CA Montpellier, 5e ch. civ., 25 novembre 2025, n° 22/04507
MONTPELLIER
Arrêt
Autre
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 25 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/04507 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PRCP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 JUILLET 2022
Tribunal Judiciaire de BÉZIERS
N° RG 20/01635
APPELANTE :
S.A.S.U. W.N. KIDS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
INTIMEE :
Madame [H] [V]
née le 04 Octobre 1961 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Jordan DARTIER de la SELARL ACTAH & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
Ordonnance de clôture du 17 Septembre 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 OCTOBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. André LIEGEON, Président de chambre
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
Mme Corinne STRUNK, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. André LIEGEON, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
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* *
EXPOSE DU LITIGE
Suivant bail dérogatoire du 2 avril 2017, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids un local situé [Adresse 8] (34), à effet du 2 avril 2017 pour se terminer le 29 septembre 2017, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'exploiter un commerce de textiles femme, homme et accessoires, sauf bijoux.
Suivant bail dérogatoire du 3 avril 2018, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids le même local, à effet du 3 avril 2018 pour se terminer le 29 septembre 2018, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'y exploiter le même commerce.
Suivant bail dérogatoire du 5 avril 2019, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids le même local, à effet du 5 avril 2019 pour se terminer le 28 septembre 2019, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'y exploiter le même commerce.
Suivant bail dérogatoire du 6 avril 2020, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids le même local, à effet du 6 avril 2020 pour se terminer le 26 septembre 2020, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'y exploiter le même commerce.
Par acte d'huissier de justice du 11 juin 2020, Mme [H] [V] a fait délivrer à la SASU WN Kids un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire.
Par acte d'huissier de justice du 10 juillet 2020, Mme [H] [V] a fait délivrer à la SASU WN Kids un congé pour la date du 26 septembre 2020.
Au 26 septembre 2020, la SASU WN Kids n'a pas quitté les lieux loués.
Par acte d'huissier de justice du 25 août 2020, la SASU WN Kids a fait assigner Mme [H] [V] devant le tribunal judiciaire de Béziers, en revendication du statut des baux commerciaux à l'issue de baux dérogatoires et en nullité du congé délivré le 10 juillet 2020 par la bailleresse.
Le jugement contradictoire rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par Mme [H] [V] ;
Juge que la demande en paiement au titre des factures d'électricité pour les années 2019, 2020 et 2021 présentée par Mme [H] [V] à l'encontre de la SASU WN Kids est devenue sans objet, tenant le paiement sur l'audience le 4 avril 2022 ;
Déboute la SASU WN Kids du surplus de ses demandes ;
Dit que les relations contractuelles liant les parties sont des baux à caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux ;
Dit que le congé délivré par Mme [H] [V] à la SASU WN Kids le 10 juillet 2020 pour le 26 septembre 2020 est valable ;
Dit que la SASU WN Kids est occupante sans droit ni titre des locaux loués sis [Adresse 7], lot de copropriété n° 1005, depuis le 27 septembre 2020 ;
Fixe l'indemnité d'occupation mensuelle due à la somme de 650 euros par mois hors taxes et hors charges ;
Ordonne l'expulsion de la SASU WN Kids, ainsi que celle de tous occupants de son fait, des locaux loués à Mme [H] [V] sis [Adresse 7], lot de copropriété n°1005, à défaut pour elle d'avoir quitté les lieux dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision de justice, au besoin avec le recours à la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
Condamne la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU WN Kids aux dépens de la présente instance ;
Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire, en application de l'article 514 du code de procédure civile.
Le premier juge a retenu le caractère non prescrit de l'action en justice de la SASU WN Kids, indiquant que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, né du fait d'un maintien dans les lieux à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'était pas soumise à la prescription biennale.
Il a jugé que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par des baux à caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux, en application de l'alinéa 4 de l'article L. 145-5 du code de commerce, compte tenu du fait que la SASU WN Kids n'exploitait son fonds de commerce qu'à partir du mois d'avril et jusqu'au mois de septembre, ce qui correspondait à une exploitation saisonnière, et que le simple fait de conserver à l'année les clés d'un local exploité saisonnièrement ne pouvait caractériser une volonté du bailleur de mise en possession annuelle du local mais une simple tolérance visant à éviter au preneur d'avoir à déménager, en inter-saison, le stock et le mobilier restant.
