CA Angers, ch. a - com., 25 novembre 2025, n° 21/00803
ANGERS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
D'[Localité 8]
CHAMBRE A - COMMERCIALE
JC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 21/00803 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZSN
jugement du 19 Février 2021
Tribunal de Commerce de du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 2020001287
ARRET DU 25 NOVEMBRE 2025
APPELANTS :
Madame [M] [S] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Monsieur [L] [H]
né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 10]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentés par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21A01109 substitué par Me'Christophe RIHET et par Me Anthony BEM, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A. BNP PARIBAS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20200074 substituée par Me Claire MANGIN
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 22 Septembre 2025 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme LAURENT, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 25 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL Davemar est une société holding qui est dirigée par M. [Y] [H]. Par un acte sous seing privé du [Date décès 5] 2008, elle a souscrit un prêt professionnel auprès de la SA BNP Paribas d'un montant global de 608 300 euros décomposé en quatre tranches, destiné au financement de l'acquisition de 49 % du capital social de la SAS [H] France Armatures.
M. [L] [H] et Mme [M] [S] épouse [H], les parents de M.'[Y] [H], se sont chacun portés cautions solidaires de la SARL Davemar à hauteur de 394 543,38 euros et pour une durée déterminée de 108 mois.
Le 8 mars 2011, un avenant au contrat de prêt a été signé pour reporter d'une année des amortissements en capital de chacune des quatre tranches. M. et Mme'[H] ont réitéré leurs engagements de caution à cette occasion, dans les mêmes termes.
Par un jugement du 14 juin 2012, le tribunal de commerce de Sedan a placé la SARL Davemar en redressement judiciaire. La SA BNP Paribas a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, par une lettre du 13 juillet 2012, pour un montant global de 565 645,67 euros et à titre privilégié.
Un plan de redressement a été adopté par un jugement du 27 mars 2014, prévoyant notamment le remboursement de l'intégralité de la créance de la SA'BNP Paribas sur dix ans avec des échéances progressives allant de 0,50 % à 50 % au terme de la dixième année.
Les deux premières annuités ont été versées le 21 février 2017 et la troisième annuité a été versée le 09 octobre 2017. Les échéances suivantes sont restées impayées.
Par des lettres du 8 août 2019, la SA BNP Paribas a alors mis M. et Mme [H] en demeure, en leur qualité de cautions, de lui régler le montant des deux annuités du plan de redressement restées impayées pour un montant total de 56'564,58 euros.
Le 20 septembre 2019, M. et Mme [H] ont répondu être dans l'incapacité de régler les sommes réclamées et ils ont précisé que le rebond de l'actívité de la SAS [H] France Armatures devait permettre d'exécuter le plan de redressement de la SARL Davemar dans les meilleurs délais.
Aucun paiement n'étant intervenu, la SA BNP Paribas a notifié à M. et Mme'[H] la déchéance du terme du contrat de prêt par des lettres du 21 janvier 2020. Elle a notifié à M. et Mme [H] l'exigibilité de leur dette au titre de leurs cautionnements et, par des actes du 17 février 2020, elle les a assignés en paiement devant le tribunal de commerce de Le Mans.
Par un jugement du 26 novembre 2020, le tribunal de commerce de Sedan a converti le redressement judiciaire de la SARL Davemar en une liquidation judiciaire.
Par un jugement du 19 février 2021, le tribunal de commerce du Mans a :
- déclaré la SA BNP Paribas recevable et bien fondée en son action,
- constaté l'inexécution partielle du plan de redressement par la SARL Davemar,
- constaté l'exigíbilité du prêt et l'inexécution par M. et Mme [H] de leurs engagements de caution,
- dit que M. et Mme [H] ont été dûment informés de la nature et de la portée de l'intervention de la société Siagi,
- dit qu'il n'existait, à la date à laquelle M. et Mme [H] ont fourni les renseignements les concernant sur leur situation patrimoniale, aucune disproportion entre cette situation et l'engagement souscrit,
- dit qu'il ne peut être invoqué par M. et Mme [H] aucun manquement à un devoir de mise en garde,
- déclaré en conséquence M. et Mme [H] tant irrecevables que mal fondés en leurs demandes,
- débouté en conséquence M. et Mme [H],
- condamné M. et Mme [H] au paiement de la somme de 554 543,62 euros dans la limite de leurs engagements de caution de 56,40 % de l'encours global dû, soit 312 762,60 euros,
- condamné M. et Mme [H] à payer à la SA BNP Paribas une somme de 1'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Par une déclaration du 24 mars 2021, M. et Mme [H] ont relevé appel de ce jugement, l'attaquant en chacun de ses chefs et intimant la SA BNP Paribas.
Toutes les parties ont conclu.
Une ordonnance du 8 septembre 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par des dernières conclusions (n° 2) remises au greffe par la voie électronique le 21 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. et Mme [H] demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
à titre principal,
- de juger que SA BNP Paribas ne les a pas informés sur les conditions de mise en 'uvre de la garantie de la Siagi,
en conséquence,
- de juger que la SA BNP Paribas a failli dans le respect de son obligation d'information précontractuelle sur les conditions de mise en 'uvre de la garantie Siagi,
- de déclarer nuls pour dol les engagements de cautions qu'ils ont signés le 2'octobre 2008,
- de débouter la SA BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire,
- de juger que les engagements de caution conclus le [Date décès 5] 2008 étaient manifestement disproportionnés par rapport à leurs revenus au moment de sa conclusion,
en conséquence,
- de leur déclarer inopposables ces engagements de caution conclus le 2'octobre 2008,
- de débouter la SA BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour de céans devait considérer que les cautionnements souscrits ne sont pas disproportionnés, de'sorte qu'ils leur sont opposables,
- de juger que la SA BNP Paribas n'a pas informé les cautions annuellement depuis la conclusion des engagements de caution solidaire et jusqu'à ce jour,
- de juger que la SA BNP Paribas n'a pas informé les cautions sur les incidents de paiement intervenus depuis la conclusion des engagements de caution solidaire et jusqu'à ce jour,
en conséquence,
- de prononcer la déchéance du droit pour la SA BNP Paribas aux intérêts échus et intérêts ou pénalités de retard, conventionnels ou légaux,
- de débouter la SA BNP Paribas de ses demandes de condamnation au paiement des intérêts échus, des pénalités et des intérêts de retard, conventionnels ou légaux,
en tout état de cause,
- de juger que M. [H] a la qualité de caution non avertie,
- de juger que Mme [H] a la qualité de caution non avertie,
- de juger que la SA BNP Paribas a commis une faute en ne respectant pas son devoir de mise en garde,
en conséquence,
- de condamner la SA BNP Paribas à leur payer la somme de 35 000 euros, chacun, à titre de dommages-intérêts,
- de condamner la SA BNP Paribas à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par des dernières conclusions (n° 2) remises au greffe par la voie électronique le 21 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA BNP Paribas demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
en conséquence,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 19 février 2021,
- de débouter intégralement M. et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de les condamner in solidum à lui verser en cause d'appel la somme de 4'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Me'Christine de Pontfarcy, avocat membre de la SCP Hautemaine avocats, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Compte tenu de la date de la conclusion du cautionnement au [Date décès 5] 2008, les dispositions du code de la consommation applicables sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2016 du 15 mars 2016 et les dispositions du code civil applicables sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
- sur la nullité pour dol :
M. et Mme [H] reprochent à la SA BNP Paribas de ne pas les avoir informés, avant la conclusion du contrat, des conditions et des modalités d'intervention de la Société Interprofessionnelle Artisanale et de Garantie Immobilière (Siagi), de'telle sorte à leur laisser faussement croire au caractère subsidiaire de leurs cautionnements et au fait que l'intervention de la Siagi avait vocation à limiter les sommes qui pouvaient leur être réclamées par la banque. Ils y voient une réticence dolosive qui justifie, selon eux, l'annulation de leurs cautionnements.
