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Cass. 1re civ., 26 novembre 2025, n° 24-16.438

COUR DE CASSATION

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Cassation

Cass. 1re civ. n° 24-16.438

26 novembre 2025

CIV. 1

MA8

COUR DE CASSATION
______________________

Arrêt du 26 novembre 2025

Cassation partielle

Mme CHAMPALAUNE, présidente

Arrêt n° 766 F-D

Pourvoi n° P 24-16.438

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 NOVEMBRE 2025

M. [S] [E], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° P 24-16.438 contre l'arrêt rendu le 21 mars 2024 par la cour d'appel de Douai (chambre 8, section 1), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société BTSG, dont le siège est [Adresse 2], prise en la personne de M. [P] [G], en qualité de liquidateur judiciaire de la société Next Generation France, société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 3],

2°/ à la société Cofidis, dont le siège est [Adresse 4],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tréard, conseillère, les observations de Me Soltner, avocat de M. [E], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Cofidis, après débats en l'audience publique du 7 octobre 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, présidente, Mme Tréard, conseillère rapporteure, Mme Guihal, conseillère doyenne, et Mme Vignes, greffière de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée de la présidente et des conseillères précitées, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 21 mars 2024), le 22 novembre 2010, M. [E] (l'acquéreur) a, dans le cadre d'un démarchage à domicile, commandé auprès de la société Next Generation France (le vendeur) la fourniture et la pose d'un système photovoltaïque, dont le prix a été financé par un crédit souscrit auprès de la société Groupe Sofemo, aux droits de laquelle vient la société Cofidis (le prêteur).

2. Le 25 juin 2013, une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte au bénéfice du vendeur.

3. Les 23 avril 2021 et 21 juillet 2021, l'acquéreur a assigné le mandataire liquidateur du vendeur et le prêteur en nullité des contrats de vente et de crédit affecté.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de le déclarer irrecevable à agir en nullité du contrat de vente et en nullité du contrat de crédit affecté, alors « que la reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions en l'absence de circonstances, qu'il appartient au juge de relever, permettant de justifier d'une telle connaissance ; qu'en l'espèce, pour dire que l'action de l'acquéreur en nullité fondée sur l'inobservation par le vendeur des dispositions du code de la consommation était irrecevable comme prescrite pour avoir été introduite plus de cinq années après la signature du bon de commande, la cour d'appel a retenu d'une part, que ''du fait de la reproduction en caractères lisibles sur le bon de commande des dispositions du code de la consommation afférentes aux mentions obligatoires, l'acquéreur en qualité de consommateur normalement avisé a pu avoir connaissance des vices affectant ce bon de commande dès le 22 novembre 2022, date précise de signature de cet acte juridique même s'il peut n'avoir pas pris l'exacte mesure de toutes ses implications juridiques'' et d'autre part, qu'il ressortait ''incontestablement des circonstances particulières de l'espèce que l'acquéreur in concreto a eu connaissance très précisément à l'occasion de la signature du contrat de vente, des irrégularités qui entachaient ce bon de commande'' ; qu'en statuant ainsi, sans relever aucune circonstance permettant de justifier d'une connaissance effective par l'acquéreur des vices du bon de commande qu'il faisait valoir à l'appui de son action en nullité, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ensemble l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 121-23 du code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 et 2224 du code civil :

6. Il résulte de ces textes que le point de départ du délai de prescription de l'action en annulation du contrat conclu dans le cadre d'un démarchage, fondée sur la méconnaissance par le professionnel de son obligation de faire figurer sur le contrat, à peine de nullité, les informations mentionnées à l'article L. 121-23 susvisé, se situe au jour où le consommateur a connu ou aurait dû connaître les défauts d'information affectant la validité du contrat.

7. La reproduction sur le contrat, même lisible, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu dans le cadre d'un démarchage ne permet pas au consommateur d'avoir une connaissance effective du vice résultant de l'inobservation de ces dispositions.

8. Pour confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en nullité fondée sur la méconnaissance des dispositions du code de la consommation, l'arrêt relève que le point de départ du délai de prescription est en principe le jour de la signature du bon de commande et que dans le cas présent, du fait de la reproduction en caractères lisibles sur le bon de commande des dispositions du code de la consommation afférentes aux mentions obligatoires, l'acquéreur en qualité de consommateur normalement avisé a pu avoir connaissance des vices affectant ce bon de commande dès le 22 novembre 2022, date précise de signature de cet acte juridique même s'il peut n'avoir pas pris l'exacte mesure de toutes ses implications juridiques, notamment s'agissant d'une éventuelle confirmation de la nullité. Il ajoute qu'il ressort incontestablement des circonstances particulières de l'espèce que l'acquéreur in concreto a eu connaissance très précisément à l'occasion de la signature du contrat de vente, des irrégularités qui entachaient ce bon de commande, de sorte que l'action engagée le 23 avril 2021 est prescrite.

9. En se déterminant ainsi, sans relever aucune circonstance autre que la seule la reproduction des dispositions légales sur le bon de commande permettant de justifier que les emprunteurs avaient eu ou auraient dû avoir connaissance des irrégularités du bon de commande à la date de sa signature, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. La cassation du chef de dispositif qui confirme le jugement en ce qu'il déclare irrecevable l'action en nullité pour non respect des dispositions du code de la consommation n'emporte pas celle du chef de dispositif de l'arrêt qui confirme le jugement en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en nullité pour dol et condamné M. [E] aux dépens et au paiement de 850 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, cette dernière condamnation demeurant justifiée par les dispositions de l'arrêt non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce que, confirmant le jugement, il déclare prescrite l'action en nullité fondée sur le non respect des dispositions du code de la consommation, l'arrêt rendu le 21 mars 2024, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne la société Cofidis aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Cofidis et la condamne à payer à M. [E] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le vingt-six novembre deux mille vint-cinq par la mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

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