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Décisions

CA Rennes, 2e ch., 25 novembre 2025, n° 23/02514

RENNES

Arrêt

Autre

CA Rennes n° 23/02514

25 novembre 2025

2ème Chambre

ARRÊT N°404

N° RG 23/02514

N° Portalis DBVL-V-B7H-TWTG

(Réf 1ère instance : 20/01511)

(1)

S.A. ALLIANZ IARD

S.A.S.U. SYSTEL

C/

E.A.R.L. SAGORY

S.A. PACIFICA

S.A. ABEILLE IARD & SANTE S.A.R.L. EL.TEC

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

- Me GRENARD

- Me QUINTIN

- Me MOULIERE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Aichat ASSOUMANI, lors des débats, et Madame Rozenn COURTEL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l'audience publique du 17 Juin 2025

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 25 Novembre 2025, après prorogations, par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANTES :

S.A. ALLIANZ IARD

[Adresse 1]

[Localité 9]

S.A.S.U. SYSTEL

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentées par Me Aurélie GRENARD de la SELARL ARES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉES :

E.A.R.L. SAGORY

[Adresse 11]

[Localité 3]

S.A. PACIFICA

[Adresse 8]

[Localité 7]

Représentées par Me David QUINTIN de la SELARL ARMOR AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-BRIEUC

S.A.ABEILLE IARD & SANTE SOCIETE ANONYME D'ASSURANCES INCENDIE, ACCIDENTS ET RISQUES DIVERS

(anciennement dénommée AVIVA ASSURANCES)

[Adresse 2]

[Localité 10]

S.A.R.L. EL.TEC

[Adresse 12]

[Localité 4]

Représentées par Me François MOULIERE de la SELEURL MOULIERE AVOXA, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

EXPOSE DU LITIGE :

Courant 2012, l'EARL Sagory, assurée par la société Pacifica, a confié à la société El.Tec, assurée par la société Aviva assurances, la rénovation d'un bâtiment avicole. La société El.Tec a installé deux aérothermes produits par la société Systel assurée par la société Allianz IARD.

Le 24 avril 2018, un incendie est survenu dans le bâtiment.

Suivant ordonnance du 19 juillet 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Brieuc a ordonné, à la demande de l'EARL Sagory et de la société Pacifica, une mesure d'expertise. L'expert a déposé son rapport le 7 août 2019.

Suivant acte d'huissier des 24, 28 et 30 septembre 2020, l'EARL Sagory et la société Pacifica son assureur ont assigné la société El.Tec, la société Aviva assurances son assureur, la société Systel, la société Allianz IARD son assureur, devant le tribunal de grande instance de Saint Brieuc devenu tribunal judiciaire de Saint Brieuc.

Suivant jugement du 14 mars 2023, le tribunal a :

- Constaté que la réception tacite de l'ouvrage de rénovation de la salle d'élevage effectuée par la société El.Tec était intervenue le 1erjuillet 2014.

- Condamné in solidum la société Systel et la société Allianz IARD à payer à l'EARL Sagory la somme de 3 563,48 euros au titre du préjudice matériel.

- Condamné in solidum la société Systel et la société Allianz IARD à payer à la société Pacifica la somme de 119 968,02 euros au titre de son recours subrogatoire sur les préjudices matériels.

- Condamné in solidum la société Systel et la société Allianz IARD à payer à l'EARL Sagory la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice immatériel.

- Condamné in solidum la société Systel et la société Allianz IARD à payer à la société Pacifica la somme de 29 032 euros au titre de son recours subrogatoire sur les préjudices immatériels.

- Condamné in solidum la société El.Tec et la société Abeille IARD anciennement Aviva assurances à garantir la société Systel et la société Allianz IARD à hauteur de 10 % des condamnations prononcées.

- Dit que la société Abeille IARD pourrait déduire de son règlement le montant de sa franchise contractuelle d'un montant égal à 10 % de l'indemnité versée avec un minimum de 305 euros et un maximum de 1 550 euros.

- Dit que les sommes précitées porteraient intérêt au taux légal à compter du jugement avec capitalisation.

- Débouté les parties de leurs autres demandes.

