CA Rennes, 2e ch., 25 novembre 2025, n° 23/06349
RENNES
Arrêt
Autre
2ème Chambre
ARRÊT N°410
N° RG 23/06349
N° Portalis DBVL-V-B7H-UHXG
(Réf 1ère instance : 22/00124)
(3)
Mme [H] [P]
C/
S.A.S.U. HELIOS EXPERT TECHNOLOGIES
S.A. CA CONSUMER FINANCE
SARL ASTEREN
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me DESTREE
- Me [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Rozenn COURTEL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Septembre 2025
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 25 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [H] [P]
née le 22 Août 1952 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Typhaine DESTREE de la SELARL DESTREE AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
S.A.S.U. HELIOS EXPERT TECHNOLOGIES
[Adresse 5]
[Localité 7]
Assignée par acte de commisssaire de justice en date du 25/01/2024, délivré à domicile, n'ayant pas constituée
S.A. CA CONSUMER FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.E.L.A.F.A. MJA remplacée par SARL ASTEREN, prise en la personne de Me [E] [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SASU HELIOS EXPERT TECHNOLOGIES, fonctions auxquelles elle a été désignée par ordonnance du tribunal de commerce de Bobigny du 01/07/2023
[Adresse 2]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Assignées par actes de commissaire de justice en date du 30/11/2023 et 25/01/24, délivrés à personne morale, n'ayant pas constituées
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 février 2020, dans le cadre d'un démarchage à domicile, madame [H] [P] et monsieur [J] [P] ont passé commande auprès de la SASU Helios Expert Technologies de matériel de protection de leurs panneaux photovoltaïques déjà installés dans leur maison d'habitation.
Le même jour, madame [P] et monsieur [P] ont contracté auprès de la société Sofinco un prêt de 12 800 euros remboursable en 120 mensualités de 152,54 euros assurances comprises, au taux nominal de 4,799% l'an.
Une facture de la société Helios Expert Technologies en date du 14 février 2020 mentionne la remise à niveau de l'installation photovoltaïque (nettoyage,vérifications), outre l'installation d'un système domotique de marque Comwatt et d'un nouvel onduleur.
Par actes introductifs d'instance en date des 15 et 28 septembre 2021, madame [H] [P] a fait citer la SASU Helios Expert Technologies et la SA Sofinco devant le tribunal judiciaire de Nantes afin d'obtenir notamment la résolution ou l'annulation des contrats de vente et de prêt.
Le 8 décembre 2022, la SASU Helios Expert Technologies a été placée en liquidation judiciaire.
Mme [P] a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de ladite société par courrier du 9 mars 2023.
Par acte introductif d'instance en date du 29 mars 2023, madame [H] [P] a fait citer la SELAFA MJA, prise en la personne de maître [E] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU Helios Expert Technologies devant le tribunal judiciaire de Nantes aux mêmes fins.
Par jugement en date du 26 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes a statué en ces termes :
- débouté madame [P] [H] de sa demande d'annulation ou de résolution du contrat en date du 4 février 2020 conclu avec la SASU Helios Expert Technologies,
- débouté madame [P] [H] de sa demande formulée au titre des dommages et intérêts à l'encontre la SASU Helios Expert Technologies et de la SA CA Consumer Finance (venant aux droits de la société Sofinco),
- dit que madame [P] [H] devra poursuivre le paiement des échéances de remboursement du prêt dans les conditions prévues au contrat du 4 février 2020,
- débouté madame [P] [H] de sa demande d'octroi de délais de paiement,
- débouté madame [P] [H] de l'ensemble de ses demandes principales, subsidiaires ou accessoires,
- dit n'y avoir lieu à condamnation contre quiconque au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Suivant déclaration du 9 novembre 2023, complétée par une seconde déclaration le 4 décembre 2023, Mme [P] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 juin 2024, Mme [P] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L121-16 et suivants du code de la consommation, L111-1 et suivants du code de la consommation, L242-1 et suivants, L221-5 et suivants, L312-55 du code de la consommation, L311-11 et suivants du code de la consommation,
Vu les articles 1217 et 1342-5 du code civil,
- débouter la société CA Consumer Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- déclarer recevables et bien-fondées les déclarations d'appel déposées par madame [P],
- joindre les deux instances enrôlées sous les numéros RG 23 /06349 et RG 23/06829.
- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Nantes le 26 juillet 2023 en toutes ses dispositions,
- à titre principal, annuler le contrat souscrit entre la société Helios et madame [P] et son
conjoint décédé depuis lors le 4 février 2020, en raison de l'abus de faiblesse et en raison de la violation des règles d'ordre public du code de la consommation notamment en lien avec les contrats conclus hors établissement,
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire, du contrat conclu entre les époux [P] et la société Helios,
- en conséquence, annuler ou prononcer à titre subsidiaire la résolution judiciaire, du contrat de crédit affecté conclu entre les époux [P] et la société Sofinco/CA Consumer Finance ;
- dire et juger qu'il y a lieu de remettre toutes les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion des contrats litigieux,
- décerner acte à madame [P] qu'elle est à la disposition de la société Helios et de son liquidateur judiciaire pour qu'il soit procédé, aux frais de cette société, à la dépose et récupération du matériel installé avec remise en état des lieux,
- dire et juger que la société CA Consumer Finance est déchue de son droit à solliciter le
remboursement du capital emprunté à madame [P] directement en raison des manquements
fautifs commis,
- dire et juger que la société Helios à engager sa responsabilité contractuelle à l'encontre de madame [P],
- dire et juger que la société CA Consumer Finance a engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre de madame [P],
- condamner in solidum la société Helios et la société Sofinco/ CA Consumer Finance à verser
à madame [P], à titre de dommages et intérêts pour les fautes commises, la somme de 5 000 € à titre d'indemnisation des préjudices subis,
- à titre subsidiaire,
- dire et juger que madame [P] ne sera débitrice que du capital emprunté auprès de la société CA Consumer Finance déduction faite des sommes déjà réglées au titre des échéances de prêt,
- ordonner la compensation entre les dettes et créances respectives des parties,
- accorder à madame [P] un délai de grâce de deux années à compter de la signification de
l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes à intervenir pour régler les condamnations qui seraient mises à sa charge à l'égard de la société CA Consumer Finance au titre des sommes à lui rembourser,
- dire et juger que pendant ce délai les sommes restant dues ne produiront aucun intérêt ;
- en tout état de cause,
- condamner la société Helios à garantir madame [P] de toute condamnation vis-à-vis de la société CA Consumer Finance,
- condamner in solidum la société CA Consumer Finance et la société Helios à verser à madame
[P] la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers
dépens pour ce qui concerne la première instance,
- condamner in solidum la société CA Consumer Finance et la société Helios à verser à madame
[P] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en appel ;
- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- fixer au passif de la société Helios la créance de madame [P] à hauteur de 33 500 euros
représentant :
12 800 euros au titre de la restitution de la somme versée
5 504,80 euros au titre des intérêts et assurances
5 000 euros au titre des préjudices immatériels
10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'ensemble des frais et dépens engagés en première instance
4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais en appel
En ces dernières conclusions du 16 octobre 2024 , la SA CA Consumer Finance sollicite de la cour de :
Vu les articles L221-5 et suivants, L312-55, L312-56 et suivants du code de la Consommation,
Vu les articles 1134, 1147, 1184, 1315, 1325 et 1382 du code civil,
Vu les nouveaux articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1124, 1217, 1240, 1343-5, 1353 et 1375 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement dont appel :
