CA Amiens, 2e protection soc., 17 novembre 2025, n° 22/04972
AMIENS
Arrêt
Autre
ARRET
N°1063
S.A.S. [9]
C/
URSSAF NORD PAS DE CALAIS
[F]
[F]
[F]
Copie certifiée conforme délivrée à :
- S.A.S. [9]
- URSSAF NORD PAS DE CALAIS
- M. [J] [F]
- Mme [P] [F]
- M. [K] [F]
- Me Geneviève PIAT
- Me Maxime DESEURE
- tribunal judiciaire
Copie exécutoire :
- Me Maxime DESEURE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2025
*************************************************************
N° RG 22/04972 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITGF - N° registre 1ère instance : 21/00400
Jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social) en date du 14 octobre 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. [9]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Geneviève PIAT de la SELARL VAUBAN AVOCATS BEAUVAIS, avocat au barreau de BEAUVAIS
ET :
INTIMEE
URSSAF NORD PAS DE CALAIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU HARENG DESEURE DELALIEUX, avocat au barreau de BETHUNE
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur [J] [F]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non comparant
Madame [P] [F]
[Adresse 11]
[Localité 3]
Non comparante
Monsieur [K] [F]
[Adresse 11]
[Localité 3]
Non comparant
DEBATS :
A l'audience publique du 11 septembre 2025 devant Mme Claire BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 novembre 2025.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Isabelle ROUGE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Claire BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :
M. Philippe MELIN, président,
Mme Claire BERTIN, présidente,
et M. Emeric VELLIET DHOTEL, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 17 novembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LÉPEINGLE, greffier.
*
* *
DECISION
La société [8] a pour président M. [J] [F].
Elle est elle-même présidente des sociétés [9] ainsi qu'[10] et a pour salarié M. [K] [F], en qualité de directeur adjoint d'hôtels.
La société [9] a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord Pas-de-Calais (l'URSSAF) pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019.
Le contrôle a donné lieu à une lettre d'observations de l'URSSAF du 4 mars 2021, à laquelle la société cotisante a répondu par courrier du 2 avril 2021, courrier auquel la caisse a répondu à son tour par courrier du 17'mai'2021.
Puis, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 6 juillet 2021 reçue le lendemain, l'URSSAF a mis en demeure la société [9] de lui verser la somme de 476'471 euros, soit 390'971 euros de rappel de cotisations, 38'270'euros de majorations de redressement, et 47'230'euros de majorations de retard au titre des années 2016 à 2019.
La société [9] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable (CRA) puis, par suite du rejet de son recours, devant le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer.
Par jugement du 14 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :
-'débouté la société [9] de ses demandes,
-'condamné la société [9] à verser à l'URSSAF la somme de 476'471'euros au titre des cotisations et majorations de retard afférentes au redressement pour travail dissimulé pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019,
-'condamné la société [9] aux dépens.
La société [9] a, le 10 novembre 2022, interjeté appel total de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 octobre précédent.
Par arrêt avant dire droit du 18 avril 2024, la cour a':
- ordonné la réouverture des débats afin que l'URSSAF appelle en la cause, par voie de signification, Mme [G] [F], M. [R] [F], M. [E] [I] et M. [Z] [H] à l'audience de renvoi du 19 novembre 2024,
- enjoint à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais de faire signifier à ces derniers ses conclusions et pièces,
- sursis à statuer sur les demandes des parties,
- réservé les dépens.
Par arrêt mixte du 17 février 2025, la cour d'appel d'Amiens a':
- ordonné la validation du chef de redressement n° 1': travail dissimulé avec verbalisation, dissimulation d'emploi salarié : assiette réelle,
- avant dire droit pour le surplus, notamment sur les chefs de redressement n° 2 et n° 3, ordonné la réouverture des débats afin que l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais appelle en la cause, par voie de signification, Mme et MM. [P], [J], et'[K] [F], à l'audience de renvoi du 11 septembre 2025 à 13 heures 30,
- enjoint à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais de faire signifier ses conclusions et pièces à chacun d'eux,
- dit que la notification de l'arrêt vaudrait convocation des parties à l'audience de renvoi,
- ordonné sursis à statuer sur leurs plus amples prétentions,
- réservé les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par actes de commissaire de justice délivrés les 6 et 14 mars 2025, l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais a fait assigner en intervention forcée Mme et MM. [P], [K] et [J] [F], et leur a fait signifier ses conclusions du 19 septembre 2023, ses pièces, outre l'arrêt du 17 février 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 11 septembre 2025.