Il a précisé que cette simple tolérance du bailleur était corroborée par les clauses insérées au titre des conditions particulières dans chacun des baux successifs, lesdites clauses ne pouvant s'analyser en une fraude aux droits du preneur, en ce qu'elles correspondaient à l'occupation réelle dudit local. Il a jugé inapplicable l'alinéa premier de l'article L. 145-5 du code de commerce, soulignant qu'il concernait les baux dérogatoires de courte durée et non pas les baux à caractère saisonnier.
Le premier juge a déclaré valable le congé délivré par Mme [H] [V], estimant toutefois qu'il n'était pas indispensable eu égard à la clause contractuelle prévoyant la fin du bail par la seule survenance du terme.
La SASU WN Kids, prise en la personne de son représentant légal en exercice, a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 25 août 2022.
Dans ses dernières conclusions du 24 novembre 2022, la SASU WN Kids, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Débouté la SASU WN Kids de sa demande tendant à voir juger qu'elle est titulaire d'un bail commercial soumis au statut pour le local commercial sis [Adresse 11], lot n° [Adresse 2] à [Localité 14] [Adresse 10] [Localité 1], appartenant à Mme [H] [V], pour voir en conséquence juger nul et de nul effet le congé à elle délivré par acte d'huissier du 10 juillet 2020 et, subsidiairement, pour voir juger que ce congé ne pourra avoir effet que pour le 3 avril 2029 et que Mme [H] [V] sera redevable d'une indemnité d'éviction à cette date,
Dit que les relations contractuelles liant les parties sont des baux à caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux,
Dit que le congé délivré par Mme [H] [V] à la SASU WN Kids le 10 juillet 2020 pour le 26 septembre 2020 est valable,
Dit que la SASU WN Kids est occupant sans droit ni titre des locaux loués sis [Adresse 12] à [Adresse 15]), depuis le 27 septembre 2020,
Fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due à la somme de 650 euros par mois hors taxes et hors charges,
Ordonné l'expulsion de la SASU WN Kids, ainsi que celle de tous occupants de son fait des locaux dont il s'agit à défaut pour elle d'avoir quitté les lieux dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement,
Condamné la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Dire et juger que la SASU WN Kids est titulaire d'un bail commercial soumis au statut pour le local commercial sis [Adresse 12] à [Adresse 16], appartenant à Mme [H] [V] ;
En conséquence, dire et juger nul et de nul effet le congé délivré à la SASU WN Kids par acte d'huissier du 10 juillet 2020 ;
Subsidiairement, dire et juger que ce congé ne pourra avoir effet que pour le 3 avril 2029 et que Mme [H] [V] sera redevable d'une indemnité d'éviction à cette date ;
Ordonner en conséquence la restitution du local loué à la SASU WN Kids dans les huit jours de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Condamner Mme [H] [V] au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour l'essentiel, sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la SASU WN Kids rappelle que la Cour de cassation considère que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut, du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale ; qu'ainsi, le premier juge a fait une exacte application de ces dispositions au cas d'espèce, soulignant qu'elle n'exerce pas une action en requalification, mais qu'elle entend faire tirer les conséquences de ce qu'elle a été maintenue dans les lieux durant plus de trois ans à l'issue de baux dérogatoires.
Sur le fond, la SASU WN Kids rappelle le principe selon lequel, en application des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, lorsqu'à l'expiration d'un bail de courte durée non soumis au statut des baux commerciaux, le preneur est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis de plein droit au statut des baux commerciaux, de même qu'en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion entre les parties d'un nouveau bail pour le même local, dès lors que la durée totale des baux successifs est supérieure à trois ans.
Elle avance que si les quatre contrats de location en litige mentionnaient qu'ils étaient soumis aux dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, c'était toutefois de façon totalement factice que la durée des locations stipulée aux contrats coïncidait avec celle de la saison, allant du début avril à la fin septembre de chaque année. Elle indique qu'en réalité, elle avait la libre disposition des locaux durant toute l'année et pas seulement durant les périodes visées par les contrats, ce qui lui a permis de réaliser tous les aménagements, que la bailleresse ne lui a jamais notifié, par lettre recommandée avec avis de réception, sa volonté de s'opposer au maintien en possession des lieux, comme cela était prévu au contrat, qu'elle conservait les clés du local durant toute l'année et ne les a jamais restituées avant le 18 octobre 2022, enfin, que le loyer stipulé dans les contrats était qualifié de loyer « annuel ».