' Débouter madame [H] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- subsidiairement, si le contrat de vente était annulé ou résolu, et par voie de conséquence le prêt du 4 février 2020,
' ordonner la remise des parties en l'état antérieur aux conventions annulées ou résolues,
' dire et juger que CA Consumer Finance n'a commis aucune faute en débloquant les fonds empruntés, au profit de la société Helios et à la demande de madame [H] [P] et monsieur [J] [P] suite à la signature de la demande de financement en date du 15 février 2020,
' constater la signature de la demande de financement et du constat de réception de travaux tant par madame [H] [P] et monsieur [J] [P] que la société Helios ;
' dire et juger que madame [H] [P] ne rapporte pas la preuve d'une éventuelle inexécution de la société Helios,
' constater l'absence de préjudice subi par madame [H] [P] en lien avec une éventuelle faute de CA Consumer Finance,
' condamner madame [H] [P] au remboursement du capital prêté de 12 800 €, avec intérêts au taux légal à compter des présentes,
' ordonner la compensation avec les sommes acquittées par madame [H] [P] et monsieur [J] [P],
' débouter madame [H] [P] de sa demande de délais de paiement, en application de l'article 1343-5 du code civil,
' si toutefois madame [H] [P] était autorisée à s'acquitter de sa dette par mensualités d'égal montant, dire et juger qu'à la moindre défaillance le solde redeviendrai immédiatement exigible,
- très subsidiairement, en cas de faute du prêteur et de préjudice subi par l'emprunteur :
' condamner madame [H] [P] au remboursement du capital prêté de 12 800 €, avec intérêts au taux légal à compter des présentes,
' juger que le préjudice subi par madame [H] [P] s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité est de l'ordre de 5%, soit une somme maximale de 645,00 €,
' ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge des parties,
- en tout état de cause,
' condamner madame [H] [P] à porter et payer à CA Consumer Finance une indemnité à hauteur de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre des frais engagés en 1ère instance,
' condamner Madame [H] [P] à porter et payer à CA Consumer Finance une indemnité à hauteur de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner madame [H] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par courrier du 20 juin 2024 adressée à la cour d'appel de Rennes, la SELARL Asteren prise en la personne de Me [E] [X] (désignée en remplacement de la SELAFA MJA prise en la personne de Me [E] [X] par ordonnance du président du tribunal de commerce de Bobigny du 1er juillet 2023), à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées, a indiqué ne pas intervenir à la procédure et que le créancier poursuivant avait déclaré sa créance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler que la jonction des procédures inscrites au rôle sous les n° RG 23/06829 et 23/06349 a déjà été ordonnée sous ce dernier numéro par ordonnance du magistrat de la mise en état par ordonnance du 30 avril 2025.
- Sur la nullité du contrat pour abus de faiblesse
Mme [P] fait grief au jugement d'avoir rejeté ses demandes en nullité des contrats sur le fondement des articles L 121-8, L 121-9, L 121-10 et L 121-13 du code de la consommation.
Elle soutient que son époux était déjà très malade, pour être atteint d'une pathologie cancéreuse altérant ses fonctions cognitives, lorsque la société Helios Expert Technologies est intervenue à leur domicile, que son état de santé impactait fortement sa vie personnelle et de couple et que la société Helios en était tellement consciente qu'elle a fait souscrire une assurance signer qu'à elle et non à son mari.
Elle ajoute qu'elle était vulnérable au vu de sa situation financière et des faibles ressources du couple et de son état psychologique, que la société Helios a utilisé cette situation de vulnérabilité pour obtenir la signature des contrats et récolter des fonds à leur insu et qu'elle n'était plus en mesure de comprendre ce qui lui était arrivé au regard de son âge, de sa situation de précarité dans les nouvelles technologies, de la connaissance récente de l'état de maladie de son conjoint et de ses difficultés de compréhension.
Selon elle, il ne saurait lui être reprochée de ne pas voir été en mesure d'alerter son conjoint, malade, et hors d'état de réfléchir, face aux commerciaux de la société Helios particulièrement actifs.
Elle en conclut que le contrat est nul.
La société CA Consumer Finance rétorque que Mme [P] se contente de procéder par affirmations et que la preuve de son éventuelle vulnérabilité comme celle de M. [P] au moment de la souscription des contrats n'est nullement rapportée, pas plus que le fait que cette vulnérabilité était décelable par le vendeur.
L'article L. 121-8 du code de la consommation interdit d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte.
L'article L. 132-13 du même code répute nul et de nul effet le contrat conclu à la suite d'un abus de faiblesse indépendamment des sanctions pénales prévues à l'article L. 132-13.
En l'espèce, il est constant que le 4 février 2020, dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [P], alors âgée de 67 ans, a passé commande auprès de la société Helios Expert Technologies de matériel de protection de panneaux photovoltaïques déjà installés dans sa maison et que les époux [P] ont, pour ce faire, souscrit un prêt de 12 800 € remboursable en 120 mensualités, M. [P] étant alors âgé de 74 ans.
Pour justifier avoir été victime d'un abus de faiblesse, Mme [P] produit un certificat médical du docteur [U] en date du 27 juillet 2022 au terme duquel celui-ci certifie que M. [J] [P], décédé le 1er mai 2021, était attteint en 2020 d'une pathologie altérant ses fonctions cognitives ainsi qu'un compte-rendu d'hospitalisation concernant M. [P] du 2 juillet 2020 faisant état d'une tumeur digestive et d'une anémie associée à des troubles cognitifs.
Pour autant, ce compte rendu d'hospitalisation établi 5 mois après la signature des contrats litigieux et le certificat médical de juillet 2022, non détaillé et circonstancié, sont insuffisants à eux seuls à établir que M. [P] et Mme [P] ont été victimes d'un abus de faiblesse pratiqué par des commerciaux de la société Helios Expert Technologies.
De même, la lettre du 7 janvier 2021 du conciliateur de justice adressé au gérant de la société Helios n'est pas de nature à corroborer les affirmations de Mme [P] puisque le conciliateur de justice invite uniquement ce dernier à prendre contact pour échanger sur la situation telle qu'elle a été exposée par M. et Mme [P] qui déclaraient avoir été trompés et abusés lors de la souscription de ces contrats de vente et de crédit.
Enfin, si les comptes rendus d'orthophonie concernant Mme [P] datant de mars 2003, juillet 2007 et décembre 2015 font notamment état de troubles des structures logico-mathématiques, ils sont insuffisants à caractériser son inaptitude à comprendre et signer un contrat de vente et/ou un contrat de crédit.
Il n'est par ailleurs pas contesté qu'aucun des deux époux ne faisait l'objet d'une mesure de protection.
Dans ces conditions, outre le fait que les éléments médicaux produits sont insuffisants pour établir que M. [P] était dans l'incapacité de comprendre la portée de ses engagements, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que rien ne permettait de démontrer que Mme [P], co-signataire du contrat, n'était pas en mesure d'alerter son conjoint sur la portée de ses engagements souscrits, ou sur les ruses employées, ni percevoir les conséquences de son engagement pour le couple.
De même, aucune pièce n'est produite pour établir l'existence de manoeuvres frauduleuses, ou l'inutilité des travaux réalisés.
Il résulte de ce qui précède que Mme [P] échoue à rapporter la preuve, en raison de problèmes de santé ou de fragilités notables liés à sa situation familiale, qu'elle était dans une situation de faiblesse ou d'ignorance qui ne lui permettait pas d'apprécier la portée des engagements qu'elle avait pris et qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité des contrats à ce titre.
- Sur la nullité du bon de commande pour manquements au formalisme du contrat
Mme [P] soutient la nullité du bon de commande aux motifs que le bordereau de rétractation ne respecte pas les modalités prescrites pour ce formulaire détachable et ne précise pas assez les caractéristiques du bien.
Elle précise que ce formulaire de rétractation n'est pas facilement détachable et comporte des mentions autres que celles prévues par le code de la consommation.