La société [9], appelante, maintient ses conclusions et pièces communiquées au greffe le 7 juin 2023, auxquelles elle s'est référée à l'audience, et demande à la cour de':
-'juger son appel recevable et bien fondé,
-'infirmer le jugement querellé,
-'annuler la mise en demeure et «'les chefs de redressement conséquents'»,
-'condamner l'URSSAF à une somme de 2'500'euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [9] fait notamment valoir qu'il n'existe aucune situation de travail dissimulé, soulignant que les virements réalisés au bénéfice de Mme et MM. [P], [J] et [K] [F] ne constituent pas des rémunérations non déclarées.
Elle indique que le virement litigieux au bénéfice de Mme [P] [F], prise en sa qualité d'auto-entrepreneur, correspond au paiement de factures de prestations.
Elle précise ensuite que des conventions de trésorerie lient la société [8] à différentes sociétés du groupe, dont la société [10] et elle-même.
En exécution de la convention liant la filiale à la société mère, elle expose avoir effectué des remboursements des apports de M. [J] [F] à la société [8], lesquels étaient exempts de charges sociales.
Elle ajoute qu'en exécution de la même convention de trésorerie, elle a effectué des remboursements de frais de déplacement de M. [K] [F], pris en sa qualité de directeur général adjoint salarié de la société [8], en charge de la gestion des filiales du groupe.
L'URSSAF du Nord Pas-de-Calais, intimée, maintient ses conclusions notifiées par la voie électronique le 18 septembre 2023, auxquelles elle s'est référée à l'audience, et demande à la cour de':
-'confirmer le jugement entrepris,
-'débouter la société [9] de ses demandes,
-'condamner la société [9] à lui payer la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Sur le chef de redressement n° 2, l'URSSAF expose que Mme [P] [F], auto-entrepreneur se décrivant comme «'bloggeuse'», n'a jamais déclaré de chiffre d'affaires, alors qu'elle a perçu différentes sommes de la société [9]'; M. [J] [F] a prétendu que ces sommes avaient été versées en contrepartie de prestations réalisées pour les hôtels du groupe, tandis que M. [K] [F] a déclaré que les chèques déposés sur le compte bancaire de sa fille correspondaient à un travail effectué sur les sites internet et les réseaux sociaux.
Elle précise qu'aucune déclaration préalable à l'embauche ni déclaration sociale n'a été établie pour l'emploi de Mme [P] [F].
Elle indique encore que MM. [J] et [K] [F] ont perçu des sommes de la société qui ne lui ont pas été déclarées, qu'ils n'ont fourni aucune explication cohérente, et que l'existence d'une convention de trésorerie entre les différentes sociétés du groupe est inopérante.
Elle en conclut s'agissant de Mme [P] [F] et MM. [J] et [K] [F] que les faits de travail dissimulé sont également établis.
Régulièrement appelés en intervention forcée, Mme et MM. [P], [J] et [K] [F] sont absents et non représentés à l'audience.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
I - Sur les chefs de redressement consécutifs à l'infraction de travail dissimulé
La société [9] a contesté ces chefs de redressement arguant que les versements effectués aux différents auto-entrepreneurs, ainsi qu'à MM. [K] et [J] [F], ne constituaient pas des rémunérations non déclarées.
L'URSSAF rétorque que les chefs de redressement consécutifs à l'infraction de travail dissimulé sont bien fondés en s'appuyant sur la lettre d'observations du 4 mars 2021.
* Sur le chef de redressement n° 2': travail dissimulé avec verbalisation, dissimulation d'emplois salariés : taxation forfaitaire
Il résulte de l'article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale que :
I.- Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette dans les cas suivants :
1° La comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, ou le cas échéant des revenus, servant de base au calcul des cotisations dues ;
2° La personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permet pas l'exploitation.
Cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales. Lorsque la personne contrôlée est un employeur, cette taxation tient compte, dans les cas mentionnés au 1°, notamment des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve.
En cas de travail dissimulé, cette fixation forfaitaire :
a) Peut être effectuée dans les conditions mentionnées à l'article L. 242-1-2 lorsque la personne contrôlée est un employeur ;
b) Peut être fixée, à défaut de preuve contraire, à hauteur pour chaque exercice contrôlé de trois fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3 en vigueur à la date à laquelle le contrôle a débuté lorsque la personne contrôlée est un travailleur indépendant.
II.- En cas de carence de l'organisme créancier, le forfait est établi par le responsable du service mentionné à l'article R. 155-1.