Aux termes de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le dol suppose un élément matériel. Les appelants se prévalent à ce titre d'une réticence dolosive de la part de la SA BNP Paribas. La réticence dolosive suppose que le cocontractant était tenu de livrer une information, qu'il a néanmoins tue. Précisément, M. et Mme [H] soutiennent que la SA BNP Paribas était tenue de les informer sur les conditions et les modalités de la garantie Siagi, ce qu'ils affirment ne pas avoir été fait.
Le banquier dispensateur de crédit a effectivement l'obligation d'informer ses clients sur les caractéristiques des opérations qu'il leur propose de souscrire afin de leur permettre de s'engager en toute connaissance de cause et, dans cette même logique, de les informer sur les modalités de mise en oeuvre la garantie souscrite à son profit.
La SA BNP Paribas oppose, d'une part, la qualité de clients avisés et de cautions averties de M. et Mme [H], dont elle rappelle qu'ils ont fondé la SAS'[H] France Armatures, laquelle réalise un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros ; que M. [H] en était son président - directeur général à la date de la souscription du cautionnement et jusqu'au 30 octobre 2010, date à laquelle il a cédé ses fonctions à l'un de ses fils et à son épouse ; qu'il en est devenu à nouveau président à compter du 1er février 2012, fonction qu'il occupe encore à ce jour ; et qu'il a créé la SARL Davemar, société holding, dans le but de transmettre à ses enfants les actions qu'il détient dans la SAS [H] France Armatures ; ce en quoi elle considère que les appelants ne peuvent pas prétendre avoir été dénués de toute compétence et de toute connaissance sur le plan commercial et financier. C'est également en ce sens que les premiers juges ont considéré que M. et Mme [H] n'étaient pas des cautions profanes mais au contraire des cautions averties.
La qualité de caution avertie est en réalité indifférente puisque, contrairement au devoir de mise en garde, l'obligation d'information du banquier telle qu'elle a précédemment été rappelée n'est pas conditionnée par le caractère averti ou non de son client. La qualité, l'expérience professionnelle et les connaissances personnelles du client ont néanmoins une incidence sur l'information, en ce sens que l'ignorance alléguée doit non seulement être effective mais aussi légitime et qu'il ne peut pas être reproché au banquier de ne pas avoir apporté à son client une information qu'il connaissait ou qu'il était censé connaître à la faveur de son activité professionnelle. Or, l'intimée démontre à partir de la production de procès-verbaux de délibérations du conseil d'administration et d'assemblées générales que, bien qu'il s'en défende, M. [H] a été le président - directeur général de la SAS [H] France Armatures de sa création (1er octobre 1987) jusqu'au 30 octobre 2010, qualité qu'il a au demeurant déclarée dans la fiche de renseignements signée le 9 juillet 2008, avant de le redevenir à compter du 1er février 2012. De'ses propres déclarations au liquidateur judiciaire, il ressort que la société a développé un chiffre d'affaires annuel moyen de 1 500 000 euros jusqu'en 2000'et qu'elle a ensuite réalisé d'importants investissements de production (pour'un montant global d'environ 1 000 000 euros) qui lui a permis de doubler son volume d'affaires pour atteindre 3 000 000 euros (au 31 décembre 2006 et au 31 décembre 2007) voire 3 600 000 euros (au 31 décembre 2008), pour des bénéfices de l'ordre de 150 000 euros après impôts et des fonds propres de 800'000 euros. Ces éléments sont suffisants pour se convaincre que, par son expérience professionnelle prolongée à la direction d'une société d'envergure, M. [H] disposait effectivement de connaissances étendues en matière de gestion et de finances qui faisaient de lui un client avisé et qui lui permettaient d'appréhender pleinement les enjeux non seulement de l'emprunt souscrit par la holding, dirigée par l'un de ses enfants, pour l'acquisition de 49 % des actions de la SAS [H] France Armatures mais également des garanties qui entouraient ce concours bancaire. En revanche, l'intimée ne propose pas une telle démonstration s'agissant de Mme [H], dont il apparaît tout au plus qu'elle était secrétaire salariée de la SAS [H] France Armatures au moment de la conclusion du cautionnement litigieux, selon l'information portée par M. [H] dans la fiche de renseignements qu'il a signée le 9 juillet 2008, et qu'elle est postérieurement devenue directrice générale de cette société entre le 30 octobre 2010 et le 1er février 2012. Il n'est de ce fait pas établi qu'elle disposait de compétences ni même de connaissances particulières en matière bancaire et financière, qui lui permettaient de disposer d'une information sur le fonctionnement des garanties afférentes à un cautionnement ou d'y accéder.
D'autre part, la banque intimée fait valoir que l'information quant aux modalités de la garantie Siagi a bien été portée à la connaissance de M. et Mme'[H]. C'est ce qu'ont également considéré les premiers juges, en se reportant aux conditions générales du prêt, ainsi rédigées :
'(...) chaque caution déclare avoir pris connaissance des termes de l'article 7 - 'Dispositions à l'égard des cautions' des conditions générales d'intervention de la Siagi ci-après annexées, et, à cet effet, renonce expressément à invoquer le bénéfice de l'article 2310 du code civil à l'encontre de la Siagi, ainsi qu'à toute subrogation, tant que la Siagi n'aura pas été remboursée intégralement des sommes qu'elle aura réglées à la banque, se constituant, en tant que de besoin, cautions solidaires, solidairement entre elles, envers ladite Siagi' (page 7)
ainsi qu'à cet article 7 des conditions générales d'intervention de la Siagi - règlement intérieur, ainsi rédigé :
'dans le cas où la garantie de la Siagi est octroyée sous réserve de l'engagement de caution solidaire d'une ou plusieurs personnes physiques ou morales, la garantie de la Siagi ne dispense pas la caution de l'exécution de son engagement dont elle aura à supporter la charge intégrale et définitive, sauf ses recours contre le débiteur principal et d'éventuels co-fidéjusseurs'
M. et Mme [H] reconnaissent avoir à tout le moins paraphé ce second document, à défaut de l'avoir signé tous les deux puisque l'exemplaire ne comporte en effet que la seule signature de M. [H]. Ce faisant, ils ont matérialisé leur prise de connaissance de ces conditions générales et ils ne peuvent pas utilement se prévaloir, comme ils entendent pourtant le faire, de ce qu'ils auraient apposé leurs paraphes sans véritablement lire son contenu. De même, ces'conditions générales ne sont certes pas datées, autrement qu'elles portent, en'première page, une date d''avril 2005" mais dont la SA BNP Paribas explique de façon suffisamment convaincante qu'elle n'est pas la date de l'édition du document mais celle de la version alors en vigueur. Enfin, les appelants soulèvent qu'il n'est pas prouvé que ces conditions générales sont bien celles qui ont été annexées à l'acte de prêt signé le [Date décès 5] 2008. La cour observe toutefois sur ce point que non seulement les paraphes figurant sur chacune des pages de l'acte de prêt et des conditions générales litigieuses s'inscrivent dans une continuité graphique évidente mais également que le premier se termine, avec'la signature des cautionnements, sur une page 17 quand les secondes commencent par une page 18, tous éléments qui permettent suffisamment de se convaincre que les conditions générales d'intervention produites sont bien celles qui ont été annexées au prêt du [Date décès 5] 2008.
