CA Grenoble, ch. soc. - A, 25 novembre 2025, n° 24/01370
GRENOBLE
Arrêt
Autre
C1
N° RG 24/01370
N° Portalis DBVM-V-B7I-MGNV
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Frederic GABET
la SELAS ABAD &
VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale - Section A
ARRÊT DU MARDI 25 NOVEMBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG 23/00044)
rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Valence
en date du 05 mars 2024
suivant déclaration d'appel du 02 avril 2024
APPELANT :
Monsieur [H], [D] [V]
né le 25 Juillet 1985 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 1] / FRANCE
représenté par Me Frederic GABET, avocat au barreau de la Drôme
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [M] & ASSOCIES - MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de monsieur [N] [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société PEA [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Sébastien VILLEMAGNE de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Grenoble
PARTIE INTERVENANTE FORCÉE :
Organisme CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS D'[Localité 7] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 5]
non constituée, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 27 mai 2024 à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente,
Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère,
Mme Marie GUERIN, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 septembre 2025,
Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère en charge du rapport et Mme Marie GUERIN, conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Fanny MICHON, greffière, et en présence de Mme [B] [K], greffière stagiaire, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 25 novembre 2025.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée le 22 juillet 2019 par l'entreprise PEA [Localité 9] exerçant une activité de travaux de revêtement de sols et murs, vente de tous produits y afférents, en qualité d'ouvrier polyvalent.
Par avenants successifs, il a été promu chef d'équipe le 03 février 2020, chef de chantier le 23 décembre 2020, et conducteur de travaux le 23 décembre 2021.
Le 20 juin 2022, la société PEA [Localité 9] a mis à pied à titre conservatoire M. [V] et l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 04 juillet 2022.
Le 15 juillet 2022, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.
Par courrier de son conseil en date du 11 août 2022, M. [V] a sollicité des précisions relatives à la lettre de licenciement, auquel l'employeur a répondu par courrier en date du 20 septembre 2022.
C'est dans ces conditions que M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence, par requête en date du 02 février 2023, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement en date du 21 février 2023, le tribunal de commerce de Romans a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société PEA Valence, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal en date du 21 juin 2023, désignant en qualité de liquidateur la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M].
Le 12 décembre 2023, le CGEA-AGS d'[Localité 7] a été appelé en intervention forcée.
Par jugement du 05 mars 2024, le conseil de prud'hommes de Valence a :
- Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS PEA [Localité 9] représentée par Me [N] [M], ès qualité de mandataire liquidateur, l'inscription dans les créances salariales de la liquidation au profit de Monsieur [H] [V] des sommes de :
* 775,52 € au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
* 77,55 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
- débouté toutes les parties de leurs demandes respectives plus amples ou contraires ;
- déclaré le jugement commun et opposable à Me [N] [M] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS PEA [Localité 9], ainsi qu'à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] ;
Et dit et jugé que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 32536 et L. 3253-8 du Code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17, L. 3253-19, L. 3252-20 et L. 3253-21 et D. 3253-5 du Code du travail ;
- Dit et jugé que l'obligation du CGEA d'[Localité 7] de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation par mandataire de justice et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
- fixé les dépens au passif de la liquidation de la SAS PEA [Localité 9].
La décision a été notifiée aux parties par courriers recommandés réceptionnés le 15 mars 2024 par M. [V], le 18 mars 2024 par le CGEA-AGS de [Localité 7], et le 15 mars 2024 par maître [M].
Suivant déclaration au greffe en date du 02 avril 2024, M. [V] en a interjeté appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2025, signifiées au CGEA d'Annecy le 20 juin 2025, M. [V] demande à la cour d'appel :
" D'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 05 mars 2024 en ce qu'il a :
- débouté toutes les parties de leurs demandes respectives plus amples ou contraires.
Et statuant à nouveau :
- juger la procédure de licenciement de Mr [V] irrégulière,
- juger que le licenciement de M. [V] est sans cause réelle et sérieuse,
- juger que les créances salariales de M. [V] à inscrire au passif privilégié de la Société SAS PEA [Localité 9] sont les suivantes :
* 3 128,89 euros nets à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
* 2 281,48 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement.
* 10 951,10 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 6 257,77 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 625, 78 € bruts de congés payés afférents ;
* 2 026,03 euros en paiement du solde d'indemnité compensatrice de congés payés ;
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'absence de CSE ;
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- juger que le Centre de Gestion d'Etudes AGS d'[Localité 7] doit garantir les créances salariales de Monsieur [V] dans la limite de ses plafonds et régler les condamnations personnelles sur ses fonds propres,
- juger que la présente décision sera déclarée opposable à Maître [N] [M] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9] et au Centre de Gestion d'Etudes AGS d'[Localité 7],
- condamner Maître [N] [M] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9] à remettre à Mr [V] un bulletin de salaire reprenant les condamnations à intervenir, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiée, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir. "
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 août 2024, la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], demande à la cour d'appel de:
" - confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Valence le 5 mars 2024.
Y ajoutant :
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [V] à payer à Maître [M] ès-qualité la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.