M. [J] [F] est le président de la société [8], laquelle est présidente de la société [9], tandis que M. [K] [F] est salarié de la société [8] en qualité de directeur adjoint d'hôtels.
Lors de leur contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont relevé des versements de la société [9] au bénéfice de':
- Mme [P] [F] à hauteur de 10'500 euros pour la période du 13 juillet 2018 au 19 novembre 2019,
- M. [J] [F] à hauteur de 29'200 euros en 2016, de 4'737,85 en 2017, et de 2'200 euros en 2018,
- M. [K] [F] à hauteur de 750 euros en 2016, et de 1'000 euros en 2017.
Or aucune de ces sommes n'a été soumise à charges sociales
=> S'agissant des sommes perçues par Mme [P] [F]
Les factures étudiées par les inspecteurs du recouvrement font état de versements mensuels forfaitaires rémunérant des missions de démarchage influenceur.
Il ressort de la lettre d'observations que Mme [P] [F] s'est certes immatriculée comme micro-entrepreneur le 17 juin 2018 pour une activité d'édition de journaux, mais n'a en réalité déclaré aucun chiffre d'affaires à la caisse de sécurité sociale des indépendants (CDSSI).
Entendue par les inspecteurs du recouvrement, Mme [P] [F] a déclaré ne jamais avoir été micro-entrepreneuse pour l'un des hôtels, ne pas être informée de l'existence de factures et d'un cachet édités à son nom, ni davantage de l'activité de démarchage-influenceur qui lui est imputée.
Interrogé sur la situation professionnelle de celle-ci, M. [J] [F] a déclaré qu'elle travaillait bien pour les hôtels en qualité de micro-entrepreneuse, mais qu'il ignorait à quoi correspondaient les sommes qui lui avaient été allouées, outre la raison pour laquelle elle avait continué à percevoir des paiements après sa radiation.
M. [K] [F] a soutenu que'sa fille s'occupait des sites internet et des réseaux sociaux, qu'il établissait lui-même la facturation de celle-ci au moyen d'un cachet qu'il avait créé, qu'il aurait dû régulariser la situation de sa fille, et qu'il rédigeait et déposait lui-même les chèques sur le compte bancaire de celle-ci.
De l'ensemble de ces déclarations, il ressort que Mme [P] [F] a perçu une rémunération mensuelle forfaitaire pour exécuter une mission dont elle ignorait jusqu'à l'existence, et que la société [9] a établi à son insu des factures à son nom.
Comme l'a exactement relevé le premier juge, M. [K] [F] concède qu'il aurait dû régulariser la situation de sa fille, ce qui démontre qu'il avait pleinement conscience de la fraude.
Pour tenter de justifier de sa facturation, Mme [P] [F] invoque l'attitude virulente des inspecteurs du contrôle à son égard, et atteste finalement que la somme de 10'500 euros lui a bien été versée en contrepartie de son activité d'auto-entrepreneuse.
La cour considère que cette attestation, produite pour les besoins de la cause, s'avère en totale contradiction avec le procès-verbal d'audition des agents du contrôle'; elle est exempte de toute spontanéité eu égard aux liens de filiation unissant sa rédactrice et le directeur adjoint de la société [8], lequel est à l'origine de la fraude constatée'; enfin, elle n'apporte aucun élément de contexte venant contrebalancer les constatations des inspecteurs du contrôle.
Ainsi, l'infraction de travail dissimulé est établie pour Mme [P] [F].
=> S'agissant des sommes perçues par M. [J] [F]
La société [9] argue que les versements perçus par M. [J] [F] correspondent à un remboursement des apports de celui-ci à la société [8].
Elle précise que la société [8] est liée à ses sociétés filles par une convention de trésorerie, de sorte que les sommes litigieuses sont sorties des comptes de la société [8], et non de ses propres comptes, comme en atteste le grand livre Equivaloir dans lequel figurent les sommes versées à M. [J] [F].
Lors de son audition, M. [J] [F] a prétendu ne percevoir aucun revenu de la société [9] et ignorer à quoi correspondaient les sommes portées sur ses comptes personnels.
Or, d'une part, les apports personnels de M. [J] [F] à la société [8] ne sont pas démontrés et, d'autre part, les sommes litigieuses auraient dû transiter par le compte de fusion géré par la société [8] avant d'être reversées sur le compte de M. [J] [F], ainsi que le prévoyait la convention d'omnium de trésorerie, étant ici rappelé que celui-ci n'était ni associé ni salarié de la société [9].
