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Décisions

CA Amiens, 1re ch. civ., 25 novembre 2025, n° 25/00015

AMIENS

Autre

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CA Amiens n° 25/00015

25 novembre 2025

ARRET



[S]

S.C.I. [S]

C/

MAITRE [G] [M] - COMMISSAIRE DE JUSTICE

SELARL EVOLUTION- ES QUALITE DE LIQUIDATEUR JUDICIAIRE DE LA SCI [S]

EDR/SB/DPC

COUR D'APPEL D'AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT CINQ NOVEMBRE

DEUX MILLE VINGT CINQ

Numéro d'inscription de l'affaire au répertoire général de la cour : N° RG 25/00015 - N° Portalis DBV4-V-B7I-JHMQ

Décision déférée à la cour : ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE SAINT-QUENTIN DU QUINZE OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE

PARTIES EN CAUSE :

Madame [F] [S]

née le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 7]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 1]

Représentée par Me Pascal BIBARD de la SELARL CABINETS BIBARD AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane DIBOUNDJE, avocat au barreau d'AMIENS

S.C.I. [S] agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Pascal BIBARD de la SELARL CABINETS BIBARD AVOCATS, avocat au barreau d'AMIENS

Ayant pour avocat plaidant Me Stéphane DIBOUNDJE, avocat au barreau d'AMIENS

APPELANTES

ET

Maître [K] [M] - Commissaire de justice

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Ludivine BIDART-DECLE, avocat au barreau d'AMIENS

Plaidant par Me Cécile PLOT, avocat au barreaud de [Localité 8]

INTIMEE

SELARL EVOLUTION, anciennement dénommée « SELARL GRAVE-[H] », es qualités de liquidateur de la SCI [S] (RCS 448 392 803) agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Pierre LOMBARD, avocat au barreau de SAINT-QUENTIN

PARTIE INTERVENANTE

DEBATS :

A l'audience publique du 02 septembre 2025, l'affaire est venue devant Mme Emilie DES ROBERT, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l'article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 25 novembre 2025.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Sarah BOURDEAUDUCQ, greffière placée en présence de Mme Léanne GAFFEZ-TAVERNIER, attachée de justice.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre, présidente, Mme Anne BEAUVAIS et Mme Emilie DES ROBERT, Conseillères, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L'ARRET :

Le 25 novembre 2025, l'arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Agnès FALLENOT, Présidente de chambre et Mme Sarah BOURDEAUDUCQ, greffière placée.

*

* *

DECISION :

Par jugement du 22 septembre 2016, le tribunal judiciaire de Saint-Quentin a ouvert une procédure de redressement judiciaire de la SCI [S] et nommé Me [Z] en qualité d'administrateur judiciaire et la SELARL Perin Borkowiak en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 16 avril 2018, le tribunal a arrêté le plan de redressement sur une durée de dix ans.

Par jugement du 9 décembre 2019, le tribunal a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, et a désigné la SELARL Grave [H] en qualité de liquidateur.

Par jugement du 13 décembre 2021 le tribunal Judiciaire de Saint-Quentin a déclaré irrecevable la tierce opposition formée par M. [J] [S], associé minoritaire de la SCI [S].

M. [J] [S] a interjeté appel de ladite décision en janvier 2022.

Parallèlement, considérant que le jugement ne lui avait pas été régulièrement notifié en ce qu'un faux aurait été commis sur le récépissé de retrait à l'étude de l'huissier de justice en date du 19 décembre 2019 du jugement rendu le 9 décembre 2019, la SCI [S] et Mme [F] [S], sa gérante, ont assigné le 13 décembre 2022 Mme [G] [M], commissaire de justice, devant le tribunal judiciaire de Saint-Quentin aux fins de demander au tribunal de :

- constater que le récépissé de retrait du jugement du 9 décembre 2019 à l'étude du 19 décembre 2019 constitue un faux,

- en conséquence, déclarer nulle et de nul effet la signification du jugement (n° RG : 19/00012) du 9 décembre 2019 rendu par le tribunal de grande instance de Saint-Quentin par Me [M],

- faire sommation à Mme [G] [M] de déclarer si elle entend ou non faire usage de l'acte de récépissé de retrait du 19 décembre 2019 prétendu faux,

- condamner Mme [G] [M] à verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à Mme [S],

- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir,

- condamner Mme [G] [M] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Rollier, avocat au barreau de Paris,

- condamner Mme [G] [M] à verser à Mme [S] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [M] a régulièrement constitué avocat et a déposé des conclusions d'incident.