Elle soutient en conséquence que les contrats liant les parties sont devenus un bail commercial soumis au statut découlant des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, depuis le 3 avril 2020 ; que Mme [H] [V] ne pouvait donc pas lui donner congé pour le 26 septembre 2020, alors que la période de neuf ans n'était pas écoulée, de sorte que ce congé doit, selon elle, être annulé.
Dans ses dernières conclusions du 23 février 2023, Mme [H] [V] demande à la cour de :
Rejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées ;
Débouter la SASU WN Kids de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Infirmer le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers (N°RG 20/01635 ' Minute N°22/447), seulement en ce qu'il a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par Mme [H] [V],
Fixé l'indemnité' d'occupation mensuelle due a' la somme de 650 euros par mois hors taxes et hors charges ;
Confirmer pour le surplus le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers (N°RG 20/01635 ' Minute N°22/447) ;
Déclarer prescrite l'action de la SASU WN Kids tendant à la requalification des conventions saisonnières en bail commercial pour la période antérieure au 25 août 2018 ;
Condamner la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] une indemnité d'occupation mensuelle hors taxes et hors charges d'un montant de 2 600 euros à compter du 27 septembre 2020 et ce jusqu'au jour du départ effectif de la SASU WN Kids ;
Condamner la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamner la SASU WN Kids aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Pour l'essentiel, sur la prescription, Mme [H] [V] avance que le premier juge n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et que c'est par une application inexacte de la règle de droit qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à voir déclarer prescrite l'action de la SASU WN Kids relative à la requalification des conventions saisonnières en bail commercial, pour la période antérieure au 25 août 2018.
Sur la qualification des relations contractuelles la liant à la SASU WN Kids, Mme [H] [V] estime que c'est par une parfaite appréciation des faits de l'espèce et une exacte application de la loi que le premier juge a retenu que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par des baux a' caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux, que le conge' qu'elle avait donné le 10 juillet 2020, pour le 26 septembre 2020, était parfaitement valable et que la SASU WN Kids était occupante sans droit ni titre depuis le 27 septembre 2020. Elle demande en conséquence confirmation du jugement de ce chef.
Sur le montant de l'indemnité d'occupation, Mme [H] [V] demande à la cour de la porter de la somme mensuelle de 650 euros hors taxes et hors charges, retenue par le premier juge, à la somme de 2 600 euros à compter du 27 septembre 2020, et ce jusqu'au jour du départ effectif de la SASU WN Kids.
Pour le surplus, pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, il est renvoyé aux conclusions susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 17 septembre 2025.
MOTIFS
1. Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du locataire à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du Code de commerce, n'est pas soumise à prescription (Cass. 3e civ. 25 mars 2023 n° 21-23.007).
Sur ce fondement, le premier juge a retenu que l'action de la SASU WN Kids n'était pas prescrite dès lors qu'elle consistait non pas en une demande de requalification d'un bail saisonnier en bail commercial mais en revendication du statut des baux commerciaux, au motif qu'elle aurait été laissée en possession des locaux pendant plus de trois années.
En cause d'appel, Mme [H] [V] estime que le premier juge qui, sur le fond, s'agissant de la qualification des relations contractuelles la liant à la SASU WN Kids, formalisées sur des formulaires-types intitulés « Bail dérogatoire », a retenu qu'elles étaient en réalité régies par des baux à caractère saisonnier, n'a pas tiré toutes les conséquences de ses conclusions sur la recevabilité de l'action de la SASU WN Kids.
Or, si sur le fond, le juge est tenu de restituer à la convention son exacte qualification, au stade de la recevabilité de l'action de la [13] WN Kids, il lui appartient de statuer en considération du fondement qui lui est soumis.
En l'espèce, la SASU WN Kids indique à la cour qu'elle n'exerce pas une action en requalification, mais entend faire tirer les conséquences de ce qu'elle a été maintenue dans les lieux durant plus de trois ans, à l'issue de baux dérogatoires.
Cette action étant imprescriptible, le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que l'action de la SASU WN Kids n'était pas prescrite.
2. Sur la qualification des relations contractuelles liant Mme [H] [V] à la SASU WN Kids
Les parties s'opposent sur la qualification des relations contractuelles les liant, de sorte qu'il convient de restituer aux conventions qui sont soumises à la cour, sous l'intitulé « Bail dérogatoire », leur exacte qualification.