La société [9] échoue à justifier du bien-fondé des indemnités accordées à M.'[J] [F].
L'infraction de travail dissimulé est également établie pour M. [J] [F].
=> S'agissant des sommes perçues par M. [K] [F]
Selon l'employeur, les sommes versées à M. [K] [F] constituent des remboursements de frais.
Ces remboursements correspondent, selon la société [9], aux trajets effectués par M. [K] [F] pour déposer des fonds en banque conformément à la convention de prestation de services liant la société [8] à la société [9].
Entendu par les agents du recouvrement, M. [K] [F] a argué qu'il ne savait pas à quoi correspondaient ces sommes, ajoutant qu'il n'avait aucun justificatif à leur présenter.
Il s'en infère qu'aucun élément ne justifie de la réalité des frais de déplacement allégués.
L'infraction de travail dissimulé est établie pour M. [K] [F].
Enfin, la société et les cotisants ne contestant nullement le mode de calcul détaillé du redressement tel qu'il figure dans la lettre d'observations du 4 mars 2021, le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a maintenu le chef de redressement n° 2.
* Sur le chef de redressement n° 3 : annulation des réductions et exonérations de cotisations par suite du constat de travail dissimulé
Aux termes de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, applicable aux contrôles engagés à compter du 23 décembre 2018, «'I.- Le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail.
II.- Lorsque l'infraction est constatée par procès-verbal dans les conditions déterminées aux articles L. 8271-1 à L. 8271-19 du même code, l'organisme de recouvrement procède, dans la limite de la prescription applicable à l'infraction, à l'annulation des réductions et exonérations des cotisations ou contributions mentionnées au I du présent article.
III.- Par dérogation aux I et II du présent article et sauf dans les cas mentionnés au second alinéa du I de l'article L. 243-7-7, lorsque la dissimulation d'activité ou de salarié résulte uniquement de l'application du II de l'article L. 8221-6 du code du travail ou qu'elle représente une proportion limitée de l'activité, l'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions est partielle.
Dans ce cas, la proportion des réductions et exonérations annulées est égale au rapport entre le double des rémunérations éludées et le montant des rémunérations, soumises à cotisations de sécurité sociale, versées à l'ensemble du personnel par l'employeur, sur la période concernée, dans la limite de 100 %.'»
En application de ce texte, la cour rappelle que le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations ou contributions de sécurité sociale est subordonné au respect par l'employeur ou le travailleur indépendant des dispositions de l'article L. 8221-1 du code du travail.
Les chefs de redressement n° 1 et n° 2 étant maintenus, c'est par une exacte appréciation du litige que le premier juge a maintenu le chef de redressement n° 3 lequel n'est que la conséquence juridique des deux précédents.
Le jugement attaqué est confirmé sur ce point.
Par conséquent, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la société [9] au paiement de cotisations et majorations de retard afférentes au redressement pour un montant de 476'471 euros.
II - Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Le jugement sera donc confirmé, et la société [9], qui succombe, sera également condamnée aux dépens d'appel.
III - Sur les frais irrépétibles
L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La société [9] sera ainsi déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer la somme de 1 000 euros à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort, par sa mise à disposition au greffe,
Vu les arrêts rendus par la cour d'appel d'Amiens le 18 avril 2024 et le 17 février 2025,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 14 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer,
Y ajoutant,
Déboute la société [9] de ses prétentions tendant à l'annulation du redressement et de la mise en demeure du 6 juillet 2021,
Condamne la société [9] aux dépens d'appel,
Déboute la société [9] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [9] à payer à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le greffier, Le président,
N°1063
S.A.S. [9]
C/
URSSAF NORD PAS DE CALAIS
[F]
[F]
[F]
Copie certifiée conforme délivrée à :
- S.A.S. [9]
- URSSAF NORD PAS DE CALAIS
- M. [J] [F]
- Mme [P] [F]
- M. [K] [F]
- Me Geneviève PIAT
- Me Maxime DESEURE
- tribunal judiciaire
Copie exécutoire :
- Me Maxime DESEURE
COUR D'APPEL D'AMIENS
2EME PROTECTION SOCIALE
ARRET DU 17 NOVEMBRE 2025
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N° RG 22/04972 - N° Portalis DBV4-V-B7G-ITGF - N° registre 1ère instance : 21/00400
Jugement du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer (pôle social) en date du 14 octobre 2022
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.A.S. [9]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Ayant pour avocat Me Geneviève PIAT de la SELARL VAUBAN AVOCATS BEAUVAIS, avocat au barreau de BEAUVAIS
ET :
INTIMEE
URSSAF NORD PAS DE CALAIS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Maxime DESEURE de la SELARL LELEU HARENG DESEURE DELALIEUX, avocat au barreau de BETHUNE
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur [J] [F]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Non comparant
Madame [P] [F]
[Adresse 11]
[Localité 3]
Non comparante
Monsieur [K] [F]
[Adresse 11]
[Localité 3]
Non comparant
DEBATS :
A l'audience publique du 11 septembre 2025 devant Mme Claire BERTIN, présidente, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 945-1 du code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 novembre 2025.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Isabelle ROUGE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme Claire BERTIN en a rendu compte à la cour composée en outre de :
M. Philippe MELIN, président,
Mme Claire BERTIN, présidente,
et M. Emeric VELLIET DHOTEL, conseiller,
qui en ont délibéré conformément à la loi.