La SELARL Evolution, représentée par Me [H], liquidateur de la SCI [S], est intervenue volontairement à l'instance.

Par ordonnance du 15 octobre 2024, le juge de la mise en état a :

- déclaré recevable l'intervention volontaire de la SELARL Evolution,

- déclaré irrecevable l'action en inscription de faux engagée par la SCI [S] et Mme [F] [S],

- condamné la SCI [S] et Mme [F] [S] in solidum au paiement d'une amende civile de 2 000 euros,

- condamné la SCI [S] et Mme [F] [S] in solidum à payer à Mme [G] [M] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts et les a déboutées de leur propre demande,

- condamné la SCI [S] et Mme [F] [S] in solidum à payer à Mme [G] [M] la somme de 3 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile et les a déboutées de leur propre demande,

- condamné la SCI [S] et Mme [F] [S] in solidum à payer à la SELARL Evolution la somme de 1 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SCI [S] et Mme [F] [S] in solidum aux entiers dépens,

- rejeté les autres demandes.

Par déclaration du 30 octobre 2024, la SCI [S] et Mme [F] [S] ont interjeté appel de cette décision, en toutes ses dispositions.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 28 janvier 2025, la SCI [S] et Mme [F] [S] demandent à la cour :

D'infirmer l'ordonnance du juge de la mise en état entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau :

- déclarer recevable l'intervention volontaire de la SELARL Evolution,

- déclarer recevable l'action en inscription de faux engagée par la SCI [S] et Mme [F] [S],

- constater que le récépissé de retrait du jugement du 9 décembre 2019 à l'étude du 19 décembre 2019 est un faux,

- écarter la pièce adverse n°3 constituée par l'attestation de Mme [N] [Y] en ce qu'elle ne respecte pas les prescriptions de l'article 202 du code de procédure civile,

- déclarer nulle et de nul effet la signification du jugement du 9 décembre 2019 par Mme [G] [M],

- condamner Mme [G] [M] à verser 10 000 euros à titre de dommages et intérêts à Mme [F] [S] et 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [G] [M] aux entiers dépens en première instance et appel,

- dire n'y avoir lieu à la condamnation de la SCI [S] et de Mme [F] [S] au paiement d'une amende civile,

- débouter Mme [G] [M] de sa demande de dommages et intérêts et de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée à l'encontre de la SCI [S] et de Mme [F] [S] ainsi qu'au titre des dépens,

- débouter la SELARL Evolution sa demande formulée à l'encontre de la SCI [S] et de Mme [F] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au titre des dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 18 mars 2025, Mme [G] [M] demande à la cour :

D'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a rejeté le moyen tiré de la nullité de l'assignation au visa de l'article L641-9-1 du code de commerce,

Statuant à nouveau :

- juger nulle cette assignation pour défaut de capacité d'ester en justice de la SCI [S],

- juger que la SCI [S] et Mme [S] sont irrecevables à agir au vu de l'article L641-9 du code de commerce,

- confirmer le cas échéant en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 15 octobre 2024 par le tribunal judiciaire de Saint-Quentin,

Subsidiairement :

- juger irrecevable la procédure d'inscription de faux déposée à titre principal devant le tribunal judiciaire de Saint-Quentin ;

- juger que la SCI [S] et Mme [S] n'ont pas qualité pour attaquer en faux la copie du retrait du récépissé en date du 19 décembre 2019,

- juger que Mme [M] ne peut être désignée comme la partie visée par l'article 306 du code de procédure civile,

- par conséquent, juger l'action de la SCI [S] et Mme [S] irrecevable pour l'ensemble de ces motifs ;

Très subsidiairement :

- ordonner une mesure d'expertise en écriture de l'acte de retrait en date du 19 décembre 2019 limitée à la seule signature de Mme [S],

- juger que les frais de cette expertise devront être supportés par Mme [S],

En tout état de cause :

- débouter la SCI [S] et Mme [S] de l'ensemble de leurs demandes,

Y ajoutant :

- condamner solidairement la SCI [S] et Mme [S] à lui payer 10 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral et d'anxiété lié à cette procédure d'appel,

- condamner solidairement la SCI [S] et Mme [S] à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 26 mars 2025, la SELARL Evolution, anciennement dénommée SELARL Grave [H], en qualité de liquidateur de la SCI [S], demande à la cour :

- d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a admis la capacité à agir seules des appelantes,

- de prononcer la nullité de l'assignation introductive d'instance,

- de débouter la SCI [S] et Mme [S] de leurs « moyens, fins et conclusions »,

- de confirmer l'ordonnance entreprise, en ses autres dispositions et notamment en ce qu'elle a prononcé l'irrecevabilité de l'action en inscription de faux engagée par la SCI [S] et Mme [S],

- de déclarer caduque la procédure d'inscription de faux,

- de condamner solidairement la SCI [S] et Mme [S] au paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 juin 2025 puis a été révoquée à l'audience du 17 juin 2025 pour communication de la procédure au ministère public, lequel a conclu le 11 août 2025 à la confirmation de la décision entreprise. Cet avis a été notifié aux parties le même jour.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 septembre 2025.