Le bail dérogatoire est prévu à l'article L. 145-5 du code de commerce, qui dispose que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Dans le silence de la loi, les critères de qualification de la location à caractère saisonnier ont pour leur part été dégagés par la jurisprudence, de sorte que le caractère saisonnier d'une location relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Par définition, la location saisonnière est intermittente et a nécessairement une durée temporaire, en rapport avec une saison correspondant à une période d'afflux de population dans une région considérée.
Le caractère temporaire de la jouissance suppose donc que les locaux soient restitués au bailleur en fin de saison et le bail doit clairement définir la période au terme de laquelle les locaux doivent être restitués.
Au cas d'espèce, les baux conclus entre les parties, de 2017 à 2020, remplissent ces conditions puisqu'ils prévoient une période de location de début avril à fin septembre de chaque année.
La SASU WN Kids soutient qu'elle conservait en réalité la libre disposition du local pendant toute l'année, et pas seulement durant les périodes visées par les contrats, qu'elle gardait en effet les clés et qu'elle ne les a effectivement restituées que le 18 octobre 2022, ce qui lui permettait ainsi de conserver tous les aménagements et les stocks dans le local, de sorte qu'elle s'estime en droit de revendiquer le statut des baux commerciaux.
Or, les renouvellements successifs de locations saisonnières, même au-delà de trois années, ne sont pas de nature à ouvrir droit au bénéfice du statut des baux commerciaux et il doit être considéré que la location ne perd pas son caractère saisonnier lorsque le bailleur accepte, par exemple, à titre de tolérance en raison des bonnes relations entre les parties, que le locataire laisse pendant l'intersaison du matériel ou des marchandises dans les lieux loués, ou qu'il lui laisse les clés.
Au cas d'espèce, il ne peut être tiré du fait que Mme [H] [V] n'a pas exigé la restitution du local à la fin de chaque saison l'existence d'un bail commercial, le fait que la SASU WN Kids ait pu conserver les clés devant être retenu comme une simple tolérance afin qu'elle n'ait pas à déménager son matériel et ses restes de stock, et peu importe les factures produites par l'appelante, celles de la société Orange étant établies au nom d'un certain M. [N] et celles d'Edf faisant état de consommations faibles, d'autant que Mme [H] [V] produit pour sa part plusieurs constats de commissaire de justice établis les 20, 21, 22, 23, 28 et 29 octobre 2020 et le 11 octobre 2021, faisant le constat d'un local fermé à ces dates ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que les facilités accordées par Mme [H] [V] à la SASU WN Kids résultaient d'une simple tolérance et n'apparaissaient pas de nature à permettre la naissance d'un bail commercial statutaire, en application du quatrième alinéa de l'article L. 145-5 du code de commerce.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ce chef.
3. Sur la fixation de l'indemnité d'occupation
L'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative des locaux.
Au cas d'espèce, il n'apparait pas que la valeur locative du local en litige puisse être retenue à la somme mensuelle de 2 600 euros, comme revendiquée par Mme [H] [V], de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 650 euros.
En conséquence de ce qui précède, le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers sera confirmé en toutes ses dispositions.
4. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SASU WN Kids sera condamnée aux dépens de l'appel.
La SASU WN Kids, qui échoue en son appel, en toutes ses prétentions, sera en outre condamnée à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers, en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
CONDAMNE la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;
DEBOUTE la SASU WN Kids de sa demande formée à ce titre ;
CONDAMNE la SASU WN Kids aux dépens de l'appel.
Le Greffier Le Président
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D'APPEL DE MONTPELLIER
5e chambre civile
ARRET DU 25 NOVEMBRE 2025
Numéro d'inscription au répertoire général :
N° RG 22/04507 - N° Portalis DBVK-V-B7G-PRCP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 JUILLET 2022
Tribunal Judiciaire de BÉZIERS
N° RG 20/01635
APPELANTE :
S.A.S.U. W.N. KIDS
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Xavier LAFON de la SCP LAFON PORTES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
INTIMEE :
Madame [H] [V]
née le 04 Octobre 1961 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Jordan DARTIER de la SELARL ACTAH & ASSOCIES, avocat au barreau de BEZIERS, avocat postulant et plaidant
Ordonnance de clôture du 17 Septembre 2025
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l'article 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 OCTOBRE 2025, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l'article 804 du même code, devant la cour composée de :
M. André LIEGEON, Président de chambre
M. Emmanuel GARCIA, Conseiller
Mme Corinne STRUNK, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Sylvie SABATON
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
- signé par M. André LIEGEON, Président de chambre, et par Madame Sylvie SABATON, greffier.
