu'il précise que la garantie peut être mise en oeuvre jusqu'à l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de la date de réalisation de la cession;
- que la société Rentokil avait connaissance des factures litigieuses avant la cession s'agissant de prestations qu'elle a commandées et qui ont été réalisées;
- qu'à supposer que la société Theacom Participations n'ait pas respecté le délai de 30 jours, la société Rentokil ne justifie d'aucun préjudice puisque le courrier du 23 juillet 2021 lui a bien été transmis dans le délai de 12 mois de l'article 2.5;
- qu'il convient de préciser que la comptabilité de la société Medicline avait été des plus difficiles à reconstituer compte tenu d'une FEC (fichier des écritures comptables) non conforme aux obligations légales; que le caractère aléatoire de la comptabilité explique sans doute que nombre de factures aient été laissées en souffrance par la société Medicline;
- que si le tableau des factures impayées qu'elle a transmis à la société Rentokil le 23 juillet 2021 comportait effectivement quelques erreurs, celles-ci ne lui ont causé aucun préjudice puisqu'elle pouvait identifier les factures en question et communiquer à la société Theacom Participations les éventuels arguments susceptibles de s'opposer à leur paiement;
- que la société Rentokil ne peut soutenir que le bien-fondé des factures communiquées ne serait pas démontré alors qu'elles correspondent toutes à des prestations réalisées de façon récurrente par des fournisseurs historiques de la société Medicline; qu'elle ne fait état d'aucune objection qui aurait pu être opposée à leur paiement;
- que contrairement à ce que soutient la société Rentokil, la société Theacom Participations n'a pas accepté de prendre à sa charge les dettes de la société Medicline échues antérieurement à la cession du 30 septembre 2020.
Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu'ils doivent être exécutés de bonne foi.
En l'espèce, l'article 2.2.10 du contrat de cession d'actions du 30 septembre 2020 stipule que la société Medicline est 'à jour de ses paiements et de l'exécution de toutes ses obligations contractuelles, comme du règlement des cotisations et charges sociales de toute nature, ainsi que de tous impôts directs ou indirects'.
L'article 2.3 comporte une clause de garantie aux termes de laquelle le garant, soit la société Rentokil, s'engage à indemniser la société Theacom Participations ou la société Medicline de tout préjudice subi par ces dernières en raison, notamment, de l'inexactitude ou de la non-exécution des déclarations et engagements figurant aux articles 2.1 et 2.2. L'article 2.5 plafonne le montant total des indemnités susceptibles d'être allouées aux bénéficiaires à la somme de 50.000 euros.
L'article 2.4.1 intitulé 'Réclamation du Bénéficiaire auprès du Garant' est libellé comme suit:
'La mise en oeuvre de la présente Garantie est subordonnée à l'information du Garant par le Bénéficiaire dans les trente (30) jours, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de la survenance de tout événement dont le Bénéficiaire devra justifier la date, de toute demande d'information, contrôle, procédure de redressement ou de toute réclamation, de notification de quelque nature qu'elle soit susceptible de justifier la mise en jeu de la garantie, accompagnée de tous justificatifs, présentée par toute personne physique ou morale, administration ou organisme se prétendant créancier de la Société, dans la mesure où le Bénéficiaire en aura eu lui-même connaissance. Ce délai est ramené à quinze (15) jours pour tout redressement ou toute réclamation en matière fiscale et sociale'.
L'article 2.4.2 prévoit que le garant, une fois informé dans les conditions précitées, s'engage à fournir une réponse dans le délai de 30 jours à compter de la réception de la réclamation, ce délai étant réduit à 15 jours en cas de passif social ou fiscal.
L'acte de cession ne prévoit pas expressément de sanction en cas de méconnaissance, par le bénéficiaire, du délai d'information de 30 jours stipulé à l'article 2.4.1. Dans une telle hypothèse, il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties.
En l'espèce, il résulte de la formulation 'La mise en oeuvre de la présente Garantie est subordonnée à l'information du Garant par le Bénéficiaire dans les trente (30) jours' (souligné ajouté par la cour) que les parties à l'acte de cession ont souhaité faire de cette formalité une condition indispensable à la mise en oeuvre de la garantie.
