CA Rennes, 2e ch., 25 novembre 2025, n° 23/06350
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N°411
N° RG 23/06350
N° Portalis DBVL-V-B7H-UHXJ
(Réf 1ère instance : 11-23-345)
(3)
Mme [M] [O] épouse [P]
M. [Y] [P]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
S.C.P. B.T.S.G
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me LAUDIC-[Localité 6]
- Me [Localité 7]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Rozenn COURTEL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Septembre 2025
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 25 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Madame [M] [O] épouse [P]
née le 20 Février 1968 à [Localité 8]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Monsieur [Y] [P]
né le 13 Septembre 1963 à [Localité 10]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Tous deux représentés par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Tous deux représentés par Me Ornella SCOTTO di LIGUORI, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD Avocats&Associés, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
S.C.P. B.T.S.G prise en la personne de Maître [H] [J] ès qualité de mandataire liquidateur de la société SAS NEXT GENERATION FRANCE,
[Adresse 2]
[Localité 5]
Assignée par acte de commissaire de justice en date du 11/01/2024, délivré à personne morale, n'ayant pas constituée
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] (les époux [P]) ont, selon bon de commande du 19 juin 2012, commandé à la société Next Generation France (la société Next Generation) la fourniture et l'installation de 12 panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique, moyennant le prix de 18 500 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société Sygma Banque a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux [P] un prêt de 18 500 euros au taux de 5,16 % l'an, remboursable en 180 mensualités de 154,99 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d'amortissement de 11 mois.
Les fonds ont été versés à la société Next Generation au vu d'un certificat de livraison de bien ou de fourniture de services du 18 juillet 2012, et le prêt a été remboursé par anticipation le 4 janvier 2014.
Prétendant avoir été victimes de manoeuvres dolosives de la part du démarcheur, et soutenant que le bon de commande était irrégulier et que l'installation n'atteignait pas le niveau de performance attendu, les époux [P] ont, par actes des 4 juillet et 22 septembre 2022, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), venant aux droits de la société Sygma Banque, et la SCP BTSG, ès-qualités de liquidateur de la société Next Generation, dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 juin 2013, en annulation des contrats de vente et de prêt, en remboursement des sommes versées au titre du prêt, et en paiement de dommages-intérêts.
La banque soulevait à titre principal la prescription de l'action des époux [P] sur le fondement de l'article 2224 du code civil.
Par jugement du 27 juillet 2023, le premier juge a :
déclaré irrecevable car prescrite l'action de M. [Y] [P] et Mme [M] [P] à l'encontre de la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [H] [J], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Next Generation,
déclaré irrecevable car prescrite l'action en responsabilité de M. [Y] [P] et Mme [M] [P] à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la SA Sygma Banque,
débouté M. [Y] [P] et Mme [M] [P] de l'ensemble de leurs demandes,
condamné solidairement M. [Y] [P] et Mme [M] [P] à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance, qui vient aux droits de Sygma Banque, la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement M. [Y] [P] et Mme [M] [P] aux entiers dépens,
dit n'y avoir lieu à écarter 1'exécution provisoire de la présente décision.