- Condamné in solidum la société El.Tec, la société Abeille IARD, la société Systel et la société Allianz IARD aux dépens de l'instance comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Armor avocats.

- Condamné in solidum la société El.Tec, la société Abeille IARD, la société Systel et la société Allianz IARD à payer à l'EARL Sagory la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile serait répartie au prorata des responsabilités, soit 10 % pour la société El.Tec assurée par la société Abeille IARD et 90 % pour la société Systel assurée par la société Allianz IARD.

Suivant déclaration du 25 avril 2023, la société Systel et la société Allianz IARD ont interjeté appel.

Suivant conclusions du 3 octobre 2023, la société El.Tec et la société Abeille IARD ont interjeté appel incident.

Suivant conclusions du 18 octobre 2023, l'EARL Sagory et la société Pacifica ont interjeté appel incident.

En leurs dernières conclusions du 18 décembre 2023, la société Systel et la société Allianz IARD demandent à la cour de :

- Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

- Débouter l'EARL Sagory et la société Pacifica de leurs demandes.

- Les condamner in solidum à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

Les débouter de leurs autres demandes.

Subsidiairement,

Vu les articles L. 1245-2 et 1240 du code civil,

- Limiter la responsabilité de la société Systel à 10 % du sinistre.

- Juger que la société Systel, et son assureur, ne sauraient être tenues à indemniser l'EARL Sagory et la société Pacifica au-delà de 10 % du préjudice matériel et du préjudice immatériel.

- Débouter l'EARL Sagory et la société Pacifica du surplus de leurs demandes.

- Condamner la société El.Tec et la société Abeille IARD à les garantir intégralement de toutes les condamnations prononcées à leur encontre au bénéfice de l'EARL Sagory et de la société Pacifica.

- Débouter la société El.Tec et la société Abeille IARD de leur appel incident et de leur demande de garantie contre elles.

- Débouter l'EARL Sagory et la société Pacifica de leurs demandes au titre des préjudices immatériels.

- Débouter les autres parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

- Les condamner in solidum à leur payer la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

En leurs dernières conclusions du 5 mars 2024, l'EARL Sagory et la société Pacifica demandent à la cour de :

Vu les articles 1792 et suivants, 1103, 1104, 1231-1 et suivants, 1604 et suivants, 1245-1 et suivants, 1240 et suivants du code civil,

Vu l'article L. 124-3 du code des assurances,

- Confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Systel sur le fondement de la responsabilité du fait des produits défectueux.

A titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement,

- Confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la réception tacite de l'ouvrage au 1er juillet 2014.

Subsidiairement, prononcer la réception judiciaire de l'ouvrage au 1er juillet 2014.

- Condamner la société El.Tec, sous le bénéfice de la garantie de son assureur, à prendre en charge les conséquences de l'incendie survenu le 24 avril 2018 sur le fondement de sa responsabilité civile décennale.

Plus subsidiairement,

- Condamner la société El.Tec, sous le bénéfice de la garantie de son assureur, à prendre en charge les conséquences de l'incendie survenu le 24 avril 2018 sur le fondement de sa responsabilité contractuelle.

Si l'exclusion de garantie était retenue,

- Juger que la société Abeille IARD a commis un manquement à l'égard de son assurée générateur d'un préjudice indemnisable à leur égard et la condamner à prendre en charge les conséquences de l'incendie survenu le 24 avril 2018 sur le fondement délictuel.

A titre infiniment subsidiaire,

- Condamner la société El.Tec, sous le bénéfice de la garantie de son assureur, et la société Systel, sous le bénéfice de la garantie de son assureur, à prendre en charge les conséquences de l'incendie survenu le 24 avril 2018 sur le fondement du manquement à leur obligation d'information et de conseil.

Sur le quantum des demandes,

- Infirmer le jugement déféré.

Statuant à nouveau,

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Systel et son assureur ainsi que la société El.Tec et son assureur à payer à la société Pacifica la somme de 128 797 euros HT au titre de son recours subrogatoire sur les dommages matériels.