PRONONCE :
Le 17 novembre 2025, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, M. Philippe MELIN, président a signé la minute avec Mme Nathalie LÉPEINGLE, greffier.
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DECISION
La société [8] a pour président M. [J] [F].
Elle est elle-même présidente des sociétés [9] ainsi qu'[10] et a pour salarié M. [K] [F], en qualité de directeur adjoint d'hôtels.
La société [9] a fait l'objet d'un contrôle comptable d'assiette par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales du Nord Pas-de-Calais (l'URSSAF) pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019.
Le contrôle a donné lieu à une lettre d'observations de l'URSSAF du 4 mars 2021, à laquelle la société cotisante a répondu par courrier du 2 avril 2021, courrier auquel la caisse a répondu à son tour par courrier du 17'mai'2021.
Puis, par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 6 juillet 2021 reçue le lendemain, l'URSSAF a mis en demeure la société [9] de lui verser la somme de 476'471 euros, soit 390'971 euros de rappel de cotisations, 38'270'euros de majorations de redressement, et 47'230'euros de majorations de retard au titre des années 2016 à 2019.
La société [9] a contesté cette mise en demeure devant la commission de recours amiable (CRA) puis, par suite du rejet de son recours, devant le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer.
Par jugement du 14 octobre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :
-'débouté la société [9] de ses demandes,
-'condamné la société [9] à verser à l'URSSAF la somme de 476'471'euros au titre des cotisations et majorations de retard afférentes au redressement pour travail dissimulé pour la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2019,
-'condamné la société [9] aux dépens.
La société [9] a, le 10 novembre 2022, interjeté appel total de ce jugement qui lui avait été notifié le 21 octobre précédent.
Par arrêt avant dire droit du 18 avril 2024, la cour a':
- ordonné la réouverture des débats afin que l'URSSAF appelle en la cause, par voie de signification, Mme [G] [F], M. [R] [F], M. [E] [I] et M. [Z] [H] à l'audience de renvoi du 19 novembre 2024,
- enjoint à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais de faire signifier à ces derniers ses conclusions et pièces,
- sursis à statuer sur les demandes des parties,
- réservé les dépens.
Par arrêt mixte du 17 février 2025, la cour d'appel d'Amiens a':
- ordonné la validation du chef de redressement n° 1': travail dissimulé avec verbalisation, dissimulation d'emploi salarié : assiette réelle,
- avant dire droit pour le surplus, notamment sur les chefs de redressement n° 2 et n° 3, ordonné la réouverture des débats afin que l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais appelle en la cause, par voie de signification, Mme et MM. [P], [J], et'[K] [F], à l'audience de renvoi du 11 septembre 2025 à 13 heures 30,
- enjoint à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais de faire signifier ses conclusions et pièces à chacun d'eux,
- dit que la notification de l'arrêt vaudrait convocation des parties à l'audience de renvoi,
- ordonné sursis à statuer sur leurs plus amples prétentions,
- réservé les dépens et les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par actes de commissaire de justice délivrés les 6 et 14 mars 2025, l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais a fait assigner en intervention forcée Mme et MM. [P], [K] et [J] [F], et leur a fait signifier ses conclusions du 19 septembre 2023, ses pièces, outre l'arrêt du 17 février 2025.
L'affaire a été retenue à l'audience du 11 septembre 2025.
La société [9], appelante, maintient ses conclusions et pièces communiquées au greffe le 7 juin 2023, auxquelles elle s'est référée à l'audience, et demande à la cour de':
-'juger son appel recevable et bien fondé,
-'infirmer le jugement querellé,
-'annuler la mise en demeure et «'les chefs de redressement conséquents'»,
-'condamner l'URSSAF à une somme de 2'500'euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.
