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CA Lyon, retentions, 25 novembre 2025, n° 25/09264

LYON

Ordonnance

Autre

CA Lyon n° 25/09264

25 novembre 2025

N° RG 25/09264 - N° Portalis DBVX-V-B7J-QUPJ

Nom du ressortissant :

[B] [Y]

[Y]

C/

LA PREFETE DE L'AIN

COUR D'APPEL DE LYON

JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT

ORDONNANCE DU 25 NOVEMBRE 2025

statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers

Nous, Perrine CHAIGNE, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance de madame la première présidente de ladite Cour en date du 1er septembre 2025 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile,

Assistée de Inès BERTHO, greffier,

En l'absence du ministère public,

En audience publique du 25 Novembre 2025 dans la procédure suivie entre :

APPELANT :

M. [B] [Y]

né le 02 Septembre 1999 à [Localité 8] (ALBANIE)

Actuellement retenu au Centre de rétention administrative de [6] 2

comparant assisté de Me HOUPPE Marie, avocat au barreau de LYON, commise d'office

ET

INTIMEE :

Mme LA PREFETE DE L'AIN

[Adresse 3]

[Localité 1]

non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître Geoffroy GOIRAND, avocat au barreau de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE substituant Me Jean-Paul TOMASI, avocat au barreau de LYON

Avons mis l'affaire en délibéré au 25 Novembre 2025 à et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit :

FAITS ET PROCÉDURE

Une obligation de quitter le territoire français a été notifiée à [B] [Y] le 18 novembre 2025.

Par décision du 18 novembre 2025, l'autorité administrative a ordonné le placement d' [B] [Y] en rétention à compter du jour même dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour l'exécution de cette obligation de quitter le territoire français.

Suivant requête en date du 20 novembre 2025 reçue et enregistrée le même jour à 10h38, [B] [Y] a contesté la régularité de la décision de placement en rétention administrative.

Suivant requête du 21 novembre 2025, reçue et enregistrée le même jour à 15 heures 01, le préfet de l'Ain a saisi le juge du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention d'[B] [Y] pour une durée de vingt-six jours.

Le juge du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 22 novembre 2025 à 15 heures 55 a :

- ordonné la jonction des deux procédures,

- déclaré recevable la requête d'[B] [Y],

- déclaré la décision prononcée à l'encontre d'[B] [Y] régulière,

- ordonné en conséquence le maintien en rétention d'[B] [Y] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 5],

- déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable,

- déclaré la procédure diligentée à l'encontre d'[B] [Y] régulière,

- ordonné la prolongation de la rétention d'[B] [Y] pour une durée de 26 jours.

Le Conseil d'[B] [Y] a interjeté appel de cette ordonnance par déclaration au greffe le 24 novembre 2025 à 10h23 en sollicitant l'infirmation de l'ordonnance susvisée et en soulevant au visa de l'article R. 743-2 du CESEDA, l'irrecevabilité de la requête préfectorale en prolongation de la rétention administrative en raison de l'absence de l'ordonnance autorisant la visite domiciliaire au [Adresse 2] à [Localité 7] permettant au magistrat de contrôler la régularité de la procédure ayant conduit à son interpellation ainsi que la disproportion de son placement en rétention administrative au regard de ses garanties de représentation et notamment de son passeport en cours de validité ainsi que de son adresse.

Il a fait valoir que le comportement de l'intéressé n'était pas constitutif d'une menace à l'ordre public au regard de l'ancienneté de sa condamnation il y a 6 ans et que le ministère public indiquait sans le démontrer qu'[B] [Y] ne souhaitait pas quitter la France.

Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 25 novembre 2025 à 10 heures 30.

[B] [Y] a comparu et a été assisté d'un avocat.

Le Conseil d'[B] [Y] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel.

Le préfet de l'Ain, représenté par son Conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée.

Il a mentionné que la requête de la préfecture était recevable et comportait l'ensemble des pièces justificatives utiles pour permettre au juge de se prononcer. Il a relevé que l'administration n'avait d'autre choix que le placement en rétention administrative d'[B] [Y] compte tenu des deux dernières mesures d'éloignement prononcées en 2019 et 2022 ayant donné lieu à un retour forcé de ce dernier en Albanie, de sa dernière incarcération pour violences conjugales et de sa volonté affichée de rester en France. Il a sollicité la prolongation de la rétention administrative d'[B] [Y].

[B] [Y] a eu la parole en dernier.

MOTIVATION

Sur la recevabilité de l'appel

L'appel du conseil d'[B] [Y] relevé dans les formes et délais légaux prévus par les dispositions des articles L. 743-21, R. 743-10 et R. 743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) est déclaré recevable ;

Sur la recevabilité de la requête du préfet de l'Ain

Il résulte de l'article R. 743-2 du CESEDA que :

«A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.» ;

Cette fin de non-recevoir est à examiner primordialement en ce qu'elle conditionne l'examen de pièces fournies par l'autorité administrative lors de l'audience devant le juge du tribunal judiciaire ;

L'article L 743-2 du CESEDA ne fixe pas la liste des pièces justificatives utiles, lesquelles dépendent à la fois des différentes mesures dont l'étranger a fait l'objet et de la nature de la prolongation sollicitée par le préfet.

En ce domaine, il appartient au juge, de vérifier in concreto et dans chaque espèce qu'il dispose des informations utiles au contrôle qu'il doit exercer.