Si par extraordinaire la Cour de céans infirmait le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Valence le 5 mars 2024 :
A titre principal
- Dire et juger qu'aucune irrégularité de la procédure de licenciement ne saurait être retenue ;
En conséquence,
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave est bien fondé,
En conséquence,
- débouter M. [V] de sa demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire,
- limiter l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire, soit la somme de 9.386,66 €,
- limiter l'indemnité légale de licenciement à la somme de 2.281,48 €,
- limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 6.257,77 € bruts, outre
625,77 € au titre des congés payés afférents,
- dire et juger que M. [V] a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés par l'AGS,
- débouter M. [V] de sa demande de remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat,
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En tout état de cause,
- dire et juger qu'aucune astreinte ne saurait être prononcée à l'encontre de Maître [M] ès-qualité de liquidateur judiciaire,
- condamner M. [V] à payer à Maître [M] ès-qualité la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel. "
Par courrier reçu au greffe le 02 août 2024, le CGEA d'[Localité 7] a indiqué n'être ni présent, ni représenté.
La clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2025.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 15 septembre 2025, a été mise en délibéré au 25 novembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI
La cour d'appel relève, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, qu'elle n'est saisie que par le dispositif des conclusions des parties, de sorte qu'en l'absence de demande d'infirmation ou de confirmation s'agissant de la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS PEA Valence représentée par Me [N] [M], ès qualité de mandataire liquidateur, au profit de monsieur [H] [V], d'une créance de 775,52 € au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, la cour n'en est pas saisie, et cette disposition du jugement est donc définitive.
Sur la contestation du licenciement
Sur le bien-fondé du licenciement
Conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu'elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et l'employeur qui l'invoque doit en rapporter la preuve.
La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.
La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.
La commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à avertissement préalable.
En l'espèce, l'employeur a justifié le licenciement pour faute grave du salarié par les faits suivants, mentionnés dans la lettre de licenciement en date du 15 juillet 2022 :
- avoir, à plusieurs reprises, passé des commandes de fournitures et matières premières sans avoir appliqué les procédures internes, notamment dans le cadre du dossier " [G] ",
- l'absence d'édition de bons de commande avant de commander des matériaux,
- des impayés de sous-traitants ,
- l'abandon de clients,
- un manque de professionnalisme à l'égard de clients,
- un manque de signature des contrats de sous-traitance.
D'une première part, aux termes du courrier de licenciement, l'employeur reproche à M. [V] d'avoir, à plusieurs reprises, passé " des commandes de fournitures et matières premières sans avoir appliquer les procédures internes. ", la SAS PEA [Localité 9] lui rappelant que " l'achat des matières premières requiert préalablement, à tout le moins simultanément, l'établissement d'un bon de commande. En outre, ce bon de commande doit strictement correspondre aux besoins du chantier que vous gérez. Enfin, aucun bon de commande ne peut être passé sans signature préalable du devis ou du bon de commande par le client. ".
Et l'employeur reproche plus précisément au salarié des manquements commis dans le cadre du dossier [G], en indiquant : " vous avez passé une commande d'un montant de 2 933.40 euros TTC auprès du fournisseurs "Lafarge Bétons" alors que Monsieur [G] n'avait signé ni de bon de commande à cet effet, ni de devis s'inscrivant dans une prestation plus globale. C'est grâce à l'initiative de Monsieur [G], qui s'est inquiété par téléphone de ne plus vous voir, que nous avons pu apprendre l'existence de cette commande. Nous ajoutons que Monsieur [G] nous a précisé que la coulée du béton avait été réalisée mais restait dans l'attente des travaux complémentaires. Or, après vérifications de nos données, nous n'avons identifié aucune prestation acceptée et correspondant à celle que Monsieur [G] nous a décrite.
Nous vous rappelons que ces procédures internes ont été mises en place par souci de sécurité et pour prévenir des dysfonctionnements d'ordre économique.
Au-delà du non-respect du process interne, nous pouvons en conclure que vous vous êtes entendu avec Monsieur [G] pour réaliser une prestation à des fins personnelles en utilisant les moyens mis à votre disposition pour l'exercice de votre activité professionnelle.
Cela est contraire à votre obligation de loyauté et à l'interdiction d'utiliser les moyens matériels et humains mis à votre disposition pour satisfaire des besoins personnels, sauf autorisation expresse de notre part.
En outre, il est également établi que le non-respect des procédures internes en matière d'achat des fournitures n'est pas isolé mais s'est produit à plusieurs reprises.
Là encore, votre attitude porte préjudice à notre entreprise compte tenu du manque de traçabilité. ".
Mais la cour relève que l'employeur ne justifie pas des procédures commerciales et administratives effectivement mises en 'uvre dans l'entreprise, de sorte qu'il n'objective pas les procédures internes que le salarié aurait manqué de respecter.
Aussi, il ne démontre pas que le salarié était effectivement en charge de l'établissement des devis et des bons de commande, comme il le prétend.
En effet, il fait valoir qu'aux termes de l'avenant au contrat de travail du salarié en date du 23 décembre 2021, M. [V] avait notamment la charge des missions suivantes :
- sélectionner les matériaux, le matériel et les engins de chantier,
- négocier avec les clients et les fournisseurs.
Mais la mention de ces deux missions, qui relèvent d'un rôle technique et commercial, ne suffit pas à démontrer qu'il appartenait aussi au salarié d'intervenir sur le volet administratif consistant à établir les devis et les bons de commande, ce que M. [V] conteste.
D'ailleurs, les missions du salarié mentionnées dans l'avenant au contrat de travail en date du 23 décembre 2021 établissent qu'il se voyait chargé de superviser les chantiers et leur exécution, soit des missions conformes à ses fonctions de conducteur de travaux.