Par deux déclarations distinctes des 9 et 10 novembre 2023, les époux [P] ont relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 7 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 24 juillet 2024, les époux [P] demandent à la cour de :
infirmer, réformer dans son intégralité le jugement déféré,
Et statuant à nouveau :
juger l'action des époux [M] et [Y] [P] non prescrite,
juger les époux [M] et [Y] [P] recevables et bien-fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
A titre principal :
juger que le bon de commande signé le 19 juin 2012 ne satisfait pas les mentions obligatoires prévues en matière de démarchage à domicile,
juger que le consentement des époux [M] et [Y] [P] a été vicié pour cause de dol et d'erreur sur la rentabilité économique de l'opération,
En conséquence,
prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 19 juin 2012 entre les époux [M] et [Y] [P] et la société Next Generation,
juger que la nullité du contrat de vente conclu le 19 juin 2012 est absolue et ne peut donc pas être confirmée,
Subsidiairement, juger que les époux [M] et [Y] [P] n'étaient pas informés des vices, et n'ont jamais eu l'intention de les réparer ni eu la volonté de confirmer l'acte nul,
et par conséquent juger que la nullité du bon de commande du 19 juin 2012 n'a fait l'objet d'aucune confirmation,
juger que les époux [M] et [Y] [P] tiennent le matériel à disposition de la société Next Generation, représentée par son mandataire Maître [J],
juger qu'à défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, la société Next Generation représentée par son mandataire Maître [J] est réputée y avoir renoncé,
Et,
prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 19 juin 2012 entre les époux [M] et [Y] [P] et l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque,
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque a commis une faute lors du déblocage des fonds au bénéfice de la société Next Generation,
juger que les époux [M] et [Y] [P] justifient d'un préjudice,
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, est privé de son droit à réclamer restitution du capital prêté,
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à restituer l'intégralité des sommes versées par les époux [M] et [Y] [P] au titre du capital, intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit affecté du 19 juin 2012, soit la somme de 20 214,34 euros,
A titre subsidiaire :
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, a manqué à son devoir de mise en garde,
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque à payer aux époux [M] et [Y] [P] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif,
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, a manqué à son obligation d'information et de conseil,
prononcer la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 19 juin 2012 et en conséquence condamner BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à leur restituer toutes les sommes déjà versées à ce titre,
En tout état de cause :
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à payer aux époux [M] et [Y] [P] la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,
débouter la société Next Generation et l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à payer aux époux [M] et [Y] [P] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions du 20 mai 2025, la BNP PPF demande quant à elle à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Vu les articles 564 du Code de Procédure civile et 2224 du code civil,
déclarer les époux [P] irrecevables en leur demande de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels en raison du caractère nouveau de la demande et de la prescription,
Subsidiairement, en cas de recevabilité,
débouter M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs demandes,
Plus subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,
débouter M. et Mme [P] de leur demande visant à voir la société BNP PPF, venant aux droits de Sygma Banque, privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que celle-ci n'a commis aucune faute et qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,
juger que le contrat a d'ores et déjà été remboursé intégralement par anticipation,
Par conséquent,
juger que BNP PPF, venant aux droits de Sygma Banque, conservera le bénéfice du capital prêté remboursé par anticipation,
juger que BNP PPF, venant aux droits de Sygma Banque, devra restituer aux époux [P], les frais et intérêts versés, après justification de leur part de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie et au Trésor Public des crédits d'impôt perçus,
débouter M. et Mme [P] de toute autre demande, fin ou prétention,
Encore plus subsidiairement,
ordonner aux époux '[G]' de tenir à disposition de la société Next Generation, prise en la personne de son liquidateur, le matériel posé en exécution du contrat de vente pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la décision afin que celui-ci procède à sa dépose et à la remise en état antérieur en prévenant 15 jours à l'avance du jour de sa venue par courrier recommandé avec accusé de réception et qu'à défaut de reprise effective à l'issue de ce délai, ils pourront disposer comme bon lui semble dudit matériel et le conserver,
fixer le préjudice des époux [P] en lien avec la faute du prêteur à la somme de 18 500 euros si le mandataire vient effectivement procéder à la dépose dans ce délai, et à défaut, juger qu'ils ne subissent aucun préjudice en lien avec cette faute,
débouter M. et Mme [P] de toute autre demande, fin ou prétention,
En tout état de cause,
condamner in solidum 'M.[B] [P] et Mme [R] [V] épouse [P]' à porter et payer à BNP PPF une indemnité de 4 000 euros surt le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
La SCP BTSG, ès-qualités de liquidateur de la société Next Generation, à laquelle les époux [P] ont signifié leur déclaration d'appel le 11 janvier 2024 et leurs conclusions le 1er février 2024, et la BNP PPF ses dernières conclusions le 26 mai 2025, n'a pas constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Devant la cour, les époux [P] agissent en annulation du contrat de vente sur le fondement du dol en faisant grief à la société Next Generation de leur avoir avoir communiqué des informations mensongères quant à la rentabilité de l'opération, et, d'autre part, pour non-respect du formalisme du code de la consommation.
Ils invoquent en outre la responsabilité du prêteur pour s'être dessaisi des fonds entre les mains du fournisseur sans s'assurer de la régularité du contrat principal et de l'exécution complète de la prestation du fournisseur, ce dont ils déduisent que ces fautes priveraient la BNP PPF de son droit à remboursement du prêt et justifieraient par surcroît le remboursement des sommes déjà réglées et l'octroi de dommages-intérêts complémentaires pour préjudice moral.