La société [9] fait notamment valoir qu'il n'existe aucune situation de travail dissimulé, soulignant que les virements réalisés au bénéfice de Mme et MM. [P], [J] et [K] [F] ne constituent pas des rémunérations non déclarées.
Elle indique que le virement litigieux au bénéfice de Mme [P] [F], prise en sa qualité d'auto-entrepreneur, correspond au paiement de factures de prestations.
Elle précise ensuite que des conventions de trésorerie lient la société [8] à différentes sociétés du groupe, dont la société [10] et elle-même.
En exécution de la convention liant la filiale à la société mère, elle expose avoir effectué des remboursements des apports de M. [J] [F] à la société [8], lesquels étaient exempts de charges sociales.
Elle ajoute qu'en exécution de la même convention de trésorerie, elle a effectué des remboursements de frais de déplacement de M. [K] [F], pris en sa qualité de directeur général adjoint salarié de la société [8], en charge de la gestion des filiales du groupe.
L'URSSAF du Nord Pas-de-Calais, intimée, maintient ses conclusions notifiées par la voie électronique le 18 septembre 2023, auxquelles elle s'est référée à l'audience, et demande à la cour de':
-'confirmer le jugement entrepris,
-'débouter la société [9] de ses demandes,
-'condamner la société [9] à lui payer la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Sur le chef de redressement n° 2, l'URSSAF expose que Mme [P] [F], auto-entrepreneur se décrivant comme «'bloggeuse'», n'a jamais déclaré de chiffre d'affaires, alors qu'elle a perçu différentes sommes de la société [9]'; M. [J] [F] a prétendu que ces sommes avaient été versées en contrepartie de prestations réalisées pour les hôtels du groupe, tandis que M. [K] [F] a déclaré que les chèques déposés sur le compte bancaire de sa fille correspondaient à un travail effectué sur les sites internet et les réseaux sociaux.
Elle précise qu'aucune déclaration préalable à l'embauche ni déclaration sociale n'a été établie pour l'emploi de Mme [P] [F].
Elle indique encore que MM. [J] et [K] [F] ont perçu des sommes de la société qui ne lui ont pas été déclarées, qu'ils n'ont fourni aucune explication cohérente, et que l'existence d'une convention de trésorerie entre les différentes sociétés du groupe est inopérante.
Elle en conclut s'agissant de Mme [P] [F] et MM. [J] et [K] [F] que les faits de travail dissimulé sont également établis.
Régulièrement appelés en intervention forcée, Mme et MM. [P], [J] et [K] [F] sont absents et non représentés à l'audience.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
I - Sur les chefs de redressement consécutifs à l'infraction de travail dissimulé
La société [9] a contesté ces chefs de redressement arguant que les versements effectués aux différents auto-entrepreneurs, ainsi qu'à MM. [K] et [J] [F], ne constituaient pas des rémunérations non déclarées.
L'URSSAF rétorque que les chefs de redressement consécutifs à l'infraction de travail dissimulé sont bien fondés en s'appuyant sur la lettre d'observations du 4 mars 2021.
* Sur le chef de redressement n° 2': travail dissimulé avec verbalisation, dissimulation d'emplois salariés : taxation forfaitaire
Il résulte de l'article R. 243-59-4 du code de la sécurité sociale que :
I.- Dans le cadre d'un contrôle effectué en application de l'article L. 243-7, l'agent chargé du contrôle fixe forfaitairement le montant de l'assiette dans les cas suivants :
1° La comptabilité de la personne contrôlée ne permet pas d'établir le chiffre exact des rémunérations, ou le cas échéant des revenus, servant de base au calcul des cotisations dues ;
2° La personne contrôlée ne met pas à disposition les documents ou justificatifs nécessaires à la réalisation du contrôle ou leur présentation n'en permet pas l'exploitation.
Cette fixation forfaitaire est effectuée par tout moyen d'estimation probant permettant le chiffrage des cotisations et contributions sociales. Lorsque la personne contrôlée est un employeur, cette taxation tient compte, dans les cas mentionnés au 1°, notamment des conventions collectives en vigueur ou, à défaut, des salaires pratiqués dans la profession ou la région considérée. La durée de l'emploi est déterminée d'après les déclarations des intéressés ou par tout autre moyen de preuve.