Plus précisément, l'employeur affirme que M. [V] a passé une commande auprès d'un fournisseur pour une prestation concernant M. [G], sans aucun devis ni bon de commande, mais là encore, il ne produit aucune pièce, ni aucun élément objectif relatif à ladite commande.
Et M. [V] verse aux débats une attestation de M. [G], lequel indique avoir reçu à son domicile " le premier trimestre 2022, Monsieur [I] commercial et Monsieur [V] conducteur de travaux afin d'établir un devis. Monsieur [I] a établi un devis que nous avons pris connaissance quand monsieur [V] nous a apporté le devis, que nous avons signé un exemplaire qui a été rendu à l'entreprise par M. [V]. Le commercial M. [I] devait revenir pour signer le bon de livraison et la copie du devis ", ces éléments contredisant le fait qu'une commande a été passée pour M. [G] sans qu'un devis ne soit établi.
Et l'employeur n'apporte aucune explication sur l'implication de M. [I], pourtant évoquée par le client et par le salarié.
Enfin, l'employeur ne développe aucun élément, ni ne produit de pièces, établissant que M. [V] a passé d'autres commandes de fournitures et matières premières, sans respecter les procédures internes, comme il le soutient.
Dès lors, ce grief n'est pas retenu.
D'une deuxième part, s'agissant des autres griefs, l'employeur reproche à M. [V] une accumulation de manquements dans le cadre de la supervision de chantiers, par des formules générales, et sans les établir.
En effet, il soutient que M. [V] a commandé des matériaux au nom de l'entreprise sans bon de commande, que des sous-traitants sont venus se plaindre de ne pas être payés, que des clients n'avaient aucun moyen de le joindre, ou qu'il se sont plaints de son manque de professionnalisme, et que des contrats de sous-traitance n'ont pas été signés, mais il ne développe aucun de ces faits, qui ne sont ni datés, ni circonstanciés, et il ne verse aux débats aucune pièce, aucun témoignage, et aucun élément précis permettant de les objectiver.
En outre, il ne répond pas au salarié qui soutient que l'édition de bons de commande, les impayés des sous-traitants et les défauts de signature des sous-traitants ne relevaient pas de sa responsabilité.
Finalement, l'employeur ne matérialise aucun des faits fautifs reprochés au salarié, alors que cette preuve lui incombe, de sorte que, par infirmation du jugement entrepris, il y a lieu de dire que le licenciement notifié à M. [V] est dénué de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes financières
Sur les congés payés
Selon l'article L. 3141-28 du même code, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.
Cette indemnité est également due aux ayants droit du salarié dont le décès survient avant qu'il ait pris son congé annuel payé. L'indemnité est versée à ceux des ayants droit qui auraient qualité pour obtenir le paiement des salaires arriérés.
En l'espèce, le solde de tout compte produit aux débats mentionne le paiement d'une somme de 982,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
M. [V] justifie avoir adressé un premier courrier à son employeur, par l'intermédiaire de son conseil, le 11 août 2022, lui demandant d'expliciter le calcul de l'indemnité versée, auquel l'employeur s'est contenté de répondre par courrier du 20 septembre 2022 que " l'indemnité de congés payés a été versée " au salarié.
Et dans un second courrier du 17 octobre 2022, le conseil de M. [V] a réitéré sa demande, précisant au conseil de la SAS PEA [Localité 9] que la caisse des congés payés du BTP avait indiqué à M. [V] qu'il bénéficiait de 25 jours de congés ouvrables pour lesquels la société n'avait pas réglé les cotisations.
Or, ce courrier est resté sans réponse et la SAS PEA [Localité 9] n'a jamais explicité son calcul, ni justifié avoir réglé au salarié la totalité de ses congés payés, alors que cette preuve lui incombe.
De même dans ses écritures, l'employeur se contente d'affirmer, sans produire aucun élément, que "l'AGS a procédé au règlement des indemnités de congés payés dues à M. [V] ".
Dès lors, il y a lieu de retenir le calcul opéré par M. [V], dont il ressort que l'employeur lui est redevable d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, pour un montant total de ((3128,89/26 jours ouvrables) x 25 jours ouvrables de congés payés) - 982,52 euros = 2 026,03 euros brut.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les demandes afférentes à la rupture
L'article 8.1 de la Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 applicable à l'espèce, prévoit que " En cas de licenciement autre que pour faute grave, la durée du préavis est fixée à 1 mois si l'ETAM a moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise et à 2 mois à partir de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise. En cas de démission, laquelle est donnée par écrit, la durée du préavis est celle prévue à l'alinéa ci-dessus, sauf accord entre les parties pour une durée inférieure.
La durée du préavis est portée à 3 mois pour les ETAM licenciés justifiant de 15 années d'ancienneté dans l'entreprise et âgés de plus de 55 ans à la date d'expiration du préavis, effectué ou non. "
Le licenciement étant jugé sans cause réelle et sérieuse, M. [V] est fondé à obtenir le paiement des sommes suivantes, sur le montant desquelles l'employeur n'apporte aucune observation utile, étant relevé que le salaire moyen du salarié, non contesté par l'employeur, s'élève à la somme de 3 128,89 euros brut :
- 2 281, 48 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 6 257,77 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 625,78 euros au titre des congés payés afférents.
L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [V] bénéficiait de deux années complètes d'ancienneté à la date de son licenciement, de sorte qu'il peut prétendre à une indemnisation comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire.
Agé de 37 ans à la date de son licenciement, il ne justifie pas de sa situation au regard de l'emploi.