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant bail dérogatoire du 2 avril 2017, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids un local situé [Adresse 8] (34), à effet du 2 avril 2017 pour se terminer le 29 septembre 2017, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'exploiter un commerce de textiles femme, homme et accessoires, sauf bijoux.
Suivant bail dérogatoire du 3 avril 2018, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids le même local, à effet du 3 avril 2018 pour se terminer le 29 septembre 2018, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'y exploiter le même commerce.
Suivant bail dérogatoire du 5 avril 2019, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids le même local, à effet du 5 avril 2019 pour se terminer le 28 septembre 2019, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'y exploiter le même commerce.
Suivant bail dérogatoire du 6 avril 2020, Mme [H] [V] a donné à bail à la SASU WN Kids le même local, à effet du 6 avril 2020 pour se terminer le 26 septembre 2020, moyennant un loyer annuel hors taxes et hors charges de 7 800 euros, afin d'y exploiter le même commerce.
Par acte d'huissier de justice du 11 juin 2020, Mme [H] [V] a fait délivrer à la SASU WN Kids un commandement de payer les loyers visant la clause résolutoire.
Par acte d'huissier de justice du 10 juillet 2020, Mme [H] [V] a fait délivrer à la SASU WN Kids un congé pour la date du 26 septembre 2020.
Au 26 septembre 2020, la SASU WN Kids n'a pas quitté les lieux loués.
Par acte d'huissier de justice du 25 août 2020, la SASU WN Kids a fait assigner Mme [H] [V] devant le tribunal judiciaire de Béziers, en revendication du statut des baux commerciaux à l'issue de baux dérogatoires et en nullité du congé délivré le 10 juillet 2020 par la bailleresse.
Le jugement contradictoire rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers :
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par Mme [H] [V] ;
Juge que la demande en paiement au titre des factures d'électricité pour les années 2019, 2020 et 2021 présentée par Mme [H] [V] à l'encontre de la SASU WN Kids est devenue sans objet, tenant le paiement sur l'audience le 4 avril 2022 ;
Déboute la SASU WN Kids du surplus de ses demandes ;
Dit que les relations contractuelles liant les parties sont des baux à caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux ;
Dit que le congé délivré par Mme [H] [V] à la SASU WN Kids le 10 juillet 2020 pour le 26 septembre 2020 est valable ;
Dit que la SASU WN Kids est occupante sans droit ni titre des locaux loués sis [Adresse 7], lot de copropriété n° 1005, depuis le 27 septembre 2020 ;
Fixe l'indemnité d'occupation mensuelle due à la somme de 650 euros par mois hors taxes et hors charges ;
Ordonne l'expulsion de la SASU WN Kids, ainsi que celle de tous occupants de son fait, des locaux loués à Mme [H] [V] sis [Adresse 7], lot de copropriété n°1005, à défaut pour elle d'avoir quitté les lieux dans un délai de deux mois à compter de la signification de la décision de justice, au besoin avec le recours à la force publique et l'assistance d'un serrurier ;
Condamne la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SASU WN Kids aux dépens de la présente instance ;
Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire, en application de l'article 514 du code de procédure civile.
Le premier juge a retenu le caractère non prescrit de l'action en justice de la SASU WN Kids, indiquant que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut des baux commerciaux, né du fait d'un maintien dans les lieux à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'était pas soumise à la prescription biennale.
Il a jugé que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par des baux à caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux, en application de l'alinéa 4 de l'article L. 145-5 du code de commerce, compte tenu du fait que la SASU WN Kids n'exploitait son fonds de commerce qu'à partir du mois d'avril et jusqu'au mois de septembre, ce qui correspondait à une exploitation saisonnière, et que le simple fait de conserver à l'année les clés d'un local exploité saisonnièrement ne pouvait caractériser une volonté du bailleur de mise en possession annuelle du local mais une simple tolérance visant à éviter au preneur d'avoir à déménager, en inter-saison, le stock et le mobilier restant.
Il a précisé que cette simple tolérance du bailleur était corroborée par les clauses insérées au titre des conditions particulières dans chacun des baux successifs, lesdites clauses ne pouvant s'analyser en une fraude aux droits du preneur, en ce qu'elles correspondaient à l'occupation réelle dudit local. Il a jugé inapplicable l'alinéa premier de l'article L. 145-5 du code de commerce, soulignant qu'il concernait les baux dérogatoires de courte durée et non pas les baux à caractère saisonnier.