En cas de travail dissimulé, cette fixation forfaitaire :
a) Peut être effectuée dans les conditions mentionnées à l'article L. 242-1-2 lorsque la personne contrôlée est un employeur ;
b) Peut être fixée, à défaut de preuve contraire, à hauteur pour chaque exercice contrôlé de trois fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3 en vigueur à la date à laquelle le contrôle a débuté lorsque la personne contrôlée est un travailleur indépendant.
II.- En cas de carence de l'organisme créancier, le forfait est établi par le responsable du service mentionné à l'article R. 155-1.
M. [J] [F] est le président de la société [8], laquelle est présidente de la société [9], tandis que M. [K] [F] est salarié de la société [8] en qualité de directeur adjoint d'hôtels.
Lors de leur contrôle, les inspecteurs du recouvrement ont relevé des versements de la société [9] au bénéfice de':
- Mme [P] [F] à hauteur de 10'500 euros pour la période du 13 juillet 2018 au 19 novembre 2019,
- M. [J] [F] à hauteur de 29'200 euros en 2016, de 4'737,85 en 2017, et de 2'200 euros en 2018,
- M. [K] [F] à hauteur de 750 euros en 2016, et de 1'000 euros en 2017.
Or aucune de ces sommes n'a été soumise à charges sociales
=> S'agissant des sommes perçues par Mme [P] [F]
Les factures étudiées par les inspecteurs du recouvrement font état de versements mensuels forfaitaires rémunérant des missions de démarchage influenceur.
Il ressort de la lettre d'observations que Mme [P] [F] s'est certes immatriculée comme micro-entrepreneur le 17 juin 2018 pour une activité d'édition de journaux, mais n'a en réalité déclaré aucun chiffre d'affaires à la caisse de sécurité sociale des indépendants (CDSSI).
Entendue par les inspecteurs du recouvrement, Mme [P] [F] a déclaré ne jamais avoir été micro-entrepreneuse pour l'un des hôtels, ne pas être informée de l'existence de factures et d'un cachet édités à son nom, ni davantage de l'activité de démarchage-influenceur qui lui est imputée.
Interrogé sur la situation professionnelle de celle-ci, M. [J] [F] a déclaré qu'elle travaillait bien pour les hôtels en qualité de micro-entrepreneuse, mais qu'il ignorait à quoi correspondaient les sommes qui lui avaient été allouées, outre la raison pour laquelle elle avait continué à percevoir des paiements après sa radiation.
M. [K] [F] a soutenu que'sa fille s'occupait des sites internet et des réseaux sociaux, qu'il établissait lui-même la facturation de celle-ci au moyen d'un cachet qu'il avait créé, qu'il aurait dû régulariser la situation de sa fille, et qu'il rédigeait et déposait lui-même les chèques sur le compte bancaire de celle-ci.
De l'ensemble de ces déclarations, il ressort que Mme [P] [F] a perçu une rémunération mensuelle forfaitaire pour exécuter une mission dont elle ignorait jusqu'à l'existence, et que la société [9] a établi à son insu des factures à son nom.
Comme l'a exactement relevé le premier juge, M. [K] [F] concède qu'il aurait dû régulariser la situation de sa fille, ce qui démontre qu'il avait pleinement conscience de la fraude.
Pour tenter de justifier de sa facturation, Mme [P] [F] invoque l'attitude virulente des inspecteurs du contrôle à son égard, et atteste finalement que la somme de 10'500 euros lui a bien été versée en contrepartie de son activité d'auto-entrepreneuse.
La cour considère que cette attestation, produite pour les besoins de la cause, s'avère en totale contradiction avec le procès-verbal d'audition des agents du contrôle'; elle est exempte de toute spontanéité eu égard aux liens de filiation unissant sa rédactrice et le directeur adjoint de la société [8], lequel est à l'origine de la fraude constatée'; enfin, elle n'apporte aucun élément de contexte venant contrebalancer les constatations des inspecteurs du contrôle.
Ainsi, l'infraction de travail dissimulé est établie pour Mme [P] [F].
=> S'agissant des sommes perçues par M. [J] [F]
La société [9] argue que les versements perçus par M. [J] [F] correspondent à un remboursement des apports de celui-ci à la société [8].
Elle précise que la société [8] est liée à ses sociétés filles par une convention de trésorerie, de sorte que les sommes litigieuses sont sorties des comptes de la société [8], et non de ses propres comptes, comme en atteste le grand livre Equivaloir dans lequel figurent les sommes versées à M. [J] [F].
Lors de son audition, M. [J] [F] a prétendu ne percevoir aucun revenu de la société [9] et ignorer à quoi correspondaient les sommes portées sur ses comptes personnels.
