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Décisions

CA Bordeaux, 4e ch. com., 25 novembre 2025, n° 25/00439

BORDEAUX

Arrêt

Autre

CA Bordeaux n° 25/00439

25 novembre 2025

COUR D'APPEL DE BORDEAUX

QUATRIÈME CHAMBRE CIVILE

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ARRÊT DU : 25 NOVEMBRE 2025

N° RG 25/00439 - N° Portalis DBVJ-V-B7J-ODW2

S.A.S. SP VICTORIA

c/

Monsieur [K] [D]

Madame [L] [D]

SELARL LAURA [Z]

Nature de la décision : APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé rendue le 09 décembre 2024 (R.G. 24/01671) par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX suivant déclaration d'appel du 23 janvier 2025

APPELANTE :

S.A.S. SP VICTORIA, immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro 821 173 036, agissant poursuite et diligences par son président, Monsieur [X] [Y] [H], domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 3]

Représentée par Maître Céline GUILLAUMEAU-GARNIER substituant Maître Christophe GUILLAUMEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉS :

Monsieur [K] [D], né le 22 Mars 1979 à LE PALAIS, de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Madame [L] [D], née le 09 Août 1965 à [Localité 7] (33), de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]

Représentés par Maître Armelle DUFRANC de la SELARL AVOCAGIR, avocat au barreau de BORDEAUX

INTERVENANTE :

SELARL LAURA LAFON, agissant en qualité de mandataire judiciaire à la procédure de redressement judiciaire de la société SP VICTORIA en vertu d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Bordeaux le 4 juin 2025, domiciliée en cette qualité [Adresse 1]

Représentée par Maître Céline GUILLAUMEAU-GARNIER substituant Maître Christophe GUILLAUMEAU, avocat au barreau de BORDEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 novembre 2025 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président,

Madame Sophie MASSON, Conseiller,

Madame Bérengère VALLEE, Conseiller,

Greffier lors des débats : Monsieur Hervé GOUDOT

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE

1. Par acte notarié du 31 mai 1995, M. [M] [D], aujourd'hui décédé et aux droits duquel viennent [K] [D] et [L] [D] (ci-après les consorts [D]), a donné à bail à la SA AMB Finance des locaux à usage commercial et de bureaux situés au [Adresse 5], et ce pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter rétroactivement du1er janvier 1995.

Par avenant du 24 février 2004, le bail a été renouvelé pour une nouvelle durée de 9 ans à compter rétroactivement du 1er janvier 2024, moyennant un loyer annuel de 9000 euros.

Il a de nouveau été renouvé par avenant du 18 mars 2013, pour une nouvelle durée de 9 années à compter du 1er janvier 2013, moyennant un loyer annuel de 15 000 euros.

Par acte notarié du 11 avril 2013, la société les Quatres Saisons, qui avait acquis le droit au bail le 27 avril 2005 avec effet au 1er mai 2005, avec accord du bailleur pour l'exercice d'une activité de fabrication, vente de pizza à emporter et livraison à domicile, a cédé son fonds de commerce, en ce compris le droit au bail, à la société Pizzeria Dell Olivo.

Dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte à son égard, la société Piezzeria dell Olivo a cédé son fonds de commerce à la société SAS SP Victoria, exerçant sous le nom commercial la Scala Pizza; le loyer mensuel s'élevant à cette date à la somme de 1340 euros TTC après révision.

Par acte de commissaire de justice du 3 juin 2024, les consorts [D] ont fait délivrer un commandement de payer au preneur, visant la clause résolutoire du bail pour un montant de 5 754,35 euros.

2. Par acte du 18 juillet 2024, les consorts [D] ont fait assigner la société SP Victoria devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, au visa des articles L.145-41 du code de commerce et 834 et 835 du code de procédure civile, pour voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et ordonner l'expulsion du preneur en sollicitant en outre la condamnation de la défenderesse au paiement d'une indemnité d'occupation et de la somme provisionnelle de 7 185,65 euros.

3. Par ordonnance réputée contradictoire du 9 décembre 2024, le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux a :

Vu les articles L. 145-41 du code de commerce et 834 et 835 du code de procédure civile,

- constaté la résiliation par acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre M.

[D] et la SAS SP Victoria ;

- condamné la SAS SP Victoria à payer aux consorts [D] la somme provisionnelle de 7 075,65 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au le 1er juillet 2024, mensualité de juillet incluse, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer pour les sommes dues à la date de sa délivrance, et de chaque échéance pour le surplus ;

- condamné la SAS SP Victoria au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation

équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date, soit 1 416,30 euros mensuels, à compter du 1er août 2024 et jusqu'à complète libération des lieux ;

- ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SAS SP Victoria, de ses biens et de tous occupants de son chef des lieux situés [Adresse 4] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier ;

- condamné la SAS SP Victoria à payer aux consorts [D] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la SAS SP Victoria aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 03 juin 2024.

4. Par déclaration au greffe du 23 janvier 2025, la SAS SP Victoria a relevé appel de l'ordonnance énonçant les chefs expressément critiqués, intimant M. [K] [D] et Mme [L] [D].

