CA Toulouse, 2e ch., 25 novembre 2025, n° 23/02298
TOULOUSE
Arrêt
Autre
25/11/2025
ARRÊT N°2025/410
N° RG 23/02298 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PRJH
VS CG
Décision déférée du 20 Mars 2023
Tribunal de Commerce de TOULOUSE
( 2021J745)
M. DEBAINS
S.A.R.L. [N] CORPORATE FINANCE
S.A.R.L. CAPPERF
C/
SARL [Localité 7] DROIT DES DIRIGEANTS CORPORATE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à Me Laurent SOUCAZE-SUBERBIELLE
Me Gilles SOREL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTES
S.A.R.L. [N] CORPORATE FINANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
S.A.R.L. CAPPERF
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentées par Me Jean Philippe LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PAU
Représentées par Me Laurent SOUCAZE-SUBERBIELLE de la SELARL LOYVE AVOCATS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
SARL [Localité 7] DROIT DES DIRIGEANTS CORPORATE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric REYNES de la SELARL THEMIS CONSEILS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
M. NORGUET, conseillère
S. MOULAYES, conseillère
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre
Faits et procédure':
La Sarl [Localité 7] Droit des Dirigeants Corporate (ci-après BDDD), ayant pour activité le conseil en développement commercial et management des forces de vente et le conseil en direction Ressources Humaines, a développé des réseaux de Franchise sous les enseignes «'[Localité 7] Droit des Dirigeants'» et «'[Localité 7] Droit des Dirigeants RH'», ainsi que sous le nom commercial «'[Localité 7] Droit des Dirigeants Gouvernance'».
Elle a conclu le 20 mai 2019 avec la Sarl [N] Corporate Finance et le 26 août 2019 avec la Sarl Capperf deux contrats de licence de marque portant sur la marque BDDD et le nom commercial «'[Localité 7] Droit des Dirigeants Gouvernance'», avec exclusivité territoriale, à durée déterminée, devant s'achever le 31 décembre 2020. Les parties ont contractuellement prévu la signature éventuelle entre elles d'un contrat de franchise avant l'expiration des contrats de licence pour poursuivre leur partenariat à l'expiration des dits contrats.
Chaque contrat a prévu le versement d'un montant forfaitaire de 20 500 euros ht, outre le règlement d'une redevance de franchise équivalente à 7% du chiffre d'affaire ht net, avec la précision que la redevance ne pouvait être inférieure à la somme de 3 500 euros ht la première année et 6 000 euros ht, les deuxième et troisième années.
Les contrats de franchise n'ont en définitive pas été signés.
Le 31 juillet 2020, les Sarl [N] Corporate Finance et Capperf, ainsi que 5 autres sociétés, membres du réseau de la Sarl BDDD, lui ont adressé conjointement une lettre pour dénoncer de «'trop nombreuses insuffisances'» et demander notamment la transmission d'un «'plan d'action formalisé du nouveau modèle économique'» ainsi que la suspension du paiement des redevances mensuelles dans l'attente de cette transmission.
Par courrier du 4 septembre 2020, la Sarl BDDD leur a répondu que le réseau était un succés et leur a rappelé leurs obligations contractuelles.
Par courrier recommandé du 2 novembre 2020, les Sarl [N] Corporate Finance et Capperf ont résilié les contrats et mis en demeure la Sarl BDDD de leur rembourser l'intégralité des sommes versées en exécution des contrats de licence de marque, soit la somme de 79.229,86 euros pour la Sarl Capperf et de 31.900 euros pour la Sarl [N] Corporate Finance.
A défaut de tout paiement, par acte d'huissier de justice du 20 octobre 2021, la Sarl [N] Corporate Finance et la Sarl Capperf ont assigné la Sarl BDDD devant le tribunal de commerce de Toulouse afin de voir prononcée la nullité, ou à défaut, la résolution judiciaire des contrats de licence de marque et de la voir condamnée au remboursement des sommes versées en exécution des contrats.
Reconventionnellement, la Sarl BDDD a demandé la condamnation des Sarl demanderesses à lui verser des sommes en exécution des clauses pénales prévues aux contrats.
Par jugement du 20 mars 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :
- débouté la société [N] Corporate Finance et la société Capperf de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné la société [N] Corporate Finance au paiement à la société BDDD d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 20 mai 2019 et la société Capperf au paiement à la société BDDD d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 26 août 2019,
- condamné la société [N] Corporate Finance et la société Capperf à verser, in solidum, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société BDDD,
- les a condamnées in solidum aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 27 juin 2023, la Sarl [N] Corporate Finance et la Sarl Capperf ont relevé appel du jugement du tribunal de commerce aux fins de le voir réformé en intégralité.
Par voie de conclusions, la Sarl BDDD a formé appel incident du chef de dispositif ayant limité les condamnations au titre des clauses pénales à deux fois 1 euro.
La clôture est intervenue le 18 août 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 septembre 2025.