La société CA Consumer Finance demande la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté les moyens de nullité tirés de l'irrégularité du bon de commande.
Aux termes des articles L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
- les informations relatives à son identité, ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
- le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
- les informations relatives notamment aux garanties légales et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles,
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
- le prix du bien ou du service,
- les modalités de paiement,
- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,
- le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
- s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,
- l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, - les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L 221-5.
Selon cet article, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
C'est à bon droit que l'appelante soutient que le formulaire détachable de rétractation ne respecte pas les modalités prescrites.
En effet, le formulaire détachable de rétractation fait partie intégrante du bon de commande, de sorte que la séparation éventuelle du formulaire de rétractation a pour effet nécessairement d'amputer le contrat qui mentionne en l'espèce, au recto, l'attestation de TVA, les garanties, la signature de Mme [P] et celle du vendeur.
Or, l'amputation partielle du contrat par l'usage du bordereau de rétractation est bien une cause de nullité de la convention, nonobstant son anéantissement, dès lors que la préservation du contrat dans son intégralité est nécessaire pour l'exercice même du droit de rétractation en démontrant la réalité de l'engagement initialement souscrit.
Au surplus, la cour relève que le « coupon détachable pour annulation de commande » figurant au contrat de vente n'est pas conforme au formulaire type figurant à l'annexe à l'article R 221-1 du code de la consommation, puisqu'il traite d'annulation du contrat et non d'exercice du droit de rétractation.
La société CA Consumer Finance ne saurait utilement soutenir que la sanction encourue, lorsque le bordereau de rétractation comporte des irrégularités, est la prorogation du délai de rétractation de douze mois, dès lors que la prorogation du délai de rétractation prévue par l'article L 221-20 du code de la consommation n'est pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l'annulation du contrat en vertu de l'article L 221-19.
En outre, il résulte du bon de commande laissé en possession de Mme [P] par la société Helios Expert Technologies, que la marque de l'onduleur n'est pas précisée. La marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en oeuvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
Il apparaît en conséquence que le bon de commande se trouvait entaché d'irrégularités lui faisant encourir la nullité.
La société CA Consumer Finance soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les époux [P] auraient renoncé à invoquer en ayant pris connaissance des conditions générales de vente, en n'émettant aucune contestation à réception de la facture comportant l'intégralité des caractéristiques des biens et de leur prix, en poursuivant les contrats, en réglant les échéances de crédit et en utilisant les matériels.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Il en résulte au cas d'espèce que le fait que Mme [P], en signant le bon litigieux, reconnaisse 'avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso du présent bon de commande' et avoir reçu l'exemplaire muni du bordereau de rétractation ne peut suffire à établir, en l'absence de circonstances qu'il appartient au juge de relever, que Mme [P] a eu connaissance des irrégularités affectant le bon et a entendu, en pleine connaissance de cause, renoncer à la nullité du contrat, étant au surplus relevé que les conditions générales ne reproduisent nullement notamment les dispositions des articles L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation (mais celles des articles L 217-4 et L 217-5, L 217-12, L 217-16 du code de la consommation) et mentionnent un délai de rétractation de 14 jours à compter de la signature du contrat et non à compter de la livraison.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [P] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'ils ont manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.
Il convient donc pour la cause de nullité sus-évoquée, écartant le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier invoqué par la banque, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens de nullité invoqués par l'appelante, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [P] et de prononcer la nullité du contrat de vente.
Le contrat de vente étant annulé, les parties doivent être remises en l'état, où elles se trouvaient antérieurement à la vente. La nullité donne ainsi lieu à des restitutions réciproques, ce qui implique que le vendeur doit restituer le prix et l'acquéreur le matériel, ce dernier devant être laissé à la disposition du liquidateur pour la reprise.
Eu égard à la liquidation judiciaire de la société Helios Expert Technologies, la reprise du matériel de protection de l'installation photovoltaïque par le liquidateur judiciaire de cette société est très hypothétique. Il n'y a donc pas lieu de mettre à la charge de la SELAFA MJA, es-qualités, cette reprise.
En raison de l'obligation à restitution réciproque résultant de l'annulation du contrat de vente, Mme [P], qui a produit sa déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Helios Expert Technologies, est fondée à solliciter la fixation de sa créance au passif de ladite société à hauteur de 12 800 € correspondant au prix de vente.
- Sur la nullité du contrat de prêt
Aux termes de l'article L.312-55 du code de la consommation dans sa rédaction applicable, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Helios Expert Technologies emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la société CA Consumer Finance.
Il est de principe que l'annulation du contrat de crédit, consécutive à celle du contrat principal, emporte restitution par l'emprunteur au prêteur du capital que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur.
Cependant, il est également de principe que le consommateur peut opposer au prêteur les fautes de ce dernier qui lui occasionnent un préjudice.
Mme [P] soutient que la société CA Consumer Finance a commis une faute la privant de sa créance de restitution en finançant une opération irrégulière, en ne vérifiant pas la conformité du bon de commande au regard des dispositions d'ordre public du démarchage à domicile. Elle lui reproche également d'avoir procédé de manière fautive au déblocage des fonds.
La société CA Consumer Finance soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution.
Il est constant que le prêteur commet une faute lorsqu'il libère la totalité des fonds alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande comporte des irrégularités formelles apparentes précisées ci-dessus qui auraient dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit, à ne pas libérer les fonds entre les mains du vendeur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de Mme [P] qu'elle entendait confirmer l'acte irrégulier. En versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, elle a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital prêté.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, il est indifférent que l'attestation de livraison, qui est destinée au prêteur, ait été signée par M. [P] seul (et non Mme [P]), dès lors que les époux [P] étaient tous deux co-emprunteurs et tenus solidairement au remboursement du prêt.
D'autre part, le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'espèce, M. [P] a signé l'attestation de livraison le 15 février 2020 sans émettre aucun commentaire (alors que la rubrique était prévue) ainsi que la demande de financement datée du même jour qui mentionne expressément que 'le bien et/ou la prestation de services financé(e) pour un montant de 12 300 € par une offre de crédit acceptée par l'acheteur le 04/02/2020 a été livré ou exécutée, et au surplus est conforme au bon de commande et/ou à la facture'. Sur cette attestation, M. [P] a apposé sa signature juste après la mention selon laquelle il a reconnu avoir 'bénéficié de la livraison du bien et ou de l'exécution de la prestation, telle que prévue et à son entière disposition' et il a demandé le financement correspondant.
Mme [P] ne saurait utilement prétendre que la société Consumer Finance aurait débloqué les fonds le 14 février 2020, date de la facture émise par la société Hélios, dès lors qu'il ressort du courrier de la société CA Consumer Finance du 26 février 2020 et du justificatif de déblocage des fonds que ceux-ci ont bien été débloqués le 26 février 2020 et non le 14 ou le 15 février 2020, même si la facture mentionne un paiement au 14 février 2020 tout en précisant 'mode de paiement : paiement financement'.
S'il est exact que les fonds ont été débloqués avant l'expiration du délai de rétractation, le 26 février 2020, le déblocage des fonds entre les mains du fournisseur ne privait, en soi, nullement Mme [P] de sa faculté de rétractation dans le délai de 14 jours qui commençait à courir à compter du 15 février, date de l'attestation de livraison, et au surplus, rien ne démontre que celle-ci ait effectivement tenté de le faire avant le 29 février 2020, la première contestation de l'opération litigieuse n'ayant été élevée que par l'assignation délivrée le 15 septembre 2021, étant précisé que si Mme [P] a communiqué un courrier du conciliateur de justice en date du 7 janvier 2021 qui récapitule leur entretien du 6 janvier 2021, elle n'a produit aucune pièce justifiant de la suite donnée à cette entrevue.