Les appelants, qui se plaignent de ne pas avoir été informés des conditions et des modalités d'intervention de la garantie de la Siagi, expliquent plus précisément qu'ils ont pu croire que l'intervention de la Siagi limitait la somme qui aurait pu leur être réclamée par la banque et qu'elle rendait ainsi leurs cautionnements subsidiaires. Mais l'article 7 des conditions générales, précité, dissipe tout doute possible sur cette question en indiquant clairement que la caution devra, malgré l'intervention de la Siagi, supporter la charge intégrale et définitive de la dette. Cette disposition des conditions générales annexées à l'acte de prêt, dont les paraphes des appelants matérialisent qu'ils en ont pris dûment connaissance, les a donc suffisamment renseignés sur cette modalité de l'intervention du garant . Par là même, il ne peut pas être reproché à la SA BNP Paribas de ne pas avoir satisfait son obligation d'information et d'avoir commis une réticence dolosive.
Il en va d'autant plus sûrement ainsi que, comme le souligne l'intimée, M. et Mme [H] ne proposent pas de rapporter la preuve des deux autres conditions du dol que sont, d'une part, le caractère intentionnel de la prétendue réticence de la SA BNP Paribas et, d'autre part, le fait que la réticence dolosive reprochée ait engendré une erreur qui aurait été déterminante de leur consentement.
En conséquence de quoi, la cour approuve les premiers juges d'avoir débouté M. et Mme [H] de leur demande de nullité de leurs engagements de caution du [Date décès 5] 2018.
- sur la disproportion manifeste :
M. et Mme [H] se sont engagés, le [Date décès 5] 2008, à garantir le prêt souscrit par la SARL Davemar, solidairement avec cette dernière mais sans solidarité entre eux, à hauteur d'une somme de 394 543,38 euros chacun. Il n'est pas discuté le fait que leurs deux cautionnements, bien qu'ils aient été souscrits dans le même acte et pour des montants identiques, s'ajoutent l'un à l'autre. C'est au demeurant ce qui ressort des conditions générales du prêt, qui stipulent que '(...) de convention expresse, les cautionnements partiels ci-dessus délivrés s'ajoutent les uns aux autres et en outre tout paiement effectué par l'Emprunteur s'imputera en priorité sur la partie non garantie par les présents cautionnements puis subsidiairement sur la partie garantie par les cautions' (page 7). Ils soutiennent que ces engagements de caution étaient disproportionnés à leurs revenus et à leurs biens, de telle sorte que la SA BNP Paribas ne peut pas, selon eux, s'en'prévaloir.
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit qu'un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à la date à laquelle celui-ci a été conclu et, dans cette hypothèse, il revient au créancier de démontrer que la caution est revenue à meilleure fortune à la date à laquelle il l'a appelée à honorer cet engagement.
Le créancier a certes l'obligation de se renseigner sur la solvabilité de la caution avant de lui faire souscrire l'engagement. Pour autant, il n'a pas obligatoirement à lui faire remplir une fiche de renseignements. Si la caution signe une telle fiche de renseignements, alors elle est tenue par les informations qu'elle a mentionnées et que le créancier n'a pas à vérifier, sauf s'il existe une anomalie apparente. La caution ne peut pas alors pas tenter d'établir que sa situation était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée et la fiche de renseignements ne peut être complétée que des éléments dont le créancier a pu avoir personnellement connaissance à la date de la signature du cautionnement. En l'absence de signature d'une fiche de renseignements, la caution peut rapporter par tous moyens, sans restriction, la preuve de la consistance de ses revenus et de ses biens à la date de son engagement.
En l'espèce, la SA BNP Paribas produit une fiche de renseignements qui a été signée par M. [H] en date du 9 juillet 2008. Les premiers juges s'en sont tenus à cette fiche de renseignements exclusivement, pour conclure que les ressources annuelles du couple (285 000 euros), l'actif immobilier net (955 000 euros) et'l'épargne (15 000 euros) déclarés excluaient toute disproportion manifeste à la date de la conclusion des cautionnements comme au jour de l'audience.
Une première question est débattue, qui concerne la valeur et la portée de cette fiche de renseignements. Les appelants font en effet valoir, en premier lieu, que cette fiche de renseignements n'est signée que par M. [H]. Il est exact que Mme [H] n'a pas signé cette fiche, qui a été complétée et signée par son époux seul, ce qui l'autorise à rapporter par tous moyens la preuve de la consistance de ses biens et de ses revenus.
En deuxième lieu, ils soulignent que la fiche de renseignements a été signée plus de quatre mois avant la conclusion du prêt à la SARL Davemar, laquelle n'existait pas encore à la date de la signature de la fiche, pour valoir simple information et non pas en perspective d'un engagement de caution. II est en réalité indifférent que la SARL Davemar n'ait pas encore eu d'existence juridique à la date à laquelle M. [H] a signé la fiche de renseignements, dès lors que ce document peut n'avoir été que préparatoire à la mise en place du prêt qui a été accordé à la société peu de temps après son immatriculation intervenue, selon les affirmations des appelants, le 29 août 2008. Par ailleurs, moins de trois mois séparent la signature par M. [H] de cette fiche de renseignements (9 juillet 2008) de la date de la conclusion du prêt et des cautionnements ([Date décès 5] 2008). Il'n'est certes porté aucune indication, dans cette fiche, aux emplacements réservés à l'identité de la personne à l'origine de la demande de financement. Néanmoins, la proximité des dates de signature de la fiche de renseignements et des cautionnements permet raisonnablement de déduire que la première a été remplie dans l'optique des seconds. Les appelants n'expliquent au demeurant pas autrement l'utilité de la fiche litigieuse, qu'ils prétendent avoir été remplie à titre de simple information, et ils n'évoquent notamment pas d'autres concours qui leur auraient été consentis, comme emprunteurs ou comme cautions, par la SA BNP Paribas. En revanche, la banque intimée soutient à tort que la situation de M. et Mme [H] doit être appréciée à la date de la signature de la fiche de renseignements puisqu'au contraire, c'est à la date de la conclusion des cautionnements qu'elle doit l'être. Il en résulte cette conséquence que M. [H], tout en étant tenu par les informations qu'il a déclarées, peut faire valoir des changements qui sont survenus au cours des trois mois qui ont séparé la signature de la fiche de renseignements de celle des cautionnements, dont il appartenait à la SA BNP Paribas de s'enquérir en sollicitant une actualisation de la situation financière.
M. et Mme [H] étant mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, leur situation au [Date décès 5] 2008, date la signature des cautionnements, doit être examinée globalement, en tenant compte notamment de leurs revenus respectifs et des biens communs. C'est d'ailleurs en ce sens qu'ils concluent, en'reprenant dans un tableau synthétique l'ensemble de leurs éléments d'actif et de passif.