Le premier juge a déclaré valable le congé délivré par Mme [H] [V], estimant toutefois qu'il n'était pas indispensable eu égard à la clause contractuelle prévoyant la fin du bail par la seule survenance du terme.
La SASU WN Kids, prise en la personne de son représentant légal en exercice, a relevé appel de la décision par déclaration au greffe du 25 août 2022.
Dans ses dernières conclusions du 24 novembre 2022, la SASU WN Kids, prise en la personne de son représentant légal en exercice, demande à la cour de :
Réformer le jugement entrepris en ce qu'il a :
Débouté la SASU WN Kids de sa demande tendant à voir juger qu'elle est titulaire d'un bail commercial soumis au statut pour le local commercial sis [Adresse 11], lot n° [Adresse 2] à [Localité 14] [Adresse 10] [Localité 1], appartenant à Mme [H] [V], pour voir en conséquence juger nul et de nul effet le congé à elle délivré par acte d'huissier du 10 juillet 2020 et, subsidiairement, pour voir juger que ce congé ne pourra avoir effet que pour le 3 avril 2029 et que Mme [H] [V] sera redevable d'une indemnité d'éviction à cette date,
Dit que les relations contractuelles liant les parties sont des baux à caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux,
Dit que le congé délivré par Mme [H] [V] à la SASU WN Kids le 10 juillet 2020 pour le 26 septembre 2020 est valable,
Dit que la SASU WN Kids est occupant sans droit ni titre des locaux loués sis [Adresse 12] à [Adresse 15]), depuis le 27 septembre 2020,
Fixé l'indemnité d'occupation mensuelle due à la somme de 650 euros par mois hors taxes et hors charges,
Ordonné l'expulsion de la SASU WN Kids, ainsi que celle de tous occupants de son fait des locaux dont il s'agit à défaut pour elle d'avoir quitté les lieux dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement,
Condamné la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Dire et juger que la SASU WN Kids est titulaire d'un bail commercial soumis au statut pour le local commercial sis [Adresse 12] à [Adresse 16], appartenant à Mme [H] [V] ;
En conséquence, dire et juger nul et de nul effet le congé délivré à la SASU WN Kids par acte d'huissier du 10 juillet 2020 ;
Subsidiairement, dire et juger que ce congé ne pourra avoir effet que pour le 3 avril 2029 et que Mme [H] [V] sera redevable d'une indemnité d'éviction à cette date ;
Ordonner en conséquence la restitution du local loué à la SASU WN Kids dans les huit jours de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
Condamner Mme [H] [V] au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Pour l'essentiel, sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la SASU WN Kids rappelle que la Cour de cassation considère que la demande tendant à faire constater l'existence d'un bail soumis au statut, du fait du maintien en possession du preneur à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du code de commerce, n'est pas soumise à la prescription biennale ; qu'ainsi, le premier juge a fait une exacte application de ces dispositions au cas d'espèce, soulignant qu'elle n'exerce pas une action en requalification, mais qu'elle entend faire tirer les conséquences de ce qu'elle a été maintenue dans les lieux durant plus de trois ans à l'issue de baux dérogatoires.
Sur le fond, la SASU WN Kids rappelle le principe selon lequel, en application des dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, lorsqu'à l'expiration d'un bail de courte durée non soumis au statut des baux commerciaux, le preneur est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail soumis de plein droit au statut des baux commerciaux, de même qu'en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion entre les parties d'un nouveau bail pour le même local, dès lors que la durée totale des baux successifs est supérieure à trois ans.
Elle avance que si les quatre contrats de location en litige mentionnaient qu'ils étaient soumis aux dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, c'était toutefois de façon totalement factice que la durée des locations stipulée aux contrats coïncidait avec celle de la saison, allant du début avril à la fin septembre de chaque année. Elle indique qu'en réalité, elle avait la libre disposition des locaux durant toute l'année et pas seulement durant les périodes visées par les contrats, ce qui lui a permis de réaliser tous les aménagements, que la bailleresse ne lui a jamais notifié, par lettre recommandée avec avis de réception, sa volonté de s'opposer au maintien en possession des lieux, comme cela était prévu au contrat, qu'elle conservait les clés du local durant toute l'année et ne les a jamais restituées avant le 18 octobre 2022, enfin, que le loyer stipulé dans les contrats était qualifié de loyer « annuel ».