La banque fait valoir à juste titre que la dispense de remboursement du capital prêté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.
Or, en l'espèce, Mme [P], qui prétend uniquement que son préjudice est constitué par le prix de l'installation litigieuse et le remboursement du prêt, se contente de soutenir que les fautes de la société CA Consumer Finance doivent être consacrées et que celle-ci doit être déchue de son droit à solliciter la restitution du capital.
Ce faisant, Mme [P] n'allègue ni ne caractérise l'existence d'un préjudice en lien avec la faute de la banque.
Mme [P] invoque également un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Contrairement à ce qu'allègue Mme [P], la société CA Consumer Finance a eu connaissance des ressources financières du couple au moment de la demande de financement autrement que par le biais de leur avis d'imposition. En effet, il convient de relever que suivant les mentions de la fiche de dialogue 'revenus et charges' remplie le 4 février 2020, Mme [P], qui a certifié l'exactitude des renseignements et déclaré ne pas avoir de plan de surendettement, a indiqué être retraitée, mariée, sans enfant, propriétaire depuis avril 1985 et percevoir une pension de 1 450 €. M. [P] a quant à lui déclaré être également retraité et percevoir une pension de 1 100 €.
Ni l'un ni l'autre n'a fait état de remboursement de loyers ou crédits immobiliers ou de crédits à la consommation. Mme [P] ne saurait donc se prévaloir du caractère incomplet de la déclaration de charges.
Au vu de ces éléments, il apparaît que le financement de l'installation (152,54 €/mois pendant 125 mois) faisait porter les charges du couple à 5,98 % de ses revenus de sorte que l'octroi du prêt à Mme [P] ne l'exposait pas à un risque d'endettement excessif et que Mme [P] ne saurait dès lors prétendre à indemnisation par le prêteur au titre d'un manquement au devoir de mise en garde.
Enfin, Mme [P] ne produit aucun élément de nature à établir que le vendeur ne les a pas informés de la souscription d'un crédit à la consommation concomittament à la signature du bon de commande et qu'il aurait rempli 'le document de manière à donner une apparence acceptable à leur situation personnelle et financière' en n'inscrivant aucune donnée financière.
Dans ces conditions, en l'absence de démonstration par Mme [P] de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur, sa demande de dispense de restitution du capital emprunté ne peut prospérer.
Mme [P] sera donc, après réformation du jugement attaqué de ce chef, condamnée à restituer le capital emprunté de 12 800 euros, sauf à déduire l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs au cours de la période d'exécution du contrat de prêt, la cour n'étant pas en mesure de fixer le montant des échéances réglées au jour du présent arrêt, la société CA Consumer Finance n'ayant produit aucun historique de compte.
Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, Mme [P] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 € en réparation des préjudices subis.
Enfin, seul le prêteur peut revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 312-56 du code de la consommation de sorte que la demande de Mme [P] tendant à obtenir la garantie du vendeur pour le remboursement des sommes dues au prêteur ne peut prospérer, étant au surplus rappelé que celui-ci a été placé en liquidation judiciaire.
- Sur la demande de délais de paiement
Mme [P] sollicite des délais de paiement dans la limite de deux années pour s'acquitter des sommes qui seraient mises à sa charge.
Toutefois, les éléments justifiant de son impossibilité économique à s'acquitter de la somme due sont relatifs à ses ressources et charges en 2021-2022.
Mme [P] ne produit aucun élément actualisé sur sa situation justifiant l'octroi de délais. En conséquence, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de délais.
- Sur les demandes accessoires
La décision déférée étant infirmée en ses principales dispositions et les contrats de vente et de prêt annulés, la SELARL ASTEREN, prise en la personne de Me [X], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Helios Expert Technologies et la SA CA Consumer Finance seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.
Compte tenu de la solution apportée au litige, il n'y a néanmoins pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [P] et la société SA CA Consumer Finance sont déboutées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement rendu le' 26 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes';
Statuant à nouveau :
Prononce la nullité du contrat de vente de matériel de protection de panneaux photovoltaïques conclu le 4 février 2020 entre madame [H] [P] et la société Sasu Helios Expert Technologies;
Prononce la nullité du contrat de crédit affecté souscrit le même jour entre madame [H] [P] et la SA CA Consumer Finance ;
Fixe la créance de madame [H] [P] au passif de la société Sasu Helios Expert Technologies à la somme de 12 800 euros au titre de la restitution du prix de vente ;
Condamne madame [H] [P] à payer à la société SA CA Consumer Finance la somme de 12 800 euros au titre de la restitution du capital emprunté, sauf à déduire l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs au cours de la période d'exécution du contrat de prêt;
14
Déboute madame [H] [P] de ses demandes de déchéance du droit à solliciter la restitution du capital emprunté, de dommages et intérêts formées à l'encontre de la SA CA Consumer Finance et de délais de paiement ;
Y ajoutant,
Déboute madame [H] [P] et la SA CA Consumer Finance de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SELARL ASTEREN, prise en la personne de Me [E] [X], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Sasu Helios Expert Technologies et la SA CA Consumer Finance aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;
Rejette les autres demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
ARRÊT N°410
N° RG 23/06349
N° Portalis DBVL-V-B7H-UHXG
(Réf 1ère instance : 22/00124)
(3)
Mme [H] [P]
C/
S.A.S.U. HELIOS EXPERT TECHNOLOGIES
S.A. CA CONSUMER FINANCE
SARL ASTEREN
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me DESTREE
- Me [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 25 NOVEMBRE 2025
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Valérie PICOT-POSTIC, Conseiller,
GREFFIER :
Madame Rozenn COURTEL, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l'audience publique du 23 Septembre 2025
ARRÊT :
Rendu par défaut, prononcé publiquement le 25 Novembre 2025 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
Madame [H] [P]
née le 22 Août 1952 à [Localité 11]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Typhaine DESTREE de la SELARL DESTREE AVOCAT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉES :
S.A.S.U. HELIOS EXPERT TECHNOLOGIES
[Adresse 5]
[Localité 7]
Assignée par acte de commisssaire de justice en date du 25/01/2024, délivré à domicile, n'ayant pas constituée
S.A. CA CONSUMER FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par Me Hugo CASTRES de la SELEURL HUGO CASTRES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
S.E.L.A.F.A. MJA remplacée par SARL ASTEREN, prise en la personne de Me [E] [X] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société SASU HELIOS EXPERT TECHNOLOGIES, fonctions auxquelles elle a été désignée par ordonnance du tribunal de commerce de Bobigny du 01/07/2023
[Adresse 2]
[Adresse 10]
[Localité 8]
Assignées par actes de commissaire de justice en date du 30/11/2023 et 25/01/24, délivrés à personne morale, n'ayant pas constituées
EXPOSE DU LITIGE
Le 4 février 2020, dans le cadre d'un démarchage à domicile, madame [H] [P] et monsieur [J] [P] ont passé commande auprès de la SASU Helios Expert Technologies de matériel de protection de leurs panneaux photovoltaïques déjà installés dans leur maison d'habitation.
Le même jour, madame [P] et monsieur [P] ont contracté auprès de la société Sofinco un prêt de 12 800 euros remboursable en 120 mensualités de 152,54 euros assurances comprises, au taux nominal de 4,799% l'an.
Une facture de la société Helios Expert Technologies en date du 14 février 2020 mentionne la remise à niveau de l'installation photovoltaïque (nettoyage,vérifications), outre l'installation d'un système domotique de marque Comwatt et d'un nouvel onduleur.
Par actes introductifs d'instance en date des 15 et 28 septembre 2021, madame [H] [P] a fait citer la SASU Helios Expert Technologies et la SA Sofinco devant le tribunal judiciaire de Nantes afin d'obtenir notamment la résolution ou l'annulation des contrats de vente et de prêt.