M. [H] a déclaré à cette date ne plus avoir d'enfant à charge ; avoir un revenu annuel de 195 000 euros ; percevoir des revenus fonciers annuels de 48'000 euros, outre des dividendes pour 35 000 euros chacun ; être titulaire d'une épargne de 15 000 euros ; être propriétaire d'un bien immobilier, commun, d'une'valeur nette de (1 300 000 - 345 000) 955 000 euros ; et rembourser deux prêts avec des capitaux restant dus de 45 000 euros et de 300 000 euros. Ces éléments sont ceux que les deux appelants reprennent dans leur tableau synthétique, sauf deux observations. La première est que Mme [H] est admise, pour la raison précitée, à faire valoir des revenus annuels légèrement différents de 193 384 euros (pour son époux) et de 16 864 euros (pour elle-même), ainsi qu'à déduire le montant des impôts (56 081 euros), tous éléments dont elle justifie à partir de la production de l'avis d'imposition sur les revenus perçus au 31'décembre 2008 (pièce n° 6). La seconde est que, dans leur tableau, M. et Mme [H], d'une part, retiennent la valeur de leur bien immobilier pour 1'300'000'euros sans en déduire le prêt restant dû (345 000 euros), dont il faut en définitive comprendre qu'il correspond aux deux prêts de 300 000 euros et de 45 000 euros que M. [H] avait déclarés dans la fiche de renseignements et qu'ils font dûment figurer à leur passif ; d'autre part, ne déduisent pas de leurs revenus disponibles le montant des mensualités de remboursement de prêts.
Le débat se focalise sur un prêt de 2 012 663,51 euros que M. et Mme [H] justifient avoir souscrit auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance le 22'septembre 2008, soit après la signature de la fiche de renseignements mais avant la conclusion des cautionnements litigieux. Contrairement à ce que soutient la banque intimée, il doit être tenu compte de ce prêt dans l'appréciation de la consistance du patrimoine des appelants à la date de la conclusion de leurs cautionnements. Il en va ainsi non pas parce que, comme le prétendent les appelants, ce prêt a été accordé par la banque intimée elle-même puisque la SA'BNP Paribas est une personne morale distincte de la SA BNP Paribas Personal Finance, mais parce que, comme il a été précédemment expliqué, il'incombait à la banque intimée de s'enquérir de la situation financière actualisée de M. et Mme [H] avant la signature effective de leurs cautionnements à son profit.
Ce prêt a permis aux appelants de financer l'acquisition, le 22 septembre 2008, d'une nouvelle résidence principale au prix de 1 275 000 euros, ainsi qu'à rembourser sept emprunts et à régler des frais. Les appelants font ainsi figurer, à juste titre, cet actif immobilier dans leur tableau synthétique, en contrepartie de l'inscription au passif du prêt dont la cour ramène toutefois le montant à 2 012 663,51 euros tel qu'il figure à l'acte authentique versé aux débats, au lieu du montant de 2 016 537,27 euros mentionné par les appelants.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, pour faire face à leurs engagements de caution chacun souscrits dans la limite de 394 543,38 euros, soit à hauteur d'une somme totale de 789 086,76 euros, M. et Mme [H] disposaient d'un patrimoine (mobilier et immobilier) net de (1 300 000 + 1 275 000 + 15 000 - 300 000 - 45 000 - 2 012 663,51) 232 336,49 euros, ainsi que de revenus annuels de 285 400 euros (selon les déclarations de M. [H]) ou de 228 967 euros (selon'les justificatifs produits par Mme [H]). Même après déduction du patrimoine net, les cautionnements litigieux persistaient donc pour un solde de (789 086,76 - 232 336,49) 556 750,27 euros qui représentait encore près de deux années (selon les déclarations de M. [H]) et plus de deux années (selon les justificatifs produits par Mme [H]) des revenus du couple. La preuve par les appelants d'une disproportion manifeste de leurs engagements, à la date à laquelle ils les ont conclus, est par là même rapportée.
La banque intimée ne propose pas d'établir que la situation de M. et Mme [H] s'est améliorée, de telle sorte à leur permettre d'honorer leurs engagements à la date à laquelle elle les a appelés, soit à la date des assignations du 17 février 2020.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé et la SA BNP Paribas, ne pouvant pas se prévaloir des engagements de caution, sera'déboutée de ses demandes de condamnation au paiement.
Il devient de ce fait inutile de statuer sur la demande de déchéance du droit aux intérêts en raison d'un manquement allégué par la SA BNP Paribas à son obligation annuelle d'information des cautions, à laquelle les premiers juges ont omis de répondre. La cour reste en revanche saisie de la demande d'indemnisation au titre du manquement au devoir de mise en garde, que M. et Mme [H] indiquent expressément formuler en tout état de cause.
- sur le manquement au devoir de mise en garde :
Les appelants, qui estiment être tous les deux des cautions non averties, reprochent en effet à la SA BNP Paribas, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, d'avoir manqué à son devoir de mise en garde tant au regard du caractère inadapté du prêt aux capacités financières de la SARL Davemar qu'en considération du risque d'endettement excessif auquel les cautionnements les a exposés. Ils poursuivent l'indemnisation de la perte de chance de ne pas contracter et ils réclament une somme de 35 000 euros, chacun, de dommages-intérêts à ce titre.
Les premiers juges, après avoir écarté la disproportion des engagements de M. et Mme [H], ont débouté ces derniers de leurs demandes de dommages-intérêts en considérant que les projets immobiliers importants qu'ils avaient réalisés à cette époque attestaient de leur solvabilité et que la situation financière qu'ils avaient déclarée à la banque ne révélait aucun risque financier.
Le débat sur la qualité de cautions averties, ou pas, des appelants, ou sur la caractérisation d'un manquement par la SA BNP Paribas à un devoir de mise en garde est en réalité vain, dans la mesure où le préjudice consécutif à la méconnaissance par un établissement de crédit de son devoir de mise en garde à l'égard d'une caution consiste en la perte de la chance d'éviter, en ne se rendant pas caution, le risque qu'on lui demande de payer la dette garantie. Les'appelants n'invoquent pas de dommage qui serait distinct de cette perte de chance, laquelle se détermine à partir des sommes qui sont effectivement mises à la charge de la caution. Or, M. et Mme [H] ont en l'espèce été déchargés de leurs engagements de caution et la banque a été débouté de ses demandes formées en exécution des cautionnements litigieux, de telle sorte que les appelants ne peuvent se prévaloir d'aucune perte de chance indemnisable.
Le jugement sera par conséquent confirmé, en ce qu'ils les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts.
- sur les demandes accessoires :
Le jugement est infirmé dans ces dispositions ayant statué sur les frais irrépétibles et les dépens.
La SA BNP Paribas, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement à M. et Mme [H] d'une somme totale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle-même étant déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a écarté la disproportion manifeste des engagements de caution souscrits par M. et Mme [H], en ce qu'ils les a condamnés au paiement de la somme de 554'543,62 euros dans la limite de leurs engagements de caution et en ce qu'il les a condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles ;
statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la SA BNP Paribas de ses demandes de condamnation de M. et Mme [H] en exécution des engagements de caution souscrits le [Date décès 5] 2008 ;
Déboute la SA BNP Paribas de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA BNP Paribas à verser à M. et Mme [H] une somme totale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA BNP Paribas aux dépens de première instance et d'appel ;
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,
D'[Localité 8]
CHAMBRE A - COMMERCIALE
JC/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 21/00803 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EZSN
jugement du 19 Février 2021
Tribunal de Commerce de du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 2020001287
ARRET DU 25 NOVEMBRE 2025
APPELANTS :
Madame [M] [S] épouse [H]
née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 9]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Monsieur [L] [H]
né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 10]
[Adresse 6]
[Localité 2]
Représentés par Me Thierry BOISNARD de la SELARL LEXCAP, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 21A01109 substitué par Me'Christophe RIHET et par Me Anthony BEM, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A. BNP PARIBAS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Me Christine DE PONTFARCY de la SCP HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20200074 substituée par Me Claire MANGIN
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 22 Septembre 2025 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme CORBEL, présidente de chambre
M. CHAPPERT, conseiller
Mme LAURENT, conseillère
Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS
ARRET : contradictoire
Prononcé publiquement le 25 novembre 2025 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE :
La SARL Davemar est une société holding qui est dirigée par M. [Y] [H]. Par un acte sous seing privé du [Date décès 5] 2008, elle a souscrit un prêt professionnel auprès de la SA BNP Paribas d'un montant global de 608 300 euros décomposé en quatre tranches, destiné au financement de l'acquisition de 49 % du capital social de la SAS [H] France Armatures.