La BNP PPF soutient quant à elle que l'ensemble de ces demandes seraient prescrites comme ayant été formées plus de cinq ans après la signature du contrat principal, ou en tout cas, s'agissant de l'action fondée sur le dol, au plus tard au jour de leur première facture de production d'électricité, faute pour les époux [P] de produire tout élément permettant de fixer une autre date.
Et, s'agissant de l'action exercée à son encontre, elle soutient que celle-ci serait prescrite comme ayant été formée plus de cinq années après le déblocage des fonds et le prélèvement de la première échéance du prêt.
Elle soutient également que les demandes tendant à engager la responsabilité du prêteur au titre des manquements de mise en garde, d'information et de conseil, outre qu'elles sont irrecevables pour avoir été formées pour la première fois en cause d'appel, sont également prescrites pour avoir été formées plus de cinq ans après le remboursement anticipé intégral du crédit.
Sur la prescription de l'action en nullité à l'encontre du fournisseur
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Au soutien de leur appel, les époux [P] se bornent à produire deux pièces intitulées 'factures d'achat d'électricité', mais ces documents ne constituent pas des factures d'achat d'électricité, mais uniquement des courriers accompagnant le règlement des factures ne comportant aucun détail sur la période de production ainsi que sur le nombre de Kw produits, et ne permettant ainsi pas de connaître le détail de la consommation.
Or, ainsi que l'a exactement analysé le premier juge, les époux [P] ont pu se convaincre de l'insuffisance de performance alléguée dès la réception de la première facture émise par EDF au titre de la revente de l'électricité produite par l'installation photovoltaïque.
Alors que le premier juge a relevé qu'aucune facture de revente n'était produite, les époux [P] ne produisent pas davantage devant la cour la première facture de production permettant de connaître la rentabilité exacte de l'installation sur une année, alors que les matériels ont été installés en juillet 2012 et que donc, en l'absence de preuve contraire, les époux [P] pouvaient se convaincre de l'absence de rentabilité et de la nécessité d'engager leur action sur ce fondement, dès juillet 2013, date de la première facture de production d'électricité.
Il en résulte que la demande d'annulation du contrat de vente et, subséquemment de prêt, pour le dol procédant de l'insuffisance de performance est irrecevable comme étant prescrite.
D'autre part, en application de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, l'action en nullité d'un contrat se prescrit par cinq ans, commençant à courir à compter du jour où les vices ont été découverts.
Or, l'absence de précision du bon de commande sur les caractéristiques techniques de l'installation, notamment l'absence de marque, des modèles des panneaux et de leur rendement, de même que l'absence de marque, du modèle et de la contenance du ballon thermodynamique au soutien de leur demande d'annulation du contrat de vente pour non-respect du formalisme imposé par le code de la consommation en matière de démarchage à domicile, étaient visibles dès la signature de l'acte.
D'autre part, l'absence de calendrier détaillé des travaux d'exécution et l'absence de date de livraison étaient visibles à la simple lecture du contrat du 19 juin 2012, de sorte que le délai de prescription a commencé à courir dès sa conclusion.
Dès lors, l'action en annulation du contrat de fourniture du 19 juin 2012 fondée sur ces vices du bon de commande, exercée par assignations des 4 juillet et 22 septembre 2022, est irrecevable comme prescrite.
Il en est nécessairement de même de l'action en annulation du contrat de prêt, qui ne serait que la conséquence de plein droit de la nullité du contrat principal, et de la demande de restitution des sommes remboursées en exécution du contrat de prêt qui en découle.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action des époux [P] exercée à l'encontre du liquidateur de la société Next Generation.
Sur la prescription de l'action en responsabilité à l'encontre du banquier
L'action en responsabilité du prêteur lors du déblocage des fonds est quant à elle soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, commençant à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il s'ensuit que, s'agissant du grief de défaut de vérification de la régularité du bon de commande, les époux [P] étaient en mesure, dès le paiement de la première échéance du prêt, soit en tenant compte d'une durée de différé d'amortissement de 11 mois, en mai 2013, de connaître les faits de nature à engager la responsabilité de la BNP PPF, de sorte que cette action était prescrite au moment des assignations des 4 juillet et 22 septembre 2022.
De même, il était visible dès la signature de l'attestation de livraison par les époux [P] le 18 juillet 2012, et en tout cas en mai 2013, date du prélèvement de la première échéance du prêt, que l'installation n'était pas entièrement achevée, de sorte qu'ils sont irrecevables à rechercher la responsabilité du prêteur pour ne pas avoir vérifié l'exécution complète de la prestation du fournisseur avant de se dessaisir des fonds entre les mains du fournisseur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré également prescrite l'action en responsabilité engagée par les époux [P] à l'encontre de la BNP PPF, venant aux droits de la société Sygma Banque.