Le 8 décembre 2022, la SASU Helios Expert Technologies a été placée en liquidation judiciaire.
Mme [P] a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire de ladite société par courrier du 9 mars 2023.
Par acte introductif d'instance en date du 29 mars 2023, madame [H] [P] a fait citer la SELAFA MJA, prise en la personne de maître [E] [X], en qualité de liquidateur judiciaire de la SASU Helios Expert Technologies devant le tribunal judiciaire de Nantes aux mêmes fins.
Par jugement en date du 26 juillet 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes a statué en ces termes :
- débouté madame [P] [H] de sa demande d'annulation ou de résolution du contrat en date du 4 février 2020 conclu avec la SASU Helios Expert Technologies,
- débouté madame [P] [H] de sa demande formulée au titre des dommages et intérêts à l'encontre la SASU Helios Expert Technologies et de la SA CA Consumer Finance (venant aux droits de la société Sofinco),
- dit que madame [P] [H] devra poursuivre le paiement des échéances de remboursement du prêt dans les conditions prévues au contrat du 4 février 2020,
- débouté madame [P] [H] de sa demande d'octroi de délais de paiement,
- débouté madame [P] [H] de l'ensemble de ses demandes principales, subsidiaires ou accessoires,
- dit n'y avoir lieu à condamnation contre quiconque au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires.
Suivant déclaration du 9 novembre 2023, complétée par une seconde déclaration le 4 décembre 2023, Mme [P] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 juin 2024, Mme [P] demande à la cour de :
Vu les dispositions des articles L121-16 et suivants du code de la consommation, L111-1 et suivants du code de la consommation, L242-1 et suivants, L221-5 et suivants, L312-55 du code de la consommation, L311-11 et suivants du code de la consommation,
Vu les articles 1217 et 1342-5 du code civil,
- débouter la société CA Consumer Finance de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- déclarer recevables et bien-fondées les déclarations d'appel déposées par madame [P],
- joindre les deux instances enrôlées sous les numéros RG 23 /06349 et RG 23/06829.
- réformer le jugement rendu par le juge des contentieux de la protection du Tribunal judiciaire de Nantes le 26 juillet 2023 en toutes ses dispositions,
- à titre principal, annuler le contrat souscrit entre la société Helios et madame [P] et son
conjoint décédé depuis lors le 4 février 2020, en raison de l'abus de faiblesse et en raison de la violation des règles d'ordre public du code de la consommation notamment en lien avec les contrats conclus hors établissement,
- à titre subsidiaire, prononcer la résolution judiciaire, du contrat conclu entre les époux [P] et la société Helios,
- en conséquence, annuler ou prononcer à titre subsidiaire la résolution judiciaire, du contrat de crédit affecté conclu entre les époux [P] et la société Sofinco/CA Consumer Finance ;
- dire et juger qu'il y a lieu de remettre toutes les parties dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion des contrats litigieux,
- décerner acte à madame [P] qu'elle est à la disposition de la société Helios et de son liquidateur judiciaire pour qu'il soit procédé, aux frais de cette société, à la dépose et récupération du matériel installé avec remise en état des lieux,
- dire et juger que la société CA Consumer Finance est déchue de son droit à solliciter le
remboursement du capital emprunté à madame [P] directement en raison des manquements
fautifs commis,
- dire et juger que la société Helios à engager sa responsabilité contractuelle à l'encontre de madame [P],
- dire et juger que la société CA Consumer Finance a engagé sa responsabilité contractuelle à l'encontre de madame [P],
- condamner in solidum la société Helios et la société Sofinco/ CA Consumer Finance à verser
à madame [P], à titre de dommages et intérêts pour les fautes commises, la somme de 5 000 € à titre d'indemnisation des préjudices subis,
- à titre subsidiaire,
- dire et juger que madame [P] ne sera débitrice que du capital emprunté auprès de la société CA Consumer Finance déduction faite des sommes déjà réglées au titre des échéances de prêt,
- ordonner la compensation entre les dettes et créances respectives des parties,
- accorder à madame [P] un délai de grâce de deux années à compter de la signification de
l'arrêt de la Cour d'appel de Rennes à intervenir pour régler les condamnations qui seraient mises à sa charge à l'égard de la société CA Consumer Finance au titre des sommes à lui rembourser,
- dire et juger que pendant ce délai les sommes restant dues ne produiront aucun intérêt ;
- en tout état de cause,
- condamner la société Helios à garantir madame [P] de toute condamnation vis-à-vis de la société CA Consumer Finance,
- condamner in solidum la société CA Consumer Finance et la société Helios à verser à madame
[P] la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers
dépens pour ce qui concerne la première instance,
- condamner in solidum la société CA Consumer Finance et la société Helios à verser à madame
[P] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais engagés en appel ;
- condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
- fixer au passif de la société Helios la créance de madame [P] à hauteur de 33 500 euros
représentant :
12 800 euros au titre de la restitution de la somme versée
5 504,80 euros au titre des intérêts et assurances
5 000 euros au titre des préjudices immatériels
10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'ensemble des frais et dépens engagés en première instance
4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais en appel
En ces dernières conclusions du 16 octobre 2024 , la SA CA Consumer Finance sollicite de la cour de :
Vu les articles L221-5 et suivants, L312-55, L312-56 et suivants du code de la Consommation,
Vu les articles 1134, 1147, 1184, 1315, 1325 et 1382 du code civil,
Vu les nouveaux articles 1103, 1104, 1193, 1217, 1124, 1217, 1240, 1343-5, 1353 et 1375 et suivants du code civil,
- confirmer le jugement dont appel :
' Débouter madame [H] [P] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- subsidiairement, si le contrat de vente était annulé ou résolu, et par voie de conséquence le prêt du 4 février 2020,
' ordonner la remise des parties en l'état antérieur aux conventions annulées ou résolues,
' dire et juger que CA Consumer Finance n'a commis aucune faute en débloquant les fonds empruntés, au profit de la société Helios et à la demande de madame [H] [P] et monsieur [J] [P] suite à la signature de la demande de financement en date du 15 février 2020,
' constater la signature de la demande de financement et du constat de réception de travaux tant par madame [H] [P] et monsieur [J] [P] que la société Helios ;
' dire et juger que madame [H] [P] ne rapporte pas la preuve d'une éventuelle inexécution de la société Helios,
' constater l'absence de préjudice subi par madame [H] [P] en lien avec une éventuelle faute de CA Consumer Finance,
' condamner madame [H] [P] au remboursement du capital prêté de 12 800 €, avec intérêts au taux légal à compter des présentes,
' ordonner la compensation avec les sommes acquittées par madame [H] [P] et monsieur [J] [P],
' débouter madame [H] [P] de sa demande de délais de paiement, en application de l'article 1343-5 du code civil,
' si toutefois madame [H] [P] était autorisée à s'acquitter de sa dette par mensualités d'égal montant, dire et juger qu'à la moindre défaillance le solde redeviendrai immédiatement exigible,
- très subsidiairement, en cas de faute du prêteur et de préjudice subi par l'emprunteur :
' condamner madame [H] [P] au remboursement du capital prêté de 12 800 €, avec intérêts au taux légal à compter des présentes,
' juger que le préjudice subi par madame [H] [P] s'analyse en une perte de chance de ne pas contracter, dont la probabilité est de l'ordre de 5%, soit une somme maximale de 645,00 €,
' ordonner la compensation entre les sommes mises à la charge des parties,
- en tout état de cause,
' condamner madame [H] [P] à porter et payer à CA Consumer Finance une indemnité à hauteur de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile dans le cadre des frais engagés en 1ère instance,
' condamner Madame [H] [P] à porter et payer à CA Consumer Finance une indemnité à hauteur de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
' condamner madame [H] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par courrier du 20 juin 2024 adressée à la cour d'appel de Rennes, la SELARL Asteren prise en la personne de Me [E] [X] (désignée en remplacement de la SELAFA MJA prise en la personne de Me [E] [X] par ordonnance du président du tribunal de commerce de Bobigny du 1er juillet 2023), à qui la déclaration d'appel et les conclusions ont été signifiées, a indiqué ne pas intervenir à la procédure et que le créancier poursuivant avait déclaré sa créance.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision ainsi qu'aux dernières conclusions précitées, l'ordonnance de clôture ayant été rendue le 26 juin 2025.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il convient de rappeler que la jonction des procédures inscrites au rôle sous les n° RG 23/06829 et 23/06349 a déjà été ordonnée sous ce dernier numéro par ordonnance du magistrat de la mise en état par ordonnance du 30 avril 2025.