M. [L] [H] et Mme [M] [S] épouse [H], les parents de M.'[Y] [H], se sont chacun portés cautions solidaires de la SARL Davemar à hauteur de 394 543,38 euros et pour une durée déterminée de 108 mois.
Le 8 mars 2011, un avenant au contrat de prêt a été signé pour reporter d'une année des amortissements en capital de chacune des quatre tranches. M. et Mme'[H] ont réitéré leurs engagements de caution à cette occasion, dans les mêmes termes.
Par un jugement du 14 juin 2012, le tribunal de commerce de Sedan a placé la SARL Davemar en redressement judiciaire. La SA BNP Paribas a déclaré sa créance entre les mains du mandataire judiciaire, par une lettre du 13 juillet 2012, pour un montant global de 565 645,67 euros et à titre privilégié.
Un plan de redressement a été adopté par un jugement du 27 mars 2014, prévoyant notamment le remboursement de l'intégralité de la créance de la SA'BNP Paribas sur dix ans avec des échéances progressives allant de 0,50 % à 50 % au terme de la dixième année.
Les deux premières annuités ont été versées le 21 février 2017 et la troisième annuité a été versée le 09 octobre 2017. Les échéances suivantes sont restées impayées.
Par des lettres du 8 août 2019, la SA BNP Paribas a alors mis M. et Mme [H] en demeure, en leur qualité de cautions, de lui régler le montant des deux annuités du plan de redressement restées impayées pour un montant total de 56'564,58 euros.
Le 20 septembre 2019, M. et Mme [H] ont répondu être dans l'incapacité de régler les sommes réclamées et ils ont précisé que le rebond de l'actívité de la SAS [H] France Armatures devait permettre d'exécuter le plan de redressement de la SARL Davemar dans les meilleurs délais.
Aucun paiement n'étant intervenu, la SA BNP Paribas a notifié à M. et Mme'[H] la déchéance du terme du contrat de prêt par des lettres du 21 janvier 2020. Elle a notifié à M. et Mme [H] l'exigibilité de leur dette au titre de leurs cautionnements et, par des actes du 17 février 2020, elle les a assignés en paiement devant le tribunal de commerce de Le Mans.
Par un jugement du 26 novembre 2020, le tribunal de commerce de Sedan a converti le redressement judiciaire de la SARL Davemar en une liquidation judiciaire.
Par un jugement du 19 février 2021, le tribunal de commerce du Mans a :
- déclaré la SA BNP Paribas recevable et bien fondée en son action,
- constaté l'inexécution partielle du plan de redressement par la SARL Davemar,
- constaté l'exigíbilité du prêt et l'inexécution par M. et Mme [H] de leurs engagements de caution,
- dit que M. et Mme [H] ont été dûment informés de la nature et de la portée de l'intervention de la société Siagi,
- dit qu'il n'existait, à la date à laquelle M. et Mme [H] ont fourni les renseignements les concernant sur leur situation patrimoniale, aucune disproportion entre cette situation et l'engagement souscrit,
- dit qu'il ne peut être invoqué par M. et Mme [H] aucun manquement à un devoir de mise en garde,
- déclaré en conséquence M. et Mme [H] tant irrecevables que mal fondés en leurs demandes,
- débouté en conséquence M. et Mme [H],
- condamné M. et Mme [H] au paiement de la somme de 554 543,62 euros dans la limite de leurs engagements de caution de 56,40 % de l'encours global dû, soit 312 762,60 euros,
- condamné M. et Mme [H] à payer à la SA BNP Paribas une somme de 1'000'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
- débouté les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.
Par une déclaration du 24 mars 2021, M. et Mme [H] ont relevé appel de ce jugement, l'attaquant en chacun de ses chefs et intimant la SA BNP Paribas.
Toutes les parties ont conclu.
Une ordonnance du 8 septembre 2025 a clôturé l'instruction de l'affaire.
MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par des dernières conclusions (n° 2) remises au greffe par la voie électronique le 21 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. et Mme [H] demandent à la cour :
- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,
à titre principal,
- de juger que SA BNP Paribas ne les a pas informés sur les conditions de mise en 'uvre de la garantie de la Siagi,
en conséquence,
- de juger que la SA BNP Paribas a failli dans le respect de son obligation d'information précontractuelle sur les conditions de mise en 'uvre de la garantie Siagi,
- de déclarer nuls pour dol les engagements de cautions qu'ils ont signés le 2'octobre 2008,
- de débouter la SA BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
à titre subsidiaire,
- de juger que les engagements de caution conclus le [Date décès 5] 2008 étaient manifestement disproportionnés par rapport à leurs revenus au moment de sa conclusion,
en conséquence,
- de leur déclarer inopposables ces engagements de caution conclus le 2'octobre 2008,
- de débouter la SA BNP Paribas de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, la cour de céans devait considérer que les cautionnements souscrits ne sont pas disproportionnés, de'sorte qu'ils leur sont opposables,
- de juger que la SA BNP Paribas n'a pas informé les cautions annuellement depuis la conclusion des engagements de caution solidaire et jusqu'à ce jour,
- de juger que la SA BNP Paribas n'a pas informé les cautions sur les incidents de paiement intervenus depuis la conclusion des engagements de caution solidaire et jusqu'à ce jour,
en conséquence,
- de prononcer la déchéance du droit pour la SA BNP Paribas aux intérêts échus et intérêts ou pénalités de retard, conventionnels ou légaux,
- de débouter la SA BNP Paribas de ses demandes de condamnation au paiement des intérêts échus, des pénalités et des intérêts de retard, conventionnels ou légaux,
en tout état de cause,
- de juger que M. [H] a la qualité de caution non avertie,
- de juger que Mme [H] a la qualité de caution non avertie,
- de juger que la SA BNP Paribas a commis une faute en ne respectant pas son devoir de mise en garde,
en conséquence,
- de condamner la SA BNP Paribas à leur payer la somme de 35 000 euros, chacun, à titre de dommages-intérêts,
- de condamner la SA BNP Paribas à leur verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Par des dernières conclusions (n° 2) remises au greffe par la voie électronique le 21 mai 2024, auxquelles il est renvoyé pour un exposé des moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la SA BNP Paribas demande à la cour :
- de la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
en conséquence,
- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 19 février 2021,
- de débouter intégralement M. et Mme [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- de les condamner in solidum à lui verser en cause d'appel la somme de 4'000'euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Me'Christine de Pontfarcy, avocat membre de la SCP Hautemaine avocats, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Compte tenu de la date de la conclusion du cautionnement au [Date décès 5] 2008, les dispositions du code de la consommation applicables sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2016 du 15 mars 2016 et les dispositions du code civil applicables sont celles antérieures à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016.