Contrairement à ce que soutient la société Theacom Participations, il ne peut être déduit des stipulations de l'article 2.5 du contrat de cession que les parties ont entendu n'attacher aucune conséquence au non-respect du délai d'information de 30 jours. En effet, cet article, qui stipule que 'La présente Garantie est consentie pour une période de douze (12) mois commençant à courir du Jour de la Cession', a pour unique objet de déterminer la période durant laquelle le bénéficiaire de la garantie pourra l'activer, ainsi qu'il résulte des stipulations claires et dépourvues d'ambiguïté de l'article 2.4 du contrat selon lesquelles 'Le Bénéficiaire pourra mettre en jeu la présente Garantie à tout moment jusqu'au dernier jour du délai fixé à l'Article 2.5 ci-dessous (...)'. Cette clause n'autorise nullement le bénéficiaire de la garantie à s'exonérer de son obligation d'information formulée dans les termes de l'article 2.4.1.
La méconnaissance de cette obligation contractuelle d'information du garant dans le délai de 30 jours ne constitue pas un motif d'irrecevabilité de la demande d'indemnisation du bénéficiaire de la clause de garantie, qui n'est en effet pas déchu du droit d'agir en justice à cette fin. Elle justifie en revanche le rejet de sa prétention.
Il convient désormais de déterminer si cette obligation a, ou non, été satisfaite par la société Theacom Participations.
Il résulte de son courrier du 23 juillet 2021 que la société Theacom Participations a mis en oeuvre la garantie de passif en raison de la découverte alléguée de 21 factures impayées de fournisseurs de la société Medicline exigibles antérieurement à la cession des actions de cette dernière intervenue le 30 septembre 2020. La révélation de ce passif constitue par conséquent l''événement' visé par l'article 2.4.1.
En ce qui concerne la date de cet événement, la seule production du courriel de la société Rentokil du 14 octobre 2020 ne permet pas d'avoir connaissance des documents auxquels renvoient les liens figurant dans cette correspondance. En revanche, il ressort du propre tableau dressé par la société Theacom Participations et figurant en annexe de sa mise en demeure du 23 juillet 2021 que la société Medicline a payé l'ensemble des factures litigieuses, d'un montant total de 59.643 euros, sur une période comprise entre le 12 octobre 2020 et le 10 décembre 2020. Il n'a pu lui échapper, lorsqu'elle a réglé ces factures, qu'elles constituaient un passif échu lors de la cession d'actions du 30 septembre 2020. En effet, une simple lecture de ces factures, qui sont intégralement versées aux débats, révèle que leur date d'échéance était antérieure au 1er octobre 2020. La société Theacom Participations ne peut par conséquent soutenir qu'elle a découvert'au cours du premier semestre 2021" que la société Medicline n'était pas à jour du paiement de ses fournisseurs. Il convient donc de dire que la société Theacom Participations a eu connaissance du passif litigieux au plus tard à la date de son règlement aux fournisseurs concernés, soit entre le 12 octobre 2020 et le 10 décembre 2020.
Il est constant que la société Theacom Participations n'a pas informé la société Rentokil dans le délai contractuel de 30 jours à compter de cette date. Ce n'est en effet que par un courrier recommandé du 23 juillet 2021 que la société Theacom Participations a écrit à son cocontractant pour l'aviser de la découverte d'un passif impayé échu au 30 septembre 2020 et lui réclamer le paiement de la somme de 59.643 euros.
Il est indifférent à cet égard que l'existence de ces factures ait été prétendument connue de la société Rentokil, ainsi que le soutient la société Theacom Participations, dès lors que les parties, en mettant à la charge du bénéficiaire de la garantie un devoir d'information du garant dans les termes précités de l'article 2.4.1 du contrat, n'ont pas entendu exclure de cette obligation les éléments de passif éventuellement connus du garant.
Au vu de ces éléments, la demande de la société Theacom Participations fondée sur la clause de garantie de passif sera rejetée.
Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande subsidiaire de la société Theacom Participations de condamnation de la société Rentokil au paiement de la somme de 59.643 euros à titre de dommages et intérêts pour dol
A l'appui de sa demande, la société Theacom Participations fait valoir:
- que la garantie conventionnelle stipulée dans l'acte de cession ne lui interdit pas d'invoquer les dispositions de l'article 1137 du code civil auxquelles elle n'a pas renoncé;
- que contrairement aux déclarations du cédant figurant à l'article 2.2.10 du contrat de cession, il est apparu que la société Medicline n'était pas à jour de ses obligations contractuelles puisqu'elle était redevable, au jour de la vente, de factures échues impayées d'un montant total de 59.643 euros; que la société Rentokil est restée sciemment taisante sur ces factures dont elle ne pouvait ignorer l'existence et a ainsi fait preuve de réticence dolosive dans le but de minorer le prix de cession, qui avait été fixé sur la base d'une trésorerie à zéro euro; que si la société Medicline avait procédé au paiement de ces factures avant la cession, la position du compte de trésorerie n'aurait pas été de zéro euro mais de - 59.643 euros; que son préjudice s'élève par conséquent à 59.643 euros.