Or, d'une part, les apports personnels de M. [J] [F] à la société [8] ne sont pas démontrés et, d'autre part, les sommes litigieuses auraient dû transiter par le compte de fusion géré par la société [8] avant d'être reversées sur le compte de M. [J] [F], ainsi que le prévoyait la convention d'omnium de trésorerie, étant ici rappelé que celui-ci n'était ni associé ni salarié de la société [9].
La société [9] échoue à justifier du bien-fondé des indemnités accordées à M.'[J] [F].
L'infraction de travail dissimulé est également établie pour M. [J] [F].
=> S'agissant des sommes perçues par M. [K] [F]
Selon l'employeur, les sommes versées à M. [K] [F] constituent des remboursements de frais.
Ces remboursements correspondent, selon la société [9], aux trajets effectués par M. [K] [F] pour déposer des fonds en banque conformément à la convention de prestation de services liant la société [8] à la société [9].
Entendu par les agents du recouvrement, M. [K] [F] a argué qu'il ne savait pas à quoi correspondaient ces sommes, ajoutant qu'il n'avait aucun justificatif à leur présenter.
Il s'en infère qu'aucun élément ne justifie de la réalité des frais de déplacement allégués.
L'infraction de travail dissimulé est établie pour M. [K] [F].
Enfin, la société et les cotisants ne contestant nullement le mode de calcul détaillé du redressement tel qu'il figure dans la lettre d'observations du 4 mars 2021, le jugement attaqué est confirmé en ce qu'il a maintenu le chef de redressement n° 2.
* Sur le chef de redressement n° 3 : annulation des réductions et exonérations de cotisations par suite du constat de travail dissimulé
Aux termes de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version modifiée par la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018, applicable aux contrôles engagés à compter du 23 décembre 2018, «'I.- Le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions mentionnées au I de l'article L. 241-13 est supprimé en cas de constat des infractions mentionnées aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1 du code du travail.
II.- Lorsque l'infraction est constatée par procès-verbal dans les conditions déterminées aux articles L. 8271-1 à L. 8271-19 du même code, l'organisme de recouvrement procède, dans la limite de la prescription applicable à l'infraction, à l'annulation des réductions et exonérations des cotisations ou contributions mentionnées au I du présent article.
III.- Par dérogation aux I et II du présent article et sauf dans les cas mentionnés au second alinéa du I de l'article L. 243-7-7, lorsque la dissimulation d'activité ou de salarié résulte uniquement de l'application du II de l'article L. 8221-6 du code du travail ou qu'elle représente une proportion limitée de l'activité, l'annulation des réductions et exonérations de cotisations de sécurité sociale ou de contributions est partielle.
Dans ce cas, la proportion des réductions et exonérations annulées est égale au rapport entre le double des rémunérations éludées et le montant des rémunérations, soumises à cotisations de sécurité sociale, versées à l'ensemble du personnel par l'employeur, sur la période concernée, dans la limite de 100 %.'»
En application de ce texte, la cour rappelle que le bénéfice de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations ou contributions de sécurité sociale est subordonné au respect par l'employeur ou le travailleur indépendant des dispositions de l'article L. 8221-1 du code du travail.
Les chefs de redressement n° 1 et n° 2 étant maintenus, c'est par une exacte appréciation du litige que le premier juge a maintenu le chef de redressement n° 3 lequel n'est que la conséquence juridique des deux précédents.
Le jugement attaqué est confirmé sur ce point.
Par conséquent, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la société [9] au paiement de cotisations et majorations de retard afférentes au redressement pour un montant de 476'471 euros.
II - Sur les dépens
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Le jugement sera donc confirmé, et la société [9], qui succombe, sera également condamnée aux dépens d'appel.
III - Sur les frais irrépétibles
L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
La société [9] sera ainsi déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer la somme de 1 000 euros à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt rendu par défaut en dernier ressort, par sa mise à disposition au greffe,
Vu les arrêts rendus par la cour d'appel d'Amiens le 18 avril 2024 et le 17 février 2025,
Confirme en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 14 octobre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer,
Y ajoutant,
Déboute la société [9] de ses prétentions tendant à l'annulation du redressement et de la mise en demeure du 6 juillet 2021,
Condamne la société [9] aux dépens d'appel,
Déboute la société [9] de sa demande au titre des frais irrépétibles exposés en appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société [9] à payer à l'URSSAF du Nord Pas-de-Calais la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en appel.
Le greffier, Le président,