Cass. com., 26 novembre 2025, n° 24-17.631
COUR DE CASSATION
Autre
Rejet
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 16 mai 2024), par un acte du 15 novembre 2016, la Banque populaire du Nord (la banque) a accordé à la société Isapaul (la société) un prêt d'un montant de 80 000 euros, garanti par le cautionnement consenti le 16 novembre 2016 par Mme [Z], épouse [U] (Mme [U]), à hauteur de 40 000 euros.
2. Par un acte du 16 juillet 2019, la banque a accordé à la société un second prêt, d'un montant de 10 000 euros, garanti par le cautionnement consenti le même jour par Mme [U] à hauteur de 12 000 euros.
3. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en exécution de ses engagements.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, et sur le second moyen, réunis
Enoncé du moyen
4. La banque fait grief à l'arrêt de dire qu'elle ne pouvait se prévaloir des contrats de cautionnement conclus les 16 novembre 2016 et 16 juillet 2019 par Mme [U] et, en conséquence, de rejeter l'ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ qu'un créancier professionnel n'est déchu de son droit de se prévaloir d'un engagement de caution que si cet engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution ; que la disproportion du cautionnement aux biens et revenus de la caution s'apprécie au regard du montant de l'engagement, de la valeur du patrimoine et du montant des revenus de la caution ainsi que de son endettement global ; que la cour d'appel a retenu que Mme [U] disposait, à la date de la souscription de son engagement de caution du 16 novembre 2016 à hauteur de 40 000 euros, outre d'un revenu mensuel net de charges de 2 176,21 euros (3 162 – 162,53 – 223,20 – 600), d'un patrimoine d'un montant total de 39 342 euros, correspondant à 3 000 euros d'assurance-vie, 10 000 euros de valeur des parts de l'EURL [U], d'un compte courant d'associé créditeur de 16 342 euros et 10 000 euros de valeur des parts de la société Isapaul, ce dont il se déduisait que toute disproportion de l'engagement de caution, limité à 40 000 euros, était exclue au regard notamment de la consistance du patrimoine de la caution ; qu'en jugeant qu'au regard de ces éléments, le cautionnement souscrit à hauteur de 40 000 euros par Mme [U] était, au jour de sa souscription, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation, applicable à la cause ;
2°/ que la disproportion manifeste d'un engagement de caution s'infère de la comparaison entre le montant de l'engagement litigieux et les revenus et le patrimoine de la caution, dont les parts sociales détenues par cette dernière, au jour de son engagement, dans le capital d'une société, font partie ; que la valeur des parts sociales dont est titulaire la caution dans le capital d'une société doit prendre en compte l'ensemble des éléments d'actif de cette société, comprenant notamment ceux qui composent le fonds de commerce lui appartenant ; qu'en retenant, pour juger qu'au jour de sa souscription le cautionnement souscrit par Mme [U] le 16 novembre 2016
à hauteur de 40 000 euros était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, que l'EURL [U] étant une personnalité morale distincte, son patrimoine n'avait pas à se confondre avec celui de Mme [U], de sorte que la valeur du fonds de commerce de 55 000 euros de l'EURL n'était pas un élément à prendre en compte dans l'appréciation de la disproportion ou non du cautionnement souscrit par Mme [U], la cour d'appel a violé l'article L. 332-1 du code de la consommation, applicable à la cause ;
3°/ que la cour d'appel ayant tiré le caractère disproportionné du cautionnement souscrit par Mme [U] le 16 juillet 2019 du caractère disproportionné du cautionnement que celle-ci avait souscrit le 16 novembre 2016, la cassation à intervenir du chef du dispositif de l'arrêt attaqué ayant dit que la Banque populaire du Nord ne pouvait se prévaloir du contrat de cautionnement conclu le 16 novembre 2016 emportera, en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation par voie de conséquence du chef du dispositif de l'arrêt attaqué ayant dit que la Banque populaire du Nord ne pouvait se prévaloir du contrat de cautionnement conclu le 16 juillet 2019 ;
4°/ qu'un créancier professionnel n'est déchu de son droit de se prévaloir d'un engagement de caution que si cet engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux biens et revenus de la caution ; que l'ensemble des biens et revenus de la caution au jour de son engagement doivent être pris en compte pour apprécier l'existence d'une éventuelle disproportion manifeste dudit engagement ; que, pour juger, qu'au jour de sa souscription, le cautionnement souscrit par Mme [U] le 16 juillet 2019 à hauteur de 12 000 euros était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, la cour d'appel a retenu que cette dernière disposait, à la date de la souscription de son engagement de caution, d'un revenu mensuel de 2 931 euros et assumait, au titre de ses charges, un loyer de 600 euros par mois et un remboursement d'emprunts de 790 euros par mois, et qu'il convenait de tenir compte également du précédent cautionnement souscrit le 16 novembre 2016 ; qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé par la banque, si le patrimoine de Mme [U], consistant en la valeur de l'intégralité des parts sociales de l'EURL [U] exploitant un fonds de commerce valorisé à la somme de 55 000 euros, la valeur de l'intégralité des parts sociales de la société Isapaul et une créance en compte courant d'associé d'un montant de 17 627 euros, ne lui permettait pas, au jour de son engagement, de faire face à son engagement de 12 000 euros, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 332-1 du code de la consommation, applicable à la cause. »
Réponse de la Cour
5. Sous le couvert de griefs non fondés de manque de base légale et de violation de la loi, les moyens ne tendent qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des juges du fond du caractère manifestement disproportionné du cautionnement aux biens et revenus de la caution.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Banque populaire du Nord aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Banque populaire du Nord et la condamne à payer à Mme [Z], épouse [U], la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé publiquement le vingt-six novembre deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.