En l'espèce, le premier juge a retenu à bon droit que 'l'autorité préfectorale avait joint à sa requête un procès-verbal de saisine du 18 novembre 2025 à 6h45 exposant que les services de la police nationale de [Localité 1] avaient été requis par les gendarmes de [Localité 4] et qu'au cours de l'interpellation par les gendarmes d'un nommé [R] [J] à son domicile pour trafic de stupéfiants, ils avaient constaté la présence d'un individu étranger à leur affaire qui se débarrassait à leur vue d'un sachet contenant de la poudre blanche et d'une balance de précision ; que cet individu nommé [B] [Y] avait été interpellé le 18 novembre 2025 à 6h15 et qu'une enquête de flagrance incidente avait été ouverte; que dans ce contexte la légalité de la visite domiciliaire au cours de laquelle ces constatations avaient été réalisées était indifférente';

Il en résulte que ces éléments antérieurs à la procédure de placement en rétention ne constituent pas des pièces justificatives utiles au sens de cet article puisque les éléments d'historique figurant dans le procès verbal de saisine quant aux décisions prises et aux faits ayant conduit à l'interpellation de l'intéressé suffisent à éclairer le juge sur ce point.

L'exception d'irrecevabilité doit donc être rejetée.

Sur le moyen pris de la contestation du placement en rétention au motif de la disproportion et de la menace à l'ordre public.

L'article L 743-13 du CESEDA permet au juge des libertés et de la détention d'ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui ci dispose de garanties de représentation effectives et après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original de son passeport et de tout document justificatif de son identité ce qui est le cas en l'espèce.

En l'espèce le premier juge a relevé de manière pertinente qu'[B] [Y] avait déclaré lors de son audition du 18 novembre 2025 ne pas souhaiter se conformer à la mesure d'éloignement et vouloir demeurer en France pour retrouver ses enfants ce qu'il a réitéré à l'audience de ce jour ce qui démontre sa volonté de ne pas exécuter la mesure d'éloignement;

Le premier juge a relevé également qu'[B] [Y] n'avait pas été en mesure de justifier d'une résidence effective et permanente en France et avait déclaré lors de son audition du 18 novembre 2025 être sans-domicile-fixe et être hébergé par un ami à [Localité 7] ; il a versé aux débats lors de l'audience de première instance une attestation d'hébergement établie par une dénommée madame [Z] [D] domiciliée à [Localité 1] qu'il aurait rencontrée, d'après ses explications devant le premier juge, quelques jours avant son interpellation mais dont il n'a rien dit lors de l'audience devant la Cour d'Appel;

[B] [Y] a par ailleurs été condamné par le tribunal correctionnel de Mâcon le 10 décembre 2021 à une peine de six mois d'emprisonnement avec sursis probatoire pendant une durée de deux ans pour des faits de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité et appels téléphoniques malveillants réitérés par une personne étant ou ayant été conjoints, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité révoquée à hauteur de quatre mois par le juge de l'application des peines de Bourg-en-Bresse le 18 octobre 2022. Il a été incarcéré pour ces faits.

Il a par ailleurs été signalisé à de multiples reprises entre 2017 et 2022 pour des faits de vol, d'extorsion et de violence sur conjoint.

Son comportement constitue une menace à l'ordre public.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que le placement en rétention administrative d'[B] [Y] n'est pas disproportionnée et qu'il ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence même s'il a remis au greffe du centre de rétention administratif de [Localité 5] son passeport en cours de validité.

Ce moyen est inopérant.

Sur la prolongation de la rétention.

L'article L 742-1 du CESEDA dispose que : 'le maintien en rétention au-delà de 96 heures à compter de la notification de la décision de placement initial peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge du tribunal judiciaire saisi à cette fin par l'autorité administrative'.

Il ressort des pièces du débat qu'au moment de sa requête du 2 novembre 2025 à 15 heures 01, l'autorité administrative avait saisi les autorités consulaires albanaises dès le 19 novembre 2025 afin qu'un laisser passer lui soit délivré.

La réalité de ces diligences n'est pas contestée et le faible délai de moins de 96 heures dont dispose l'autorité préfectorale avant de saisir le juge du tribunal judiciaire d'une requête en prolongation, ne lui permettait pas d'engager d'autres diligences utiles que celles dont elle fait état dans sa requête et qui sont justifiées dans le dossier de la procédure ;

La requête préfectorale mentionne également que l'intéressé a été placé en garde à vue pour des faits de détention de produits stupéfiants le 18 novembre 2025 ; qu'il a été débouté de sa demande d'asile ;qu'il est divorcé avec deux enfants dont la garde a été confiée à leur mère ; qu'il est défavorablement connu des forces de l'ordre de la justice pour des faits de détention et trafic de produits stupéfiants, viol aggravé, extorsion commise avec une arme, escroquerie, menace de mort et violences conjugales, ces derniers faits ayant entraîné son incarcération en octobre 2022, la prise d'une mesure d'éloignement et son renvoi forcé en Albanie en décembre 2022 ; qu'il fait état d'une addiction à la cocaïne ; et que seul son maintien en rétention apparaît suffisant à garantir la mesure d'éloignement dont il objet.

La requête en prolongation de la rétention administrative de [B] [Y] sera en conséquence accueillie.

PAR CES MOTIFS

Déclarons recevable l'appel formé par [B] [Y] ,

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée.

Le greffier, La conseillère déléguée,

Inès BERTHO Perrine CHAIGNE

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