- sur la nullité pour dol :
M. et Mme [H] reprochent à la SA BNP Paribas de ne pas les avoir informés, avant la conclusion du contrat, des conditions et des modalités d'intervention de la Société Interprofessionnelle Artisanale et de Garantie Immobilière (Siagi), de'telle sorte à leur laisser faussement croire au caractère subsidiaire de leurs cautionnements et au fait que l'intervention de la Siagi avait vocation à limiter les sommes qui pouvaient leur être réclamées par la banque. Ils y voient une réticence dolosive qui justifie, selon eux, l'annulation de leurs cautionnements.
Aux termes de l'article 1116 du code civil, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.
Le dol suppose un élément matériel. Les appelants se prévalent à ce titre d'une réticence dolosive de la part de la SA BNP Paribas. La réticence dolosive suppose que le cocontractant était tenu de livrer une information, qu'il a néanmoins tue. Précisément, M. et Mme [H] soutiennent que la SA BNP Paribas était tenue de les informer sur les conditions et les modalités de la garantie Siagi, ce qu'ils affirment ne pas avoir été fait.
Le banquier dispensateur de crédit a effectivement l'obligation d'informer ses clients sur les caractéristiques des opérations qu'il leur propose de souscrire afin de leur permettre de s'engager en toute connaissance de cause et, dans cette même logique, de les informer sur les modalités de mise en oeuvre la garantie souscrite à son profit.
La SA BNP Paribas oppose, d'une part, la qualité de clients avisés et de cautions averties de M. et Mme [H], dont elle rappelle qu'ils ont fondé la SAS'[H] France Armatures, laquelle réalise un chiffre d'affaires de plusieurs millions d'euros ; que M. [H] en était son président - directeur général à la date de la souscription du cautionnement et jusqu'au 30 octobre 2010, date à laquelle il a cédé ses fonctions à l'un de ses fils et à son épouse ; qu'il en est devenu à nouveau président à compter du 1er février 2012, fonction qu'il occupe encore à ce jour ; et qu'il a créé la SARL Davemar, société holding, dans le but de transmettre à ses enfants les actions qu'il détient dans la SAS [H] France Armatures ; ce en quoi elle considère que les appelants ne peuvent pas prétendre avoir été dénués de toute compétence et de toute connaissance sur le plan commercial et financier. C'est également en ce sens que les premiers juges ont considéré que M. et Mme [H] n'étaient pas des cautions profanes mais au contraire des cautions averties.
La qualité de caution avertie est en réalité indifférente puisque, contrairement au devoir de mise en garde, l'obligation d'information du banquier telle qu'elle a précédemment été rappelée n'est pas conditionnée par le caractère averti ou non de son client. La qualité, l'expérience professionnelle et les connaissances personnelles du client ont néanmoins une incidence sur l'information, en ce sens que l'ignorance alléguée doit non seulement être effective mais aussi légitime et qu'il ne peut pas être reproché au banquier de ne pas avoir apporté à son client une information qu'il connaissait ou qu'il était censé connaître à la faveur de son activité professionnelle. Or, l'intimée démontre à partir de la production de procès-verbaux de délibérations du conseil d'administration et d'assemblées générales que, bien qu'il s'en défende, M. [H] a été le président - directeur général de la SAS [H] France Armatures de sa création (1er octobre 1987) jusqu'au 30 octobre 2010, qualité qu'il a au demeurant déclarée dans la fiche de renseignements signée le 9 juillet 2008, avant de le redevenir à compter du 1er février 2012. De'ses propres déclarations au liquidateur judiciaire, il ressort que la société a développé un chiffre d'affaires annuel moyen de 1 500 000 euros jusqu'en 2000'et qu'elle a ensuite réalisé d'importants investissements de production (pour'un montant global d'environ 1 000 000 euros) qui lui a permis de doubler son volume d'affaires pour atteindre 3 000 000 euros (au 31 décembre 2006 et au 31 décembre 2007) voire 3 600 000 euros (au 31 décembre 2008), pour des bénéfices de l'ordre de 150 000 euros après impôts et des fonds propres de 800'000 euros. Ces éléments sont suffisants pour se convaincre que, par son expérience professionnelle prolongée à la direction d'une société d'envergure, M. [H] disposait effectivement de connaissances étendues en matière de gestion et de finances qui faisaient de lui un client avisé et qui lui permettaient d'appréhender pleinement les enjeux non seulement de l'emprunt souscrit par la holding, dirigée par l'un de ses enfants, pour l'acquisition de 49 % des actions de la SAS [H] France Armatures mais également des garanties qui entouraient ce concours bancaire. En revanche, l'intimée ne propose pas une telle démonstration s'agissant de Mme [H], dont il apparaît tout au plus qu'elle était secrétaire salariée de la SAS [H] France Armatures au moment de la conclusion du cautionnement litigieux, selon l'information portée par M. [H] dans la fiche de renseignements qu'il a signée le 9 juillet 2008, et qu'elle est postérieurement devenue directrice générale de cette société entre le 30 octobre 2010 et le 1er février 2012. Il n'est de ce fait pas établi qu'elle disposait de compétences ni même de connaissances particulières en matière bancaire et financière, qui lui permettaient de disposer d'une information sur le fonctionnement des garanties afférentes à un cautionnement ou d'y accéder.
D'autre part, la banque intimée fait valoir que l'information quant aux modalités de la garantie Siagi a bien été portée à la connaissance de M. et Mme'[H]. C'est ce qu'ont également considéré les premiers juges, en se reportant aux conditions générales du prêt, ainsi rédigées :
'(...) chaque caution déclare avoir pris connaissance des termes de l'article 7 - 'Dispositions à l'égard des cautions' des conditions générales d'intervention de la Siagi ci-après annexées, et, à cet effet, renonce expressément à invoquer le bénéfice de l'article 2310 du code civil à l'encontre de la Siagi, ainsi qu'à toute subrogation, tant que la Siagi n'aura pas été remboursée intégralement des sommes qu'elle aura réglées à la banque, se constituant, en tant que de besoin, cautions solidaires, solidairement entre elles, envers ladite Siagi' (page 7)
ainsi qu'à cet article 7 des conditions générales d'intervention de la Siagi - règlement intérieur, ainsi rédigé :
'dans le cas où la garantie de la Siagi est octroyée sous réserve de l'engagement de caution solidaire d'une ou plusieurs personnes physiques ou morales, la garantie de la Siagi ne dispense pas la caution de l'exécution de son engagement dont elle aura à supporter la charge intégrale et définitive, sauf ses recours contre le débiteur principal et d'éventuels co-fidéjusseurs'
M. et Mme [H] reconnaissent avoir à tout le moins paraphé ce second document, à défaut de l'avoir signé tous les deux puisque l'exemplaire ne comporte en effet que la seule signature de M. [H]. Ce faisant, ils ont matérialisé leur prise de connaissance de ces conditions générales et ils ne peuvent pas utilement se prévaloir, comme ils entendent pourtant le faire, de ce qu'ils auraient apposé leurs paraphes sans véritablement lire son contenu. De même, ces'conditions générales ne sont certes pas datées, autrement qu'elles portent, en'première page, une date d''avril 2005" mais dont la SA BNP Paribas explique de façon suffisamment convaincante qu'elle n'est pas la date de l'édition du document mais celle de la version alors en vigueur. Enfin, les appelants soulèvent qu'il n'est pas prouvé que ces conditions générales sont bien celles qui ont été annexées à l'acte de prêt signé le [Date décès 5] 2008. La cour observe toutefois sur ce point que non seulement les paraphes figurant sur chacune des pages de l'acte de prêt et des conditions générales litigieuses s'inscrivent dans une continuité graphique évidente mais également que le premier se termine, avec'la signature des cautionnements, sur une page 17 quand les secondes commencent par une page 18, tous éléments qui permettent suffisamment de se convaincre que les conditions générales d'intervention produites sont bien celles qui ont été annexées au prêt du [Date décès 5] 2008.
Les appelants, qui se plaignent de ne pas avoir été informés des conditions et des modalités d'intervention de la garantie de la Siagi, expliquent plus précisément qu'ils ont pu croire que l'intervention de la Siagi limitait la somme qui aurait pu leur être réclamée par la banque et qu'elle rendait ainsi leurs cautionnements subsidiaires. Mais l'article 7 des conditions générales, précité, dissipe tout doute possible sur cette question en indiquant clairement que la caution devra, malgré l'intervention de la Siagi, supporter la charge intégrale et définitive de la dette. Cette disposition des conditions générales annexées à l'acte de prêt, dont les paraphes des appelants matérialisent qu'ils en ont pris dûment connaissance, les a donc suffisamment renseignés sur cette modalité de l'intervention du garant . Par là même, il ne peut pas être reproché à la SA BNP Paribas de ne pas avoir satisfait son obligation d'information et d'avoir commis une réticence dolosive.
Il en va d'autant plus sûrement ainsi que, comme le souligne l'intimée, M. et Mme [H] ne proposent pas de rapporter la preuve des deux autres conditions du dol que sont, d'une part, le caractère intentionnel de la prétendue réticence de la SA BNP Paribas et, d'autre part, le fait que la réticence dolosive reprochée ait engendré une erreur qui aurait été déterminante de leur consentement.
En conséquence de quoi, la cour approuve les premiers juges d'avoir débouté M. et Mme [H] de leur demande de nullité de leurs engagements de caution du [Date décès 5] 2018.
- sur la disproportion manifeste :
M. et Mme [H] se sont engagés, le [Date décès 5] 2008, à garantir le prêt souscrit par la SARL Davemar, solidairement avec cette dernière mais sans solidarité entre eux, à hauteur d'une somme de 394 543,38 euros chacun. Il n'est pas discuté le fait que leurs deux cautionnements, bien qu'ils aient été souscrits dans le même acte et pour des montants identiques, s'ajoutent l'un à l'autre. C'est au demeurant ce qui ressort des conditions générales du prêt, qui stipulent que '(...) de convention expresse, les cautionnements partiels ci-dessus délivrés s'ajoutent les uns aux autres et en outre tout paiement effectué par l'Emprunteur s'imputera en priorité sur la partie non garantie par les présents cautionnements puis subsidiairement sur la partie garantie par les cautions' (page 7). Ils soutiennent que ces engagements de caution étaient disproportionnés à leurs revenus et à leurs biens, de telle sorte que la SA BNP Paribas ne peut pas, selon eux, s'en'prévaloir.
L'article L. 341-4 du code de la consommation prévoit qu'un créancier professionnel ne peut pas se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.
Il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère manifestement disproportionné de son engagement à la date à laquelle celui-ci a été conclu et, dans cette hypothèse, il revient au créancier de démontrer que la caution est revenue à meilleure fortune à la date à laquelle il l'a appelée à honorer cet engagement.
Le créancier a certes l'obligation de se renseigner sur la solvabilité de la caution avant de lui faire souscrire l'engagement. Pour autant, il n'a pas obligatoirement à lui faire remplir une fiche de renseignements. Si la caution signe une telle fiche de renseignements, alors elle est tenue par les informations qu'elle a mentionnées et que le créancier n'a pas à vérifier, sauf s'il existe une anomalie apparente. La caution ne peut pas alors pas tenter d'établir que sa situation était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée et la fiche de renseignements ne peut être complétée que des éléments dont le créancier a pu avoir personnellement connaissance à la date de la signature du cautionnement. En l'absence de signature d'une fiche de renseignements, la caution peut rapporter par tous moyens, sans restriction, la preuve de la consistance de ses revenus et de ses biens à la date de son engagement.
En l'espèce, la SA BNP Paribas produit une fiche de renseignements qui a été signée par M. [H] en date du 9 juillet 2008. Les premiers juges s'en sont tenus à cette fiche de renseignements exclusivement, pour conclure que les ressources annuelles du couple (285 000 euros), l'actif immobilier net (955 000 euros) et'l'épargne (15 000 euros) déclarés excluaient toute disproportion manifeste à la date de la conclusion des cautionnements comme au jour de l'audience.
Une première question est débattue, qui concerne la valeur et la portée de cette fiche de renseignements. Les appelants font en effet valoir, en premier lieu, que cette fiche de renseignements n'est signée que par M. [H]. Il est exact que Mme [H] n'a pas signé cette fiche, qui a été complétée et signée par son époux seul, ce qui l'autorise à rapporter par tous moyens la preuve de la consistance de ses biens et de ses revenus.
En deuxième lieu, ils soulignent que la fiche de renseignements a été signée plus de quatre mois avant la conclusion du prêt à la SARL Davemar, laquelle n'existait pas encore à la date de la signature de la fiche, pour valoir simple information et non pas en perspective d'un engagement de caution. II est en réalité indifférent que la SARL Davemar n'ait pas encore eu d'existence juridique à la date à laquelle M. [H] a signé la fiche de renseignements, dès lors que ce document peut n'avoir été que préparatoire à la mise en place du prêt qui a été accordé à la société peu de temps après son immatriculation intervenue, selon les affirmations des appelants, le 29 août 2008. Par ailleurs, moins de trois mois séparent la signature par M. [H] de cette fiche de renseignements (9 juillet 2008) de la date de la conclusion du prêt et des cautionnements ([Date décès 5] 2008). Il'n'est certes porté aucune indication, dans cette fiche, aux emplacements réservés à l'identité de la personne à l'origine de la demande de financement. Néanmoins, la proximité des dates de signature de la fiche de renseignements et des cautionnements permet raisonnablement de déduire que la première a été remplie dans l'optique des seconds. Les appelants n'expliquent au demeurant pas autrement l'utilité de la fiche litigieuse, qu'ils prétendent avoir été remplie à titre de simple information, et ils n'évoquent notamment pas d'autres concours qui leur auraient été consentis, comme emprunteurs ou comme cautions, par la SA BNP Paribas. En revanche, la banque intimée soutient à tort que la situation de M. et Mme [H] doit être appréciée à la date de la signature de la fiche de renseignements puisqu'au contraire, c'est à la date de la conclusion des cautionnements qu'elle doit l'être. Il en résulte cette conséquence que M. [H], tout en étant tenu par les informations qu'il a déclarées, peut faire valoir des changements qui sont survenus au cours des trois mois qui ont séparé la signature de la fiche de renseignements de celle des cautionnements, dont il appartenait à la SA BNP Paribas de s'enquérir en sollicitant une actualisation de la situation financière.
M. et Mme [H] étant mariés sous le régime de la communauté réduite aux acquêts, leur situation au [Date décès 5] 2008, date la signature des cautionnements, doit être examinée globalement, en tenant compte notamment de leurs revenus respectifs et des biens communs. C'est d'ailleurs en ce sens qu'ils concluent, en'reprenant dans un tableau synthétique l'ensemble de leurs éléments d'actif et de passif.