Pour la première fois en cause d'appel, les époux [P] recherchent, à titre subsidiaire, la responsabilité du prêteur au titre de manquements à l'obligation de mise en garde, d'information et de conseil.
Ils sollicitent par conséquent la condamnation du prêteur au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif, ainsi que la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts et la restitution des sommes versées à ce titre.
La BNP PPF soulève la prescription de l'action en responsabilité au titre des manquements à l'obligation de mise en garde, d'information et de conseil et et de la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, celle-ci étant en outre irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.
S'agissant du devoir de mise en garde, il est de principe que le dommage résultant du manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt consiste en la perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, ce risque étant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt.
En conséquence, le délai de prescription de cinq ans de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur non averti n'est pas en mesure de faire face.
Or, le prêt ayant été remboursé en son intégralité par anticipation le 4 janvier 2014, l'action en responsabilité des époux [P] à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde est prescrite.
S'agissant de la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, en l'absence de toute demande en paiement formée par le prêteur au titre de l'exécution du contrat de crédit, cette demande constitue non pas un moyen de défense, mais une demande nouvelle en cause d'appel tendant à la restitution d'intérêts trop perçus et ne peut être qualifiée de demande reconventionnelle se rattachant par un lien suffisant aux demandes de la partie adverse puisque précisément la banque ne demande pas de condamnation à payer le crédit et se borne en cas d'annulation à récupérer le seul capital. Elle est donc irrecevable comme se heurtant aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Au surplus, si la déchéance du droit du prêteur aux intérêts ne constitue qu'un moyen de défense sur lequel la prescription est inopérante lorsqu'elle est opposée au prêteur qui agit en paiement des sommes dues au titre du prêt, elle se trouve soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, commençant à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, lorsqu'elle est invoquée au soutien d'une action en restitution d'un trop perçu d'intérêts exercée à l'initiative de l'emprunteur.
Or, le prêt ayant été remboursé en son intégralité par anticipation le 4 janvier 2014, il en résulte que l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts pour manquement au devoir d'information et de conseil est également prescrite.
Sur la demande au titre du préjudice moral
C'est à juste titre que le premier juge a estimé que l'action en responsabilité des époux [P] ayant été déclaré irrecevable car prescrite, ces derniers ne démontraient pas l'existence d'un préjudice moral en lien avec une faute commise par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se trouve la BNP PPF, et les a, par conséquent, déboutés de leur demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles étaient justifiées et seront maintenues.
Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la BNP PPF l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient ;
Y ajoutant,
Déclare l'action en responsabilité de M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] à l'encontre de la société SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, pour défaut de mise en garde, irrecevable car prescrite ;
9
Déclare l'action de M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] en déchéance du droit du prêteur aux intérêts pour manquement au devoir d'information et de conseil à l'encontre de la société SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, irrecevable;
Condamne in solidum M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] à payer à la société SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] aux dépens d'appel.
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
ARRÊT N°411
N° RG 23/06350
N° Portalis DBVL-V-B7H-UHXJ
(Réf 1ère instance : 11-23-345)
(3)
Mme [M] [O] épouse [P]
M. [Y] [P]
C/
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
S.C.P. B.T.S.G
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me LAUDIC-[Localité 6]
- Me [Localité 7]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Rozenn COURTEL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Septembre 2025
ARRÊT :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement le 25 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTS :
Madame [M] [O] épouse [P]
née le 20 Février 1968 à [Localité 8]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Monsieur [Y] [P]
né le 13 Septembre 1963 à [Localité 10]
[Adresse 9]
[Localité 3]
Tous deux représentés par Me Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Tous deux représentés par Me Ornella SCOTTO di LIGUORI, Plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉES :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Laure REINHARD de la SCP RD Avocats&Associés, Plaidant, avocat au barreau de NIMES
S.C.P. B.T.S.G prise en la personne de Maître [H] [J] ès qualité de mandataire liquidateur de la société SAS NEXT GENERATION FRANCE,
[Adresse 2]
[Localité 5]
Assignée par acte de commissaire de justice en date du 11/01/2024, délivré à personne morale, n'ayant pas constituée
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'un démarchage à domicile, M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] (les époux [P]) ont, selon bon de commande du 19 juin 2012, commandé à la société Next Generation France (la société Next Generation) la fourniture et l'installation de 12 panneaux photovoltaïques et d'un ballon thermodynamique, moyennant le prix de 18 500 euros TTC.