- que la comptabilité de la société Medicline avait été des plus difficile à reconstituer compte tenu d'un FEC non conforme aux obligations légales; qu'il est alors aisé de comprendre que la société Rentokil soit restée taisante sur ce point;
- que l'audit préalable qu'elle a réalisé n'a pas permis d'avoir accès à toutes les informations.
La société Rentokil objecte:
- que la société Theacom Participations ne peut invoquer un quelconque dol et une dissimulation d'information alors qu'elle a réalisé un audit préalable à son acquisition;
- qu'à aucun moment la société Theacom Participations n'a conditionné son engagement aux fait que l'ensemble des dettes fournisseurs soient acquittées au jour de la réalisation de la cession; que l'existence de factures impayées d'un montant de 59.643 euros au jour de la cession, à supposer que la société Theacom Participations n'en ait pas eu connaissance, n'aurait en aucun cas remis en cause son consentement tant en ce qui concerne la cession que son prix;
- qu'en outre, la demande de la société Theacom Participations est irrecevable car seule la clause contractuelle de garantie a vocation à s'appliquer en cas de déclaration inexacte de la société Rentokil;
- que la société Theacom Participations n'a subi aucun préjudice compte tenu du faible prix d'acquisition de la société Medicline et des créances clients recouvrées post cession dont le montant de 290.947,93 euros excède la somme de 59.643 euros correspondant aux factures litigieuses qu'elle a acquittées.
Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Il appartient au cocontractant qui se prévaut d'un dol d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il ne résulte d'aucune des stipulations du contrat de cession que la société Theacom Participations aurait renoncé à se prévaloir des dispositions précitées du code civil relatives au dol. Il convient donc d'examiner le bien-fondé de la demande qu'elle forme à ce titre.
Il est établi que la déclaration figurant 2.2.10 du contrat de cession du 30 septembre 2020 était inexacte puisqu'il est apparu que la société Medicline était redevable, au jour de la cession, de factures impayées de 59.643 euros.
Pour autant, la société Theacom Participations ne rapporte pas la preuve d'une intention dolosive de la société Rentokil, c'est-à-dire d'une volonté délibérée de cette dernière de lui dissimuler l'existence du passif de sa filiale dans le but de la conduire à acquérir ses actions aux conditions convenues dans l'acte. Ainsi, l'intimée ne démontre pas que les documents comptables auxquels elle a eu accès et qu'elle s'est fait remettre par la société Rentokil et la société Medicline à l'occasion de l'audit qu'elle a fait pratiquer, dont la liste détaillée figure à l'article 1.9 de l'acte de cession, ne lui permettaient pas d'avoir connaissance du passif litigieux. Par ailleurs, le fait que la comptabilité de la société Medicline ait été imprécise selon les déclarations de la société Theacom Participations, ce qu'aucune pièce ne vient corroborer au demeurant, ne suffit pas à caractériser l'existence d'une manoeuvre dolosive imputable à sa société mère, la société Rentokil.
La demande indemnitaire de la société Theacom Participations fondée sur le dol sera donc rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Theacom Participations sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. En conséquence, sa demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.
L'équité commande de la condamner à payer à la société Rentokil la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Theacom Participations de ses demandes de condamnation de la société Rentokil à lui payer les sommes de 50.000 euros à titre principal ou 59.643 euros à titre subsidiaire,
Déboute la société Theacom Participations de sa demande de condamnation de la société Rentokil à lui payer la somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile,
Condamne la société Theacom Participations a payer à la société Rentokil la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Theacom Participations aux dépens de première instance et d'appel.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
(n° / 2025, 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/10765 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJSX3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 mars 2024 -Tribunal de commerce de PARIS - RG n° 2022027800
APPELANTE
S.A. RENTOKIL INITIAL HOLDINGS (FRANCE) SA, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 015 551 856,
Dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et assistée de Me Matthieu GUYOMAR de la SELARL JURISAIDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2436,
INTIMÉE
S.A.R.L. THEACOM PARTICIPATIONS, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de RENNES sous le numéro 509 558 664,
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LX PARIS-VERSAILLES-REIMS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assistée de Me Benoît GICQUEL de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de RENNES,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur François VARICHON, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Madame Constance LACHEZE, conseillère,
Monsieur François VARICHON, conseiller.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- Contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et par Liselotte FENOUIL, greffière, présent lors de la mise à disposition.