Il se verra donc allouer la somme de 9 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la demande en dommages et intérêts du fait de l'absence de CSE
Il est jugé qu'il résulte de l'application combinée de l'article L. 2313-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 8, § 1, de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Soc., 15 mai 2019, pourvoi n° 17-22.224).
En l'espèce, il est acquis et non contesté que la SAS PEA [Localité 9] n'a pas mis en place de comité social et économique, ni n'a justifié d'un procès-verbal de carence.
M. [V], qui s'est ainsi vu privé d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts, justifie d'un préjudice résultant de ce manquement, de sorte qu'il est donc fondé à solliciter des dommages et intérêts qu'il convient de fixer à hauteur de 1 000 euros net, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la régularité de la procédure de licenciement
Aux termes de l'article L.1235-2 dernier alinéa du code du travail, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Il résulte de cette disposition que le salarié, dont le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse, ne peut prétendre à l'indemnité pour irrégularité de procédure, dès lors qu'il a déjà obtenu réparation du préjudice résultant de son licenciement par la condamnation de l'employeur à lui payer l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du même code.
En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le bien-fondé des moyens invoqués par M. [V], il y a lieu de le débouter de sa demande d'indemnité formulée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la procédure collective en cours
Il résulte des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
En conséquence, les sommes susvisées seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS PEA [Localité 9].
Sur la garantie du centre de gestion et d'études AGS d'[Localité 7]
Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'Unedic délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 7] doit sa garantie pour des créances qui sont toutes nées antérieurement à la procédure collective selon les modalités détaillées au dispositif du présent arrêt, étant précisé qu'en application de l'article L 3253-17 du code du travail tel que modifié par loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source de l'article 204 A du code général des impôts incluse.
Sur la remise d'une attestation France travail et d'un bulletin de salaire rectifiés
Il convient d'ordonner à la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], de remettre à M. [V] un bulletin de salaire, une attestation France travail et les documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt.
La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.
Sur les demandes accessoires
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant frais irrépétibles et de l'infirmer s'agissant des dépens.
La SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], partie perdante condamnée aux dépens de première instance et d'appel, est aussi condamnée à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette condamnation emportant rejet de sa propre demande formulée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté M. [V] de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,
- débouté M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs d'infirmation et y ajoutant,
JUGE que le licenciement notifié par courrier du 15 juillet 2022 à M. [H] [V] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
ORDONNE l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], représentée par la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], des sommes suivantes, à titre de créances dues à M. [H] [V] :
- 2 281,48 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,
- 2 026,03 euros brut en paiement du solde d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 6 257,77 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 625,78 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 9 500 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'absence de CSE ;
CONDAMNE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], à remettre à M. [H] [V] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation France travail rectifiée, conformes au présent arrêt ;
REJETTE la demande d'astreinte ;
DÉCLARE l'arrêt commun et opposable au centre de gestion et d'études AGS d'[Localité 7] ;
DÉCLARE que le centre de gestion et d'études AGS d'[Localité 7] doit sa garantie dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu, de l'article 204 du code général des impôts, incluse ;
CONDAMNE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], à payer à M. [H] [V] la somme de 2 000 euros net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
DEBOUTE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Mme Gwénaëlle Terrieux, conseillère ayant participé au délibéré, en remplacement de Mme Hélène Blondeau-Patissier , conseillère faisant fonction de présidente légitimement empêchée, en vertu de l'article R312-3 du Code de l'organisation judiciaire, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière, La conseillère,
N° RG 24/01370
N° Portalis DBVM-V-B7I-MGNV
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me Frederic GABET
la SELAS ABAD &
VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale - Section A
ARRÊT DU MARDI 25 NOVEMBRE 2025
Appel d'une décision (N° RG 23/00044)
rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Valence
en date du 05 mars 2024
suivant déclaration d'appel du 02 avril 2024
APPELANT :
Monsieur [H], [D] [V]
né le 25 Juillet 1985 à [Localité 8]
[Adresse 4]
[Localité 1] / FRANCE
représenté par Me Frederic GABET, avocat au barreau de la Drôme
INTIMEE :
S.E.L.A.R.L. [M] & ASSOCIES - MANDATAIRES JUDICIAIRES prise en la personne de monsieur [N] [M] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société PEA [Localité 9]
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Sébastien VILLEMAGNE de la SELAS ABAD & VILLEMAGNE - AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Grenoble
PARTIE INTERVENANTE FORCÉE :
Organisme CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS D'[Localité 7] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 6]
[Localité 5]
non constituée, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 27 mai 2024 à personne habilitée
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de présidente,
Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère,
Mme Marie GUERIN, conseillère,
DÉBATS :
A l'audience publique du 15 septembre 2025,
Mme Gwenaelle TERRIEUX, conseillère en charge du rapport et Mme Marie GUERIN, conseillère, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoirie, assistées de Mme Fanny MICHON, greffière, et en présence de Mme [B] [K], greffière stagiaire, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de procédure civile, les parties ne s'y étant pas opposées.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 25 novembre 2025, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 25 novembre 2025.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [V] a été engagé par contrat de travail à durée indéterminée le 22 juillet 2019 par l'entreprise PEA [Localité 9] exerçant une activité de travaux de revêtement de sols et murs, vente de tous produits y afférents, en qualité d'ouvrier polyvalent.
Par avenants successifs, il a été promu chef d'équipe le 03 février 2020, chef de chantier le 23 décembre 2020, et conducteur de travaux le 23 décembre 2021.