- Sur la nullité du contrat pour abus de faiblesse
Mme [P] fait grief au jugement d'avoir rejeté ses demandes en nullité des contrats sur le fondement des articles L 121-8, L 121-9, L 121-10 et L 121-13 du code de la consommation.
Elle soutient que son époux était déjà très malade, pour être atteint d'une pathologie cancéreuse altérant ses fonctions cognitives, lorsque la société Helios Expert Technologies est intervenue à leur domicile, que son état de santé impactait fortement sa vie personnelle et de couple et que la société Helios en était tellement consciente qu'elle a fait souscrire une assurance signer qu'à elle et non à son mari.
Elle ajoute qu'elle était vulnérable au vu de sa situation financière et des faibles ressources du couple et de son état psychologique, que la société Helios a utilisé cette situation de vulnérabilité pour obtenir la signature des contrats et récolter des fonds à leur insu et qu'elle n'était plus en mesure de comprendre ce qui lui était arrivé au regard de son âge, de sa situation de précarité dans les nouvelles technologies, de la connaissance récente de l'état de maladie de son conjoint et de ses difficultés de compréhension.
Selon elle, il ne saurait lui être reprochée de ne pas voir été en mesure d'alerter son conjoint, malade, et hors d'état de réfléchir, face aux commerciaux de la société Helios particulièrement actifs.
Elle en conclut que le contrat est nul.
La société CA Consumer Finance rétorque que Mme [P] se contente de procéder par affirmations et que la preuve de son éventuelle vulnérabilité comme celle de M. [P] au moment de la souscription des contrats n'est nullement rapportée, pas plus que le fait que cette vulnérabilité était décelable par le vendeur.
L'article L. 121-8 du code de la consommation interdit d'abuser de la faiblesse ou de l'ignorance d'une personne pour lui faire souscrire, par le moyen de visites à domicile, des engagements au comptant ou à crédit sous quelque forme que ce soit, lorsque les circonstances montrent que cette personne n'était pas en mesure d'apprécier la portée des engagements qu'elle prenait ou de déceler les ruses ou artifices déployés pour la convaincre à y souscrire ou font apparaître qu'elle a été soumise à une contrainte.
L'article L. 132-13 du même code répute nul et de nul effet le contrat conclu à la suite d'un abus de faiblesse indépendamment des sanctions pénales prévues à l'article L. 132-13.
En l'espèce, il est constant que le 4 février 2020, dans le cadre d'un démarchage à domicile, Mme [P], alors âgée de 67 ans, a passé commande auprès de la société Helios Expert Technologies de matériel de protection de panneaux photovoltaïques déjà installés dans sa maison et que les époux [P] ont, pour ce faire, souscrit un prêt de 12 800 € remboursable en 120 mensualités, M. [P] étant alors âgé de 74 ans.
Pour justifier avoir été victime d'un abus de faiblesse, Mme [P] produit un certificat médical du docteur [U] en date du 27 juillet 2022 au terme duquel celui-ci certifie que M. [J] [P], décédé le 1er mai 2021, était attteint en 2020 d'une pathologie altérant ses fonctions cognitives ainsi qu'un compte-rendu d'hospitalisation concernant M. [P] du 2 juillet 2020 faisant état d'une tumeur digestive et d'une anémie associée à des troubles cognitifs.
Pour autant, ce compte rendu d'hospitalisation établi 5 mois après la signature des contrats litigieux et le certificat médical de juillet 2022, non détaillé et circonstancié, sont insuffisants à eux seuls à établir que M. [P] et Mme [P] ont été victimes d'un abus de faiblesse pratiqué par des commerciaux de la société Helios Expert Technologies.
De même, la lettre du 7 janvier 2021 du conciliateur de justice adressé au gérant de la société Helios n'est pas de nature à corroborer les affirmations de Mme [P] puisque le conciliateur de justice invite uniquement ce dernier à prendre contact pour échanger sur la situation telle qu'elle a été exposée par M. et Mme [P] qui déclaraient avoir été trompés et abusés lors de la souscription de ces contrats de vente et de crédit.
Enfin, si les comptes rendus d'orthophonie concernant Mme [P] datant de mars 2003, juillet 2007 et décembre 2015 font notamment état de troubles des structures logico-mathématiques, ils sont insuffisants à caractériser son inaptitude à comprendre et signer un contrat de vente et/ou un contrat de crédit.
Il n'est par ailleurs pas contesté qu'aucun des deux époux ne faisait l'objet d'une mesure de protection.
Dans ces conditions, outre le fait que les éléments médicaux produits sont insuffisants pour établir que M. [P] était dans l'incapacité de comprendre la portée de ses engagements, c'est à juste titre que le premier juge a considéré que rien ne permettait de démontrer que Mme [P], co-signataire du contrat, n'était pas en mesure d'alerter son conjoint sur la portée de ses engagements souscrits, ou sur les ruses employées, ni percevoir les conséquences de son engagement pour le couple.
De même, aucune pièce n'est produite pour établir l'existence de manoeuvres frauduleuses, ou l'inutilité des travaux réalisés.
Il résulte de ce qui précède que Mme [P] échoue à rapporter la preuve, en raison de problèmes de santé ou de fragilités notables liés à sa situation familiale, qu'elle était dans une situation de faiblesse ou d'ignorance qui ne lui permettait pas d'apprécier la portée des engagements qu'elle avait pris et qu'il n'y a donc pas lieu de prononcer la nullité des contrats à ce titre.
- Sur la nullité du bon de commande pour manquements au formalisme du contrat
Mme [P] soutient la nullité du bon de commande aux motifs que le bordereau de rétractation ne respecte pas les modalités prescrites pour ce formulaire détachable et ne précise pas assez les caractéristiques du bien.
Elle précise que ce formulaire de rétractation n'est pas facilement détachable et comporte des mentions autres que celles prévues par le code de la consommation.
La société CA Consumer Finance demande la confirmation du jugement en ce qu'il a écarté les moyens de nullité tirés de l'irrégularité du bon de commande.
Aux termes des articles L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation, les ventes et fournitures de services conclues à l'occasion d'une commercialisation hors établissement doivent faire l'objet d'un contrat dont un exemplaire est remis au client et notamment comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
- les informations relatives à son identité, ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte,
- le cas échéant, son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
- les informations relatives notamment aux garanties légales et aux modalités de mise en oeuvre des garanties et autres conditions contractuelles,
- les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du bien ou service concerné,
- le prix du bien ou du service,
- les modalités de paiement,
- en l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service,
- la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation,
- lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit, ainsi que le formulaire type de rétractation,
- le numéro d'inscription du professionnel au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers,
- s'il est assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et identifié par un numéro individuel en application de l'article 286 ter du code général des impôts, son numéro individuel d'identification,
- l'éventuelle garantie financière ou assurance de responsabilité professionnelle souscrite par lui, - les coordonnées de l'assureur ou du garant ainsi que la couverture géographique du contrat ou de l'engagement.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L 221-5.