- Les condamner solidairement ou à défaut in solidum à payer à l'EARL Sagory la somme de 3 563,48 euros HT au titre du solde des travaux de remise en état restés à sa charge.

Les condamner solidairement ou à défaut in solidum à payer à la société Pacifica la somme de 29 032 euros HT au titre de son recours subrogatoire sur les pertes d'exploitation.

Les condamner solidairement ou à défaut in solidum à payer à l'EARL Sagory la somme de 3 000 euros HT au titre de ses pertes d'exploitations consécutives restées à charge.

Fixer le point de départ des intérêts au taux légal à compter de l'assignation sur le fondement de l'article 1231-7 alinéa 1er du code civil avec capitalisation.

En tout état de cause,

- Condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Systel et son assureur ainsi que la société El.Tec et son assureur à leur payer la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en cause d'appel.

- Les condamner solidairement ou à défaut in solidum aux dépens comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire avec application de de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Armor avocats.

En leurs dernières conclusions du 20 décembre 2023, la société El.Tec et la société Abeille IARD demandent à la cour de :

Vu les articles 1792 et 1792-7, 1641 et suivants, 1134 et 1147 dans leur rédaction alors applicable du code civil,

- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il a :

Prononcé leur condamnation in solidum à garantir la société Systel et la société Allianz IARD à hauteur de 10 % des condamnations prononcées.

Dit que la société Abeille IARD pourrait déduire de son règlement le montant de sa franchise contractuelle d'un montant égal à 10 % de l'indemnité versée avec un minimum de 305 euros et un maximum de 1 550 euros.

Dit que les sommes précitées porteraient intérêt au taux légal à compter du jugement avec capitalisation.

Débouté les parties de leurs autres demandes.

Prononcé leur condamnation in solidum aux dépens de l'instance comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire.

Prononcé leur condamnation in solidum avec la société Systel et la société Allianz IARD à payer à l'EARL Sagory la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que la charge finale des dépens et celle de l'indemnité accordée au titre de l'article 700 du code de procédure civile serait répartie au prorata des responsabilités, soit 10 % pour la société El.Tec assurée par la société Abeille IARD et 90 % pour la société Systel assurée par la société Allianz IARD.

Statuant à nouveau,

- Débouter l'EARL Sagory et la société Pacifica de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société El.Tec fondées sur la responsabilité décennale.

- Les débouter de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société Abeille IARD, la police responsabilité civile souscrite par la société El.Tec excluant la responsabilité décennale.

- Les débouter de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société El.Tec fondées sur la responsabilité contractuelle.

- Les débouter leurs demandes dirigées à l'encontre de la société El.Tec fondées sur la garantie des vices cachés, les parties étant liées par un contrat de louage d'ouvrage.

- Les débouter de leurs demandes dirigées à l'encontre de la société El.Tec fondées sur un manquement à l'obligation d'information et de conseil.

- Débouter les autres parties de leurs demandes.

Subsidiairement,

- Limiter le droit à indemnisation de l'EARL Sagory en raison des fautes commises par elle et qui ont joué un rôle causal prépondérant dans la survenance du sinistre.

- Dire que la société Abeille IARD pourra déduire de son règlement le montant de la franchise contractuelle (10 % de l'indemnité versée avec un minimum de 305 euros et un maximum de 1550 euros).

En toute hypothèse,

- Condamner la société Systel et la société Allianz IARD à les garantir des condamnations prononcées à leur encontre.

- Condamner in solidum l'EARL Sagory, la société Pacifica, la société Systel et la société Allianz IARD à leur payer la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les condamner in solidum aux dépens comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions des parties.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 avril 2025.

MOTIFS DE LA DECISION:

Il ressort de l'expertise judiciaire que l'incendie survenu le 24 avril 2018 est imputable à l'un des aérothermes fabriqués par la société Systel et installés par la société El.Tec.

L'expert judiciaire a expliqué que la mise à feu de la litière par projection de particules métalliques incandescentes issues d'une corrosion intergranulaire d'une pièce en acier inoxydable apparaissait le mécanisme le plus probable. Il a admis que l'empoussièrement aurait pu être une cause plausible tout en précisant dans le corps de son rapport que la température de combustion à la sortie des brûleurs était de l'ordre de 1 500 à 2 000°, ce qui impliquait une combustion immédiate et extrêmement courte de la moindre particule du type poussière ou paille, l'incendie étant la conséquence de l'éjection de particules plus conséquentes et pouvant être en ignition suffisante jusqu'au sol.