MOTIFS

A titre préliminaire, le chef de l'ordonnance querellé ayant déclaré recevable l'intervention volontaire de la société Evolution, indiqué dans l'acte d'appel mais ne faisant plus l'objet d'aucune critique, ne peut qu'être confirmé.

1. Sur la nullité de l'assignation

Mme [G] [M] soutient que la SCI [S] n'est nullement habilitée au visa des articles L. 641-9 et suivants du code de commerce à agir en justice sans être représentée par son liquidateur judiciaire. Elle ajoute que la procédure d'inscription de faux étant une procédure civile, l'exception visée par l'article L. 641-9 ne saurait recevoir application. Dès lors, l'action initiée par la SCI [S] doit être déclarée irrecevable et l'assignation nulle, l'intervention volontaire de la SELARL Evolution ne pouvant couvrir cette irrecevabilité.

Elle invoque par ailleurs la nullité de l'assignation au motif de l'absence de régularité de la procédure en inscription de faux principale, l'assignation qui lui a été délivrée ne comportant pas la copie de l'acte d'inscription de faux. Elle soutient que l'absence de dénonciation de l'acte d'inscription de faux du 14novembre 2022 constitue une nullité de fond qui entraîne donc la nullité de l'assignation en date du 13 décembre 2022 et l'irrecevabilité de la procédure en inscription de faux.

Elle précise à ce titre que Mme [S] indique avoir déposé un acte d'inscription de faux le 14 novembre 2022 au greffe et produit le justificatif de ce dépôt en pièce 4. Mais l'acte d'inscription de faux annexé au procès-verbal de dépôt est daté du 12 décembre 2022, et n'est au demeurant ni signé ni enregistré et encore moins visé par le greffe, ce qui signifie qu'il ne s'agit pas de l'acte d'inscription de faux qui a été déposé le 14 novembre 2022, dont elle n'est toujours pas en possession. Elle souligne que Mme [S] reconnaît que l'acte d'inscription de faux du 14 novembre 2022 n'est pas produit et a disparu alors que cet acte devait être dénoncé en même temps que la délivrance de l'assignation sous peine d'irrecevabilité de l'action.

La SELARL Evolution, ès qualités, invoque la nullité de l'assignation en ce que celle-ci a été délivrée sans aucune référence au liquidateur qui n'en a même pas été avisé, alors même que la SCI [S] savait qu'elle ne pouvait pas engager une procédure sans les organes de la liquidation par application du principe de dessaisissement, compte tenu de l'existence d'une précédente ordonnance par laquelle le juge de la mise en état avait constaté la nullité de l'assignation pour défaut de capacité d'ester en justice de la SCI [S] sans son administrateur judiciaire.

Elle affirme que la SCI [S] et Mme [S] n'ignorent rien du droit des procédures collectives et ont fait intervenir le liquidateur à l'occasion d'un pourvoi en cassation, n'ayant pas soutenu à l'époque que le jugement de liquidation ne leur avait pas été signifié, Mme [S] ayant convaincu le liquidateur d'intervenir à l'instance.

Elle indique s'associer aux arguments développés par Mme [M] dans ses conclusions, et les reprend à son compte. Elle rappelle que la procédure en inscription de faux est organisée par les articles 300 et suivants du code de procédure civile, qu'elle est ouverte à une partie qui doit dénoncer l'inscription de faux au défendeur ou être jointe à l'assignation avec sommation de déclarer s'il entend ou non faire usage de l'acte prétendument faux. Elle soutient qu'en l'espèce, ni la SCI [S] ni Mme [S] n'ont assigné le liquidateur pour savoir s'il entendait se prévaloir de la signification du jugement de liquidation.

Au surplus, elle indique que la communication au parquet imposée par l'article 303 du code de procédure civile n'a pas été faite.

Elle soutient donc que la totalité de la procédure est entachée de vices.