Le 20 juin 2022, la société PEA [Localité 9] a mis à pied à titre conservatoire M. [V] et l'a convoqué à un entretien préalable fixé au 04 juillet 2022.
Le 15 juillet 2022, le salarié s'est vu notifier son licenciement pour faute grave.
Par courrier de son conseil en date du 11 août 2022, M. [V] a sollicité des précisions relatives à la lettre de licenciement, auquel l'employeur a répondu par courrier en date du 20 septembre 2022.
C'est dans ces conditions que M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Valence, par requête en date du 02 février 2023, aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement et obtenir les indemnités afférentes.
Par jugement en date du 21 février 2023, le tribunal de commerce de Romans a ordonné l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société PEA Valence, laquelle a été convertie en liquidation judiciaire par jugement du même tribunal en date du 21 juin 2023, désignant en qualité de liquidateur la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M].
Le 12 décembre 2023, le CGEA-AGS d'[Localité 7] a été appelé en intervention forcée.
Par jugement du 05 mars 2024, le conseil de prud'hommes de Valence a :
- Fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS PEA [Localité 9] représentée par Me [N] [M], ès qualité de mandataire liquidateur, l'inscription dans les créances salariales de la liquidation au profit de Monsieur [H] [V] des sommes de :
* 775,52 € au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires ;
* 77,55 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
- débouté toutes les parties de leurs demandes respectives plus amples ou contraires ;
- déclaré le jugement commun et opposable à Me [N] [M] ès qualité de mandataire liquidateur de la SAS PEA [Localité 9], ainsi qu'à l'AGS et au CGEA d'[Localité 7] ;
Et dit et jugé que l'AGS ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L. 32536 et L. 3253-8 du Code du travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions des articles L. 3253-15, L. 3253-17, L. 3253-19, L. 3252-20 et L. 3253-21 et D. 3253-5 du Code du travail ;
- Dit et jugé que l'obligation du CGEA d'[Localité 7] de faire l'avance de la somme à laquelle est évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation par mandataire de justice et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement ;
- fixé les dépens au passif de la liquidation de la SAS PEA [Localité 9].
La décision a été notifiée aux parties par courriers recommandés réceptionnés le 15 mars 2024 par M. [V], le 18 mars 2024 par le CGEA-AGS de [Localité 7], et le 15 mars 2024 par maître [M].
Suivant déclaration au greffe en date du 02 avril 2024, M. [V] en a interjeté appel.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 juin 2025, signifiées au CGEA d'Annecy le 20 juin 2025, M. [V] demande à la cour d'appel :
" D'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en date du 05 mars 2024 en ce qu'il a :
- débouté toutes les parties de leurs demandes respectives plus amples ou contraires.
Et statuant à nouveau :
- juger la procédure de licenciement de Mr [V] irrégulière,
- juger que le licenciement de M. [V] est sans cause réelle et sérieuse,
- juger que les créances salariales de M. [V] à inscrire au passif privilégié de la Société SAS PEA [Localité 9] sont les suivantes :
* 3 128,89 euros nets à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,
* 2 281,48 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement.
* 10 951,10 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 6 257,77 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 625, 78 € bruts de congés payés afférents ;
* 2 026,03 euros en paiement du solde d'indemnité compensatrice de congés payés ;
* 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'absence de CSE ;
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- juger que le Centre de Gestion d'Etudes AGS d'[Localité 7] doit garantir les créances salariales de Monsieur [V] dans la limite de ses plafonds et régler les condamnations personnelles sur ses fonds propres,
- juger que la présente décision sera déclarée opposable à Maître [N] [M] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9] et au Centre de Gestion d'Etudes AGS d'[Localité 7],
- condamner Maître [N] [M] pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9] à remettre à Mr [V] un bulletin de salaire reprenant les condamnations à intervenir, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiée, le tout sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir. "
Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 août 2024, la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], demande à la cour d'appel de:
" - confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Valence le 5 mars 2024.
Y ajoutant :
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [V] à payer à Maître [M] ès-qualité la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel.
Si par extraordinaire la Cour de céans infirmait le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Valence le 5 mars 2024 :
A titre principal
- Dire et juger qu'aucune irrégularité de la procédure de licenciement ne saurait être retenue ;
En conséquence,
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'indemnité pour licenciement irrégulier,
- dire et juger que le licenciement pour faute grave est bien fondé,
En conséquence,
- débouter M. [V] de sa demande de requalification du licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
- débouter M. [V] de l'ensemble de ses demandes.
A titre subsidiaire,
- limiter l'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire, soit la somme de 9.386,66 €,
- limiter l'indemnité légale de licenciement à la somme de 2.281,48 €,
- limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 6.257,77 € bruts, outre
625,77 € au titre des congés payés afférents,
- dire et juger que M. [V] a été rempli de ses droits au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés par l'AGS,
- débouter M. [V] de sa demande de remise des bulletins de salaire et des documents de fin de contrat,
- débouter M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
En tout état de cause,
- dire et juger qu'aucune astreinte ne saurait être prononcée à l'encontre de Maître [M] ès-qualité de liquidateur judiciaire,
- condamner M. [V] à payer à Maître [M] ès-qualité la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en cause d'appel. "
Par courrier reçu au greffe le 02 août 2024, le CGEA d'[Localité 7] a indiqué n'être ni présent, ni représenté.
La clôture de l'instruction a été fixée au 29 juillet 2025.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 15 septembre 2025, a été mise en délibéré au 25 novembre 2025.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux dernières conclusions déposées.