L'expert judiciaire a expliqué également que la corrosion anormalement rapide d'une pièce en acier inoxydable pouvait être la conséquence d'un défaut d'entretien tout en relevant que les pièces de l'aérotherme n'auraient pas dû être altérées par quelque phénomène que ce soit.

Le tribunal a retenu, qu'indépendamment de reproche portant sur l'absence d'entretien de l'installation de chauffage par une personne qualifiée, la corrosion intergranulaire anormalement rapide de l'une des tiges du brûleur au contact de l'oxygène de l'air à haute température n'était pas représentative de l'usure raisonnablement attendue de l'appareil. Il a retenu la responsabilité du producteur au visa de l'article 1245 du code civil.

La société Systel et la société Allianz contestent l'analyse du tribunal. Elles font valoir que le rapport d'expertise judiciaire ne permet pas de conclure à une défectuosité des aérothermes. Elles font valoir également que la corrosion d'un accroche flamme est la conséquence d'un défaut d'entretien par l'exploitant lequel défaut d'entretien a provoqué une combustion incomplète à l'origine de la corrosion intergranulaire.

Si la cour devait retenir que l'aérotherme à l'origine de l'incendie présentait un défaut de sécurité, La société Systel et la société Allianz concluent que la responsabilité du fabricant doit être écartée ou limitée en raison de la faute commise par l'EARL Sagory dans l'entretien du matériel. Elles reprochent à cette dernière de n'avoir pas respecté la réglementation applicable aux générateurs installés dans son exploitation et de n'avoir pas respecté les prescriptions d'entretien.

Selon l'article 1245 du code civil, le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit, qu'il soit ou non lié par un contrat avec la victime

Selon l'article 1245-3 du code civil, un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre Dans l'appréciation de la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, il doit être tenu compte de toutes les circonstances et notamment de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu.

Il ressort de l'expertise judiciaire que l'incendie survenu le 24 avril 2018 est imputable au système de chauffage fabriqué par la société Systel en raison d'une projection de particules métalliques incandescentes issues de la corrosion d'une pièce en acier inoxydable sur la litière de paille. L'expert a relevé la corrosion anormalement rapide de cette pièce métallique qui n'aurait pas dû être altérée par quelque phénomène que ce soit.

Il a rappelé que la norme EN 1020 (juin 2010) relatives aux générateurs d'air chaud à convection forcée utilisant les combustibles gazeux pour le chauffage de locaux autre que l'habitat individuel prévoyait que lorsque l'appareil était installé, suivant les instructions du fabricant, toutes les parties, y compris l'échangeur de chaleur et son POCED dans le cas des appareils de type B4 et B5, devaient résister aux actions mécaniques, chimiques et thermiques auxquels elles pouvaient être soumises en cours d'utilisation normale.

L'EARL Sagory et son assureur sont fondés à soutenir que le produit vendu par la société Systel n'offrait pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre compte tenu de l'usage qui pouvait en être raisonnablement attendu, à savoir le chauffage d'un espace confiné et humide exposé à un empoussièrement important en raison notamment de la présence d'une litière de paille, hautement inflammable, comme par ailleurs les matériaux isolants. Un défaut de combustion lié à cet empoussièrement était un phénomène hautement prévisible. La projection de particules métalliques incandescentes en raison de la corrosion anormalement rapide d'une pièce métallique constitue un défaut interne majeur.

Selon l'article 1245-12 du code civil, la responsabilité du producteur peut être réduite ou supprimée, compte tenu de toutes les circonstances, lorsque le dommage est causé conjointement par un défaut du produit et par la faute de la victime ou d'une personne dont la victime est responsable.

La société Systel et la société Allianz reprochent à l'EARL Sagory de n'avoir pas respecté la réglementation applicable aux aérothermes. Elles prétendent que le générateur de marque Systel Heoss 90 kw était soumis à la réglementation applicable aux chaudières et qu'il relevait d'un entretien périodique annuel obligatoire.