En vue de financer cette opération, la société Sygma Banque a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux [P] un prêt de 18 500 euros au taux de 5,16 % l'an, remboursable en 180 mensualités de 154,99 euros, hors assurance emprunteur, après un différé d'amortissement de 11 mois.
Les fonds ont été versés à la société Next Generation au vu d'un certificat de livraison de bien ou de fourniture de services du 18 juillet 2012, et le prêt a été remboursé par anticipation le 4 janvier 2014.
Prétendant avoir été victimes de manoeuvres dolosives de la part du démarcheur, et soutenant que le bon de commande était irrégulier et que l'installation n'atteignait pas le niveau de performance attendu, les époux [P] ont, par actes des 4 juillet et 22 septembre 2022, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient la société BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF), venant aux droits de la société Sygma Banque, et la SCP BTSG, ès-qualités de liquidateur de la société Next Generation, dont la liquidation judiciaire avait été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Paris du 25 juin 2013, en annulation des contrats de vente et de prêt, en remboursement des sommes versées au titre du prêt, et en paiement de dommages-intérêts.
La banque soulevait à titre principal la prescription de l'action des époux [P] sur le fondement de l'article 2224 du code civil.
Par jugement du 27 juillet 2023, le premier juge a :
déclaré irrecevable car prescrite l'action de M. [Y] [P] et Mme [M] [P] à l'encontre de la SCP BTSG, prise en la personne de Maître [H] [J], es qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Next Generation,
déclaré irrecevable car prescrite l'action en responsabilité de M. [Y] [P] et Mme [M] [P] à l'encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la SA Sygma Banque,
débouté M. [Y] [P] et Mme [M] [P] de l'ensemble de leurs demandes,
condamné solidairement M. [Y] [P] et Mme [M] [P] à verser à la SA BNP Paribas Personal Finance, qui vient aux droits de Sygma Banque, la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement M. [Y] [P] et Mme [M] [P] aux entiers dépens,
dit n'y avoir lieu à écarter 1'exécution provisoire de la présente décision.
Par deux déclarations distinctes des 9 et 10 novembre 2023, les époux [P] ont relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 7 décembre 2023, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de ces deux procédures.
Aux termes de leurs dernières conclusions du 24 juillet 2024, les époux [P] demandent à la cour de :
infirmer, réformer dans son intégralité le jugement déféré,
Et statuant à nouveau :
juger l'action des époux [M] et [Y] [P] non prescrite,
juger les époux [M] et [Y] [P] recevables et bien-fondés en leurs demandes, fins et conclusions,
A titre principal :
juger que le bon de commande signé le 19 juin 2012 ne satisfait pas les mentions obligatoires prévues en matière de démarchage à domicile,
juger que le consentement des époux [M] et [Y] [P] a été vicié pour cause de dol et d'erreur sur la rentabilité économique de l'opération,
En conséquence,
prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 19 juin 2012 entre les époux [M] et [Y] [P] et la société Next Generation,
juger que la nullité du contrat de vente conclu le 19 juin 2012 est absolue et ne peut donc pas être confirmée,
Subsidiairement, juger que les époux [M] et [Y] [P] n'étaient pas informés des vices, et n'ont jamais eu l'intention de les réparer ni eu la volonté de confirmer l'acte nul,
et par conséquent juger que la nullité du bon de commande du 19 juin 2012 n'a fait l'objet d'aucune confirmation,
juger que les époux [M] et [Y] [P] tiennent le matériel à disposition de la société Next Generation, représentée par son mandataire Maître [J],
juger qu'à défaut de reprise du matériel dans le délai de deux mois à compter de la décision à intervenir, la société Next Generation représentée par son mandataire Maître [J] est réputée y avoir renoncé,
Et,
prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit affecté conclu le 19 juin 2012 entre les époux [M] et [Y] [P] et l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque,
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque a commis une faute lors du déblocage des fonds au bénéfice de la société Next Generation,
juger que les époux [M] et [Y] [P] justifient d'un préjudice,
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, est privé de son droit à réclamer restitution du capital prêté,
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à restituer l'intégralité des sommes versées par les époux [M] et [Y] [P] au titre du capital, intérêts et frais accessoires en vertu du contrat de crédit affecté du 19 juin 2012, soit la somme de 20 214,34 euros,
A titre subsidiaire :