Selon cet article, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat.
C'est à bon droit que l'appelante soutient que le formulaire détachable de rétractation ne respecte pas les modalités prescrites.
En effet, le formulaire détachable de rétractation fait partie intégrante du bon de commande, de sorte que la séparation éventuelle du formulaire de rétractation a pour effet nécessairement d'amputer le contrat qui mentionne en l'espèce, au recto, l'attestation de TVA, les garanties, la signature de Mme [P] et celle du vendeur.
Or, l'amputation partielle du contrat par l'usage du bordereau de rétractation est bien une cause de nullité de la convention, nonobstant son anéantissement, dès lors que la préservation du contrat dans son intégralité est nécessaire pour l'exercice même du droit de rétractation en démontrant la réalité de l'engagement initialement souscrit.
Au surplus, la cour relève que le « coupon détachable pour annulation de commande » figurant au contrat de vente n'est pas conforme au formulaire type figurant à l'annexe à l'article R 221-1 du code de la consommation, puisqu'il traite d'annulation du contrat et non d'exercice du droit de rétractation.
La société CA Consumer Finance ne saurait utilement soutenir que la sanction encourue, lorsque le bordereau de rétractation comporte des irrégularités, est la prorogation du délai de rétractation de douze mois, dès lors que la prorogation du délai de rétractation prévue par l'article L 221-20 du code de la consommation n'est pas exclusive du droit pour le consommateur de demander l'annulation du contrat en vertu de l'article L 221-19.
En outre, il résulte du bon de commande laissé en possession de Mme [P] par la société Helios Expert Technologies, que la marque de l'onduleur n'est pas précisée. La marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en oeuvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
Il apparaît en conséquence que le bon de commande se trouvait entaché d'irrégularités lui faisant encourir la nullité.
La société CA Consumer Finance soutient que ces irrégularités ne seraient sanctionnées que par une nullité relative que les époux [P] auraient renoncé à invoquer en ayant pris connaissance des conditions générales de vente, en n'émettant aucune contestation à réception de la facture comportant l'intégralité des caractéristiques des biens et de leur prix, en poursuivant les contrats, en réglant les échéances de crédit et en utilisant les matériels.
Cependant, la confirmation d'une obligation entachée de nullité est subordonnée à la conclusion d'un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice affectant l'obligation et l'intention de le réparer, sauf exécution volontaire après l'époque à laquelle celle-ci pouvait être valablement confirmée.
Il en résulte au cas d'espèce que le fait que Mme [P], en signant le bon litigieux, reconnaisse 'avoir pris connaissance des conditions générales de vente figurant au verso du présent bon de commande' et avoir reçu l'exemplaire muni du bordereau de rétractation ne peut suffire à établir, en l'absence de circonstances qu'il appartient au juge de relever, que Mme [P] a eu connaissance des irrégularités affectant le bon et a entendu, en pleine connaissance de cause, renoncer à la nullité du contrat, étant au surplus relevé que les conditions générales ne reproduisent nullement notamment les dispositions des articles L. 221-9, L. 221-5, L. 111-1, R. 111-1 et R. 111-2 du code de la consommation (mais celles des articles L 217-4 et L 217-5, L 217-12, L 217-16 du code de la consommation) et mentionnent un délai de rétractation de 14 jours à compter de la signature du contrat et non à compter de la livraison.
Or, en l'occurrence, aucun acte ne révèle que, postérieurement à la conclusion du contrat, les époux [P] ont eu connaissance de la violation du formalisme imposé par le code de la consommation. L'absence d'opposition à la livraison du matériel et à la réalisation des travaux ne suffisent pas à caractériser qu'ils ont, en pleine connaissance de l'irrégularité du bon de commande, entendu renoncer à la nullité du contrat et qu'ils ont manifesté une volonté non équivoque de couvrir les irrégularités du document.
Il convient donc pour la cause de nullité sus-évoquée, écartant le moyen tiré de la confirmation du contrat irrégulier invoqué par la banque, sans qu'il soit utile d'examiner les autres moyens de nullité invoqués par l'appelante, d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [P] et de prononcer la nullité du contrat de vente.
Le contrat de vente étant annulé, les parties doivent être remises en l'état, où elles se trouvaient antérieurement à la vente. La nullité donne ainsi lieu à des restitutions réciproques, ce qui implique que le vendeur doit restituer le prix et l'acquéreur le matériel, ce dernier devant être laissé à la disposition du liquidateur pour la reprise.
Eu égard à la liquidation judiciaire de la société Helios Expert Technologies, la reprise du matériel de protection de l'installation photovoltaïque par le liquidateur judiciaire de cette société est très hypothétique. Il n'y a donc pas lieu de mettre à la charge de la SELAFA MJA, es-qualités, cette reprise.
En raison de l'obligation à restitution réciproque résultant de l'annulation du contrat de vente, Mme [P], qui a produit sa déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Helios Expert Technologies, est fondée à solliciter la fixation de sa créance au passif de ladite société à hauteur de 12 800 € correspondant au prix de vente.
- Sur la nullité du contrat de prêt
Aux termes de l'article L.312-55 du code de la consommation dans sa rédaction applicable, le contrat de prêt affecté est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Il n'est pas contesté que le contrat de prêt est accessoire à une vente ou à une prestation de services. En raison de l'interdépendance des contrats, l'annulation du contrat principal conclu avec la société Helios Expert Technologies emporte annulation de plein droit du contrat accessoire de prêt conclu avec la société CA Consumer Finance.
Il est de principe que l'annulation du contrat de crédit, consécutive à celle du contrat principal, emporte restitution par l'emprunteur au prêteur du capital que celui-ci a versé au vendeur à la demande de l'emprunteur.
Cependant, il est également de principe que le consommateur peut opposer au prêteur les fautes de ce dernier qui lui occasionnent un préjudice.
Mme [P] soutient que la société CA Consumer Finance a commis une faute la privant de sa créance de restitution en finançant une opération irrégulière, en ne vérifiant pas la conformité du bon de commande au regard des dispositions d'ordre public du démarchage à domicile. Elle lui reproche également d'avoir procédé de manière fautive au déblocage des fonds.
La société CA Consumer Finance soutient qu'elle n'a commis aucune faute de nature à la priver de sa créance de restitution.
Il est constant que le prêteur commet une faute lorsqu'il libère la totalité des fonds alors qu'à la simple lecture du contrat de vente, il aurait dû constater que sa validité était douteuse au regard des dispositions protectrices du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.
Or, il a été précédemment relevé que le bon de commande comporte des irrégularités formelles apparentes précisées ci-dessus qui auraient dû conduire la banque, professionnelle des opérations de crédit, à ne pas libérer les fonds entre les mains du vendeur avant d'avoir à tout le moins vérifié auprès de Mme [P] qu'elle entendait confirmer l'acte irrégulier. En versant les fonds entre les mains du vendeur, sans procéder à des vérifications complémentaires sur la régularité formelle de ce bon de commande, elle a commis une faute de nature à la priver du droit d'obtenir le remboursement du capital prêté.
Contrairement à ce que soutient l'appelante, il est indifférent que l'attestation de livraison, qui est destinée au prêteur, ait été signée par M. [P] seul (et non Mme [P]), dès lors que les époux [P] étaient tous deux co-emprunteurs et tenus solidairement au remboursement du prêt.
D'autre part, le prêteur, qui n'a pas à assister l'emprunteur lors de l'exécution du contrat principal, ni à vérifier le bon fonctionnement d'une installation exempte de vice ou la conformité du matériel livré aux stipulations contractuelles, ne commet pas de faute lorsqu'il libère les fonds au vu d'une attestation de livraison qui lui permet de s'assurer de l'exécution complète du contrat principal.