Contrairement à ce qui a été retenu par l'expert judiciaire et soutenu par la société Systel et la société Allianz, un aérotherme ne constitue pas une chaudière au sens des articles R.224-20 et suivants du code de l'environnement dès lors qu'il n'a pas pour fonction de modifier la température d'un fluide thermique destiné à être distribué vers des appareils de chauffage mais qu'il constitue en lui-même un générateur destiné à chauffer l'air ambiant. Les dispositions relatives à un entretien périodique annuel obligatoire par une personne qualifiée ne trouvent pas à s'appliquer. Il ne peut être reproché à l'EARL Sagory de n'avoir pas procédé à un tel entretien.

La société Systel et la société Allianz ne sont pas plus fondées à invoquer l'obligation d'entretien réglementaire des foyers et leurs accessoires, des conduits de fumée individuels et collectifs et des tuyaux de raccordement telle qu'elle résulte de l'article 31-6 du règlement sanitaire départemental des Côtes d'Armor, ou des installations de chauffage, de cuisine ou de production d'eau chaude par combustion telle qu'elle résulte de l'article 53 du même règlement, qui ne concerne manifestement pas les aérothermes qui, par définition, ne sont ni des installations avec conduit de fumée ou d'aération nécessitant un ramonage annuel ni des installations de chauffage, de cuisine ou de production d'eau chaude par combustion.

La société Systel et la société Allianz prétendent que l'entretien des brûleurs aurait permis d'éviter la dégradation de l'accroche flamme et par conséquent la projection des particules métalliques incandescentes qui sont à l'origine de l'incendie. Elles indiquent que les prescriptions d'entretien des aérothermes, à savoir un nettoyage pour soufflage sans démontage, étaient précisées dans la notice d'utilisation. Elles relèvent qu'un dépôt anormal de poussière a été constaté dans les aérothermes.

L'expert judiciaire a indiqué que même en respectant les prescriptions d'entretien des aérothermes, il était extrêmement difficile de les nettoyer complétement sans procéder à un démontage complet, et que pour contrôler la combustion en elle-même, il fallait avoir une connaissance plus approfondie du mode de vérification. Il n'est pas démontré par le producteur que l'exploitant n'a pas respecté les prescriptions d'entretien des aérothermes alors que la notice d'entretien ne signalait pas la nécessité d'un démontage complet pour un nettoyage approfondi par une personne qualifiée. En toute hypothèse, comme il a été dit, l'incendie survenu le 24 avril 2018 est la conséquence d'une projection de particules métalliques incandescentes issues de la corrosion d'une pièce en acier inoxydable qui n'aurait pas dû être altérée par quelque phénomène que ce soit. Il ne peut être retenu de causalité entre le sinistre et un éventuel défaut d'entretien car, comme le font observer à juste titre l'EARL Sagory et son assureur, il n'a pas été constaté de corrosion anormale sur le second aérotherme indemne de toute défaut et pourtant entretenu dans les mêmes conditions que l'aérotherme atteint par la corrosion.

La société Systel et son assureur recherchent la garantie de la société El.Tec au motif que celle-ci a manqué à son devoir d'information à l'égard de l'exploitant. Ils estiment que l'installateur aurait dû proposer à ce dernier un contrat d'entretien.

Pourtant, il ne peut être reproché à la société El.Tec un manquement à son devoir d'information et de conseil alors qu'il est établi que l'EARL Sagory a entretenu les aérothermes conformément aux prescriptions du producteur et que l'origine du sinistre est indépendante d'un défaut d'entretien éventuel mais résulte d'un vice interne du matériel.

Au soutien de leur appel incident, l'EARL Sagory et son assureur font valoir que le montant des dommages matériels s'est élevé à la somme de 132 360,48 euros et celui des dommages immatériels à la somme de 32 032 euros.

La société Systel et son assureur font valoir que le montant des dommages matériels devait être fixé à la somme de 117 943 euros et qu'il n'a pas été justifié d'un préjudice immatériel.