SUR QUOI
La cour d'appel relève, au visa des articles 542 et 954 du code de procédure civile, qu'elle n'est saisie que par le dispositif des conclusions des parties, de sorte qu'en l'absence de demande d'infirmation ou de confirmation s'agissant de la fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société SAS PEA Valence représentée par Me [N] [M], ès qualité de mandataire liquidateur, au profit de monsieur [H] [V], d'une créance de 775,52 € au titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, la cour n'en est pas saisie, et cette disposition du jugement est donc définitive.
Sur la contestation du licenciement
Sur le bien-fondé du licenciement
Conformément aux dispositions de l'article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu'elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et l'employeur qui l'invoque doit en rapporter la preuve.
La procédure pour licenciement pour faute grave doit être engagée dans un délai restreint après la découverte des faits.
La gravité d'une faute n'est pas nécessairement fonction du préjudice qui en est résulté.
La commission d'un fait isolé peut justifier un licenciement disciplinaire, y compris pour faute grave, sans qu'il soit nécessaire qu'il ait donné lieu à avertissement préalable.
En l'espèce, l'employeur a justifié le licenciement pour faute grave du salarié par les faits suivants, mentionnés dans la lettre de licenciement en date du 15 juillet 2022 :
- avoir, à plusieurs reprises, passé des commandes de fournitures et matières premières sans avoir appliqué les procédures internes, notamment dans le cadre du dossier " [G] ",
- l'absence d'édition de bons de commande avant de commander des matériaux,
- des impayés de sous-traitants ,
- l'abandon de clients,
- un manque de professionnalisme à l'égard de clients,
- un manque de signature des contrats de sous-traitance.
D'une première part, aux termes du courrier de licenciement, l'employeur reproche à M. [V] d'avoir, à plusieurs reprises, passé " des commandes de fournitures et matières premières sans avoir appliquer les procédures internes. ", la SAS PEA [Localité 9] lui rappelant que " l'achat des matières premières requiert préalablement, à tout le moins simultanément, l'établissement d'un bon de commande. En outre, ce bon de commande doit strictement correspondre aux besoins du chantier que vous gérez. Enfin, aucun bon de commande ne peut être passé sans signature préalable du devis ou du bon de commande par le client. ".
Et l'employeur reproche plus précisément au salarié des manquements commis dans le cadre du dossier [G], en indiquant : " vous avez passé une commande d'un montant de 2 933.40 euros TTC auprès du fournisseurs "Lafarge Bétons" alors que Monsieur [G] n'avait signé ni de bon de commande à cet effet, ni de devis s'inscrivant dans une prestation plus globale. C'est grâce à l'initiative de Monsieur [G], qui s'est inquiété par téléphone de ne plus vous voir, que nous avons pu apprendre l'existence de cette commande. Nous ajoutons que Monsieur [G] nous a précisé que la coulée du béton avait été réalisée mais restait dans l'attente des travaux complémentaires. Or, après vérifications de nos données, nous n'avons identifié aucune prestation acceptée et correspondant à celle que Monsieur [G] nous a décrite.
Nous vous rappelons que ces procédures internes ont été mises en place par souci de sécurité et pour prévenir des dysfonctionnements d'ordre économique.
Au-delà du non-respect du process interne, nous pouvons en conclure que vous vous êtes entendu avec Monsieur [G] pour réaliser une prestation à des fins personnelles en utilisant les moyens mis à votre disposition pour l'exercice de votre activité professionnelle.
Cela est contraire à votre obligation de loyauté et à l'interdiction d'utiliser les moyens matériels et humains mis à votre disposition pour satisfaire des besoins personnels, sauf autorisation expresse de notre part.
En outre, il est également établi que le non-respect des procédures internes en matière d'achat des fournitures n'est pas isolé mais s'est produit à plusieurs reprises.
Là encore, votre attitude porte préjudice à notre entreprise compte tenu du manque de traçabilité. ".
Mais la cour relève que l'employeur ne justifie pas des procédures commerciales et administratives effectivement mises en 'uvre dans l'entreprise, de sorte qu'il n'objective pas les procédures internes que le salarié aurait manqué de respecter.
Aussi, il ne démontre pas que le salarié était effectivement en charge de l'établissement des devis et des bons de commande, comme il le prétend.
En effet, il fait valoir qu'aux termes de l'avenant au contrat de travail du salarié en date du 23 décembre 2021, M. [V] avait notamment la charge des missions suivantes :
- sélectionner les matériaux, le matériel et les engins de chantier,
- négocier avec les clients et les fournisseurs.
Mais la mention de ces deux missions, qui relèvent d'un rôle technique et commercial, ne suffit pas à démontrer qu'il appartenait aussi au salarié d'intervenir sur le volet administratif consistant à établir les devis et les bons de commande, ce que M. [V] conteste.
D'ailleurs, les missions du salarié mentionnées dans l'avenant au contrat de travail en date du 23 décembre 2021 établissent qu'il se voyait chargé de superviser les chantiers et leur exécution, soit des missions conformes à ses fonctions de conducteur de travaux.
Plus précisément, l'employeur affirme que M. [V] a passé une commande auprès d'un fournisseur pour une prestation concernant M. [G], sans aucun devis ni bon de commande, mais là encore, il ne produit aucune pièce, ni aucun élément objectif relatif à ladite commande.