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FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous signature privée non daté mais signé le 30 septembre 2020 selon les déclarations concordantes des parties, la société Rentokil Initial Holdings France (ci-après dénommée 'la société Rentokil') a cédé à la société Theacom Participations les 2.906 actions de la société Medicline qu'elle détenait, représentant la totalité du capital social, moyennant un prix fixé à 100.000 euros déterminé sur la base d'un niveau de trésorerie de zéro euro.
L'acte comportait une clause de garantie d'actif et de passif, l'engagement de la société Rentokil à cet titre étant plafonné à la somme de 50.000 euros.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juillet 2021, la société Theacom Participations, faisant valoir que la société Medicline avait découvert, à l'occasion de l'établissement de ses comptes de l'exercice clos au 30 septembre 2020, l'existence de factures impayées de fournisseurs échues antérieurement à la cession, a mis la société Rentokil en demeure de lui payer la somme de 59.643 euros en exécution de la clause de garantie de passif prévue dans l'acte de cession. La société Rentokil s'est opposée à cette demande par courrier du 2 août 2021 en faisant valoir que le délai d'information du garant prévu dans l'acte, fixé à 30 jours à compter de l'événement, n'avait pas été respecté par la société Theacom Participations. Le 10 février 2022, le conseil de la société Theacom Participations a renouvelé cette demande de paiement, que la société Rentokil a contestée pour le même motif par lettre en réponse du 22 février 2022.
Par acte du 2 juillet 2022, la société Theacom Participations a fait assigner la société Rentokil devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de condamnation à lui payer la somme de 50.000 euros ou, subsidiairement, de 59.643 euros.
Par jugement du 26 mars 2024, le tribunal a:
- condamné la société Rentokil à payer à la société Theacom Participations la somme de 50.000 euros;
- condamné la société Rentokil à payer à la société Theacom Participations la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Pour statuer comme il l'a fait, le tribunal a considéré que la société Theacom Participations était fondée à mettre en oeuvre la garantie de passif dans la limite du plafond contractuel de 50.000 euros. Il a estimé que le délai de réclamation de 30 jours prévu par la clause de garantie de passif n'était pas exigé à peine de déchéance du droit à garantie et que la société Rentokil ne faisait état d'aucun préjudice chiffré résultant de la tardiveté de la réclamation formée par la société Theacom Participations.
Le 11 juin 2024, la société Rentokil a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 1er juillet 2024, la société Rentokil demande à la cour de:
'INFIRMER le jugement rendu le 26 Mars 2024 par le Tribunal de Commerce de PARIS en ce qu'il a :
- Condamné la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE à payer à THEACOM la somme de 50.000 € ;
- Condamné la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE à payer à THEACOM la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- Condamné la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 € dont 11,60 € de TVA.
EN CONSEQUENCE :
DECLARER les demandes de la Société RENTOKIL INITIAL HOLDINGS FRANCE recevables et bien fondées, et en conséquence :
Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,
DECLARER la Société THEACOM PARTICIPATIONS irrecevable et mal fondée en toutes ses demandes, et l'en débouter ;
A TITRE SUBSIDIAIRE, ramener le montant du par la Société RENTOKIL INTIAL HOLDINGS FRANCE à la Société THEACOM PARTICIPATIONS à la somme de 35.785,80 €.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER la Société THEACOM PARTICIPATIONS à payer à la Société RENTOKIL INITIAL HOLDING FRANCE la somme de 6.000,00 euros par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la Société THEACOM PARTICIPATIONS aux entiers dépens.'
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 30 septembre 2024, la société Theacom Participations demande à la cour de:
'A titre principal,
CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS en date du 26 mars 2024
A titre subsidiaire et additionnel,
CONDAMNER la société RENTOKIL INITIAL HOLDING FRANCE à payer à la société THEACOM PARTICIPATIONS la somme de 59 643 € à titre de dommages et intérêts
En tout état de cause,
DEBOUTER la société RENTOKIL INITIAL HOLDING France de toutes ses demandes, fins et conclusions,
CONDAMNER la société RENTOKIL INITIAL HOLDING FRANCE à payer à la société THEACOM PARTICIPATIONS la somme de 6 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de Procédure Civile'.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions précitées des parties pour un plus ample exposé des faits de l'espèce et des moyens invoqués à l'appui de leurs prétentions.
L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 8 septembre 2025.