L'expert judiciaire a évalué les dommages matériels à la somme de 121 219 euros. L'EARL Sagory et son assureur demandent en sus l'indemnisation d'un moteur de chaine d'alimentation et d'un transmetteur téléphonique dont la panne a été constatée après les travaux. Ils font également mention d'une reprise d'aliment sans expliciter plus avant cette demande. En toute hypothèse, il n'est pas démontré un lien de causalité entre ces préjudices et la survenue du sinistre. Par ailleurs, l'EARL Sagory et son assureur ne sont pas fondés à solliciter la prise en charge du coût de remplacement des aérothermes puisque l'article 1245-1 alinéa 1 du code civil exclut toute réparation à cet égard.

Le préjudice matériel doit être fixé à la somme de 121 219 euros, l'EARL Sagory devant être indemnisée à hauteur de la somme de 3 563,48 euros et la société Pacifica à hauteur de la somme de 117 655,52 euros au titre de son recours subrogatoire. Contrairement à ce qui est soutenu par la société Systel et son assureur, on ne trouve pas trace dans le décompte de l'expert du coût de remplacement des aérothermes.

L'expert judiciaire a évalué les dommages immatériels à la somme de 32 032 euros correspondant à la perte d'exploitation jusqu'à l'achèvement des réparations le 5 juin 2019. Le tribunal a noté que la société Systel et son assureur n'avaient formulé aucun moyen opposant à cette évaluation. Elles ne sont pas fondées à contester devant la cour cette évaluation sans produire d'éléments d'explication.

S'agissant de la réparation d'un préjudice extracontractuel, c'est à juste titre que le tribunal a fixé le point de départ des intérêts au taux légal capitalisés à compter du jugement comme l'article 1231-7 du code civil le lui permettait, date à laquelle le principe et le montant de la créance ont été arrêtés.

Le jugement déféré sera infirmé partiellement.

Il n'est pas inéquitable de condamner la société Systel et son assureur à payer à l'EARL Sagory et à son assureur la somme de 6 000 euros, à la société El.Tec et à son assureur la somme de 3 500 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.

La société Systel et son assureur seront condamnés aux dépens de première instance et d'appel comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire. Il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Armor avocats.

PAR CES MOTIFS:

La cour,

Infirme partiellement le jugement rendu le 14 mars 2023 par le tribunal judiciaire de Saint Brieuc.

Statuant à nouveau sur l'entier litige,

Constate que la réception tacite de l'ouvrage de rénovation de la salle d'élevage effectuée par la société Sarl El.Tec est intervenue le 1erjuillet 2014.

Condamne in solidum la société Sasu Systel et la société Sa Allianz IARD à payer à l'EARL Sagory la somme de 3 563,48 euros au titre du préjudice matériel.

Condamne in solidum la société Sasu Systel et la société Sa Allianz IARD à payer à la société Sa Pacifica la somme de 117 655,52 euros au titre de son recours subrogatoire sur les préjudices matériels.

Condamne in solidum la société Sasu Systel et la société Sa Allianz IARD à payer à l'EARL Sagory la somme de 3 000 euros au titre de son préjudice immatériel.

Condamne in solidum la société Sasu Systel et la société Sa Allianz IARD à payer à la société Sa Pacifica la somme de 29 032 euros au titre de son recours subrogatoire sur les préjudices immatériels.

Dit que les sommes précitées porteront intérêt au taux légal à compter du jugement du 14 mars 2023 avec capitalisation.

Déboute les parties de leurs autres demandes.

10

Condamne in solidum la société Sasu Systel et la société Sa Allianz IARD à payer à l'EARL Sagory et à la société Sa Pacifica la somme de 6 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.

Condamne in solidum la société Sasu Systel et la société Sa Allianz IARD à payer à la société Sarl El.Tec et à la société Sa Abeille IARD la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en première instance et en cause d'appel.

Condamne in solidum la société Sasu Systel et la société Sa Allianz IARD aux dépens de première instance et d'appel comprenant les dépens de l'instance en référé et le coût de l'expertise judiciaire avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la société Selarl Armor avocats.

Rejette les autres demandes.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

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