Elle soutient en conséquence que les contrats liant les parties sont devenus un bail commercial soumis au statut découlant des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, depuis le 3 avril 2020 ; que Mme [H] [V] ne pouvait donc pas lui donner congé pour le 26 septembre 2020, alors que la période de neuf ans n'était pas écoulée, de sorte que ce congé doit, selon elle, être annulé.
Dans ses dernières conclusions du 23 février 2023, Mme [H] [V] demande à la cour de :
Rejeter toutes conclusions contraires comme étant injustes et mal fondées ;
Débouter la SASU WN Kids de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
Infirmer le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers (N°RG 20/01635 ' Minute N°22/447), seulement en ce qu'il a :
Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription présentée par Mme [H] [V],
Fixé l'indemnité' d'occupation mensuelle due a' la somme de 650 euros par mois hors taxes et hors charges ;
Confirmer pour le surplus le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers (N°RG 20/01635 ' Minute N°22/447) ;
Déclarer prescrite l'action de la SASU WN Kids tendant à la requalification des conventions saisonnières en bail commercial pour la période antérieure au 25 août 2018 ;
Condamner la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] une indemnité d'occupation mensuelle hors taxes et hors charges d'un montant de 2 600 euros à compter du 27 septembre 2020 et ce jusqu'au jour du départ effectif de la SASU WN Kids ;
Condamner la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Condamner la SASU WN Kids aux entiers dépens de la procédure d'appel.
Pour l'essentiel, sur la prescription, Mme [H] [V] avance que le premier juge n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et que c'est par une application inexacte de la règle de droit qu'il l'a déboutée de ses demandes tendant à voir déclarer prescrite l'action de la SASU WN Kids relative à la requalification des conventions saisonnières en bail commercial, pour la période antérieure au 25 août 2018.
Sur la qualification des relations contractuelles la liant à la SASU WN Kids, Mme [H] [V] estime que c'est par une parfaite appréciation des faits de l'espèce et une exacte application de la loi que le premier juge a retenu que les relations contractuelles entre les parties étaient régies par des baux a' caractère saisonnier, exclus du statut des baux commerciaux, que le conge' qu'elle avait donné le 10 juillet 2020, pour le 26 septembre 2020, était parfaitement valable et que la SASU WN Kids était occupante sans droit ni titre depuis le 27 septembre 2020. Elle demande en conséquence confirmation du jugement de ce chef.
Sur le montant de l'indemnité d'occupation, Mme [H] [V] demande à la cour de la porter de la somme mensuelle de 650 euros hors taxes et hors charges, retenue par le premier juge, à la somme de 2 600 euros à compter du 27 septembre 2020, et ce jusqu'au jour du départ effectif de la SASU WN Kids.
Pour le surplus, pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens, il est renvoyé aux conclusions susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 17 septembre 2025.
MOTIFS
1. Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
La demande tendant à faire constater l'existence d'un bail commercial statutaire, né du maintien en possession du locataire à l'issue d'un bail dérogatoire, qui résulte du seul effet de l'article L. 145-5 du Code de commerce, n'est pas soumise à prescription (Cass. 3e civ. 25 mars 2023 n° 21-23.007).
Sur ce fondement, le premier juge a retenu que l'action de la SASU WN Kids n'était pas prescrite dès lors qu'elle consistait non pas en une demande de requalification d'un bail saisonnier en bail commercial mais en revendication du statut des baux commerciaux, au motif qu'elle aurait été laissée en possession des locaux pendant plus de trois années.
En cause d'appel, Mme [H] [V] estime que le premier juge qui, sur le fond, s'agissant de la qualification des relations contractuelles la liant à la SASU WN Kids, formalisées sur des formulaires-types intitulés « Bail dérogatoire », a retenu qu'elles étaient en réalité régies par des baux à caractère saisonnier, n'a pas tiré toutes les conséquences de ses conclusions sur la recevabilité de l'action de la SASU WN Kids.
Or, si sur le fond, le juge est tenu de restituer à la convention son exacte qualification, au stade de la recevabilité de l'action de la [13] WN Kids, il lui appartient de statuer en considération du fondement qui lui est soumis.
En l'espèce, la SASU WN Kids indique à la cour qu'elle n'exerce pas une action en requalification, mais entend faire tirer les conséquences de ce qu'elle a été maintenue dans les lieux durant plus de trois ans, à l'issue de baux dérogatoires.
Cette action étant imprescriptible, le jugement entrepris sera par conséquent confirmé en ce qu'il a dit que l'action de la SASU WN Kids n'était pas prescrite.
2. Sur la qualification des relations contractuelles liant Mme [H] [V] à la SASU WN Kids
Les parties s'opposent sur la qualification des relations contractuelles les liant, de sorte qu'il convient de restituer aux conventions qui sont soumises à la cour, sous l'intitulé « Bail dérogatoire », leur exacte qualification.
Le bail dérogatoire est prévu à l'article L. 145-5 du code de commerce, qui dispose que les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre, à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. A l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance, le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Dans le silence de la loi, les critères de qualification de la location à caractère saisonnier ont pour leur part été dégagés par la jurisprudence, de sorte que le caractère saisonnier d'une location relève de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Par définition, la location saisonnière est intermittente et a nécessairement une durée temporaire, en rapport avec une saison correspondant à une période d'afflux de population dans une région considérée.
Le caractère temporaire de la jouissance suppose donc que les locaux soient restitués au bailleur en fin de saison et le bail doit clairement définir la période au terme de laquelle les locaux doivent être restitués.
Au cas d'espèce, les baux conclus entre les parties, de 2017 à 2020, remplissent ces conditions puisqu'ils prévoient une période de location de début avril à fin septembre de chaque année.
La SASU WN Kids soutient qu'elle conservait en réalité la libre disposition du local pendant toute l'année, et pas seulement durant les périodes visées par les contrats, qu'elle gardait en effet les clés et qu'elle ne les a effectivement restituées que le 18 octobre 2022, ce qui lui permettait ainsi de conserver tous les aménagements et les stocks dans le local, de sorte qu'elle s'estime en droit de revendiquer le statut des baux commerciaux.
Or, les renouvellements successifs de locations saisonnières, même au-delà de trois années, ne sont pas de nature à ouvrir droit au bénéfice du statut des baux commerciaux et il doit être considéré que la location ne perd pas son caractère saisonnier lorsque le bailleur accepte, par exemple, à titre de tolérance en raison des bonnes relations entre les parties, que le locataire laisse pendant l'intersaison du matériel ou des marchandises dans les lieux loués, ou qu'il lui laisse les clés.
Au cas d'espèce, il ne peut être tiré du fait que Mme [H] [V] n'a pas exigé la restitution du local à la fin de chaque saison l'existence d'un bail commercial, le fait que la SASU WN Kids ait pu conserver les clés devant être retenu comme une simple tolérance afin qu'elle n'ait pas à déménager son matériel et ses restes de stock, et peu importe les factures produites par l'appelante, celles de la société Orange étant établies au nom d'un certain M. [N] et celles d'Edf faisant état de consommations faibles, d'autant que Mme [H] [V] produit pour sa part plusieurs constats de commissaire de justice établis les 20, 21, 22, 23, 28 et 29 octobre 2020 et le 11 octobre 2021, faisant le constat d'un local fermé à ces dates ; qu'ainsi, c'est à juste titre que le premier juge a retenu que les facilités accordées par Mme [H] [V] à la SASU WN Kids résultaient d'une simple tolérance et n'apparaissaient pas de nature à permettre la naissance d'un bail commercial statutaire, en application du quatrième alinéa de l'article L. 145-5 du code de commerce.
Le jugement entrepris sera par conséquent confirmé de ce chef.
3. Sur la fixation de l'indemnité d'occupation
L'indemnité d'occupation doit être fixée à la valeur locative des locaux.
Au cas d'espèce, il n'apparait pas que la valeur locative du local en litige puisse être retenue à la somme mensuelle de 2 600 euros, comme revendiquée par Mme [H] [V], de sorte que le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a fixé l'indemnité d'occupation à la somme mensuelle de 650 euros.
En conséquence de ce qui précède, le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers sera confirmé en toutes ses dispositions.
4. Sur les dépens et les frais non remboursables
Le jugement sera également confirmé en ce qui concerne les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La SASU WN Kids sera condamnée aux dépens de l'appel.
La SASU WN Kids, qui échoue en son appel, en toutes ses prétentions, sera en outre condamnée à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement rendu le 29 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Béziers, en toutes ses dispositions ;
Et y ajoutant,
CONDAMNE la SASU WN Kids à payer à Mme [H] [V] la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non remboursables d'appel ;
DEBOUTE la SASU WN Kids de sa demande formée à ce titre ;
CONDAMNE la SASU WN Kids aux dépens de l'appel.
Le Greffier Le Président