Prétentions et moyens des parties':
Vu les conclusions n°2 notifiées le 31 mai 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl [N] Corporate Finance et la Sarl Capperf demandant, au visa des articles 1103, 1128, 1169, 1224, 1227, 1228, 1229 et 1231-1 du code civil, de :
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 mars 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- prononcer la nullité des contrats de licence de marque du 19 mai 2019,
Subsidiairement,
- prononcer la résolution judiciaire des contrats de licence de marque du 19 mai 2019,
En tout état de cause,
- condamner la société [Localité 7] Droit du Dirigeant Corporate à verser à la société [N] Corporate la somme de 31 900 euros en restitution de la totalité des sommes versées par celle-ci en exécution du contrat de licence de marque du 19 mai 2019,
- condamner de la société [Localité 7] Droit du Dirigeant Corporate à verser à la société Capperf la somme de 79 229,86 euros en restitution de la totalité des sommes versées par celle-ci en exécution du contrat de licence de marque du 19 mai 2019,
- condamner la société [Localité 7] Droit du Dirigeant Corporate à verser à la société [N] Corporate et à la société Capperf la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les conclusions n°2 notifiées le 20 juin 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl BDDD demandant de':
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf de l'ensemble de leurs demandes
- le réformer pour le surplus
Et statuant à nouveau,
- condamner la société [N] Corporate Finance à verser à la concluante la somme de 1'200 euros ttc en règlement de la clause pénale prévue au contrat,
- condamner la société Capperf à verser à la concluante la somme de 4'300 euros ttc en règlement de la clause pénale prévue au contrat,
En toute hypothèse,
- condamner in solidum les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf à verser à la concluante la somme de 5 000 euros ttc sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Motifs de la décision':
- Sur les demandes formulées par les parties appelantes saisissant la Cour':
En application de l'article 954 du code de procédure civile, «' la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'».
Or, dans le corps de leurs conclusions, en page 16, les parties appelantes sollicitent l'allocation à chacune d'elles d'une somme indemnitaire de 15 000 euros sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ; or, cette prétention n'est pas formulée dans le dispositif des dites conclusions.
Il ne sera donc pas statué sur cette prétention qui n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions des parties appelantes.
La cour est saisie d'une demande d'annulation des contrats de licence (I), subsidiairement d'une demande de résolution des dits contrats (II) et d'une demande reconventionnelle de la partie intimée (III).
I - Sur la demande des parties appelantes d'annulation des contrats de licence de marque' des 19 mai 2019 et 26 août 2019':
En dépit de la formulation du dispositif des conclusions des appelantes, il n'est pas contesté que la demande d'annulation du contrat porte sur chacun des deux contrats de licence de marque concernant chacune des sociétés appelantes. Il sera donc statué sur la demande d'annulation de chacun des deux contrats.
La demande d'annulation est formée au visa d'une part de l'article 1130 du code civil et d'autre part au visa de l'article 1169 du dit code.
- Sur la demande d'annulation pour dol':
Les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf disent avoir été trompées par la société BDDD avant de s'engager contractuellement sur une marque relative au concept de gouvernance alors que les arguments de performance présentés visaient d'autres secteurs d'activités que celles du concept litigieux notamment activité RH, directeur commercial, directeur financier etc et sur l'existence d'une agence pilote, jamais ouverte, alors que des agences existaient pour la direction commerciale, la direction RH et la direction financière.
La Sarl BDD conteste toute man'uvre frauduleuse en rappelant qu'il s'agissait d'un contrat de licence de marque avec exclusivité territoriale de l'usage de la marque et la perspective de poursuivre un lien contractuel par la signature d'un contrat de franchise sauf dénonciation avant l'expiration du contrat au 31 décembre 2020 de la poursuite du lien contractuel. Par ailleurs, elle n'a jamais garanti un chiffre d'affaires minimal et n'a remis aucun business plan rempli à ses cocontractants et n'a jamais transmis une liste de contacts qui apparaissent dans le business plan produit par les parties appelantes (pièce 5).
L'article 1128 du code civil dispose que «'Sont nécessaires à la validité d'un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain.'»
L'article 1130 du dit code précise que': «L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'».
Enfin, l'article 1131 indique que «'Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat'».
Sur le dol, l'article 1137 précise que «'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation'».
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui l'invoque et notamment s'agissant des man'uvres frauduleuses ou des mensonges déterminants du consentement.'
Il a été constamment jugé, et avant que ce principe ne soit codifié, que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.'
La Cour de Cassation a par ailleurs récemment rappelé que la validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat'; le vice du consentement ne peut pas être caractérisé par des motifs tirés d'éléments postérieurs à la conclusion du contrat. (cf.3ème civ 15 février 2023 n° 21-23166).
'
Après examen des pièces produites aux débats, la cour constate que selon l'article 1 du contrat intitulé «'licence de marque'», les contrats de marque litigieux portaient sur la marque [Localité 7] Droit Des Dirigeants et de son nom commerciale «'[Localité 7] Droit des Dirigeants Gouvernance'» en vue de la fourniture de conseil en Gouvernance et de «'Direction Gouvernance externalisée'» auprès d'une clientèle de TPE/PME. S'agissant d'un contrat de marque, le licencié bénéficiait d'une exclusivité territoriale jusqu'au 31 décembre 2020 dans le domaine du conseil en gouvernance (article 3 du contrat).
Les parties appelantes mentionnent les pièces 2, 21, 22 et 25 à 39 de ses adversaires en précisant que les pièces 25 à 39 sont manifestement de mauvaise foi.
En pièce 2, il s'agit de la présentation d'un séminaire métier RH du 30 janvier 2020 avec plusieurs participants et les thèmes abordés avec un planning d'actions de février à juin.
La pièce 21 est un tableau d'analyse de l'activité direction RH pendant le confinement.
La pièce 22 est une cartographie des agences des diverses directions': direction commerciale, direction RH direction générale etc..
Les pièces 25 à 39 sont des courriels ou une attestation de divers licenciés ou franchisés qui, pour l'essentiel, sont satisfaits de l'accompagnement prodigué. Et en pièce 31, [X] [H] évoque la création d'une agence pilote régionale pour accompagner les PME/TPE, ce qui répond, au moins en partie, aux critiques du défaut de création d'une agence pilote.
Enfin, sur le business plan présenté comme trompeur en pièce 5, rien n'établit qu'il s'agit d'un business plan envoyé par la société BDDD pour convaincre les parties appelantes, ce qu'elle conteste.
Force est de constater, à la lecture de ces pièces, d'une part qu'il ne s'agit pas de pièces produites pour l'essentiel avant la signature des contrats litigieux et donc susceptibles de tromper un futur cocontractant et d'autre part que la mauvaise foi alléguée n'est pas établie par ces seules pièces. D'ailleurs, si tel était le cas, les parties appelantes, qui étaient des partenaires avertis, ne pouvaient être trompées par de telles pièces présentées comme, manifestement peu explicites sur la marque, avant de s'engager contractuellement.
A défaut de préciser d'autres pièces sur lesquelles les parties appelantes entendent s'appuyer, elles ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d'une quelconque man'uvre frauduleuse préalable et déterminante de leur consentement.
Il convient de confirmer le jugement qui a rejeté l'annulation du contrat, fondée sur le moyen du dol.
- Sur la demande d'annulation pour défaut de contrepartie':
Les parties appelantes sollicitent l'annulation des contrats de licence sur le fondement de l'article 1169 du code civil en expliquant qu'il n'existait aucune contrepartie aux redevances payées ou une contrepartie qui était dérisoire dès lors que l'exploitation de la marque était insusceptible de rapporter des gains.
La Sarl BDDD conteste le défaut allégué de contrepartie alors qu'il s'agit d'un contrat de marque avec exclusivité territoriale et produit des pièces pour justifier de la réalité de la marque et de son utilisation dans son réseau de licenciés et franchisés qui en étaient satisfaits.
L'article 1169 du code civil dispose que «'un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire'».
Il appartient à celui qui invoque le défaut de contrepartie ou son caractère dérisoire de l'établir au moment de la formation du contrat.
Il convient de rappeler que les contrats litigieux sont des contrats de marque stipulant une redevance contre l'exploitation exclusive de la marque sur une zone géographique précise pendant une durée déterminée et qu'avant l'expiration du contrat, selon un délai de préavis, il pouvait être envisagé de signer un contrat de franchise .
Force est de constater qu'aucune preuve n'est apportée de l'inexistence de la marque gouvernance ni de sa valeur dérisoire.
Cette carence probatoire doit en outre s'analyser au regard de la production de témoignages d'autres licenciés sur ladite marque ou franchisés très satisfaits de son exploitation.
En effet, il ne suffit pas de ne pas parvenir à enregistrer un chiffre d'affaires espéré en exploitant une marque pour établir ledit caractère dérisoire car le seul fait de ne pas enregistrer des recettes significatives peut provenir de toute autre cause.
A défaut de preuve établie, la cour déboute donc les parties appelantes de leur demande d'annulation du contrat pour défaut de contrepartie.
'
II - Sur la demande subsidiaire de résolution des contrats':
Après avoir résilié le contrat par mise en demeure unilatérale du 2 novembre 2020 en sollicitant une indemnisation amiable, les parties appelantes ont assigné la Sarl BDDD en annulation des contrats de licence puis en résolution judiciaire aux torts exclusifs de la société BDDD pour manquement grave à ses obligations contractuelles et notamment pour défaut de transmission de savoir faire, défaut d'assistance et de formation alors qu'elles n'ont bénéficié que de 8 et 10 jours de formation, que les réunions étaient assurées par des membres du réseau, que les membres doivent réfléchir eux-mêmes à l'optimisation du système et du concept de gouvernance qui en réalité est inexistant alors que le réseau était présenté comme comportant 14 licenciés et une agence pilote pour inciter à la signature d'un contrat de franchise.
La société BDDD rappelle qu'une clause de résiliation contractuelle figure au contrat et que s'agissant d'une demande de résolution du contrat, elle considère que la preuve de manquements contractuels graves n'est pas rapportée à son encontre s'agissant d'un contrat de licence de marque avec obligation de garantir l'existence matérielle de la marque sur la zone d'exclusivité territoriale réservée, avant la résiliation unilatérale du contrat par les parties appelantes.
L'article 1224 du code civil dispose que «'la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice'».
Il appartient au demandeur de justifier de la gravité du manquement contractuel allégué.
En l'espèce, les parties appelantes demandent la résolution des contrats de licence de marque et non de contrats de franchise qui n'avaient pas été signés même s'ils avaient été éventuellement envisagés dès l'origine de la signature du contrat de licence de marque.
Les griefs allégués portent essentiellement sur la formation, le savoir faire, l'existence d'une agence pilote, toutes obligations qui relèvent du contrat de franchise à signer juste avant le terme du contrat de licence de marque si les parties entendaient poursuivre leurs relations d'affaires et non du contrat de licence de marque lui-même, dont il est demandé la résolution. Il n'est d'ailleurs pas mentionné de formation spécifique ni de création d'une agence pilote dans le contrat de licence de marque.
D'ailleurs, si le montant de la redevance dans le contrat de licence de marque était fixé de façon progressive en prévision d'une redevance de franchise éventuelle à l'article 7 du contrat, avec des avantages d'ores et déjà fixés à l'article 4.3 (dispense du droit de franchise et dispense de rémunération des prestations initiales fournies par le franchiseur au franchisé), c'est bien que les obligations du concédant dans le contrat de licence de marque ne sont pas celles d'un franchiseur, ce que ne pouvait ignorer les licenciés qui sont des professionnels avertis.
Enfin, le contenu de la marque sur le concept de gouvernance, que les parties appelantes estiment insuffisant, ne les a pas empêchées de l'exploiter sur leur zone territoriale exclusive comme d'autres licenciés sur leur zone, ce qui ne justifie pas un manquement grave à l'obligation du concédant, sauf à reprocher au contrat de licence souscrit d'être un contrat de franchise à requalifier, ce qui n'est ni allégué ni sollicité.
En revanche s'ils ont été déçus par la qualité du réseau de franchisés lors du séminaire de formation, qu'ils ont suivi durant une semaine à 10 jours, quant à la qualité attendue d'un réseau de franchise, cette faible qualité ressentie les a sans aucun doute conduits à ne pas poursuivre la relation contractuelle pour signer un contrat de franchise à l'expiration du contrat de licence.
Toutefois, les manquements graves qu'ils imputent au concédant ne correspondent pas à ses obligations contractuelles souscrites et ne peuvent justifier la résolution judiciaire demandée alors qu'en contrepartie de la redevance réglée, ils ont pu bénéficier de l'exclusivité territoriale pour exploiter la marque conformément au contrat de licence de marque souscrit.
La cour confirme le jugement qui a débouté de leur demande de résolution judiciaire des contrats de licence de marque les sociétés [N] corporate finance et la société Caperf.
Il ne sera donc pas fait droit aux demandes de restitution de sommes présentées par les sociétés [N] corporate finance et société Capperf.
III - Sur les demandes reconventionnelles de la Sarl BDDD':
La Sarl BDDD entend se prévaloir des stipulations de l'article 10.2 du contrat de licence pour résiliation du contrat avant l'échéance du terme prévue à l'article 4 et qui prévoit une clause pénale, indemnité forfaitaire égale au manque à gagner sur les redevances pour la période restant à courir, estimation du manque à gagner à partir du CA HT du licencié réalisé sur la base des redevances moyennes des trois derniers mois à projeter sur la durée restant à courir jusqu'au terme prévu du contrat. Elle sollicite 4300 euros ttc auprès de la société Capperf et 1200 euros ttc auprès de la Sarl [N] corporate finance selon un calcul présenté en pièce 40.
Les sociétés appelantes ne concluent pas sur les demandes reconventionnelles de la société concédante maintenues en appel'.
Le tribunal de commerce a considéré que le préjudice subi n'était pas établi et que faisant application de l'article 1231-5 du code civil, la clause pénale prévue au contrat était manifestement excessive et l'a réduite à 1 euro dans chaque contrat.
La cour constate que la lettre de résiliation des sociétés licenciées a été reçue le 2 novembre 2020, soit dans le délai de deux mois avant le terme du contrat conformément au préavis prévu à l'article 4 du contrat pour ne pas signer de contrat de franchise et poursuivre la relation contractuelle entre les parties, que par ailleurs, la dite lettre visait un certain nombre de griefs à l'encontre de la société concédante qui n'étaient ni de nature à annuler les contrats ni à prononcer la résolution judiciaire des dits contrats.
En revanche, la volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle sous la forme d'un contrat de franchise corrobore le fait que les licenciés étaient déçus par la qualité promise d'un réseau à intégrer qui avait justifié le montant des redevances progressives à verser selon l'article 7 du contrat.
La clause pénale fixée au contrat paraît en effet excessive et, à défaut de justification des redevances versées au cours des derniers mois par les sociétés appelantes, il convient d'indemniser la Sarl BDDD de la résiliation du contrat de licence à concurrence de 500 euros par contrat pour les mois restant dus.
Le jugement sera modifié de ce chef et les sociétés [N] corporate finance et Capperf seront condamnées à verser 500 euros chacune à la société BDDD.
IV - Sur les demandes accessoires':
les sociétés appelantes qui succombent prendront en charge les dépens de première instance et d'appel.
Concernant les frais irrépétibles, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés [N] corporate finance et Capperf à verser 1000 euros à la société BDDD. Elles lui verseront 1500 euros en appel.
PAR CES MOTIFS':
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a condamné la société [N] Corporate Finance au paiement à la société [Localité 7] droit Des dirigeants Corporate (BDDD) d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 20 mai 2019 et la société Capperf au paiement à la société BDDD d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 26 août 2019,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
- Condamne la société [N] Corporate Finance au paiement à la société BDDD d'une somme de 500 euros en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 20 mai 2019 et la société Capperf au paiement à la société BDDD d'une somme de 500 euros en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 26 août 2019,
- Confirme le jugement pour le surplus
- Condamne in solidum les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf aux dépens d'appel
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne insolidum les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf à payer à la société BDDD la somme de 1500 euros.
Le greffier La présidente
.
ARRÊT N°2025/410
N° RG 23/02298 - N° Portalis DBVI-V-B7H-PRJH
VS CG
Décision déférée du 20 Mars 2023
Tribunal de Commerce de TOULOUSE
( 2021J745)
M. DEBAINS
S.A.R.L. [N] CORPORATE FINANCE
S.A.R.L. CAPPERF
C/
SARL [Localité 7] DROIT DES DIRIGEANTS CORPORATE
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à Me Laurent SOUCAZE-SUBERBIELLE
Me Gilles SOREL
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
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COUR D'APPEL DE TOULOUSE
2ème chambre
***
ARRÊT DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT CINQ
***
APPELANTES
S.A.R.L. [N] CORPORATE FINANCE
[Adresse 2]
[Localité 5]
S.A.R.L. CAPPERF
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentées par Me Jean Philippe LABES de la SELARL ABL ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de PAU
Représentées par Me Laurent SOUCAZE-SUBERBIELLE de la SELARL LOYVE AVOCATS, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
INTIMEE
SARL [Localité 7] DROIT DES DIRIGEANTS CORPORATE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Frédéric REYNES de la SELARL THEMIS CONSEILS, avocat plaidant au barreau de TOULOUSE
Représentée par Me Gilles SOREL, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Septembre 2025, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant V. SALMERON, présidente, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
V. SALMERON, présidente
M. NORGUET, conseillère
S. MOULAYES, conseillère
Greffier, lors des débats : I. ANGER
ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
- signé par V. SALMERON, présidente, et par A. CAVAN, greffier de chambre
Faits et procédure':
La Sarl [Localité 7] Droit des Dirigeants Corporate (ci-après BDDD), ayant pour activité le conseil en développement commercial et management des forces de vente et le conseil en direction Ressources Humaines, a développé des réseaux de Franchise sous les enseignes «'[Localité 7] Droit des Dirigeants'» et «'[Localité 7] Droit des Dirigeants RH'», ainsi que sous le nom commercial «'[Localité 7] Droit des Dirigeants Gouvernance'».
Elle a conclu le 20 mai 2019 avec la Sarl [N] Corporate Finance et le 26 août 2019 avec la Sarl Capperf deux contrats de licence de marque portant sur la marque BDDD et le nom commercial «'[Localité 7] Droit des Dirigeants Gouvernance'», avec exclusivité territoriale, à durée déterminée, devant s'achever le 31 décembre 2020. Les parties ont contractuellement prévu la signature éventuelle entre elles d'un contrat de franchise avant l'expiration des contrats de licence pour poursuivre leur partenariat à l'expiration des dits contrats.
Chaque contrat a prévu le versement d'un montant forfaitaire de 20 500 euros ht, outre le règlement d'une redevance de franchise équivalente à 7% du chiffre d'affaire ht net, avec la précision que la redevance ne pouvait être inférieure à la somme de 3 500 euros ht la première année et 6 000 euros ht, les deuxième et troisième années.
Les contrats de franchise n'ont en définitive pas été signés.
Le 31 juillet 2020, les Sarl [N] Corporate Finance et Capperf, ainsi que 5 autres sociétés, membres du réseau de la Sarl BDDD, lui ont adressé conjointement une lettre pour dénoncer de «'trop nombreuses insuffisances'» et demander notamment la transmission d'un «'plan d'action formalisé du nouveau modèle économique'» ainsi que la suspension du paiement des redevances mensuelles dans l'attente de cette transmission.
Par courrier du 4 septembre 2020, la Sarl BDDD leur a répondu que le réseau était un succés et leur a rappelé leurs obligations contractuelles.
Par courrier recommandé du 2 novembre 2020, les Sarl [N] Corporate Finance et Capperf ont résilié les contrats et mis en demeure la Sarl BDDD de leur rembourser l'intégralité des sommes versées en exécution des contrats de licence de marque, soit la somme de 79.229,86 euros pour la Sarl Capperf et de 31.900 euros pour la Sarl [N] Corporate Finance.
A défaut de tout paiement, par acte d'huissier de justice du 20 octobre 2021, la Sarl [N] Corporate Finance et la Sarl Capperf ont assigné la Sarl BDDD devant le tribunal de commerce de Toulouse afin de voir prononcée la nullité, ou à défaut, la résolution judiciaire des contrats de licence de marque et de la voir condamnée au remboursement des sommes versées en exécution des contrats.
Reconventionnellement, la Sarl BDDD a demandé la condamnation des Sarl demanderesses à lui verser des sommes en exécution des clauses pénales prévues aux contrats.
Par jugement du 20 mars 2023, le tribunal de commerce de Toulouse a :
- débouté la société [N] Corporate Finance et la société Capperf de l'ensemble de leurs demandes,
- condamné la société [N] Corporate Finance au paiement à la société BDDD d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 20 mai 2019 et la société Capperf au paiement à la société BDDD d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 26 août 2019,
- condamné la société [N] Corporate Finance et la société Capperf à verser, in solidum, la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la société BDDD,
- les a condamnées in solidum aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration en date du 27 juin 2023, la Sarl [N] Corporate Finance et la Sarl Capperf ont relevé appel du jugement du tribunal de commerce aux fins de le voir réformé en intégralité.
Par voie de conclusions, la Sarl BDDD a formé appel incident du chef de dispositif ayant limité les condamnations au titre des clauses pénales à deux fois 1 euro.
La clôture est intervenue le 18 août 2025. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 septembre 2025.
Prétentions et moyens des parties':
Vu les conclusions n°2 notifiées le 31 mai 2024, auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl [N] Corporate Finance et la Sarl Capperf demandant, au visa des articles 1103, 1128, 1169, 1224, 1227, 1228, 1229 et 1231-1 du code civil, de :
- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulouse du 20 mars 2023 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- prononcer la nullité des contrats de licence de marque du 19 mai 2019,
Subsidiairement,
- prononcer la résolution judiciaire des contrats de licence de marque du 19 mai 2019,
En tout état de cause,
- condamner la société [Localité 7] Droit du Dirigeant Corporate à verser à la société [N] Corporate la somme de 31 900 euros en restitution de la totalité des sommes versées par celle-ci en exécution du contrat de licence de marque du 19 mai 2019,
- condamner de la société [Localité 7] Droit du Dirigeant Corporate à verser à la société Capperf la somme de 79 229,86 euros en restitution de la totalité des sommes versées par celle-ci en exécution du contrat de licence de marque du 19 mai 2019,
- condamner la société [Localité 7] Droit du Dirigeant Corporate à verser à la société [N] Corporate et à la société Capperf la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de première instance et d'appel.
Vu les conclusions n°2 notifiées le 20 juin 2024 auxquelles il est fait expressément référence pour l'énoncé du détail de l'argumentation, de la Sarl BDDD demandant de':
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf de l'ensemble de leurs demandes
- le réformer pour le surplus
Et statuant à nouveau,
- condamner la société [N] Corporate Finance à verser à la concluante la somme de 1'200 euros ttc en règlement de la clause pénale prévue au contrat,
- condamner la société Capperf à verser à la concluante la somme de 4'300 euros ttc en règlement de la clause pénale prévue au contrat,
En toute hypothèse,
- condamner in solidum les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf à verser à la concluante la somme de 5 000 euros ttc sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l'instance.
Motifs de la décision':
- Sur les demandes formulées par les parties appelantes saisissant la Cour':
En application de l'article 954 du code de procédure civile, «' la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion'».
Or, dans le corps de leurs conclusions, en page 16, les parties appelantes sollicitent l'allocation à chacune d'elles d'une somme indemnitaire de 15 000 euros sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ; or, cette prétention n'est pas formulée dans le dispositif des dites conclusions.
Il ne sera donc pas statué sur cette prétention qui n'est pas reprise dans le dispositif des conclusions des parties appelantes.
La cour est saisie d'une demande d'annulation des contrats de licence (I), subsidiairement d'une demande de résolution des dits contrats (II) et d'une demande reconventionnelle de la partie intimée (III).
I - Sur la demande des parties appelantes d'annulation des contrats de licence de marque' des 19 mai 2019 et 26 août 2019':
En dépit de la formulation du dispositif des conclusions des appelantes, il n'est pas contesté que la demande d'annulation du contrat porte sur chacun des deux contrats de licence de marque concernant chacune des sociétés appelantes. Il sera donc statué sur la demande d'annulation de chacun des deux contrats.
La demande d'annulation est formée au visa d'une part de l'article 1130 du code civil et d'autre part au visa de l'article 1169 du dit code.
- Sur la demande d'annulation pour dol':
Les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf disent avoir été trompées par la société BDDD avant de s'engager contractuellement sur une marque relative au concept de gouvernance alors que les arguments de performance présentés visaient d'autres secteurs d'activités que celles du concept litigieux notamment activité RH, directeur commercial, directeur financier etc et sur l'existence d'une agence pilote, jamais ouverte, alors que des agences existaient pour la direction commerciale, la direction RH et la direction financière.
La Sarl BDD conteste toute man'uvre frauduleuse en rappelant qu'il s'agissait d'un contrat de licence de marque avec exclusivité territoriale de l'usage de la marque et la perspective de poursuivre un lien contractuel par la signature d'un contrat de franchise sauf dénonciation avant l'expiration du contrat au 31 décembre 2020 de la poursuite du lien contractuel. Par ailleurs, elle n'a jamais garanti un chiffre d'affaires minimal et n'a remis aucun business plan rempli à ses cocontractants et n'a jamais transmis une liste de contacts qui apparaissent dans le business plan produit par les parties appelantes (pièce 5).
L'article 1128 du code civil dispose que «'Sont nécessaires à la validité d'un contrat :
1° Le consentement des parties ;
2° Leur capacité de contracter ;
3° Un contenu licite et certain.'»
L'article 1130 du dit code précise que': «L'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.
Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné'».
Enfin, l'article 1131 indique que «'Les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat'».
Sur le dol, l'article 1137 précise que «'Le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.
Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation'».
Le dol ne se présume pas et doit être prouvé par celui qui l'invoque et notamment s'agissant des man'uvres frauduleuses ou des mensonges déterminants du consentement.'
Il a été constamment jugé, et avant que ce principe ne soit codifié, que le dol peut être constitué par le silence d'une partie dissimulant à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter.'
La Cour de Cassation a par ailleurs récemment rappelé que la validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat'; le vice du consentement ne peut pas être caractérisé par des motifs tirés d'éléments postérieurs à la conclusion du contrat. (cf.3ème civ 15 février 2023 n° 21-23166).
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Après examen des pièces produites aux débats, la cour constate que selon l'article 1 du contrat intitulé «'licence de marque'», les contrats de marque litigieux portaient sur la marque [Localité 7] Droit Des Dirigeants et de son nom commerciale «'[Localité 7] Droit des Dirigeants Gouvernance'» en vue de la fourniture de conseil en Gouvernance et de «'Direction Gouvernance externalisée'» auprès d'une clientèle de TPE/PME. S'agissant d'un contrat de marque, le licencié bénéficiait d'une exclusivité territoriale jusqu'au 31 décembre 2020 dans le domaine du conseil en gouvernance (article 3 du contrat).
Les parties appelantes mentionnent les pièces 2, 21, 22 et 25 à 39 de ses adversaires en précisant que les pièces 25 à 39 sont manifestement de mauvaise foi.
En pièce 2, il s'agit de la présentation d'un séminaire métier RH du 30 janvier 2020 avec plusieurs participants et les thèmes abordés avec un planning d'actions de février à juin.
La pièce 21 est un tableau d'analyse de l'activité direction RH pendant le confinement.
La pièce 22 est une cartographie des agences des diverses directions': direction commerciale, direction RH direction générale etc..
Les pièces 25 à 39 sont des courriels ou une attestation de divers licenciés ou franchisés qui, pour l'essentiel, sont satisfaits de l'accompagnement prodigué. Et en pièce 31, [X] [H] évoque la création d'une agence pilote régionale pour accompagner les PME/TPE, ce qui répond, au moins en partie, aux critiques du défaut de création d'une agence pilote.
Enfin, sur le business plan présenté comme trompeur en pièce 5, rien n'établit qu'il s'agit d'un business plan envoyé par la société BDDD pour convaincre les parties appelantes, ce qu'elle conteste.
Force est de constater, à la lecture de ces pièces, d'une part qu'il ne s'agit pas de pièces produites pour l'essentiel avant la signature des contrats litigieux et donc susceptibles de tromper un futur cocontractant et d'autre part que la mauvaise foi alléguée n'est pas établie par ces seules pièces. D'ailleurs, si tel était le cas, les parties appelantes, qui étaient des partenaires avertis, ne pouvaient être trompées par de telles pièces présentées comme, manifestement peu explicites sur la marque, avant de s'engager contractuellement.
A défaut de préciser d'autres pièces sur lesquelles les parties appelantes entendent s'appuyer, elles ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d'une quelconque man'uvre frauduleuse préalable et déterminante de leur consentement.
Il convient de confirmer le jugement qui a rejeté l'annulation du contrat, fondée sur le moyen du dol.
- Sur la demande d'annulation pour défaut de contrepartie':
Les parties appelantes sollicitent l'annulation des contrats de licence sur le fondement de l'article 1169 du code civil en expliquant qu'il n'existait aucune contrepartie aux redevances payées ou une contrepartie qui était dérisoire dès lors que l'exploitation de la marque était insusceptible de rapporter des gains.
La Sarl BDDD conteste le défaut allégué de contrepartie alors qu'il s'agit d'un contrat de marque avec exclusivité territoriale et produit des pièces pour justifier de la réalité de la marque et de son utilisation dans son réseau de licenciés et franchisés qui en étaient satisfaits.
L'article 1169 du code civil dispose que «'un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire'».
Il appartient à celui qui invoque le défaut de contrepartie ou son caractère dérisoire de l'établir au moment de la formation du contrat.
Il convient de rappeler que les contrats litigieux sont des contrats de marque stipulant une redevance contre l'exploitation exclusive de la marque sur une zone géographique précise pendant une durée déterminée et qu'avant l'expiration du contrat, selon un délai de préavis, il pouvait être envisagé de signer un contrat de franchise .
Force est de constater qu'aucune preuve n'est apportée de l'inexistence de la marque gouvernance ni de sa valeur dérisoire.
Cette carence probatoire doit en outre s'analyser au regard de la production de témoignages d'autres licenciés sur ladite marque ou franchisés très satisfaits de son exploitation.
En effet, il ne suffit pas de ne pas parvenir à enregistrer un chiffre d'affaires espéré en exploitant une marque pour établir ledit caractère dérisoire car le seul fait de ne pas enregistrer des recettes significatives peut provenir de toute autre cause.
A défaut de preuve établie, la cour déboute donc les parties appelantes de leur demande d'annulation du contrat pour défaut de contrepartie.
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II - Sur la demande subsidiaire de résolution des contrats':
Après avoir résilié le contrat par mise en demeure unilatérale du 2 novembre 2020 en sollicitant une indemnisation amiable, les parties appelantes ont assigné la Sarl BDDD en annulation des contrats de licence puis en résolution judiciaire aux torts exclusifs de la société BDDD pour manquement grave à ses obligations contractuelles et notamment pour défaut de transmission de savoir faire, défaut d'assistance et de formation alors qu'elles n'ont bénéficié que de 8 et 10 jours de formation, que les réunions étaient assurées par des membres du réseau, que les membres doivent réfléchir eux-mêmes à l'optimisation du système et du concept de gouvernance qui en réalité est inexistant alors que le réseau était présenté comme comportant 14 licenciés et une agence pilote pour inciter à la signature d'un contrat de franchise.
La société BDDD rappelle qu'une clause de résiliation contractuelle figure au contrat et que s'agissant d'une demande de résolution du contrat, elle considère que la preuve de manquements contractuels graves n'est pas rapportée à son encontre s'agissant d'un contrat de licence de marque avec obligation de garantir l'existence matérielle de la marque sur la zone d'exclusivité territoriale réservée, avant la résiliation unilatérale du contrat par les parties appelantes.
L'article 1224 du code civil dispose que «'la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice'».
Il appartient au demandeur de justifier de la gravité du manquement contractuel allégué.
En l'espèce, les parties appelantes demandent la résolution des contrats de licence de marque et non de contrats de franchise qui n'avaient pas été signés même s'ils avaient été éventuellement envisagés dès l'origine de la signature du contrat de licence de marque.
Les griefs allégués portent essentiellement sur la formation, le savoir faire, l'existence d'une agence pilote, toutes obligations qui relèvent du contrat de franchise à signer juste avant le terme du contrat de licence de marque si les parties entendaient poursuivre leurs relations d'affaires et non du contrat de licence de marque lui-même, dont il est demandé la résolution. Il n'est d'ailleurs pas mentionné de formation spécifique ni de création d'une agence pilote dans le contrat de licence de marque.
D'ailleurs, si le montant de la redevance dans le contrat de licence de marque était fixé de façon progressive en prévision d'une redevance de franchise éventuelle à l'article 7 du contrat, avec des avantages d'ores et déjà fixés à l'article 4.3 (dispense du droit de franchise et dispense de rémunération des prestations initiales fournies par le franchiseur au franchisé), c'est bien que les obligations du concédant dans le contrat de licence de marque ne sont pas celles d'un franchiseur, ce que ne pouvait ignorer les licenciés qui sont des professionnels avertis.
Enfin, le contenu de la marque sur le concept de gouvernance, que les parties appelantes estiment insuffisant, ne les a pas empêchées de l'exploiter sur leur zone territoriale exclusive comme d'autres licenciés sur leur zone, ce qui ne justifie pas un manquement grave à l'obligation du concédant, sauf à reprocher au contrat de licence souscrit d'être un contrat de franchise à requalifier, ce qui n'est ni allégué ni sollicité.
En revanche s'ils ont été déçus par la qualité du réseau de franchisés lors du séminaire de formation, qu'ils ont suivi durant une semaine à 10 jours, quant à la qualité attendue d'un réseau de franchise, cette faible qualité ressentie les a sans aucun doute conduits à ne pas poursuivre la relation contractuelle pour signer un contrat de franchise à l'expiration du contrat de licence.
Toutefois, les manquements graves qu'ils imputent au concédant ne correspondent pas à ses obligations contractuelles souscrites et ne peuvent justifier la résolution judiciaire demandée alors qu'en contrepartie de la redevance réglée, ils ont pu bénéficier de l'exclusivité territoriale pour exploiter la marque conformément au contrat de licence de marque souscrit.
La cour confirme le jugement qui a débouté de leur demande de résolution judiciaire des contrats de licence de marque les sociétés [N] corporate finance et la société Caperf.
Il ne sera donc pas fait droit aux demandes de restitution de sommes présentées par les sociétés [N] corporate finance et société Capperf.
III - Sur les demandes reconventionnelles de la Sarl BDDD':
La Sarl BDDD entend se prévaloir des stipulations de l'article 10.2 du contrat de licence pour résiliation du contrat avant l'échéance du terme prévue à l'article 4 et qui prévoit une clause pénale, indemnité forfaitaire égale au manque à gagner sur les redevances pour la période restant à courir, estimation du manque à gagner à partir du CA HT du licencié réalisé sur la base des redevances moyennes des trois derniers mois à projeter sur la durée restant à courir jusqu'au terme prévu du contrat. Elle sollicite 4300 euros ttc auprès de la société Capperf et 1200 euros ttc auprès de la Sarl [N] corporate finance selon un calcul présenté en pièce 40.
Les sociétés appelantes ne concluent pas sur les demandes reconventionnelles de la société concédante maintenues en appel'.
Le tribunal de commerce a considéré que le préjudice subi n'était pas établi et que faisant application de l'article 1231-5 du code civil, la clause pénale prévue au contrat était manifestement excessive et l'a réduite à 1 euro dans chaque contrat.
La cour constate que la lettre de résiliation des sociétés licenciées a été reçue le 2 novembre 2020, soit dans le délai de deux mois avant le terme du contrat conformément au préavis prévu à l'article 4 du contrat pour ne pas signer de contrat de franchise et poursuivre la relation contractuelle entre les parties, que par ailleurs, la dite lettre visait un certain nombre de griefs à l'encontre de la société concédante qui n'étaient ni de nature à annuler les contrats ni à prononcer la résolution judiciaire des dits contrats.
En revanche, la volonté de ne pas poursuivre la relation contractuelle sous la forme d'un contrat de franchise corrobore le fait que les licenciés étaient déçus par la qualité promise d'un réseau à intégrer qui avait justifié le montant des redevances progressives à verser selon l'article 7 du contrat.
La clause pénale fixée au contrat paraît en effet excessive et, à défaut de justification des redevances versées au cours des derniers mois par les sociétés appelantes, il convient d'indemniser la Sarl BDDD de la résiliation du contrat de licence à concurrence de 500 euros par contrat pour les mois restant dus.
Le jugement sera modifié de ce chef et les sociétés [N] corporate finance et Capperf seront condamnées à verser 500 euros chacune à la société BDDD.
IV - Sur les demandes accessoires':
les sociétés appelantes qui succombent prendront en charge les dépens de première instance et d'appel.
Concernant les frais irrépétibles, le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné les sociétés [N] corporate finance et Capperf à verser 1000 euros à la société BDDD. Elles lui verseront 1500 euros en appel.
PAR CES MOTIFS':
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
- Infirme le jugement, mais seulement en ce qu'il a condamné la société [N] Corporate Finance au paiement à la société [Localité 7] droit Des dirigeants Corporate (BDDD) d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 20 mai 2019 et la société Capperf au paiement à la société BDDD d'une somme de 1 euro en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 26 août 2019,
Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
- Condamne la société [N] Corporate Finance au paiement à la société BDDD d'une somme de 500 euros en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 20 mai 2019 et la société Capperf au paiement à la société BDDD d'une somme de 500 euros en règlement de la clause pénale prévue au contrat du 26 août 2019,
- Confirme le jugement pour le surplus
- Condamne in solidum les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf aux dépens d'appel
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne insolidum les sociétés [N] Corporate Finance et Capperf à payer à la société BDDD la somme de 1500 euros.
Le greffier La présidente
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