SUR CE,
Sur la demande principale de la société Theacom Participations de condamnation de la société Rentokil au paiement de la somme de 50.000 euros en exécution de la clause de garantie de passif
A l'appui de son appel fondé sur les dispositions de l'article 1103 du code civil, la société Rentokil fait valoir:
- que la demande de la société Theacom Participations est irrecevable pour avoir été formée tardivement; qu'en effet, l'article 2.4.1 du contrat de cession subordonne la mise en oeuvre de la garantie à l'information du garant, par le bénéficiaire, dans le délai de 30 jours de la survenance de tout événement susceptible de justifier la mise en jeu de la garantie;
- qu'en l'espèce, il est avéré que dès le 14 octobre 2020, la société Theacom Participations avait connaissance de la situation du compte fournisseur de la société Rentokil puisque par courriel de ce jour, cette dernière lui a adressé les liens contenant l'ensemble des factures clients et fournisseurs; que la société Theacom Participations a pris connaissance de ce courriel puisqu'elle y a répondu le jour même; que la société Theacom Participations a d'ailleurs elle-même produit les 21 factures litigieuses en première instance, ce qui prouve qu'elles lui avaient été communiquées au plus tard le 14 octobre 2020 puisqu'aucune autre transmission de factures n'est intervenue depuis cet envoi; que la société Theacom Participations savait bien que ces factures étaient impayées puisqu'elles ont toutes été réglées entre le 20 octobre et le 30 novembre 2020 selon ses propres indications; que la mise en jeu de la garantie n'est toutefois intervenue que par courrier du 23 juillet 2021, soit neuf mois après le paiement de la dernière facture litigieuse; que la société Theacom Participations est par conséquent forclose en sa demande;
- que par ailleurs, en payant les factures litigieuses sans avoir recueilli au préalable les observations de la société Rentokil, la société Theacom Participations a méconnu l'article 2.4.2 du contrat de cession qui l'obligeait à notifier au garant les réclamations des tiers pour lui permettre de faire valoir ses arguments; que ce faisant, la société Theacom Participations n'a pas respecté les droits de la défense de la société Rentokil et ne lui a pas permis de remettre en cause le bien-fondé des factures litigieuses; qu'à cet égard, la société Theacom Participations ne justifie, ni de la commande des prestations correspondant à ces factures, ni de leur exécution; qu'en outre, en violation du protocole de cession, elle ne lui a jamais adressé les mises en demeure qu'elle affirme avoir reçues de la part des fournisseurs impayés;
- que les critiques de la société Theacom Participations concernant la comptabilité de la société Medicline sont infondées dès lors que l'intéressée a pu faire procéder à un audit préalable au vu duquel elle a confirmé sa décision d'acquérir les actions de la société Medicline; que ses allégations de rétention d'information ne sont pas justifiées;
- que pour unique justificatif du bien-fondé de la mise en jeu de la garantie, la société Theacom Participations a transmis, en annexe à sa lettre du 23 juillet 2021, un tableau récapitulatif des factures litigieuses, imprécis et comportant des erreurs manifestes; que les factures visées dans ce document n'existant pas pour la plupart d'entre elles, la cause de l'appel en garantie était elle-même inexistante;
- qu'il résulte de ces différents éléments que la société Theacom Participations a manqué à ses obligations contractuelles s'agissant des modalités prévues pour la mise en oeuvre de la garantie; que dans ces conditions, elle ne peut invoquer le bénéfice de cette dernière;
- qu'en outre, la société Theacom Participations a toujours accepté que les dettes fournisseurs de la société Medicline soient supportées par la société Medicline sans mise en jeu de la garantie; que tel est l'objet des 'accords' évoqués dans le courriel que la société Theacom Participations lui a adressé le 14 octobre 2020; que malgré la prise en charge par la société Medicline des factures litigieuses, l'économie du contrat de cession reste très profitable à la société Theacom Participations;
- qu'à titre subsidiaire, en cas de mise en oeuvre de la garantie, la somme due à ce titre, déterminée conformément à l'article 2.3 du protocole de cession, devra être fixée à 35.785,80 euros afin de tenir compte de l'économie d'impôt réalisée par la société Medicline du fait du paiement des factures litigieuses, qui est venu minorer son résultat imposable d'un montant de 13.916,70 euros.
La société Theacom Participations réplique:
- qu'au cours du premier semestre 2021, à l'occasion de l'établissement des comptes de la société Medicline portant sur l'exercice clos le 30 septembre 2020, il est apparu que cette dernière, contrairement aux déclarations de la société Rentokil figurant à l'article 2.2.10 du contrat de cession, n'était pas à jour de ses obligations contractuelles puisqu'elle était redevable, au jour de la vente, de factures échues impayées d'un montant total de 59.643 euros; qu'elle a alors décidé de mettre en oeuvre la clause de garantie de passif stipulée dans l'acte de cession;
- que lorsque la clause de garantie ne prévoit pas expressément de déchéance de garantie dans l'hypothèse d'une information donnée au cédant ne respectant pas les formes prévues par l'accord, il appartient alors au cédant de démontrer l'existence d'un préjudice en lien avec cette faute; qu'à défaut, la déchéance de la garantie ne peut être prononcée; qu'à ce titre, il a été jugé que si le cédant connaissait les faits permettant à l'acquéreur de mettre en oeuvre la garantie, aucun préjudice ne peut alors lui être reconnu;
- qu'en l'espèce, le contrat de cession ne prévoit aucune déchéance de garantie dans l'hypothèse où l'acquéreur ne respecte pas les formes prévues l'article 2.4.1, notamment le délai de 30 jours; que l'article 2.5 de la convention confirme que le non-respect de ce délai n'est pas sanctionné pas une quelconque déchéance puisqu'il précise que la garantie peut être mise en oeuvre jusqu'à l'expiration d'un délai de 12 mois à compter de la date de réalisation de la cession;
- que la société Rentokil avait connaissance des factures litigieuses avant la cession s'agissant de prestations qu'elle a commandées et qui ont été réalisées;
- qu'à supposer que la société Theacom Participations n'ait pas respecté le délai de 30 jours, la société Rentokil ne justifie d'aucun préjudice puisque le courrier du 23 juillet 2021 lui a bien été transmis dans le délai de 12 mois de l'article 2.5;
- qu'il convient de préciser que la comptabilité de la société Medicline avait été des plus difficiles à reconstituer compte tenu d'une FEC (fichier des écritures comptables) non conforme aux obligations légales; que le caractère aléatoire de la comptabilité explique sans doute que nombre de factures aient été laissées en souffrance par la société Medicline;
- que si le tableau des factures impayées qu'elle a transmis à la société Rentokil le 23 juillet 2021 comportait effectivement quelques erreurs, celles-ci ne lui ont causé aucun préjudice puisqu'elle pouvait identifier les factures en question et communiquer à la société Theacom Participations les éventuels arguments susceptibles de s'opposer à leur paiement;
- que la société Rentokil ne peut soutenir que le bien-fondé des factures communiquées ne serait pas démontré alors qu'elles correspondent toutes à des prestations réalisées de façon récurrente par des fournisseurs historiques de la société Medicline; qu'elle ne fait état d'aucune objection qui aurait pu être opposée à leur paiement;
- que contrairement à ce que soutient la société Rentokil, la société Theacom Participations n'a pas accepté de prendre à sa charge les dettes de la société Medicline échues antérieurement à la cession du 30 septembre 2020.
Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu'ils doivent être exécutés de bonne foi.
En l'espèce, l'article 2.2.10 du contrat de cession d'actions du 30 septembre 2020 stipule que la société Medicline est 'à jour de ses paiements et de l'exécution de toutes ses obligations contractuelles, comme du règlement des cotisations et charges sociales de toute nature, ainsi que de tous impôts directs ou indirects'.
L'article 2.3 comporte une clause de garantie aux termes de laquelle le garant, soit la société Rentokil, s'engage à indemniser la société Theacom Participations ou la société Medicline de tout préjudice subi par ces dernières en raison, notamment, de l'inexactitude ou de la non-exécution des déclarations et engagements figurant aux articles 2.1 et 2.2. L'article 2.5 plafonne le montant total des indemnités susceptibles d'être allouées aux bénéficiaires à la somme de 50.000 euros.
L'article 2.4.1 intitulé 'Réclamation du Bénéficiaire auprès du Garant' est libellé comme suit:
'La mise en oeuvre de la présente Garantie est subordonnée à l'information du Garant par le Bénéficiaire dans les trente (30) jours, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, de la survenance de tout événement dont le Bénéficiaire devra justifier la date, de toute demande d'information, contrôle, procédure de redressement ou de toute réclamation, de notification de quelque nature qu'elle soit susceptible de justifier la mise en jeu de la garantie, accompagnée de tous justificatifs, présentée par toute personne physique ou morale, administration ou organisme se prétendant créancier de la Société, dans la mesure où le Bénéficiaire en aura eu lui-même connaissance. Ce délai est ramené à quinze (15) jours pour tout redressement ou toute réclamation en matière fiscale et sociale'.
L'article 2.4.2 prévoit que le garant, une fois informé dans les conditions précitées, s'engage à fournir une réponse dans le délai de 30 jours à compter de la réception de la réclamation, ce délai étant réduit à 15 jours en cas de passif social ou fiscal.
L'acte de cession ne prévoit pas expressément de sanction en cas de méconnaissance, par le bénéficiaire, du délai d'information de 30 jours stipulé à l'article 2.4.1. Dans une telle hypothèse, il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties.
En l'espèce, il résulte de la formulation 'La mise en oeuvre de la présente Garantie est subordonnée à l'information du Garant par le Bénéficiaire dans les trente (30) jours' (souligné ajouté par la cour) que les parties à l'acte de cession ont souhaité faire de cette formalité une condition indispensable à la mise en oeuvre de la garantie.
Contrairement à ce que soutient la société Theacom Participations, il ne peut être déduit des stipulations de l'article 2.5 du contrat de cession que les parties ont entendu n'attacher aucune conséquence au non-respect du délai d'information de 30 jours. En effet, cet article, qui stipule que 'La présente Garantie est consentie pour une période de douze (12) mois commençant à courir du Jour de la Cession', a pour unique objet de déterminer la période durant laquelle le bénéficiaire de la garantie pourra l'activer, ainsi qu'il résulte des stipulations claires et dépourvues d'ambiguïté de l'article 2.4 du contrat selon lesquelles 'Le Bénéficiaire pourra mettre en jeu la présente Garantie à tout moment jusqu'au dernier jour du délai fixé à l'Article 2.5 ci-dessous (...)'. Cette clause n'autorise nullement le bénéficiaire de la garantie à s'exonérer de son obligation d'information formulée dans les termes de l'article 2.4.1.
La méconnaissance de cette obligation contractuelle d'information du garant dans le délai de 30 jours ne constitue pas un motif d'irrecevabilité de la demande d'indemnisation du bénéficiaire de la clause de garantie, qui n'est en effet pas déchu du droit d'agir en justice à cette fin. Elle justifie en revanche le rejet de sa prétention.
Il convient désormais de déterminer si cette obligation a, ou non, été satisfaite par la société Theacom Participations.
Il résulte de son courrier du 23 juillet 2021 que la société Theacom Participations a mis en oeuvre la garantie de passif en raison de la découverte alléguée de 21 factures impayées de fournisseurs de la société Medicline exigibles antérieurement à la cession des actions de cette dernière intervenue le 30 septembre 2020. La révélation de ce passif constitue par conséquent l''événement' visé par l'article 2.4.1.
En ce qui concerne la date de cet événement, la seule production du courriel de la société Rentokil du 14 octobre 2020 ne permet pas d'avoir connaissance des documents auxquels renvoient les liens figurant dans cette correspondance. En revanche, il ressort du propre tableau dressé par la société Theacom Participations et figurant en annexe de sa mise en demeure du 23 juillet 2021 que la société Medicline a payé l'ensemble des factures litigieuses, d'un montant total de 59.643 euros, sur une période comprise entre le 12 octobre 2020 et le 10 décembre 2020. Il n'a pu lui échapper, lorsqu'elle a réglé ces factures, qu'elles constituaient un passif échu lors de la cession d'actions du 30 septembre 2020. En effet, une simple lecture de ces factures, qui sont intégralement versées aux débats, révèle que leur date d'échéance était antérieure au 1er octobre 2020. La société Theacom Participations ne peut par conséquent soutenir qu'elle a découvert'au cours du premier semestre 2021" que la société Medicline n'était pas à jour du paiement de ses fournisseurs. Il convient donc de dire que la société Theacom Participations a eu connaissance du passif litigieux au plus tard à la date de son règlement aux fournisseurs concernés, soit entre le 12 octobre 2020 et le 10 décembre 2020.
Il est constant que la société Theacom Participations n'a pas informé la société Rentokil dans le délai contractuel de 30 jours à compter de cette date. Ce n'est en effet que par un courrier recommandé du 23 juillet 2021 que la société Theacom Participations a écrit à son cocontractant pour l'aviser de la découverte d'un passif impayé échu au 30 septembre 2020 et lui réclamer le paiement de la somme de 59.643 euros.
Il est indifférent à cet égard que l'existence de ces factures ait été prétendument connue de la société Rentokil, ainsi que le soutient la société Theacom Participations, dès lors que les parties, en mettant à la charge du bénéficiaire de la garantie un devoir d'information du garant dans les termes précités de l'article 2.4.1 du contrat, n'ont pas entendu exclure de cette obligation les éléments de passif éventuellement connus du garant.
Au vu de ces éléments, la demande de la société Theacom Participations fondée sur la clause de garantie de passif sera rejetée.
Le jugement sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Sur la demande subsidiaire de la société Theacom Participations de condamnation de la société Rentokil au paiement de la somme de 59.643 euros à titre de dommages et intérêts pour dol
A l'appui de sa demande, la société Theacom Participations fait valoir:
- que la garantie conventionnelle stipulée dans l'acte de cession ne lui interdit pas d'invoquer les dispositions de l'article 1137 du code civil auxquelles elle n'a pas renoncé;
- que contrairement aux déclarations du cédant figurant à l'article 2.2.10 du contrat de cession, il est apparu que la société Medicline n'était pas à jour de ses obligations contractuelles puisqu'elle était redevable, au jour de la vente, de factures échues impayées d'un montant total de 59.643 euros; que la société Rentokil est restée sciemment taisante sur ces factures dont elle ne pouvait ignorer l'existence et a ainsi fait preuve de réticence dolosive dans le but de minorer le prix de cession, qui avait été fixé sur la base d'une trésorerie à zéro euro; que si la société Medicline avait procédé au paiement de ces factures avant la cession, la position du compte de trésorerie n'aurait pas été de zéro euro mais de - 59.643 euros; que son préjudice s'élève par conséquent à 59.643 euros.
- que la comptabilité de la société Medicline avait été des plus difficile à reconstituer compte tenu d'un FEC non conforme aux obligations légales; qu'il est alors aisé de comprendre que la société Rentokil soit restée taisante sur ce point;
- que l'audit préalable qu'elle a réalisé n'a pas permis d'avoir accès à toutes les informations.
La société Rentokil objecte:
- que la société Theacom Participations ne peut invoquer un quelconque dol et une dissimulation d'information alors qu'elle a réalisé un audit préalable à son acquisition;
- qu'à aucun moment la société Theacom Participations n'a conditionné son engagement aux fait que l'ensemble des dettes fournisseurs soient acquittées au jour de la réalisation de la cession; que l'existence de factures impayées d'un montant de 59.643 euros au jour de la cession, à supposer que la société Theacom Participations n'en ait pas eu connaissance, n'aurait en aucun cas remis en cause son consentement tant en ce qui concerne la cession que son prix;
- qu'en outre, la demande de la société Theacom Participations est irrecevable car seule la clause contractuelle de garantie a vocation à s'appliquer en cas de déclaration inexacte de la société Rentokil;
- que la société Theacom Participations n'a subi aucun préjudice compte tenu du faible prix d'acquisition de la société Medicline et des créances clients recouvrées post cession dont le montant de 290.947,93 euros excède la somme de 59.643 euros correspondant aux factures litigieuses qu'elle a acquittées.
Aux termes de l'article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Il appartient au cocontractant qui se prévaut d'un dol d'en rapporter la preuve.
En l'espèce, il ne résulte d'aucune des stipulations du contrat de cession que la société Theacom Participations aurait renoncé à se prévaloir des dispositions précitées du code civil relatives au dol. Il convient donc d'examiner le bien-fondé de la demande qu'elle forme à ce titre.
Il est établi que la déclaration figurant 2.2.10 du contrat de cession du 30 septembre 2020 était inexacte puisqu'il est apparu que la société Medicline était redevable, au jour de la cession, de factures impayées de 59.643 euros.
Pour autant, la société Theacom Participations ne rapporte pas la preuve d'une intention dolosive de la société Rentokil, c'est-à-dire d'une volonté délibérée de cette dernière de lui dissimuler l'existence du passif de sa filiale dans le but de la conduire à acquérir ses actions aux conditions convenues dans l'acte. Ainsi, l'intimée ne démontre pas que les documents comptables auxquels elle a eu accès et qu'elle s'est fait remettre par la société Rentokil et la société Medicline à l'occasion de l'audit qu'elle a fait pratiquer, dont la liste détaillée figure à l'article 1.9 de l'acte de cession, ne lui permettaient pas d'avoir connaissance du passif litigieux. Par ailleurs, le fait que la comptabilité de la société Medicline ait été imprécise selon les déclarations de la société Theacom Participations, ce qu'aucune pièce ne vient corroborer au demeurant, ne suffit pas à caractériser l'existence d'une manoeuvre dolosive imputable à sa société mère, la société Rentokil.
La demande indemnitaire de la société Theacom Participations fondée sur le dol sera donc rejetée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
La société Theacom Participations sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. En conséquence, sa demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée.
L'équité commande de la condamner à payer à la société Rentokil la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déboute la société Theacom Participations de ses demandes de condamnation de la société Rentokil à lui payer les sommes de 50.000 euros à titre principal ou 59.643 euros à titre subsidiaire,
Déboute la société Theacom Participations de sa demande de condamnation de la société Rentokil à lui payer la somme de 6.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile,
Condamne la société Theacom Participations a payer à la société Rentokil la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Theacom Participations aux dépens de première instance et d'appel.
Liselotte FENOUIL
Greffière
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT
Présidente