M. [H] a déclaré à cette date ne plus avoir d'enfant à charge ; avoir un revenu annuel de 195 000 euros ; percevoir des revenus fonciers annuels de 48'000 euros, outre des dividendes pour 35 000 euros chacun ; être titulaire d'une épargne de 15 000 euros ; être propriétaire d'un bien immobilier, commun, d'une'valeur nette de (1 300 000 - 345 000) 955 000 euros ; et rembourser deux prêts avec des capitaux restant dus de 45 000 euros et de 300 000 euros. Ces éléments sont ceux que les deux appelants reprennent dans leur tableau synthétique, sauf deux observations. La première est que Mme [H] est admise, pour la raison précitée, à faire valoir des revenus annuels légèrement différents de 193 384 euros (pour son époux) et de 16 864 euros (pour elle-même), ainsi qu'à déduire le montant des impôts (56 081 euros), tous éléments dont elle justifie à partir de la production de l'avis d'imposition sur les revenus perçus au 31'décembre 2008 (pièce n° 6). La seconde est que, dans leur tableau, M. et Mme [H], d'une part, retiennent la valeur de leur bien immobilier pour 1'300'000'euros sans en déduire le prêt restant dû (345 000 euros), dont il faut en définitive comprendre qu'il correspond aux deux prêts de 300 000 euros et de 45 000 euros que M. [H] avait déclarés dans la fiche de renseignements et qu'ils font dûment figurer à leur passif ; d'autre part, ne déduisent pas de leurs revenus disponibles le montant des mensualités de remboursement de prêts.
Le débat se focalise sur un prêt de 2 012 663,51 euros que M. et Mme [H] justifient avoir souscrit auprès de la SA BNP Paribas Personal Finance le 22'septembre 2008, soit après la signature de la fiche de renseignements mais avant la conclusion des cautionnements litigieux. Contrairement à ce que soutient la banque intimée, il doit être tenu compte de ce prêt dans l'appréciation de la consistance du patrimoine des appelants à la date de la conclusion de leurs cautionnements. Il en va ainsi non pas parce que, comme le prétendent les appelants, ce prêt a été accordé par la banque intimée elle-même puisque la SA'BNP Paribas est une personne morale distincte de la SA BNP Paribas Personal Finance, mais parce que, comme il a été précédemment expliqué, il'incombait à la banque intimée de s'enquérir de la situation financière actualisée de M. et Mme [H] avant la signature effective de leurs cautionnements à son profit.
Ce prêt a permis aux appelants de financer l'acquisition, le 22 septembre 2008, d'une nouvelle résidence principale au prix de 1 275 000 euros, ainsi qu'à rembourser sept emprunts et à régler des frais. Les appelants font ainsi figurer, à juste titre, cet actif immobilier dans leur tableau synthétique, en contrepartie de l'inscription au passif du prêt dont la cour ramène toutefois le montant à 2 012 663,51 euros tel qu'il figure à l'acte authentique versé aux débats, au lieu du montant de 2 016 537,27 euros mentionné par les appelants.
Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, pour faire face à leurs engagements de caution chacun souscrits dans la limite de 394 543,38 euros, soit à hauteur d'une somme totale de 789 086,76 euros, M. et Mme [H] disposaient d'un patrimoine (mobilier et immobilier) net de (1 300 000 + 1 275 000 + 15 000 - 300 000 - 45 000 - 2 012 663,51) 232 336,49 euros, ainsi que de revenus annuels de 285 400 euros (selon les déclarations de M. [H]) ou de 228 967 euros (selon'les justificatifs produits par Mme [H]). Même après déduction du patrimoine net, les cautionnements litigieux persistaient donc pour un solde de (789 086,76 - 232 336,49) 556 750,27 euros qui représentait encore près de deux années (selon les déclarations de M. [H]) et plus de deux années (selon les justificatifs produits par Mme [H]) des revenus du couple. La preuve par les appelants d'une disproportion manifeste de leurs engagements, à la date à laquelle ils les ont conclus, est par là même rapportée.
La banque intimée ne propose pas d'établir que la situation de M. et Mme [H] s'est améliorée, de telle sorte à leur permettre d'honorer leurs engagements à la date à laquelle elle les a appelés, soit à la date des assignations du 17 février 2020.
Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé et la SA BNP Paribas, ne pouvant pas se prévaloir des engagements de caution, sera'déboutée de ses demandes de condamnation au paiement.
Il devient de ce fait inutile de statuer sur la demande de déchéance du droit aux intérêts en raison d'un manquement allégué par la SA BNP Paribas à son obligation annuelle d'information des cautions, à laquelle les premiers juges ont omis de répondre. La cour reste en revanche saisie de la demande d'indemnisation au titre du manquement au devoir de mise en garde, que M. et Mme [H] indiquent expressément formuler en tout état de cause.
- sur le manquement au devoir de mise en garde :
Les appelants, qui estiment être tous les deux des cautions non averties, reprochent en effet à la SA BNP Paribas, sur le fondement de l'article 1147 du code civil, d'avoir manqué à son devoir de mise en garde tant au regard du caractère inadapté du prêt aux capacités financières de la SARL Davemar qu'en considération du risque d'endettement excessif auquel les cautionnements les a exposés. Ils poursuivent l'indemnisation de la perte de chance de ne pas contracter et ils réclament une somme de 35 000 euros, chacun, de dommages-intérêts à ce titre.
Les premiers juges, après avoir écarté la disproportion des engagements de M. et Mme [H], ont débouté ces derniers de leurs demandes de dommages-intérêts en considérant que les projets immobiliers importants qu'ils avaient réalisés à cette époque attestaient de leur solvabilité et que la situation financière qu'ils avaient déclarée à la banque ne révélait aucun risque financier.
Le débat sur la qualité de cautions averties, ou pas, des appelants, ou sur la caractérisation d'un manquement par la SA BNP Paribas à un devoir de mise en garde est en réalité vain, dans la mesure où le préjudice consécutif à la méconnaissance par un établissement de crédit de son devoir de mise en garde à l'égard d'une caution consiste en la perte de la chance d'éviter, en ne se rendant pas caution, le risque qu'on lui demande de payer la dette garantie. Les'appelants n'invoquent pas de dommage qui serait distinct de cette perte de chance, laquelle se détermine à partir des sommes qui sont effectivement mises à la charge de la caution. Or, M. et Mme [H] ont en l'espèce été déchargés de leurs engagements de caution et la banque a été débouté de ses demandes formées en exécution des cautionnements litigieux, de telle sorte que les appelants ne peuvent se prévaloir d'aucune perte de chance indemnisable.
Le jugement sera par conséquent confirmé, en ce qu'ils les a déboutés de leur demande de dommages-intérêts.
- sur les demandes accessoires :
Le jugement est infirmé dans ces dispositions ayant statué sur les frais irrépétibles et les dépens.
La SA BNP Paribas, partie perdante, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement à M. et Mme [H] d'une somme totale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, elle-même étant déboutée de sa demande formée à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant publiquement et contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a écarté la disproportion manifeste des engagements de caution souscrits par M. et Mme [H], en ce qu'ils les a condamnés au paiement de la somme de 554'543,62 euros dans la limite de leurs engagements de caution et en ce qu'il les a condamnés aux dépens et aux frais irrépétibles ;
statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la SA BNP Paribas de ses demandes de condamnation de M. et Mme [H] en exécution des engagements de caution souscrits le [Date décès 5] 2008 ;
Déboute la SA BNP Paribas de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA BNP Paribas à verser à M. et Mme [H] une somme totale de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SA BNP Paribas aux dépens de première instance et d'appel ;
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,