Et M. [V] verse aux débats une attestation de M. [G], lequel indique avoir reçu à son domicile " le premier trimestre 2022, Monsieur [I] commercial et Monsieur [V] conducteur de travaux afin d'établir un devis. Monsieur [I] a établi un devis que nous avons pris connaissance quand monsieur [V] nous a apporté le devis, que nous avons signé un exemplaire qui a été rendu à l'entreprise par M. [V]. Le commercial M. [I] devait revenir pour signer le bon de livraison et la copie du devis ", ces éléments contredisant le fait qu'une commande a été passée pour M. [G] sans qu'un devis ne soit établi.
Et l'employeur n'apporte aucune explication sur l'implication de M. [I], pourtant évoquée par le client et par le salarié.
Enfin, l'employeur ne développe aucun élément, ni ne produit de pièces, établissant que M. [V] a passé d'autres commandes de fournitures et matières premières, sans respecter les procédures internes, comme il le soutient.
Dès lors, ce grief n'est pas retenu.
D'une deuxième part, s'agissant des autres griefs, l'employeur reproche à M. [V] une accumulation de manquements dans le cadre de la supervision de chantiers, par des formules générales, et sans les établir.
En effet, il soutient que M. [V] a commandé des matériaux au nom de l'entreprise sans bon de commande, que des sous-traitants sont venus se plaindre de ne pas être payés, que des clients n'avaient aucun moyen de le joindre, ou qu'il se sont plaints de son manque de professionnalisme, et que des contrats de sous-traitance n'ont pas été signés, mais il ne développe aucun de ces faits, qui ne sont ni datés, ni circonstanciés, et il ne verse aux débats aucune pièce, aucun témoignage, et aucun élément précis permettant de les objectiver.
En outre, il ne répond pas au salarié qui soutient que l'édition de bons de commande, les impayés des sous-traitants et les défauts de signature des sous-traitants ne relevaient pas de sa responsabilité.
Finalement, l'employeur ne matérialise aucun des faits fautifs reprochés au salarié, alors que cette preuve lui incombe, de sorte que, par infirmation du jugement entrepris, il y a lieu de dire que le licenciement notifié à M. [V] est dénué de cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes financières
Sur les congés payés
Selon l'article L. 3141-28 du même code, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.
Cette indemnité est également due aux ayants droit du salarié dont le décès survient avant qu'il ait pris son congé annuel payé. L'indemnité est versée à ceux des ayants droit qui auraient qualité pour obtenir le paiement des salaires arriérés.
En l'espèce, le solde de tout compte produit aux débats mentionne le paiement d'une somme de 982,52 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
M. [V] justifie avoir adressé un premier courrier à son employeur, par l'intermédiaire de son conseil, le 11 août 2022, lui demandant d'expliciter le calcul de l'indemnité versée, auquel l'employeur s'est contenté de répondre par courrier du 20 septembre 2022 que " l'indemnité de congés payés a été versée " au salarié.
Et dans un second courrier du 17 octobre 2022, le conseil de M. [V] a réitéré sa demande, précisant au conseil de la SAS PEA [Localité 9] que la caisse des congés payés du BTP avait indiqué à M. [V] qu'il bénéficiait de 25 jours de congés ouvrables pour lesquels la société n'avait pas réglé les cotisations.
Or, ce courrier est resté sans réponse et la SAS PEA [Localité 9] n'a jamais explicité son calcul, ni justifié avoir réglé au salarié la totalité de ses congés payés, alors que cette preuve lui incombe.
De même dans ses écritures, l'employeur se contente d'affirmer, sans produire aucun élément, que "l'AGS a procédé au règlement des indemnités de congés payés dues à M. [V] ".
Dès lors, il y a lieu de retenir le calcul opéré par M. [V], dont il ressort que l'employeur lui est redevable d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, pour un montant total de ((3128,89/26 jours ouvrables) x 25 jours ouvrables de congés payés) - 982,52 euros = 2 026,03 euros brut.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les demandes afférentes à la rupture
L'article 8.1 de la Convention collective nationale des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment du 12 juillet 2006 applicable à l'espèce, prévoit que " En cas de licenciement autre que pour faute grave, la durée du préavis est fixée à 1 mois si l'ETAM a moins de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise et à 2 mois à partir de 2 ans d'ancienneté dans l'entreprise. En cas de démission, laquelle est donnée par écrit, la durée du préavis est celle prévue à l'alinéa ci-dessus, sauf accord entre les parties pour une durée inférieure.
La durée du préavis est portée à 3 mois pour les ETAM licenciés justifiant de 15 années d'ancienneté dans l'entreprise et âgés de plus de 55 ans à la date d'expiration du préavis, effectué ou non. "
Le licenciement étant jugé sans cause réelle et sérieuse, M. [V] est fondé à obtenir le paiement des sommes suivantes, sur le montant desquelles l'employeur n'apporte aucune observation utile, étant relevé que le salaire moyen du salarié, non contesté par l'employeur, s'élève à la somme de 3 128,89 euros brut :
- 2 281, 48 euros au titre de l'indemnité de licenciement,
- 6 257,77 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 625,78 euros au titre des congés payés afférents.
L'article L.1235-3 du code du travail dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [V] bénéficiait de deux années complètes d'ancienneté à la date de son licenciement, de sorte qu'il peut prétendre à une indemnisation comprise entre 3 et 3,5 mois de salaire.
Agé de 37 ans à la date de son licenciement, il ne justifie pas de sa situation au regard de l'emploi.