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, a manqué à son devoir de mise en garde,
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque à payer aux époux [M] et [Y] [P] la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif,
juger que l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, a manqué à son obligation d'information et de conseil,
prononcer la déchéance de l'intégralité du droit aux intérêts afférents au contrat de crédit conclu le 19 juin 2012 et en conséquence condamner BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à leur restituer toutes les sommes déjà versées à ce titre,
En tout état de cause :
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à payer aux époux [M] et [Y] [P] la somme de 5 000 euros au titre de leur préjudice moral,
débouter la société Next Generation et l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
condamner l'établissement bancaire BNP PPF, venant aux droits de la SA Sygma Banque, à payer aux époux [M] et [Y] [P] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
En l'état de ses dernières conclusions du 20 mai 2025, la BNP PPF demande quant à elle à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué,
Y ajoutant,
Vu les articles 564 du Code de Procédure civile et 2224 du code civil,
déclarer les époux [P] irrecevables en leur demande de déchéance du prêteur de son droit aux intérêts conventionnels en raison du caractère nouveau de la demande et de la prescription,
Subsidiairement, en cas de recevabilité,
débouter M. et Mme [P] de l'intégralité de leurs demandes,
Plus subsidiairement, en cas d'annulation des contrats,
débouter M. et Mme [P] de leur demande visant à voir la société BNP PPF, venant aux droits de Sygma Banque, privée de son droit à restitution du capital prêté dès lors que celle-ci n'a commis aucune faute et qu'ils ne justifient pas de l'existence d'un préjudice et d'un lien de causalité à l'égard du prêteur,
juger que le contrat a d'ores et déjà été remboursé intégralement par anticipation,
Par conséquent,
juger que BNP PPF, venant aux droits de Sygma Banque, conservera le bénéfice du capital prêté remboursé par anticipation,
juger que BNP PPF, venant aux droits de Sygma Banque, devra restituer aux époux [P], les frais et intérêts versés, après justification de leur part de la restitution à EDF des sommes perçues au titre de la revente d'énergie et au Trésor Public des crédits d'impôt perçus,
débouter M. et Mme [P] de toute autre demande, fin ou prétention,
Encore plus subsidiairement,
ordonner aux époux '[G]' de tenir à disposition de la société Next Generation, prise en la personne de son liquidateur, le matériel posé en exécution du contrat de vente pendant un délai de deux mois à compter de la signification de la décision afin que celui-ci procède à sa dépose et à la remise en état antérieur en prévenant 15 jours à l'avance du jour de sa venue par courrier recommandé avec accusé de réception et qu'à défaut de reprise effective à l'issue de ce délai, ils pourront disposer comme bon lui semble dudit matériel et le conserver,
fixer le préjudice des époux [P] en lien avec la faute du prêteur à la somme de 18 500 euros si le mandataire vient effectivement procéder à la dépose dans ce délai, et à défaut, juger qu'ils ne subissent aucun préjudice en lien avec cette faute,
débouter M. et Mme [P] de toute autre demande, fin ou prétention,
En tout état de cause,
condamner in solidum 'M.[B] [P] et Mme [R] [V] épouse [P]' à porter et payer à BNP PPF une indemnité de 4 000 euros surt le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens d'appel.
La SCP BTSG, ès-qualités de liquidateur de la société Next Generation, à laquelle les époux [P] ont signifié leur déclaration d'appel le 11 janvier 2024 et leurs conclusions le 1er février 2024, et la BNP PPF ses dernières conclusions le 26 mai 2025, n'a pas constitué avocat devant la cour.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées par les parties, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Devant la cour, les époux [P] agissent en annulation du contrat de vente sur le fondement du dol en faisant grief à la société Next Generation de leur avoir avoir communiqué des informations mensongères quant à la rentabilité de l'opération, et, d'autre part, pour non-respect du formalisme du code de la consommation.
Ils invoquent en outre la responsabilité du prêteur pour s'être dessaisi des fonds entre les mains du fournisseur sans s'assurer de la régularité du contrat principal et de l'exécution complète de la prestation du fournisseur, ce dont ils déduisent que ces fautes priveraient la BNP PPF de son droit à remboursement du prêt et justifieraient par surcroît le remboursement des sommes déjà réglées et l'octroi de dommages-intérêts complémentaires pour préjudice moral.