Or, en l'espèce, M. [P] a signé l'attestation de livraison le 15 février 2020 sans émettre aucun commentaire (alors que la rubrique était prévue) ainsi que la demande de financement datée du même jour qui mentionne expressément que 'le bien et/ou la prestation de services financé(e) pour un montant de 12 300 € par une offre de crédit acceptée par l'acheteur le 04/02/2020 a été livré ou exécutée, et au surplus est conforme au bon de commande et/ou à la facture'. Sur cette attestation, M. [P] a apposé sa signature juste après la mention selon laquelle il a reconnu avoir 'bénéficié de la livraison du bien et ou de l'exécution de la prestation, telle que prévue et à son entière disposition' et il a demandé le financement correspondant.
Mme [P] ne saurait utilement prétendre que la société Consumer Finance aurait débloqué les fonds le 14 février 2020, date de la facture émise par la société Hélios, dès lors qu'il ressort du courrier de la société CA Consumer Finance du 26 février 2020 et du justificatif de déblocage des fonds que ceux-ci ont bien été débloqués le 26 février 2020 et non le 14 ou le 15 février 2020, même si la facture mentionne un paiement au 14 février 2020 tout en précisant 'mode de paiement : paiement financement'.
S'il est exact que les fonds ont été débloqués avant l'expiration du délai de rétractation, le 26 février 2020, le déblocage des fonds entre les mains du fournisseur ne privait, en soi, nullement Mme [P] de sa faculté de rétractation dans le délai de 14 jours qui commençait à courir à compter du 15 février, date de l'attestation de livraison, et au surplus, rien ne démontre que celle-ci ait effectivement tenté de le faire avant le 29 février 2020, la première contestation de l'opération litigieuse n'ayant été élevée que par l'assignation délivrée le 15 septembre 2021, étant précisé que si Mme [P] a communiqué un courrier du conciliateur de justice en date du 7 janvier 2021 qui récapitule leur entretien du 6 janvier 2021, elle n'a produit aucune pièce justifiant de la suite donnée à cette entrevue.
La banque fait valoir à juste titre que la dispense de remboursement du capital prêté est subordonnée à la démonstration par l'emprunteur de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur.
Or, en l'espèce, Mme [P], qui prétend uniquement que son préjudice est constitué par le prix de l'installation litigieuse et le remboursement du prêt, se contente de soutenir que les fautes de la société CA Consumer Finance doivent être consacrées et que celle-ci doit être déchue de son droit à solliciter la restitution du capital.
Ce faisant, Mme [P] n'allègue ni ne caractérise l'existence d'un préjudice en lien avec la faute de la banque.
Mme [P] invoque également un manquement de la banque à son devoir de mise en garde.
Contrairement à ce qu'allègue Mme [P], la société CA Consumer Finance a eu connaissance des ressources financières du couple au moment de la demande de financement autrement que par le biais de leur avis d'imposition. En effet, il convient de relever que suivant les mentions de la fiche de dialogue 'revenus et charges' remplie le 4 février 2020, Mme [P], qui a certifié l'exactitude des renseignements et déclaré ne pas avoir de plan de surendettement, a indiqué être retraitée, mariée, sans enfant, propriétaire depuis avril 1985 et percevoir une pension de 1 450 €. M. [P] a quant à lui déclaré être également retraité et percevoir une pension de 1 100 €.
Ni l'un ni l'autre n'a fait état de remboursement de loyers ou crédits immobiliers ou de crédits à la consommation. Mme [P] ne saurait donc se prévaloir du caractère incomplet de la déclaration de charges.
Au vu de ces éléments, il apparaît que le financement de l'installation (152,54 €/mois pendant 125 mois) faisait porter les charges du couple à 5,98 % de ses revenus de sorte que l'octroi du prêt à Mme [P] ne l'exposait pas à un risque d'endettement excessif et que Mme [P] ne saurait dès lors prétendre à indemnisation par le prêteur au titre d'un manquement au devoir de mise en garde.
Enfin, Mme [P] ne produit aucun élément de nature à établir que le vendeur ne les a pas informés de la souscription d'un crédit à la consommation concomittament à la signature du bon de commande et qu'il aurait rempli 'le document de manière à donner une apparence acceptable à leur situation personnelle et financière' en n'inscrivant aucune donnée financière.
Dans ces conditions, en l'absence de démonstration par Mme [P] de l'existence d'un préjudice en lien causal avec la faute du prêteur, sa demande de dispense de restitution du capital emprunté ne peut prospérer.
Mme [P] sera donc, après réformation du jugement attaqué de ce chef, condamnée à restituer le capital emprunté de 12 800 euros, sauf à déduire l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs au cours de la période d'exécution du contrat de prêt, la cour n'étant pas en mesure de fixer le montant des échéances réglées au jour du présent arrêt, la société CA Consumer Finance n'ayant produit aucun historique de compte.
Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, Mme [P] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 5 000 € en réparation des préjudices subis.
Enfin, seul le prêteur peut revendiquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 312-56 du code de la consommation de sorte que la demande de Mme [P] tendant à obtenir la garantie du vendeur pour le remboursement des sommes dues au prêteur ne peut prospérer, étant au surplus rappelé que celui-ci a été placé en liquidation judiciaire.
- Sur la demande de délais de paiement
Mme [P] sollicite des délais de paiement dans la limite de deux années pour s'acquitter des sommes qui seraient mises à sa charge.
Toutefois, les éléments justifiant de son impossibilité économique à s'acquitter de la somme due sont relatifs à ses ressources et charges en 2021-2022.
Mme [P] ne produit aucun élément actualisé sur sa situation justifiant l'octroi de délais. En conséquence, elle ne peut qu'être déboutée de sa demande de délais.
- Sur les demandes accessoires
La décision déférée étant infirmée en ses principales dispositions et les contrats de vente et de prêt annulés, la SELARL ASTEREN, prise en la personne de Me [X], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Helios Expert Technologies et la SA CA Consumer Finance seront condamnées aux dépens de première instance et d'appel.
Compte tenu de la solution apportée au litige, il n'y a néanmoins pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [P] et la société SA CA Consumer Finance sont déboutées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement rendu le' 26 juillet 2023 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes';
Statuant à nouveau :
Prononce la nullité du contrat de vente de matériel de protection de panneaux photovoltaïques conclu le 4 février 2020 entre madame [H] [P] et la société Sasu Helios Expert Technologies;
Prononce la nullité du contrat de crédit affecté souscrit le même jour entre madame [H] [P] et la SA CA Consumer Finance ;
Fixe la créance de madame [H] [P] au passif de la société Sasu Helios Expert Technologies à la somme de 12 800 euros au titre de la restitution du prix de vente ;
Condamne madame [H] [P] à payer à la société SA CA Consumer Finance la somme de 12 800 euros au titre de la restitution du capital emprunté, sauf à déduire l'ensemble des règlements effectués par les emprunteurs au cours de la période d'exécution du contrat de prêt;
14
Déboute madame [H] [P] de ses demandes de déchéance du droit à solliciter la restitution du capital emprunté, de dommages et intérêts formées à l'encontre de la SA CA Consumer Finance et de délais de paiement ;
Y ajoutant,
Déboute madame [H] [P] et la SA CA Consumer Finance de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SELARL ASTEREN, prise en la personne de Me [E] [X], es qualité de liquidateur judiciaire de la société Sasu Helios Expert Technologies et la SA CA Consumer Finance aux dépens de la procédure de première instance et d'appel ;
Rejette les autres demandes.
LE GREFFIER LE PRESIDENT