L'affaire a été fixée à bref délai à l'audience du 9 septembre 2025.

Par jugement du 4 juin 2025, le tribunal de commerce de Bordeaux a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société SP Victoria, en fixant au 30 avril 2025 la date de cessation des paiements et en désignant la SELARL Laura Lafon en qualité de mandataire judiciaire.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

5. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 5 septembre 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, la SAS SP Victoria et la Selarl Laura Lafon agissant en qualité de mandataire judiciaire au redressement judiciaire de la société SP Victoria demande à la cour de :

- Réformer la décision entreprise en ce qu'elle :

Vu les articles L.145-41 du code de commerce et 834 et 835 du code de procédure civile,

Constate la résiliation par acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre M. [D] et la SAS SP Victoria ;

Condamne la SAS SP Victoria à payer aux consorts [D] la somme provisionnelle de 7 075,65 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés arrêtés au 1er juillet 2024, mensualité de juillet incluse, majorée des intérêts au taux légal à compter du commandement de payer pour les sommes dues à la date de sa délivrance, et de chaque échéance pour le surplus ;

Condamne la SAS SP Victoria au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation équivalente au montant mensuel du loyer et des charges en vigueur avant cette date, soit 1 416,30 euros mensuels, à compter du 1er août 2024 et jusqu'à complète libération des lieux ;

Ordonne, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l'expulsion de la SAS SP Victoria, de ses biens et de tous occupants de son chef des lieux situés [Adresse 4] et ce, avec le concours éventuel de la force publique et d'un serrurier.

Condamne la SAS SP Victoria à payer aux consorts [D] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS SP Victoria aux dépens, en ce compris le coût du commandement de payer du 03 juin 2024,

Ce faisant,

- dire irrecevable en leurs dermandes les consorts [D] au regard de la procédure de redressement judiciaire ouverte au bénéfice de la société SP Victoria,

- constater la caducité de l'ordonnance de référé déférée.

6. Par dernières écritures notifiées par message électronique le 28 mai 2025, auxquelles la cour se réfère expressément, les consorts [D] demandent à la cour de :

Vu le commandement de payer du 03 juin 24

Vu l'article L145-41 du code de commerce,

- déclarer mal fondé l'appel de la SAS SP Victoria à l'encontre de l'ordonnance de référés rendue le 9 décembre 2024

Par conséquent,

- confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

- débouter la SAS SP Victoria de toutes ses demandes, fins et conclusions,

Y ajoutant

- condamner la SAS SP Victoria à verser à [K] [D] et [L] [D] la somme de 3500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et des moyens des parties, il est, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, expressément renvoyé à la décision déférée et aux derniers conclusions écrites déposées.

MOTIFS DE LA DECISION:

7. Selon les dispositions de l'article L.622-21 I du code de commerce, le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant :

1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ;

2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent.

8. Selon les dispositions de l'article L.622-22 du code de commerce, sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

9. Ainsi que le rappellent à bon droit les appelantes, l'instance en référé tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une provision n'est pas une instance en cours interrompue par l'ouverture de la procédure collective du débiteur, de sorte que la cour d'appel, statuant sur l'appel formé par ce dernier contre l'ordonnance l'ayant condamné au paiement d'une provision, doit infirmer cette ordonnance et dire n'y avoir lieu à référé, la demande en paiement étant devenue irrecevable en vertu de la règle de l'interdiction des poursuites édictée par l'article L622-21 susvisé.

10. Il est en outre constant que par application des articles L.145-41 et L.622-21 du code de commerce, l'action introduite par le bailleur, avant le placement sous sauvegarde de justice du preneur, en vue de faire constater l'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail commercial pour défaut de paiement des loyers ou des charges échus antérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, ne peut être poursuivie après ce jugement.

11. En l'espèce, à la date du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société SP Victoria, la résiliation du bail commercial n'avait pas été constatée ni prononcée par une décision passée en force de chose jugée.

L'action introduite par les consorts [D] le 18 juillet 2024, avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société locataire (en date du 4 juin 2025), tendait à voir constater la résiliation de plein droit du bail commercial par l'effet de la clause résolutoire, par suite du commandement de payer délivré le 3 juin 2024, concernant des loyers échus et non réglés avant cette date.

Dès lors, les bailleurs ne peuvent plus poursuivre l'action engagée ayant pour cause des loyers échus antérieurement au jugement d'ouverture du redressement judiciaire.

12. Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, et de dire n'y avoir lieu à référé, compte tenu du caractère irrecevable de la demande des consorts [D].

Sur les demandes accessoires:

13. Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge de leurs frais irrépétibles, de sorte que la demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile par les intimés sera rejetée.

PAR CES MOTIFS:

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort:

Vu le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux du 4 juin 2025, prononçant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de la société SP Victoria,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux du 9 décembre 2024,

Statuant à nouveau,

Constate l'irrecevabilité des demandes des consorts [K] et [L] [D],

Dit n'y avoir lieu à référé,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Ordonne l'emploi des dépens en frais privilégiés de redressement judiciaire.

Le présent arrêt a été signé par Monsieur Jean-Pierre FRANCO, président, et par Monsieur Hervé GOUDOT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président

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