La BNP PPF soutient quant à elle que l'ensemble de ces demandes seraient prescrites comme ayant été formées plus de cinq ans après la signature du contrat principal, ou en tout cas, s'agissant de l'action fondée sur le dol, au plus tard au jour de leur première facture de production d'électricité, faute pour les époux [P] de produire tout élément permettant de fixer une autre date.
Et, s'agissant de l'action exercée à son encontre, elle soutient que celle-ci serait prescrite comme ayant été formée plus de cinq années après le déblocage des fonds et le prélèvement de la première échéance du prêt.
Elle soutient également que les demandes tendant à engager la responsabilité du prêteur au titre des manquements de mise en garde, d'information et de conseil, outre qu'elles sont irrecevables pour avoir été formées pour la première fois en cause d'appel, sont également prescrites pour avoir été formées plus de cinq ans après le remboursement anticipé intégral du crédit.
Sur la prescription de l'action en nullité à l'encontre du fournisseur
Aux termes de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Au soutien de leur appel, les époux [P] se bornent à produire deux pièces intitulées 'factures d'achat d'électricité', mais ces documents ne constituent pas des factures d'achat d'électricité, mais uniquement des courriers accompagnant le règlement des factures ne comportant aucun détail sur la période de production ainsi que sur le nombre de Kw produits, et ne permettant ainsi pas de connaître le détail de la consommation.
Or, ainsi que l'a exactement analysé le premier juge, les époux [P] ont pu se convaincre de l'insuffisance de performance alléguée dès la réception de la première facture émise par EDF au titre de la revente de l'électricité produite par l'installation photovoltaïque.
Alors que le premier juge a relevé qu'aucune facture de revente n'était produite, les époux [P] ne produisent pas davantage devant la cour la première facture de production permettant de connaître la rentabilité exacte de l'installation sur une année, alors que les matériels ont été installés en juillet 2012 et que donc, en l'absence de preuve contraire, les époux [P] pouvaient se convaincre de l'absence de rentabilité et de la nécessité d'engager leur action sur ce fondement, dès juillet 2013, date de la première facture de production d'électricité.
Il en résulte que la demande d'annulation du contrat de vente et, subséquemment de prêt, pour le dol procédant de l'insuffisance de performance est irrecevable comme étant prescrite.
D'autre part, en application de l'article 1304 du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, l'action en nullité d'un contrat se prescrit par cinq ans, commençant à courir à compter du jour où les vices ont été découverts.
Or, l'absence de précision du bon de commande sur les caractéristiques techniques de l'installation, notamment l'absence de marque, des modèles des panneaux et de leur rendement, de même que l'absence de marque, du modèle et de la contenance du ballon thermodynamique au soutien de leur demande d'annulation du contrat de vente pour non-respect du formalisme imposé par le code de la consommation en matière de démarchage à domicile, étaient visibles dès la signature de l'acte.
D'autre part, l'absence de calendrier détaillé des travaux d'exécution et l'absence de date de livraison étaient visibles à la simple lecture du contrat du 19 juin 2012, de sorte que le délai de prescription a commencé à courir dès sa conclusion.
Dès lors, l'action en annulation du contrat de fourniture du 19 juin 2012 fondée sur ces vices du bon de commande, exercée par assignations des 4 juillet et 22 septembre 2022, est irrecevable comme prescrite.
Il en est nécessairement de même de l'action en annulation du contrat de prêt, qui ne serait que la conséquence de plein droit de la nullité du contrat principal, et de la demande de restitution des sommes remboursées en exécution du contrat de prêt qui en découle.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable comme prescrite l'action des époux [P] exercée à l'encontre du liquidateur de la société Next Generation.
Sur la prescription de l'action en responsabilité à l'encontre du banquier
L'action en responsabilité du prêteur lors du déblocage des fonds est quant à elle soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, commençant à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Il s'ensuit que, s'agissant du grief de défaut de vérification de la régularité du bon de commande, les époux [P] étaient en mesure, dès le paiement de la première échéance du prêt, soit en tenant compte d'une durée de différé d'amortissement de 11 mois, en mai 2013, de connaître les faits de nature à engager la responsabilité de la BNP PPF, de sorte que cette action était prescrite au moment des assignations des 4 juillet et 22 septembre 2022.