La SCI [S] et Mme [S] répondent, s'agissant de leur capacité d'ester en justice, que l'action en inscription de faux contre le récépissé de signification du jugement du 9 décembre 2019 ayant ouvert la procédure de liquidation judiciaire de la SCI [S] est en lien avec l'exercice du droit d'appel et relève du droit propre du débiteur. Par ailleurs, elles constatent que la société Evolution est intervenue volontairement à la procédure en sa qualité de liquidateur, de sorte qu'aucune irrégularité ne peut être constatée à ce titre.

Elles soutiennent par ailleurs que la procédure d'inscription de faux qui précède l'assignation est en l'espèce parfaitement régulière.

Elles indiquent en ce sens que l'assignation a été délivrée le 13 décembre 2022 et que l'acte d'inscription de faux a été remis au greffe le 14 novembre 2022 comme l'atteste le greffier par procès-verbal de remise d'acte d'inscription de faux principal.

Elles ajoutent que sur le procès-verbal il est bien articulé le moyen que la partie invoque pour établir le faux puisqu'il est précisé : « elle argue de faux la signature sur le récépissé de retrait d'un acte à l'étude d'huissier », de sorte que les prescriptions de l'article 306 du code de procédure civile ont bien été respectées.

Elles précisent que le greffier indique que l'acte d'inscription de faux a été remis en double exemplaire et que l'un des exemplaires a été restitué au déposant, ce qui suppose que l'autre exemplaire a été conservé par le greffe. L'acte d'inscription de faux du 14 novembre 2022 figurait dans le bordereau de pièces de l'assignation et en tout état de cause est à nouveau versé au débat en cause d'appel, de sorte que la procédure d'inscription de faux a été respectée et que l'assignation formant demande principale en faux a été faite dans le délai d'un mois.

Sur ce,

Aux termes de l'article L 641-9 I du code de commerce, le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur.

Toutefois, le débiteur peut se constituer partie civile dans le but d'établir la culpabilité de l'auteur d'un crime ou d'un délit dont il serait victime.

Le débiteur accomplit également les actes et exerce les droits et actions qui ne sont pas compris dans la mission du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné.

Du fait de son dessaisissement résultant du jugement de liquidation judiciaire, le pourvoi formé par le débiteur, qui n'exerce pas de droit propre, n'est pas recevable (Com. 30 janvier 2007, no04-19.20.

Le débiteur dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, par l'effet du jugement prononçant la liquidation judiciaire, conserve le droit, pourvu qu'il l'exerce contre le liquidateur ou en sa présence, de former un appel, puis le cas échéant, un pourvoi en cassation, contre les décisions prononçant la résolution de son plan de redressement et sa liquidation judiciaire (Com. 8 février 2023, no 21-16.954).

Il résulte de l'article 303 du code de procédure civile que l'inscription de faux contre un acte authentique donne lieu à communication au ministère public.

Par application de l'article 314 du code de procédure civile, la demande principale en faux est précédée d'une inscription de faux formée comme il est dit à l'article 306.

La copie de l'acte d'inscription est jointe à l'assignation qui contient sommation, pour le défendeur, de déclarer s'il entend ou non faire usage de l'acte prétendu faux ou falsifié.

L'assignation doit être faite dans le mois de l'inscription de faux à peine de caducité de celle-ci.

Il résulte de l'article 306 du code de procédure civile que l'inscription de faux est formée par acte remis au greffe par la partie ou son mandataire muni d'un pouvoir spécial.

L'acte, établi en double exemplaire, doit, à peine d'irrecevabilité, articuler avec précision les moyens que la partie invoque pour établir le faux.

L'un des exemplaires est immédiatement versé au dossier de l'affaire et l'autre, daté et visé par le greffier, est restitué à la partie en vue de la dénonciation de l'inscription au défendeur.

La dénonciation doit être faite par notification entre avocats ou signification à la partie adverse dans le mois de l'inscription.

En vertu de l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

- le défaut de capacité d'ester en justice ;

- le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

- le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice.

Par ailleurs, les articles 119 et 120 du même code disposent que les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être accueillies sans que celui qui les invoque ait à justifier d'un grief et alors même que la nullité ne résulterait d'aucune disposition expresse. Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public. Le juge peut relever d'office la nullité pour défaut de capacité d'ester en justice.

En l'espèce, la cour relève que le juge de la mise en état a, par des motifs fondés en fait et en droit, retenu que l'action diligentée par la SCI [S] et Mme [S] en inscription de faux contre le récépissé de signification du jugement du 9 décembre 2019 ayant converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire relevait du droit propre du débiteur.

Il s'agit en effet de l'exercice d'un droit qui n'est pas compris dans la mission du liquidateur.

En tout état de cause, si la société Evolution n'a pas été attraite à la procédure, celle-ci est néanmoins présente du fait de son intervention volontaire.

En conséquence, le moyen de nullité invoqué au titre d'un défaut de capacité d'ester en justice de la SCI [S] et de Mme [S] est inopérant.

Sur la régularité de la procédure d'inscription de faux, il est relevé que le juge de la mise en état a sollicité l'avis du ministère public en cours de délibéré et que le 2 août 2024, ce dernier a indiqué s'en rapporter, ce dont les parties ont été avisées par voie électronique le même jour.

Le moyen de nullité invoqué à ce titre est également inopérant.

Le juge de la mise en état a retenu que l'acte d'inscription de faux du 14 novembre 2022 évoqué dans l'assignation n'était pas produit par la SCI [S] et Mme [S], seul figurant au dossier un acte d'inscription de faux devant le tribunal judiciaire de Saint-Quentin, produit par celles-ci, daté du 12 décembre 2022, qui n'était aucunement visé par un greffier. Le juge de la mise en état a considéré qu'en l'état des pièces du dossier, la preuve n'était pas rapportée que l'assignation avait été précédée d'une inscription de faux conforme aux dispositions de l'article 306 du code de procédure civile et a en conséquence déclaré l'action irrecevable.

A hauteur d'appel, et contrairement à ce que prétendent la SCI [S] et Mme [S], l'acte d'inscription de faux du 14 novembre 2022 n'est toujours pas versé aux débats, la pièce n°4 communiquée par celles-ci et intitulée « acte d'inscription de faux du 14 novembre 2022 » dans leur bordereau correspondant en fait au procès-verbal de remise d'acte d'inscription de faux principal dressé par le greffe du tribunal judiciaire de Saint-Quentin le 14 novembre 2022.

L'acte d'inscription de faux du 14 novembre 2022 n'a ainsi jamais été produit ni en première instance ni en cause d'appel.

De même, il ne peut être déduit du fait que cet acte d'inscription de faux était mentionné en pièce n°4 du bordereau annexé à l'assignation que celui-ci a été régulièrement dénoncé à Mme [M].

Ainsi, force est de constater que la SCI [S] et Mme [S] échouent à démontrer que l'acte d'inscription de faux du 14 novembre 2022 a été dénoncé à Mme [M].

Si la SCI [S] et Mme [S] précisent que le greffier indique dans son procès-verbal en date du 14 novembre 2022 que l'acte d'inscription de faux a été remis en double exemplaire et que l'un des exemplaires a été restitué au déposant, ce qui suppose que l'autre exemplaire a été conservé par le greffe, il importe de rappeler que la dénonciation de l'acte d'inscription de faux ne relève pas de la diligence du greffe mais de celle de la SCI [S] et de Mme [S].

Enfin, l'acte d'inscription de faux daté du 12 décembre 2022 ne peut venir régulariser la nullité de fond affectant l'assignation délivrée à Mme [M].

En conséquence, l'assignation en inscription de faux est déclarée nulle.

Dès lors que l'acte introductif d'instance est annulé, l'ordonnance querellée est nulle et la cour ne peut statuer sur les autres prétentions des parties, exceptées celles relatives aux dépens et frais irrépétibles.

2. Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner in solidum la SCI [S] et Mme [S] aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, la SCI [S] et Mme [S] seront par ailleurs condamnées in solidum à payer à Mme [M] et la société Evolution, ès qualités, la somme indiquée au dispositif du présent arrêt et seront déboutées de leur propre demande au titre de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe, après débats publics, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort,

Déclare nulle l'assignation délivrée le 13 décembre 2022 à Mme [G] [M] devant le tribunal judiciaire de Saint-Quentin ;

Déclare nulle l'ordonnance rendue le 15 octobre 2024 par le juge de la mise en état de [Localité 9] ;

Condamne in solidum la SCI [S] et Mme [F] [S] aux dépens d'appel ;

Condamne in solidum la SCI [S] et Mme [F] [S] à payer à Mme [G] [M] la somme de 5 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Condamner in solidum la SCI [S] et Mme [F] [S] à payer à la société Evolution, en qualité de liquidateur judiciaire de la SCI [S], la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ;

Déboute la SCI [S] et Mme [F] [S] de leur demande au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

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