Il se verra donc allouer la somme de 9 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur la demande en dommages et intérêts du fait de l'absence de CSE
Il est jugé qu'il résulte de l'application combinée de l'article L. 2313-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable, ensemble l'alinéa 8 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l'article 27 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'article 1382, devenu 1240, du code civil et l'article 8, § 1, de la directive 2002/14/CE du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne que l'employeur qui n'a pas accompli, bien qu'il y soit légalement tenu, les diligences nécessaires à la mise en place d'institutions représentatives du personnel, sans qu'un procès-verbal de carence ait été établi, commet une faute qui cause un préjudice aux salariés, privés ainsi d'une possibilité de représentation et de défense de leurs intérêts (Soc., 15 mai 2019, pourvoi n° 17-22.224).
En l'espèce, il est acquis et non contesté que la SAS PEA [Localité 9] n'a pas mis en place de comité social et économique, ni n'a justifié d'un procès-verbal de carence.
M. [V], qui s'est ainsi vu privé d'une possibilité de représentation et de défense de ses intérêts, justifie d'un préjudice résultant de ce manquement, de sorte qu'il est donc fondé à solliciter des dommages et intérêts qu'il convient de fixer à hauteur de 1 000 euros net, par infirmation du jugement entrepris.
Sur la régularité de la procédure de licenciement
Aux termes de l'article L.1235-2 dernier alinéa du code du travail, lorsqu'une irrégularité a été commise au cours de la procédure, notamment si le licenciement d'un salarié intervient sans que la procédure requise aux articles L.1232-2, L.1232-3, L.1232-4, L.1233-11, L.1233-12 et L.1233-13 ait été observée ou sans que la procédure conventionnelle ou statutaire de consultation préalable au licenciement ait été respectée, mais pour une cause réelle et sérieuse, le juge accorde au salarié, à la charge de l'employeur, une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.
Il résulte de cette disposition que le salarié, dont le licenciement a été déclaré sans cause réelle et sérieuse, ne peut prétendre à l'indemnité pour irrégularité de procédure, dès lors qu'il a déjà obtenu réparation du préjudice résultant de son licenciement par la condamnation de l'employeur à lui payer l'indemnité prévue par l'article L. 1235-3 du même code.
En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le bien-fondé des moyens invoqués par M. [V], il y a lieu de le débouter de sa demande d'indemnité formulée à ce titre, par confirmation du jugement entrepris.
Sur la procédure collective en cours
Il résulte des dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce que le jugement d'ouverture de la procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent.
En conséquence, les sommes susvisées seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la SAS PEA [Localité 9].
Sur la garantie du centre de gestion et d'études AGS d'[Localité 7]
Il y a lieu de déclarer le jugement commun et opposable à l'AGS et de dire que l'Unedic délégation de l'AGS CGEA d'[Localité 7] doit sa garantie pour des créances qui sont toutes nées antérieurement à la procédure collective selon les modalités détaillées au dispositif du présent arrêt, étant précisé qu'en application de l'article L 3253-17 du code du travail tel que modifié par loi n°2016-1917 du 29 décembre 2016, le plafond de garantie de l'AGS s'entend en montants bruts et retenue à la source de l'article 204 A du code général des impôts incluse.
Sur la remise d'une attestation France travail et d'un bulletin de salaire rectifiés
Il convient d'ordonner à la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], de remettre à M. [V] un bulletin de salaire, une attestation France travail et les documents de fin de contrat de travail conformes au présent arrêt.
La demande d'astreinte sera rejetée car elle n'est pas utile à l'exécution dans la présente décision.
Sur les demandes accessoires
Il convient de confirmer la décision de première instance s'agissant frais irrépétibles et de l'infirmer s'agissant des dépens.
La SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], partie perdante condamnée aux dépens de première instance et d'appel, est aussi condamnée à payer à M. [V] la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette condamnation emportant rejet de sa propre demande formulée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a :
- débouté M. [V] de sa demande au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,
- débouté M. [V] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
L'INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs d'infirmation et y ajoutant,
JUGE que le licenciement notifié par courrier du 15 juillet 2022 à M. [H] [V] est dénué de cause réelle et sérieuse ;
ORDONNE l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], représentée par la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M], des sommes suivantes, à titre de créances dues à M. [H] [V] :
- 2 281,48 euros nets au titre de l'indemnité de licenciement,
- 2 026,03 euros brut en paiement du solde d'indemnité compensatrice de congés payés,
- 6 257,77 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 625,78 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 9 500 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'absence de CSE ;
CONDAMNE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], à remettre à M. [H] [V] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation France travail rectifiée, conformes au présent arrêt ;
REJETTE la demande d'astreinte ;
DÉCLARE l'arrêt commun et opposable au centre de gestion et d'études AGS d'[Localité 7] ;
DÉCLARE que le centre de gestion et d'études AGS d'[Localité 7] doit sa garantie dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu, de l'article 204 du code général des impôts, incluse ;
CONDAMNE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], à payer à M. [H] [V] la somme de 2 000 euros net au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;
DEBOUTE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9], de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SELARL [M] & associés - mandataires judiciaires, prise en la personne de maître [M] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS PEA [Localité 9] aux dépens de première instance et d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Mme Gwénaëlle Terrieux, conseillère ayant participé au délibéré, en remplacement de Mme Hélène Blondeau-Patissier , conseillère faisant fonction de présidente légitimement empêchée, en vertu de l'article R312-3 du Code de l'organisation judiciaire, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière, La conseillère,