De même, il était visible dès la signature de l'attestation de livraison par les époux [P] le 18 juillet 2012, et en tout cas en mai 2013, date du prélèvement de la première échéance du prêt, que l'installation n'était pas entièrement achevée, de sorte qu'ils sont irrecevables à rechercher la responsabilité du prêteur pour ne pas avoir vérifié l'exécution complète de la prestation du fournisseur avant de se dessaisir des fonds entre les mains du fournisseur.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré également prescrite l'action en responsabilité engagée par les époux [P] à l'encontre de la BNP PPF, venant aux droits de la société Sygma Banque.
Pour la première fois en cause d'appel, les époux [P] recherchent, à titre subsidiaire, la responsabilité du prêteur au titre de manquements à l'obligation de mise en garde, d'information et de conseil.
Ils sollicitent par conséquent la condamnation du prêteur au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour la perte de chance de ne pas souscrire le prêt excessif, ainsi que la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts et la restitution des sommes versées à ce titre.
La BNP PPF soulève la prescription de l'action en responsabilité au titre des manquements à l'obligation de mise en garde, d'information et de conseil et et de la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, celle-ci étant en outre irrecevable comme étant nouvelle en cause d'appel.
S'agissant du devoir de mise en garde, il est de principe que le dommage résultant du manquement d'une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d'endettement excessif né de l'octroi d'un prêt consiste en la perte d'une chance d'éviter le risque qui s'est réalisé, ce risque étant que l'emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt.
En conséquence, le délai de prescription de cinq ans de l'action en indemnisation d'un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d'exigibilité des sommes au paiement desquelles l'emprunteur non averti n'est pas en mesure de faire face.
Or, le prêt ayant été remboursé en son intégralité par anticipation le 4 janvier 2014, l'action en responsabilité des époux [P] à l'encontre du prêteur au titre d'un manquement à son devoir de mise en garde est prescrite.
S'agissant de la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, en l'absence de toute demande en paiement formée par le prêteur au titre de l'exécution du contrat de crédit, cette demande constitue non pas un moyen de défense, mais une demande nouvelle en cause d'appel tendant à la restitution d'intérêts trop perçus et ne peut être qualifiée de demande reconventionnelle se rattachant par un lien suffisant aux demandes de la partie adverse puisque précisément la banque ne demande pas de condamnation à payer le crédit et se borne en cas d'annulation à récupérer le seul capital. Elle est donc irrecevable comme se heurtant aux dispositions de l'article 564 du code de procédure civile.
Au surplus, si la déchéance du droit du prêteur aux intérêts ne constitue qu'un moyen de défense sur lequel la prescription est inopérante lorsqu'elle est opposée au prêteur qui agit en paiement des sommes dues au titre du prêt, elle se trouve soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce, commençant à courir à compter du jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, lorsqu'elle est invoquée au soutien d'une action en restitution d'un trop perçu d'intérêts exercée à l'initiative de l'emprunteur.
Or, le prêt ayant été remboursé en son intégralité par anticipation le 4 janvier 2014, il en résulte que l'action en déchéance du droit du prêteur aux intérêts pour manquement au devoir d'information et de conseil est également prescrite.
Sur la demande au titre du préjudice moral
C'est à juste titre que le premier juge a estimé que l'action en responsabilité des époux [P] ayant été déclaré irrecevable car prescrite, ces derniers ne démontraient pas l'existence d'un préjudice moral en lien avec une faute commise par la société Sygma Banque, aux droits de laquelle se trouve la BNP PPF, et les a, par conséquent, déboutés de leur demande.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles étaient justifiées et seront maintenues.
Il serait en outre inéquitable de laisser à la charge de la BNP PPF l'intégralité des frais exposés par elle à l'occasion de l'instance d'appel et non compris dans les dépens, en sorte qu'il lui sera alloué une somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 27 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lorient ;
Y ajoutant,
Déclare l'action en responsabilité de M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] à l'encontre de la société SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, pour défaut de mise en garde, irrecevable car prescrite ;
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Déclare l'action de M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] en déchéance du droit du prêteur aux intérêts pour manquement au devoir d'information et de conseil à l'encontre de la société SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, irrecevable;
Condamne in solidum M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] à payer à la société SA BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Sygma Banque, la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [Y] [P] et Mme [M] [O] épouse [P] aux dépens d'appel.
Rejette toutes autres demandes.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT