CA Orléans, ch. civ., 25 novembre 2025, n° 23/01898
ORLÉANS
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'ORLÉANS
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/11/2025
la SELARL ARCOLE
Me Nicolas FORTAT
ARRÊT du : 25 NOVEMBRE 2025
N° : - 25
N° RG 23/01898 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2YZ
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 15 Juin 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265298423757934
Monsieur [R] [E]
né le 04 Mars 1984 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Anne-sophie LERNER de la SELARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
Madame [B] [Z]
née le 24 Mai 1987 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-sophie LERNER de la SELARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°:1265292954980869
Madame [W] [P]
née le 27 Janvier 1973 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Nicolas FORTAT, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :24 Juillet 2023
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 octobre 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Mme Nathalie LAUER, Président de chambre,
M. Laurent SOUSA, Conseiller, en charge du rapport,
Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 octobre 2025, ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 25 novembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 2 janvier 2017, Mme [P] a vendu à M. [E] et Mme [Z], un bien à usage d'habitation situé [Adresse 2], constitué d'une partie modulaire, et d'une extension édifiée en béton par la venderesse.
Se plaignant de désordres, les acquéreurs ont sollicité une expertise judiciaire, qui a été ordonnée par le juge des référés le 12 décembre 2017. L'expert judiciaire, M. [Y], a déposé son rapport définitif le 19 novembre 2019.
Le 28 septembre 2020, M. [E] et Mme [Z] ont fait assigner Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Tours aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices sur le fondement des vices cachés, et à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale.
Sur incident, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande fondée sur les dispositions de l'article 1641 du code civil pour cause de forclusion.
Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal judiciaire de Tours a :
- rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de l'obligation de délivrance ;
- rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de la garantie décennale du constructeur ;
- condamné M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens et accordé à Me [T], membre de la SARL Arcole le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
Par déclaration du 24 juillet 2023, M. [E] et Mme [Z] ont interjeté appel de tous les chefs du jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, M. [E] et Mme [Z] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire et juger que Mme [P] n'a pas délivré la chose convenue ;
- condamner Mme [P] à les indemniser de leurs préjudices ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu'en qualité de constructeur, Mme [P] a engagé sa responsabilité décennale à leur égard ;
- condamner Mme [P] à les indemniser de leurs préjudices ;
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que Mme [P] a engagé sa responsabilité contractuelle et/ou a commis un dol à leur égard ;
- condamner Mme [P] à les indemniser de leurs préjudices ;
En conséquence, et en toute hypothèse,
- condamner Mme [P] à leur régler les sommes suivantes :
. travaux de reconstruction/démolition : 230 015 euros avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ;
. frais de déménagement et emménagement : 5 000 euros avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ;
. préjudice de jouissance jusqu'au paiement des condamnations à intervenir : 500 euros par mois depuis le 2 janvier 2017 ;
. préjudice de jouissance pendant les travaux de démolition / reconstruction : 2 000 euros par mois pendant 12 mois, soit 24 000 euros ;
. préjudice moral : 20 000 euros ;
- condamner Mme [P] au paiement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de référés et d'expertise ;
- accorder à Maître Anne-Sophie Lerner membre de la SARL Arcole le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2024, Mme [P] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il : rejette les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de l'obligation de délivrance et sur le fondement de la garantie décennale du constructeur ; condamne M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens ;
- infirmer le chef du jugement du jugement qui dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant par l'effet dévolutif de l'appel sur le chef de jugement entrepris,
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre des frais de première instance ;
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive ;
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] aux entiers dépens d'appel ;
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] à payer, au titre des frais d'appel et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur l'obligation de délivrance
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que le bien est constitué d'une partie modulaire et d'une extension en béton cellulaire rajoutée par Mme [P] et construite par elle-même pour la vente ; que la description du bien dans l'acte de vente fait état de la vente d'une maison d'habitation, alors que le bien vendu n'est pas constitutif d'une maison d'habitation ; que l'expert judiciaire a indiqué que les bungalows ne sont pas conçus pour l'habitation « ou tout du moins durable » ; que le défaut de conformité était caché puisqu'ils n'ont découvert le fait que la chose achetée n'était pas une maison dans le rapport de M. [Y] ; qu'ils rapportent la preuve de ce que la chose délivrée n'est pas conforme à celle indiquée dans l'acte de vente, puisque des bungalows ne peuvent être constitutifs d'une maison d'habitation, et que la venderesse a ainsi manqué à son obligation de délivrance conforme ; qu'un bien, pour être constitutif d'une construction, doit être un ouvrage fixe, pérenne et apte à remplir sa fonction, laquelle est déterminée concernant la destination d'habitation comme étant soit un logement, soit un hébergement ; que l'expert judiciaire indique clairement que le bien vendu n'est ni fixe, ni pérenne, et n'est dès lors pas constitutif d'une construction et que de plus, ne peut en aucun cas remplir une destination d'habitation, puisque le bien est un bungalow, bien qui n'est pas conçu pour l'habitation ; que l'article R.111-42 du code de l'urbanisme dispose que les résidences mobiles de loisirs ne peuvent être installées que dans les parcs résidentiels de loisirs spécialement aménagés à cet effet, dans les villages de vacances classés en hébergement léger et dans les terrains de camping régulièrement créés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que s'ils ont accepté d'acquérir la partie modulaire, ils ne pouvaient à aucun moment se douter que cette partie modulaire ne saurait en aucun cas constituer une maison d'habitation ; qu'il y a un défaut de conformité en ce que le bien vendu n'est pas constitutif d'une maison d'habitation, puisque le bien n'est ni fixe, ni pérenne, ni apte à remplir sa fonction d'habitation ; que Mme [P] se fonde sur l'autorisation d'urbanisme qui a changé la destination des locaux de bureaux en maison d'habitation pour justifier que le bien livré serait bien conforme ; que, cependant, l'autorisation d'urbanisme ne vérifie pas le respect des dispositions du code civil et ne concerne ni les règles de droit privé, ni le respect du règlement sanitaire départemental, ni la bonne conception du bâtiment au titre du code de la construction et de l'habitation, ni le respect des règles issues du code de la construction et de l'habitation ; que l'autorisation d'urbanisme répond uniquement à la demande formulée au visa des règles d'urbanisme ; que le permis de construire modificatif ne modifie en rien le fait que le bien livré n'est pas une maison d'habitation ; qu'il ressort très clairement de l'acte de vente que le toit restait à végétaliser, alors qu'il résulte du rapport d'expertise que la structure ne pourrait en aucun cas supporter une végétalisation du toit ; que l'acte de vente mentionne qu'une réduction de 5 000 euros a été négociée, uniquement s'agissant du non-respect de la RT 2012 ; que cette réduction de prix en raison de l'absence de RT 2012 n'influence en rien le défaut de délivrance conforme allégué ; que la venderesse a, de fait, engagé sa responsabilité contractuelle et ils sont fondés à demander la réparation de ce préjudice sur le fondement des articles 1603, 1147 et 2224 du code civil ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté leurs demandes.
Mme [P] réplique que l'obligation de délivrance conforme s'apprécie conformément aux stipulations contractuelles contenues au sein même du contrat de vente ; qu'une maison d'habitation s'entend d'un bâti dédié à l'habitation et ne s'apprécie pas en fonction de ses caractéristiques techniques, dispositions constructives ou encore architecturales ; que l'acte authentique de vente stipule que la vente porte sur une maison d'habitation dont les caractéristiques sont rappelées, à savoir qu'elle est construite en éléments modulaires avec extension en béton creux, décomposée en une partie modulaire et une extension ; que les demandeurs à l'instance ont donc acquis, en parfaite connaissance de cause, un bien dont ils connaissaient, déjà avant même la date de la vente, la composition et les caractéristiques techniques ; que la cour ne pourra que constater qu'il n'existe, dans le cadre de la vente litigieuse, strictement aucun défaut de conformité, ceci dès lors que la vente a été négociée en parfaite connaissance de cause ; que les acquéreurs ne peuvent aujourd'hui prétendre que le bien ne serait pas habitable, alors qu'ils l'habitent depuis plus de 7 années, et que le prétendu caractère inhabitable de la maison résulte ni plus ni moins que de leur choix délibéré de ne pas réaliser les travaux en prévision desquels ils ont négocié de multiples rabais sur le prix de vente ; que l'absence de conformité du bien à sa destination relève exclusivement du domaine des vices cachés ; que les demandeurs ne peuvent donc pas soutenir qu'ils pourraient agir sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme lorsque la chose s'est révélée impropre à l'usage auquel elle était destinée sur la foi du rapport de [Y] ; qu'il n'a jamais relevé de la mission de l'expert [Y], définie par référence aux vices identifiés par l'expert [V], de se prononcer sur d'éventuels défauts de conformité ; que les demandeurs ne peuvent pas extrapoler les propos de l'expert [Y] pour leur donner un sens qu'ils n'ont pas, et ne peuvent pas non plus se prévaloir des caractéristiques techniques du bâti pour soutenir qu'il ne s'agirait pas d'une maison d'habitation alors que des maisons sont aujourd'hui réalisées dans des containers ; que sur le plan urbanistique, un changement de destination des bâtis modulaires a été accordé par le maire de la commune de [Localité 8] ; que les demandeurs soutiennent que le bien ne serait pas une maison en ce qu'il ne s'agirait pas d'un ouvrage fixe et pérenne, alors qu'ils formulent des demandes sur le fondement de la garantie décennale ; que contrairement à ce que les demandeurs soutiennent, l'expert n'a jamais écrit qu'il ne s'agissait pas d'une maison d'habitation puisqu'il a juste précisé que le mode de fondations ne discrimine pas les bâtiments entre eux et reconnaît que la maison a été élaborée à l'aide de techniques relevant de la construction en ayant recours à des fondations en forme de massifs en béton ; que le bien délivré est conforme au règlement sanitaire départemental et à sa destination et les demandeurs ne peuvent pas désormais remettre en cause la destination d'habitation sous le prétexte de l'existence de malfaçons et de désordres relevant des vices cachés ; que les appelants ont visité cette maison et ont obtenu tous les renseignements techniques, de sorte qu'ils avaient la pleine connaissance de ce que la maison acquise n'avait pas les caractéristiques d'une maison traditionnelle avec des fondations ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et Mme [Z] sur le fondement de la délivrance conforme.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a l'obligation de délivrer la chose qu'il vend. L'article 1604 du code civil dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'obligation de délivrance s'apprécie au jour de la vente au regard des stipulations contractuelles.
En l'espèce, l'acte de vente stipule :
« L'acquéreur déclare parfaitement connaître lesdits biens pour les avoir visités en vue du présent et s'être entouré de tous les éléments d'informations nécessaires à tous égards.
Désignation
Commune de [Localité 8]
Une maison d'habitation modulaire avec extension en béton creux situé(e)
[Adresse 2].
Composée comme suit :
Partie modulaire : salon séjour ouvert sur cuisine, deux chambres,
Extension : deux chambres, wc, salle d'eau, buanderie »
Dans la partie « permis de construire », l'acte énonce également :
« 1°) La bâtiment modulaire initial a fait l'objet :
- d'un permis de construire délivré le 26 juillet 1999 sous le numéro PC3725799600l2 dont une copie demeurera annexée aux présentes avec le dossier de demande (annexe 6), transféré aux vendeurs de Madame [P] par arrêté du 30 septembre 1999 numéro PC372S79960012 1 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 7).
- d'un certi'cat de conformité délivré par monsieur le maire de [Localité 8] le 24 février 2000 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 8).
2°) Le changement de destination de l'immeuble objet des présentes de bureau en habitation et l'extension ont fait l'objet :
- d'un permis de construire délivré par la mairie de [Localité 8] sous le n° PC 0372571420026 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 9),
- d'un permis de construire modi'catif délivré par monsieur le maire de [Localité 8] le 22 octobre 2015 sous le n° PC0372571420026M01 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 10),
- d'une déclaration d'ouverture de chantier en date du 28 mai 2015 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 11),
- d'une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux reçue en mairie le 23 septembre 2016 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 12),
- d'une attestation de non contestation de la conformité établie par la mairie de [Localité 8] le 26 décembre 2016 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 12 bis).
Le vendeur déclare néanmoins qu'il n'a pas réalisé le toit végétalisé dont la réalisation sera à la charge et sous la responsabilité de l'acquéreur ».
Il n'est pas contesté que le bien délivré par la venderesse comportait une partie modulaire et une extension en béton creux. Les acquéreurs allèguent en revanche le fait que le bien vendu ne constitue par une maison d'habitation sur le fondement du rapport d'expertise judiciaire de M. [Y] qui mentionne notamment :
« Nous éprouvons une 'difficulté' pour appuyer notre analyse sur les bases et principes qui régissent le mode constructif d'une habitation, affectés à un immeuble pour lesquels un bungalow échappe par nature
Cas du bâtiment [A]
[...]
Les bungalows à notre connaissance ne sont pas conçus pour de l'habitation ou tout du moins durable.
Les parpaings de béton cellulaire de 10 cm d'épaisseur ne sont pas conçus pour des murs porteurs ».
L'expert évoque ainsi le caractère singulier de la mission d'expertise portant sur une opération de construction alors que le bien concerné porte en partie sur des bungalows aménagés à usage d'habitation. L'avis de l'expert quant à la difficulté à réaliser sa mission au regard de l'existence de la partie du bien composée de bungalows, ne peut établir l'existence d'un manquement du vendeur à son obligation de délivrance, alors que le bien a été utilisé par les acquéreurs aux fins d'habitation.
Surtout, il est établi que la commune a autorisé le changement de destination de la partie modulaire à usage de bureaux en usage d'habitation, de sorte que le bien était régulièrement affecté à cet usage. M. [E] et Mme [Z] qui ont visité les lieux et avaient connaissance d'une partie du bien en éléments modulaires, ont fait le choix d'acquérir le bien en étant en possession de la décision autorisant l'affectation du bien à usage d'habitation.
Il s'ensuit que le bien délivré est conforme aux stipulations contractuelles de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] fondées sur l'obligation de délivrance.
II- Sur la garantie décennale
A- Sur l'application de la garantie
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que Mme [P] est intervenue en qualité de constructeur sur l'immeuble vendu ; que le bien vendu présente énormément de défauts constructifs qui ne permettent en aucun cas de rendre la maison conforme à sa destination, à savoir l'habitation ; que l'expert judiciaire fait état de l'impropriété à destination de l'ouvrage, comme ne pouvant recevoir la destination de maison d'habitation ; que le vendeur d'un immeuble dans lequel il a été procédé à des travaux de rénovation peut être déclaré responsable, envers les acquéreurs, des désordres affectant cet immeuble, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un contrat de louage d'ouvrage ou de maîtrise d''uvre, dès lors que l'importance des travaux réalisés les assimile à des travaux de construction d'un ouvrage ; que si la responsabilité décennale n'a pas vocation à s'appliquer lorsque les travaux ne sont pas achevés, cela est relatif au cas particulier d'un immeuble en cours d'achèvement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'ils ne formulent aucune demande sur le fondement décennal concernant la toiture végétalisée mais sur la structure qui était censée accueillir celle-ci et qui, elle a été achevée comme l'atteste la déclaration de fin de travaux ; qu'en contradiction avec le principe d'estoppel, Mme [P] invoque l'inachèvement des travaux, alors qu'elle a déposé en mairie une déclaration attestant la fin des travaux à compter du 23 septembre 2016 ; que s'agissant de la couverture, le désordre de nature décennale n'est pas l'absence d'ouvrage végétalisé, mais l'impossibilité pour la structure porteuse de la toiture de supporter le poids d'une végétalisation ; que le seul lot n'ayant pas fait l'objet d'une réception est le lot végétalisation de la toiture, et uniquement celui-ci ; que les autres lots ont tous été réceptionnés et sont soumis à la garantie décennale ; que sur l'enveloppe périphérique du bâtiment A (4 Algeco), l'expert judiciaire indique que les parpaings de béton cellulaire sont de 15 cm d'épaisseur ne sont pas conçus pour des murs porteurs et que l'épaisseur des parois de bungalow, n'assurent pas la résistance thermique requise pour l'habitation ; qu'il a également indiqué que l'immeuble présente un nombre important d'anomalies telles que la non-conformité aux règles de l'art et principes techniques de construction, le non-respect des normes en vigueur et des règles sanitaires ; que l'expert a indiqué émettre une réserve quant à la solidité de l'extension ; qu'il existe bel et bien un désordre de nature décennale ; que s'agissant de la toiture du bâtiment A (4 Algeco), l'expert a relevé la non-conformité de cet ouvrage ; que cette toiture est une enveloppe horizontale composée d'un bac acier à ondes, porté par la structure métallique du bungalow, sans étanchéité ; qu'ils subissent aujourd'hui des infiltrations d'eau dans leur salon ; que les moisissures dispersent dans l'air ambiant des particules pouvant entraîner des problèmes de santé, et lorsque la santé des personnes est en jeu, le désordre relève de la garantie décennale ; que s'agissant du plancher du bâtiment A (4 Algeco), l'expert judiciaire a pu constater que la structure est profondément oxydée et le rapport de performance énergétique décrit un plancher non isolé ; qu'un plancher mal isolé peut entraîner une surconsommation énergétique ; que l'isolation absente ou insuffisante rend l'immeuble impropre à sa destination du fait de l'impossibilité de la chauffer sans exposer des surcoûts ; que par ailleurs, l'oxydation entraîne de la rouille qui met alors en péril la stabilité de la structure ; que la garantie décennale est donc acquise ; que la température de chauffage est insuffisante de sorte que ce désordre relève également de la garantie décennale ; qu'en l'absence de ventilation du logement, la présence de moisissures dans un bâtiment présente un danger pour la santé des occupants, de sorte que l'ouvrage est impropre à sa destination ; que les analyses de l'installation par le diagnostiqueur et l'expert judiciaire, concluent à la dangerosité de l'installation électrique ; que le tableau électrique présente un risque direct d'atteinte à la sécurité des personnes, de sorte que la garantie décennale est acquise ; que lors de la consultation d'entreprises pour réaliser la végétalisation de la toiture, ils ont appris que celle-ci était irréalisable au vu de l'état de la toiture ; qu'il s'agit donc là d'un vice caché constructif puisque Mme [P] n'a, à aucun moment, indiqué que l'ouvrage qu'elle avait réalisé ne pouvait supporter une toiture végétalisée ; que ce désordre relève donc de la garantie décennale ; que l'expert a indiqué que le bardage des façades présente des faiblesses avec un risque d'infiltration, de sorte que ce désordre est également de nature décennale ; que la porte-fenêtre coulissante neuve de la chambre parentale, n'est étanche ni à l'air ni à l'eau, et des ponts thermiques génèrent de la moisissure ; que la présence de moisissures présente un risque pour la santé des habitants, de sorte qu'il s'agit là d'un désordre de nature décennale ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté leurs demandes.
Mme [P] fait valoir qu'aucun contrat de louage d'ouvrage n'a été conclu entre M. [E] et Mme [Z] d'une part, et elle-même d'autre part, de telle sorte que les dispositions de l'article 1792 n'ont pas vocation à s'appliquer dans leurs rapports autrement que par le truchement des dispositions de l'article 1792-1 du code civil ; qu'en l'absence de tout achèvement de l'ouvrage alors vendu, le vendeur ne saurait relever du périmètre des dispositions précitées de l'article 1792-1 du code civil ; qu'il est constant que les travaux réalisés par elle n'étaient nullement achevés à la date à laquelle la maison a été vendue ; que les acquéreurs ne l'ignorent nullement pour avoir justement et en raison de cet état d'inachèvement, négocié de multiples rabais faisant leur affaire personnelle de l'achèvement et de la réalisation des travaux requis à ce titre ; qu'aux termes de l'acte de vente, les acquéreurs ont renoncé à agir à son encontre s'agissant de l'inachèvement des travaux de couverture et du non-respect de la réglementation thermique, incluant nécessairement l'absence de réalisation de la VMC dont les acquéreurs ont fait leur affaire personnelle, mais encore les défauts d'isolation allégués, insuffisante ou non-conforme aux règles de l'art ; que les annexes mettaient en exergue diverses malfaçons et non-conformités, de telle sorte que les demandeurs à l'instance ont décidé d'acheter le bien en parfaite connaissance de cause ; que l'inachèvement des travaux qu'elle a entrepris avant de vendre la maison font irrémédiablement obstacle à toute possibilité pour les acquéreurs à prétendre à quelques réparations que ce soit au titre des vices d'inachèvement, de sorte qu'ils seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes présentées sur le fondement de la garantie décennale ; que la déclaration d'achèvement des travaux ne concerne que les seuls travaux autorisés par le permis de construire, lequel ne contrôle pas l'intégralité de ceux à réaliser et réalisés ; que tous les vices de la maison sont parfaitement connus puisqu'ils ont fait l'objet d'âpres négociations en considération de leur existence ; que, s'agissant de la partie ancienne de la maison modulaire, elle n'a pas réalisé de travaux constitutifs d'un ouvrage mais simplement changé, d'un point de vue urbanistique, la destination de cette construction, le reste relevant des seuls embellissements ; qu'elle ne peut être tenue d'une quelconque garantie décennale sur cette partie ancienne qu'elle n'a pas réalisée ; qu'au surplus, les demandeurs prétendent être en mesure de soutenir être fondés à agir sur le fondement de la garantie décennale en présence d'une réception partielle, mais les conditions d'une telle réception partielle ne sont pas réunies en l'absence de procès-verbal de réception, d'une part, et de démonstration de la réalisation de tranches indépendantes ou formant un ensemble cohérent ; que le bâtiment A a été édifié il y a plus de 10 ans de sorte qu'aucune garantie décennale n'est due ; que la seule non-conformité à la réglementation thermique n'emporte pas de ce seul chef garantie décennale, ceci alors qu'il n'a jamais été allégué que les demandeurs occuperaient un logement particulièrement énergivore qu'ils habitent depuis maintenant plus de 5 années ; qu'elle n'est donc redevable de la garantie décennale à ce titre ; qu'elle n'a pas réalisé de travaux sur le plancher du bâtiment A, de sorte qu'elle est insusceptible de voir une garantie quelconque, encore moins en raison d'une oxydation dont le traitement relève de l'entretien manifestement non réalisé par les acquéreurs ; qu'il n'a jamais été constaté de désordre ou d'insuffisance de température dans ce bâtiment A ; que les acquéreurs ont acheté le bien en pleine connaissance d'une absence de VMC et l'expert judiciaire n'a jamais constaté de moisissure en lien avec une insuffisance de ventilation mais exclusivement en raison de l'absence d'achèvement de l'étanchéité ; que les défauts affectant l'électricité ont été portés à la connaissance des acquéreurs, ainsi qu'ils résultent du diagnostic électricité ; que l'expert n'a pas constaté de désordre structurel du bâtiment B ; que s'il résulte de ses investigations que les acquéreurs doivent renforcer la structure pour réaliser la végétalisation de la toiture, il n'en demeure pas moins qu'ils ont explicitement déclaré faire leur affaire personnelle de cette absence de végétalisation ; qu'il n'a jamais été constaté de désordre décennal en lien avec le bardage ; que s'agissant des menuiseries extérieures, il n'est pas démontré que le désordre allégué ne trouve tout simplement pas son origine dans l'inachèvement de l'étanchéité du toit terrasse ; que l'expert n'a pas constaté que le désordre allégué soit directement à l'origine de moisissure en pied et en cueilli de murs puisque ses propos sont généraux et ont pour seule finalité d'exposer les conséquences de l'absence de talon et de rejingot ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z].
Réponse de la cour
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Aux termes de l'article 1792-1 2° du code civil, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est réputé constructeur de l'ouvrage.
En application de ces dispositions, le vendeur-constructeur est tenu à garantie décennale à compter de l'achèvement qui caractérise l'auto-réception de l'ouvrage.
Le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage constructeur et au jour de la réception, qui correspond pour celui-ci à l'achèvement des travaux, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n 15-24.379, Bull. 2016, III, n° 152 ; 3e Civ., 19 septembre 2019, pourvoi n° 18-19.918).
En l'espèce, l'acte authentique de vente stipule :
« Travaux réalisés depuis moins de dix ans
Madame [P] déclare avoir réalisé par elle-même les travaux suivants depuis son acquisition :
- isolation refaite
- électricité refaite
- plomberie refaite
- sols refaits
- peintures refaites
- bardage
- terrasse
- extension en béton cellulaire ».
Mme [P] qui a elle-même effectué ces travaux avant de revendre le bien, est donc réputée constructeur en application de l'article 1792-1 du code civil.
S'agissant de la date d'achèvement des travaux, il convient de constater que le maire de la commune de [Localité 8] a accordé un permis de construire modificatif à Mme [P] pour la réalisation d'une extension de 40 m². Le 28 mai 2015, Mme [P] a déclaré l'ouverture du chantier à compter du 8 mai 2015. Le 23 septembre 2016, Mme [P] a déclaré l'achèvement de la totalité des travaux. Il s'ensuit que Mme [P] n'est pas fondée à soutenir que les travaux faisant l'objet du permis de construire étaient inachevés lors de la vente.
La venderesse soutient que le prix a été négocié compte-tenu de l'inachèvement des travaux, alors que l'acte de vente mentionne une réduction du prix, causée par la seule non-conformité du bien à la réglementation thermique RT 2012 :
« Sanctions de la non-conformité
Au regard des règles de construction :
Le vendeur déclare que l'extension ne respecte pas la norme RT 2012 ainsi qu'il ressort de la consultation faite auprès du Cridon dont la réponse en date à [Localité 7] du 16 novembre 2016 demeurera annexée aux présentes (annexe 13) ainsi qu'une copie des articles L. 152-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation relatant les sanctions pénales applicables en cas de non-respect de cette nonne (annexe 14).
Une copie de cette consultation a été transmise aux parties le 17 novembre 2016 qui en ont donc eu connaissance préalablement aux présentes.
A titre forfaitaire et purement indemnitaire, le vendeur accepte d'abandonner la somme de cinq mille euros (5 000,00 euros) à l'acquéreur afin d'indemniser celui-ci du préjudice éventuel lié à l'absence de respect de la RT 2012. L'acquéreur s'interdit donc tout recours envers le vendeur dans l'hypothèse où il viendrait à subir un quelconque préjudice lié au non-respect de cette norme ».
Il convient de constater que les désordres invoqués par M. [E] et Mme [Z] ne relèvent pas de la réglementation thermique RT 2012, de sorte que la garantie décennale ne peut être écartée au seul motif de l'acceptation d'une réduction du prix accordée à ce titre.
Le point de départ de la garantie décennale doit donc être fixée au 23 septembre 2016, et les acquéreurs ont agi dans le délai de forclusion. Il convient d'examiner chacun des désordres allégués par les appelants afin de vérifier s'ils relèvent de la garantie décennale de Mme [P].
1- Sur l'enveloppe périphérique du bâtiment A
Les appelants se prévalent à ce titre du fait que les modules ne sont pas dédiés à l'usage d'habitation, ni pour une construction durable et que l'expert judiciaire a indiqué que les parpaings de béton cellulaire de 15 cm d'épaisseur ne sont pas conçus pour des murs porteurs et que l'épaisseur des parois de bungalow, n'assurent pas la résistance thermique requise pour l'habitation.
Il apparaît que les appelants instaurent une confusion entre les parois des éléments modulaires munis de bardage et les murs de l'extension (bâtiment B) réalisés en parpaings.
S'agissant des seules parois des éléments modulaires, il convient de constater que le rapport d'expertise ne mentionne aucune mesure objective des températures à l'intérieur des éléments modulaires, outre le fait que les acquéreurs ont souhaité acquérir le bien à un prix minoré du fait de la non-conformité de l'habitation à la réglementation thermique applicable pour réaliser eux-mêmes les travaux nécessaires. Le désordre n'est donc pas établi.
2- Sur la toiture du bâtiment A
Le rapport d'expertise judiciaire mentionne :
« La toiture, enveloppe horizontale, est composée d'un bac acier à ondes, porté par la structure métallique du bungalow, sans étanchéité.
L'épaisseur relevée est de 13 cm entre le plafond depuis l'intérieur du logement et le creux de l'onde du bac à l'extérieur. 13 cm est une épaisseur très en dessous de la norme, pour pouvoir inclure une isolation conforme à la réglementation thermique.
Nous avons repéré à un endroit du plafond depuis l'intérieur, la présence d'une isolation mince thermo-ré'ecteur De type Triso.
Ce produit ne peut pas se substituer à une isolation de 320 mm pour un R de 7 ou 8 attendu.
Ce produit ne comporte pas non plus de pare-vapeur. La faible épaisseur de cet ensemble, constitue un risque avéré de pont thermique, engendrant des désordres visibles depuis l'intérieur de l'immeuble ».
Il n'est pas établi que Mme [P] ait procédé ou fait procéder aux travaux de couverture des éléments modulaires, de sorte que sa garantie décennale n'est pas applicable à la toiture en bac acier.
3- Sur le plancher du bâtiment A
L'expert judiciaire a indiqué supposer que le plancher est composé de panneaux d'aggloméré hydrofuge situé sous le revêtement et a constaté que la structure est profondément oxydée, outre le fait que le plancher n'est pas isolé.
Toutefois, il n'est pas établi que Mme [P] ait procédé à des travaux portant sur le plancher des éléments modulaires de type Algeco, de sorte que sa garantie décennale n'est pas applicable.
4- Sur le système de chauffage du bâtiment A
Le rapport d'expertise mentionne :
« Nous relevons la présence d'un poêle à granulés, état neuf. Nous avons demandé que nous soit transmise la fiche technique produit. La partie demanderesse a procédé au complément de chauffage en installant des convecteurs dans les pièces éloignées du poêle. Ce dernier ne suf'sant pas à chauffer la totalité du volume ».
L'expert s'est borné à rapporter les déclarations des acquéreurs sur l'insuffisance de l'installation de chauffage sans procéder à aucune mesure de température et d'analyse de la puissance thermique nécessaire pour procéder au chauffage du bâtiment A en éléments modulaires. Le désordre n'est donc pas établi.
5- Sur le système de ventilation du bâtiment A
Le rapport d'expertise mentionne :
« Nous n'avons pas relevé la présence d'un système de ventilation contrôlée (VMC) Elle est inexistante, pourtant à caractère obligatoire même en simple 'ux.
La ventilation naturelle seule par ouverture des fenêtres ne peut satisfaire aux obligations réglementaires sanitaires / Normes DTU 68.1 et 68.2. Et nouveau DTU 68.3 publié en juin 2013 s'appliquant au marché privé.
L'absence d'une ventilation dans une habitation rend celle-ci insalubre.
Elle est à l'origine (l'absence d'une ventilation) d'un taux d'humidité supérieur à la norme, et con'nement, en conséquence de quoi l'apparition des champignons, de salpêtre et autre moisissures est inévitable.
Aucune des menuiseries mises en oeuvre ne comporte une prise de renouvellement d'air ».
Il n'est pas établi que Mme [P] ait procédé ou fait procéder aux travaux portant sur les menuiseries. S'agissant de l'absence de ventilation, celle-ci était connue tant de la venderesse que des acquéreurs. Il résulte des échanges entre les parties, antérieurs à la vente, que les acquéreurs souhaitaient acquérir le bien en l'état pour y installer une VMC et les tuyaux de distribution. Le défaut de ventilation ne relève donc pas de la garantie décennale de Mme [P], mais est imputable aux acquéreurs qui n'ont pas procédé à ces travaux.
6- Sur l'installation électrique du bâtiment A
Le rapport d'expertise judiciaire mentionne plusieurs anomalies de l'installation électrique présentant un risque pour la sécurité de l'habitation : accès direct aux conducteurs, absence d'inter-différentiel de coupure générale à l'intérieur des locaux, raccordement du sèche-serviette non-conforme, distance du bord extérieur du receveur de douche de moins de 60 cm du plafonnier.
Ces anomalies étaient connues de la venderesse et des acquéreurs, aux termes du diagnostic de l'installation électrique annexé à l'acte de vente mentionnant les catégories d'anomalies suivantes : la protection contre les surintensités adaptée à la section des conducteurs, sur chaque circuit ; les règles relatives aux zones dans les locaux comportant une baignoire ou une douche ; des matériels électriques présentant des risques de contacts directs. Le rapport mentionnait également qu'il était préconisé au propriétaire de supprimer les anomalies recensées en contactant un électricien dans les meilleurs délais « afin d'éliminer les dangers qu'elle(s) présente(nt) ».
Il s'ensuit que ces désordres étaient existants dès l'achèvement de l'ouvrage et connus du vendeur constructeur, de sorte qu'ils étaient apparents et ne peuvent relever de la garantie décennale de Mme [P].
7- Sur la structure du bâtiment B
Les appelants soutiennent que l'expert a indiqué qu'ils avaient accepté de faire leur affaire de la toiture végétalisée dans l'ignorance de l'impossibilité technique de réaliser ladite toiture végétale.
L'acte authentique de vente comporte la clause suivante :
« Le vendeur déclare néanmoins qu'il n'a pas réalisé le toit végétalisé dont la réalisation sera à la charge et sous la responsabilité de l'acquéreur ».
Il n'a été constaté aucun désordre lié à l'absence de toit végétalisé rendant le bien impropre à sa destination. Si le permis de construire prévoyait une toiture végétalisée, il n'est pas justifié d'une injonction de la commune portant sur l'absence de toiture végétalisée. Les acquéreurs ayant indiqué faire leur affaire de la toiture végétalisée, il leur appartenait de la faire réaliser moyennant une modification du toit ou d'y renoncer en formant une demande de permis de construire modificatif. En conséquence, la garantie décennale de Mme [P] n'est pas due sur ce point.
8- Sur le bardage des façades
Le rapport d'expertise mentionne : « ce revêtement montre des faiblesses de maintien, visibles en de
nombreux endroits, du fait des disjointements, autant verticaux qu'horizontaux.
[...]
La mise en oeuvre dans la partie Bungalow, a consisté à 'xer des tasseaux contre la paroi en tôle, avant de clipser les lames de bardage, au risque de créer des points d'in'ltration, et oxydation de la paroi extérieure ».
Toutefois, l'expert judiciaire n'a relevé aucun désordre survenu ou devant survenir dans le délai de la garantie décennale, de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. En conséquence, la garantie décennale de Mme [P] n'est pas applicable.
9- Sur les menuiseries extérieures
L'expert judiciaire indique :
« La porte-fenêtre coulissante neuve de la chambre parentale, n'est étanche ni à l'air ni à l'eau, y compris au niveau de la traverse basse de seuil. Nous avons relevé l'absence de talon, et rejingot.
Défaut de mise en oeuvre.
Des ponts thermiques génèrent de la moisissure, en pied et en cueilli de murs ».
Si l'expert a reconnu que les moisissures avaient pour origine l'absence de renouvellement d'air, il n'en demeure pas moins que la porte-fenêtre de la chambre parentale n'est pas étanche à l'air et à l'eau, de sorte qu'elle est impropre à sa destination. Il s'ensuit que la garantie décennale de Mme [P] est engagée au titre de cette menuiserie installée dans l'extension qu'elle a fait édifier.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de la garantie décennale du constructeur.
B- Sur l'indemnisation des préjudices
Moyens des parties
M. [E] et Mme [Z] indiquent que l'expert a conclu à l'impossibilité de procéder à des travaux de reprises ponctuelles ; que la seule solution retenue par l'expert judiciaire est donc une démolition/reconstruction ; que l'expert indique pour un type 4 un prix moyen de construction de 220 000 euros, hors frais de démolition ; que selon le devis versé aux débats et dont a pris acte l'expert judiciaire, le coût de reconstruction de la maison et la démolition de l'ancienne s'élève à la somme de 230 015 euros ; que Mme [P] sera donc condamnée à leur verser la somme de 230 015 euros avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ; qu'ils sont bien fondés à solliciter une somme de 5 000 euros pour satisfaire au déménagement et emménagement nécessaires dans le cadre de ce dossier, avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ; qu'ils vivent dans des conditions extrêmement difficiles, car les murs à l'intérieur sont pleins de moisissures, rendant l'ouvrage insalubre, notamment avec 3 jeunes enfants ; qu'ils sollicitent donc l'indemnisation de leur préjudice de jouissance depuis la vente à la somme de 500 euros par mois depuis le 2 janvier 2017 ; que les travaux de démolition et de reconstruction vont durer sur une période de 12 mois et pendant cette période, le bâtiment sera inhabitable ; qu'ils devront donc à retrouver à se loger dans la même commune, afin de permettre le maintien des 2 plus grands enfants du couple dans leur école ; qu'ils sont bien-fondés à solliciter la condamnation de Mme [P] à prendre en charge ledit préjudice de jouissance à hauteur de 2 000 euros par mois ; que nul ne saurait mettre en doute le préjudice moral subi ; qu'ils sont constamment inquiets de la survenance d'un éventuel incendie par exemple en pleine nuit et l'état d'insalubrité de la maison et la présence de moisissure nécessitent une attention constante au niveau des enfants ; qu'ils ne peuvent plus rien stocker dans les armoires, les vêtements moisissant ; qu'enfin envisager une démolition et une reconstruction est source de préjudice, avec toutes les éventuelles préoccupations liées au suivi d'un chantier, ce qu'ils n'envisageaient pas en ayant décidé d'acheter un ouvrage déjà construit ; que ce préjudice de jouissance sera évalué à la somme de 20 000 euros.
Mme [P] réplique que M. [E] et Mme [Z] ont acheté une maison ancienne dont les caractéristiques ont été rappelées tant à l'occasion de leurs pourparlers avant la vente, que sur l'acte authentique ; que dans ces circonstances, ils ne peuvent nullement solliciter une condamnation à payer une maison neuve sauf à leur procurer un avantage injustifié ; qu'ils ne peuvent pas non plus prétendre au paiement d'une somme déterminée par référence à la construction d'une maison neuve sans jamais justifier du lien de causalité entre le désordre décennal qui serait établi et le quantum des sommes demandées ; que la demande de condamnation, tout à fait exorbitante, est sans rapport avec la situation et les rabais négociés en contrepartie desquels les vendeurs ont explicitement renoncé à agir ; qu'ils ne pourront qu'être déboutés de leurs demandes, sauf à ce que la juridiction retienne que les préjudices allégués ne sont en réalité arrivés que par la seule faute des demandeurs ; que dans le cas contraire, la cour ne pourra que juger que la faute des demandeurs est exclusivement à l'origine de leur préjudice, l'exonérant alors totalement de sa responsabilité ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et Mme [Z] sur le fondement de la garantie décennale du constructeur.
Réponse de la cour
La garantie décennale de Mme [P] est engagée au seul titre de la fenêtre coulissante de la chambre parentale. Faute d'établir une cause étrangère, sa garantie est due sans qu'elle puisse être exonérée même partiellement de celle-ci, la faute alléguée des acquéreurs étant d'ailleurs sans lien avec le défaut d'étanchéité à l'air et à l'eau de la menuiserie.
M. [E] et Mme [Z] produisent un devis pour la démolition et la reconstruction de la maison d'habitation pour un coût de 230 015 euros. Or, seul le désordre imputable à Mme [P] peut donner lieu à indemnisation de sorte qu'il n'y a pas lieu de condamner celle-ci au coût de la démolition et de la reconstruction de la maison d'habitation.
Il résulte de l'article 4 du code civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.
Il convient d'indemniser M. [E] et Mme [Z] du coût nécessaire à la dépose et à la repose d'une fenêtre coulissante de la chambre parentale à hauteur de la somme de 1 500 euros, au paiement de laquelle Mme [P] sera condamnée.
Il n'est pas établi que le seul désordre relevant de la garantie décennale aurait causé un préjudice de jouissance, les moisissures étant causées par l'absence de ventilation que les acquéreurs auraient dû installer dès qu'ils l'avaient indiqué à Mme [P]. De même, ces travaux de courte durée ne justifient pas le déménagement des occupants, de sorte que le préjudice de jouissance n'est pas établi.
Enfin, il n'est pas établi que le seul désordre affectant la menuiserie serait la source d'un préjudice moral causé aux acquéreurs, qui motivent d'ailleurs leur demande à ce titre par des éléments relavant du préjudice de jouissance de l'intégralité de la maison d'habitation.
Les demandes d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral seront donc rejetées.
II- Sur la demande reconventionnelle de Mme [P]
Moyens des parties
Mme [P] soutient que M. [E] et Mme [Z] ont accepté d'acquérir une maison d'habitation modulaire avec extension en béton creux dont ils avaient connaissance des désordres et des inachèvements qui l'affectaient et pour lesquels ils ont obtenus de nombreuses réductions de prix en renonçant à toute action relative à ces désordres et inachèvements ; que c'est pourtant au titre de ces mêmes désordres et inachèvement qu'ils ont diligenté une expertise judiciaire, une action au fond et désormais cette procédure d'appel ; qu'en réalité, M. [E] et Mme [Z] tentent tout pour obtenir le paiement d'une maison neuve ; qu'ils seront donc condamnés à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive.
M. [E] et Mme [Z] n'ont pas formulé d'observations sur cette demande.
Réponse de la cour
Ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'action de M. [E] et Mme [Z] était partiellement fondée, de sorte que Mme [P] ne rapporte pas la preuve d'une faute commise dans le droit d'agir en justice. Sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens et accordé à Me Lerner, membre de la SARL Arcole le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [P] sera condamnée aux entiers dépens d'appel, de première instance et de référé, comprenant le coût des honoraires de l'expert judiciaire, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il convient également de la condamner à payer à M. [E] et Mme [P] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 15 juin 2023, en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de la garantie décennale du constructeur ;
- condamné M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens et accordé à Me Lerner, membre de la SARL Arcole le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DIT que Mme [P] doit sa garantie décennale à M. [E] et Mme [Z] au titre de la fenêtre coulissante de la chambre parentale de l'immeuble vendu ;
CONDAMNE Mme [P] à payer à M. [E] et Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre des travaux de reprise de la fenêtre coulissante de la chambre parentale ;
DÉBOUTE M. [E] et Mme [Z] du surplus de leurs demandes indemnitaires ;
DÉBOUTE Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE Mme [P] aux entiers dépens d'appel, de première instance et de référé, comprenant le coût des honoraires de l'expert judiciaire ;
AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;
CONDAMNE Mme [P] à payer à M. [E] et Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Nathalie LAUER, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
C H A M B R E C I V I L E
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 25/11/2025
la SELARL ARCOLE
Me Nicolas FORTAT
ARRÊT du : 25 NOVEMBRE 2025
N° : - 25
N° RG 23/01898 - N° Portalis DBVN-V-B7H-G2YZ
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de TOURS en date du 15 Juin 2023
PARTIES EN CAUSE
APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265298423757934
Monsieur [R] [E]
né le 04 Mars 1984 à [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Anne-sophie LERNER de la SELARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
Madame [B] [Z]
née le 24 Mai 1987 à [Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Anne-sophie LERNER de la SELARL ARCOLE, avocat au barreau de TOURS
D'UNE PART
INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé N°:1265292954980869
Madame [W] [P]
née le 27 Janvier 1973 à [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Nicolas FORTAT, avocat au barreau de TOURS
D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL en date du :24 Juillet 2023
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 06 octobre 2025
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, du délibéré :
Mme Nathalie LAUER, Président de chambre,
M. Laurent SOUSA, Conseiller, en charge du rapport,
Mme Laure-Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.
Greffier :
Mme Karine DUPONT, Greffier lors des débats et du prononcé.
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 octobre 2025, ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.
ARRÊT :
Prononcé le 25 novembre 2025 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte authentique du 2 janvier 2017, Mme [P] a vendu à M. [E] et Mme [Z], un bien à usage d'habitation situé [Adresse 2], constitué d'une partie modulaire, et d'une extension édifiée en béton par la venderesse.
Se plaignant de désordres, les acquéreurs ont sollicité une expertise judiciaire, qui a été ordonnée par le juge des référés le 12 décembre 2017. L'expert judiciaire, M. [Y], a déposé son rapport définitif le 19 novembre 2019.
Le 28 septembre 2020, M. [E] et Mme [Z] ont fait assigner Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Tours aux fins d'obtenir réparation de leurs préjudices sur le fondement des vices cachés, et à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie décennale.
Sur incident, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande fondée sur les dispositions de l'article 1641 du code civil pour cause de forclusion.
Par jugement du 15 juin 2023, le tribunal judiciaire de Tours a :
- rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de l'obligation de délivrance ;
- rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de la garantie décennale du constructeur ;
- condamné M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens et accordé à Me [T], membre de la SARL Arcole le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire.
Par déclaration du 24 juillet 2023, M. [E] et Mme [Z] ont interjeté appel de tous les chefs du jugement.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 17 octobre 2023, M. [E] et Mme [Z] demandent à la cour de :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
A titre principal,
- dire et juger que Mme [P] n'a pas délivré la chose convenue ;
- condamner Mme [P] à les indemniser de leurs préjudices ;
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu'en qualité de constructeur, Mme [P] a engagé sa responsabilité décennale à leur égard ;
- condamner Mme [P] à les indemniser de leurs préjudices ;
A titre infiniment subsidiaire,
- dire et juger que Mme [P] a engagé sa responsabilité contractuelle et/ou a commis un dol à leur égard ;
- condamner Mme [P] à les indemniser de leurs préjudices ;
En conséquence, et en toute hypothèse,
- condamner Mme [P] à leur régler les sommes suivantes :
. travaux de reconstruction/démolition : 230 015 euros avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ;
. frais de déménagement et emménagement : 5 000 euros avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ;
. préjudice de jouissance jusqu'au paiement des condamnations à intervenir : 500 euros par mois depuis le 2 janvier 2017 ;
. préjudice de jouissance pendant les travaux de démolition / reconstruction : 2 000 euros par mois pendant 12 mois, soit 24 000 euros ;
. préjudice moral : 20 000 euros ;
- condamner Mme [P] au paiement d'une somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui comprendront les frais de référés et d'expertise ;
- accorder à Maître Anne-Sophie Lerner membre de la SARL Arcole le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 3 janvier 2024, Mme [P] demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il : rejette les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de l'obligation de délivrance et sur le fondement de la garantie décennale du constructeur ; condamne M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens ;
- infirmer le chef du jugement du jugement qui dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant par l'effet dévolutif de l'appel sur le chef de jugement entrepris,
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] à lui verser la somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre des frais de première instance ;
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive ;
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] aux entiers dépens d'appel ;
- condamner in solidum M. [E] et Mme [Z] à payer, au titre des frais d'appel et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens des parties, il convient de se reporter à leurs dernières conclusions.
MOTIFS
I- Sur l'obligation de délivrance
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que le bien est constitué d'une partie modulaire et d'une extension en béton cellulaire rajoutée par Mme [P] et construite par elle-même pour la vente ; que la description du bien dans l'acte de vente fait état de la vente d'une maison d'habitation, alors que le bien vendu n'est pas constitutif d'une maison d'habitation ; que l'expert judiciaire a indiqué que les bungalows ne sont pas conçus pour l'habitation « ou tout du moins durable » ; que le défaut de conformité était caché puisqu'ils n'ont découvert le fait que la chose achetée n'était pas une maison dans le rapport de M. [Y] ; qu'ils rapportent la preuve de ce que la chose délivrée n'est pas conforme à celle indiquée dans l'acte de vente, puisque des bungalows ne peuvent être constitutifs d'une maison d'habitation, et que la venderesse a ainsi manqué à son obligation de délivrance conforme ; qu'un bien, pour être constitutif d'une construction, doit être un ouvrage fixe, pérenne et apte à remplir sa fonction, laquelle est déterminée concernant la destination d'habitation comme étant soit un logement, soit un hébergement ; que l'expert judiciaire indique clairement que le bien vendu n'est ni fixe, ni pérenne, et n'est dès lors pas constitutif d'une construction et que de plus, ne peut en aucun cas remplir une destination d'habitation, puisque le bien est un bungalow, bien qui n'est pas conçu pour l'habitation ; que l'article R.111-42 du code de l'urbanisme dispose que les résidences mobiles de loisirs ne peuvent être installées que dans les parcs résidentiels de loisirs spécialement aménagés à cet effet, dans les villages de vacances classés en hébergement léger et dans les terrains de camping régulièrement créés, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; que s'ils ont accepté d'acquérir la partie modulaire, ils ne pouvaient à aucun moment se douter que cette partie modulaire ne saurait en aucun cas constituer une maison d'habitation ; qu'il y a un défaut de conformité en ce que le bien vendu n'est pas constitutif d'une maison d'habitation, puisque le bien n'est ni fixe, ni pérenne, ni apte à remplir sa fonction d'habitation ; que Mme [P] se fonde sur l'autorisation d'urbanisme qui a changé la destination des locaux de bureaux en maison d'habitation pour justifier que le bien livré serait bien conforme ; que, cependant, l'autorisation d'urbanisme ne vérifie pas le respect des dispositions du code civil et ne concerne ni les règles de droit privé, ni le respect du règlement sanitaire départemental, ni la bonne conception du bâtiment au titre du code de la construction et de l'habitation, ni le respect des règles issues du code de la construction et de l'habitation ; que l'autorisation d'urbanisme répond uniquement à la demande formulée au visa des règles d'urbanisme ; que le permis de construire modificatif ne modifie en rien le fait que le bien livré n'est pas une maison d'habitation ; qu'il ressort très clairement de l'acte de vente que le toit restait à végétaliser, alors qu'il résulte du rapport d'expertise que la structure ne pourrait en aucun cas supporter une végétalisation du toit ; que l'acte de vente mentionne qu'une réduction de 5 000 euros a été négociée, uniquement s'agissant du non-respect de la RT 2012 ; que cette réduction de prix en raison de l'absence de RT 2012 n'influence en rien le défaut de délivrance conforme allégué ; que la venderesse a, de fait, engagé sa responsabilité contractuelle et ils sont fondés à demander la réparation de ce préjudice sur le fondement des articles 1603, 1147 et 2224 du code civil ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté leurs demandes.
Mme [P] réplique que l'obligation de délivrance conforme s'apprécie conformément aux stipulations contractuelles contenues au sein même du contrat de vente ; qu'une maison d'habitation s'entend d'un bâti dédié à l'habitation et ne s'apprécie pas en fonction de ses caractéristiques techniques, dispositions constructives ou encore architecturales ; que l'acte authentique de vente stipule que la vente porte sur une maison d'habitation dont les caractéristiques sont rappelées, à savoir qu'elle est construite en éléments modulaires avec extension en béton creux, décomposée en une partie modulaire et une extension ; que les demandeurs à l'instance ont donc acquis, en parfaite connaissance de cause, un bien dont ils connaissaient, déjà avant même la date de la vente, la composition et les caractéristiques techniques ; que la cour ne pourra que constater qu'il n'existe, dans le cadre de la vente litigieuse, strictement aucun défaut de conformité, ceci dès lors que la vente a été négociée en parfaite connaissance de cause ; que les acquéreurs ne peuvent aujourd'hui prétendre que le bien ne serait pas habitable, alors qu'ils l'habitent depuis plus de 7 années, et que le prétendu caractère inhabitable de la maison résulte ni plus ni moins que de leur choix délibéré de ne pas réaliser les travaux en prévision desquels ils ont négocié de multiples rabais sur le prix de vente ; que l'absence de conformité du bien à sa destination relève exclusivement du domaine des vices cachés ; que les demandeurs ne peuvent donc pas soutenir qu'ils pourraient agir sur le fondement de l'obligation de délivrance conforme lorsque la chose s'est révélée impropre à l'usage auquel elle était destinée sur la foi du rapport de [Y] ; qu'il n'a jamais relevé de la mission de l'expert [Y], définie par référence aux vices identifiés par l'expert [V], de se prononcer sur d'éventuels défauts de conformité ; que les demandeurs ne peuvent pas extrapoler les propos de l'expert [Y] pour leur donner un sens qu'ils n'ont pas, et ne peuvent pas non plus se prévaloir des caractéristiques techniques du bâti pour soutenir qu'il ne s'agirait pas d'une maison d'habitation alors que des maisons sont aujourd'hui réalisées dans des containers ; que sur le plan urbanistique, un changement de destination des bâtis modulaires a été accordé par le maire de la commune de [Localité 8] ; que les demandeurs soutiennent que le bien ne serait pas une maison en ce qu'il ne s'agirait pas d'un ouvrage fixe et pérenne, alors qu'ils formulent des demandes sur le fondement de la garantie décennale ; que contrairement à ce que les demandeurs soutiennent, l'expert n'a jamais écrit qu'il ne s'agissait pas d'une maison d'habitation puisqu'il a juste précisé que le mode de fondations ne discrimine pas les bâtiments entre eux et reconnaît que la maison a été élaborée à l'aide de techniques relevant de la construction en ayant recours à des fondations en forme de massifs en béton ; que le bien délivré est conforme au règlement sanitaire départemental et à sa destination et les demandeurs ne peuvent pas désormais remettre en cause la destination d'habitation sous le prétexte de l'existence de malfaçons et de désordres relevant des vices cachés ; que les appelants ont visité cette maison et ont obtenu tous les renseignements techniques, de sorte qu'ils avaient la pleine connaissance de ce que la maison acquise n'avait pas les caractéristiques d'une maison traditionnelle avec des fondations ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et Mme [Z] sur le fondement de la délivrance conforme.
Réponse de la cour
Aux termes de l'article 1603 du code civil, le vendeur a l'obligation de délivrer la chose qu'il vend. L'article 1604 du code civil dispose que la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur.
L'obligation de délivrance s'apprécie au jour de la vente au regard des stipulations contractuelles.
En l'espèce, l'acte de vente stipule :
« L'acquéreur déclare parfaitement connaître lesdits biens pour les avoir visités en vue du présent et s'être entouré de tous les éléments d'informations nécessaires à tous égards.
Désignation
Commune de [Localité 8]
Une maison d'habitation modulaire avec extension en béton creux situé(e)
[Adresse 2].
Composée comme suit :
Partie modulaire : salon séjour ouvert sur cuisine, deux chambres,
Extension : deux chambres, wc, salle d'eau, buanderie »
Dans la partie « permis de construire », l'acte énonce également :
« 1°) La bâtiment modulaire initial a fait l'objet :
- d'un permis de construire délivré le 26 juillet 1999 sous le numéro PC3725799600l2 dont une copie demeurera annexée aux présentes avec le dossier de demande (annexe 6), transféré aux vendeurs de Madame [P] par arrêté du 30 septembre 1999 numéro PC372S79960012 1 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 7).
- d'un certi'cat de conformité délivré par monsieur le maire de [Localité 8] le 24 février 2000 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 8).
2°) Le changement de destination de l'immeuble objet des présentes de bureau en habitation et l'extension ont fait l'objet :
- d'un permis de construire délivré par la mairie de [Localité 8] sous le n° PC 0372571420026 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 9),
- d'un permis de construire modi'catif délivré par monsieur le maire de [Localité 8] le 22 octobre 2015 sous le n° PC0372571420026M01 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 10),
- d'une déclaration d'ouverture de chantier en date du 28 mai 2015 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 11),
- d'une déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux reçue en mairie le 23 septembre 2016 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 12),
- d'une attestation de non contestation de la conformité établie par la mairie de [Localité 8] le 26 décembre 2016 dont une copie demeurera annexée aux présentes (annexe 12 bis).
Le vendeur déclare néanmoins qu'il n'a pas réalisé le toit végétalisé dont la réalisation sera à la charge et sous la responsabilité de l'acquéreur ».
Il n'est pas contesté que le bien délivré par la venderesse comportait une partie modulaire et une extension en béton creux. Les acquéreurs allèguent en revanche le fait que le bien vendu ne constitue par une maison d'habitation sur le fondement du rapport d'expertise judiciaire de M. [Y] qui mentionne notamment :
« Nous éprouvons une 'difficulté' pour appuyer notre analyse sur les bases et principes qui régissent le mode constructif d'une habitation, affectés à un immeuble pour lesquels un bungalow échappe par nature
Cas du bâtiment [A]
[...]
Les bungalows à notre connaissance ne sont pas conçus pour de l'habitation ou tout du moins durable.
Les parpaings de béton cellulaire de 10 cm d'épaisseur ne sont pas conçus pour des murs porteurs ».
L'expert évoque ainsi le caractère singulier de la mission d'expertise portant sur une opération de construction alors que le bien concerné porte en partie sur des bungalows aménagés à usage d'habitation. L'avis de l'expert quant à la difficulté à réaliser sa mission au regard de l'existence de la partie du bien composée de bungalows, ne peut établir l'existence d'un manquement du vendeur à son obligation de délivrance, alors que le bien a été utilisé par les acquéreurs aux fins d'habitation.
Surtout, il est établi que la commune a autorisé le changement de destination de la partie modulaire à usage de bureaux en usage d'habitation, de sorte que le bien était régulièrement affecté à cet usage. M. [E] et Mme [Z] qui ont visité les lieux et avaient connaissance d'une partie du bien en éléments modulaires, ont fait le choix d'acquérir le bien en étant en possession de la décision autorisant l'affectation du bien à usage d'habitation.
Il s'ensuit que le bien délivré est conforme aux stipulations contractuelles de sorte que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] fondées sur l'obligation de délivrance.
II- Sur la garantie décennale
A- Sur l'application de la garantie
Moyens des parties
Les appelants soutiennent que Mme [P] est intervenue en qualité de constructeur sur l'immeuble vendu ; que le bien vendu présente énormément de défauts constructifs qui ne permettent en aucun cas de rendre la maison conforme à sa destination, à savoir l'habitation ; que l'expert judiciaire fait état de l'impropriété à destination de l'ouvrage, comme ne pouvant recevoir la destination de maison d'habitation ; que le vendeur d'un immeuble dans lequel il a été procédé à des travaux de rénovation peut être déclaré responsable, envers les acquéreurs, des désordres affectant cet immeuble, sur le fondement des articles 1792 et suivants du code civil, sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un contrat de louage d'ouvrage ou de maîtrise d''uvre, dès lors que l'importance des travaux réalisés les assimile à des travaux de construction d'un ouvrage ; que si la responsabilité décennale n'a pas vocation à s'appliquer lorsque les travaux ne sont pas achevés, cela est relatif au cas particulier d'un immeuble en cours d'achèvement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ; qu'ils ne formulent aucune demande sur le fondement décennal concernant la toiture végétalisée mais sur la structure qui était censée accueillir celle-ci et qui, elle a été achevée comme l'atteste la déclaration de fin de travaux ; qu'en contradiction avec le principe d'estoppel, Mme [P] invoque l'inachèvement des travaux, alors qu'elle a déposé en mairie une déclaration attestant la fin des travaux à compter du 23 septembre 2016 ; que s'agissant de la couverture, le désordre de nature décennale n'est pas l'absence d'ouvrage végétalisé, mais l'impossibilité pour la structure porteuse de la toiture de supporter le poids d'une végétalisation ; que le seul lot n'ayant pas fait l'objet d'une réception est le lot végétalisation de la toiture, et uniquement celui-ci ; que les autres lots ont tous été réceptionnés et sont soumis à la garantie décennale ; que sur l'enveloppe périphérique du bâtiment A (4 Algeco), l'expert judiciaire indique que les parpaings de béton cellulaire sont de 15 cm d'épaisseur ne sont pas conçus pour des murs porteurs et que l'épaisseur des parois de bungalow, n'assurent pas la résistance thermique requise pour l'habitation ; qu'il a également indiqué que l'immeuble présente un nombre important d'anomalies telles que la non-conformité aux règles de l'art et principes techniques de construction, le non-respect des normes en vigueur et des règles sanitaires ; que l'expert a indiqué émettre une réserve quant à la solidité de l'extension ; qu'il existe bel et bien un désordre de nature décennale ; que s'agissant de la toiture du bâtiment A (4 Algeco), l'expert a relevé la non-conformité de cet ouvrage ; que cette toiture est une enveloppe horizontale composée d'un bac acier à ondes, porté par la structure métallique du bungalow, sans étanchéité ; qu'ils subissent aujourd'hui des infiltrations d'eau dans leur salon ; que les moisissures dispersent dans l'air ambiant des particules pouvant entraîner des problèmes de santé, et lorsque la santé des personnes est en jeu, le désordre relève de la garantie décennale ; que s'agissant du plancher du bâtiment A (4 Algeco), l'expert judiciaire a pu constater que la structure est profondément oxydée et le rapport de performance énergétique décrit un plancher non isolé ; qu'un plancher mal isolé peut entraîner une surconsommation énergétique ; que l'isolation absente ou insuffisante rend l'immeuble impropre à sa destination du fait de l'impossibilité de la chauffer sans exposer des surcoûts ; que par ailleurs, l'oxydation entraîne de la rouille qui met alors en péril la stabilité de la structure ; que la garantie décennale est donc acquise ; que la température de chauffage est insuffisante de sorte que ce désordre relève également de la garantie décennale ; qu'en l'absence de ventilation du logement, la présence de moisissures dans un bâtiment présente un danger pour la santé des occupants, de sorte que l'ouvrage est impropre à sa destination ; que les analyses de l'installation par le diagnostiqueur et l'expert judiciaire, concluent à la dangerosité de l'installation électrique ; que le tableau électrique présente un risque direct d'atteinte à la sécurité des personnes, de sorte que la garantie décennale est acquise ; que lors de la consultation d'entreprises pour réaliser la végétalisation de la toiture, ils ont appris que celle-ci était irréalisable au vu de l'état de la toiture ; qu'il s'agit donc là d'un vice caché constructif puisque Mme [P] n'a, à aucun moment, indiqué que l'ouvrage qu'elle avait réalisé ne pouvait supporter une toiture végétalisée ; que ce désordre relève donc de la garantie décennale ; que l'expert a indiqué que le bardage des façades présente des faiblesses avec un risque d'infiltration, de sorte que ce désordre est également de nature décennale ; que la porte-fenêtre coulissante neuve de la chambre parentale, n'est étanche ni à l'air ni à l'eau, et des ponts thermiques génèrent de la moisissure ; que la présence de moisissures présente un risque pour la santé des habitants, de sorte qu'il s'agit là d'un désordre de nature décennale ; que le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté leurs demandes.
Mme [P] fait valoir qu'aucun contrat de louage d'ouvrage n'a été conclu entre M. [E] et Mme [Z] d'une part, et elle-même d'autre part, de telle sorte que les dispositions de l'article 1792 n'ont pas vocation à s'appliquer dans leurs rapports autrement que par le truchement des dispositions de l'article 1792-1 du code civil ; qu'en l'absence de tout achèvement de l'ouvrage alors vendu, le vendeur ne saurait relever du périmètre des dispositions précitées de l'article 1792-1 du code civil ; qu'il est constant que les travaux réalisés par elle n'étaient nullement achevés à la date à laquelle la maison a été vendue ; que les acquéreurs ne l'ignorent nullement pour avoir justement et en raison de cet état d'inachèvement, négocié de multiples rabais faisant leur affaire personnelle de l'achèvement et de la réalisation des travaux requis à ce titre ; qu'aux termes de l'acte de vente, les acquéreurs ont renoncé à agir à son encontre s'agissant de l'inachèvement des travaux de couverture et du non-respect de la réglementation thermique, incluant nécessairement l'absence de réalisation de la VMC dont les acquéreurs ont fait leur affaire personnelle, mais encore les défauts d'isolation allégués, insuffisante ou non-conforme aux règles de l'art ; que les annexes mettaient en exergue diverses malfaçons et non-conformités, de telle sorte que les demandeurs à l'instance ont décidé d'acheter le bien en parfaite connaissance de cause ; que l'inachèvement des travaux qu'elle a entrepris avant de vendre la maison font irrémédiablement obstacle à toute possibilité pour les acquéreurs à prétendre à quelques réparations que ce soit au titre des vices d'inachèvement, de sorte qu'ils seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes présentées sur le fondement de la garantie décennale ; que la déclaration d'achèvement des travaux ne concerne que les seuls travaux autorisés par le permis de construire, lequel ne contrôle pas l'intégralité de ceux à réaliser et réalisés ; que tous les vices de la maison sont parfaitement connus puisqu'ils ont fait l'objet d'âpres négociations en considération de leur existence ; que, s'agissant de la partie ancienne de la maison modulaire, elle n'a pas réalisé de travaux constitutifs d'un ouvrage mais simplement changé, d'un point de vue urbanistique, la destination de cette construction, le reste relevant des seuls embellissements ; qu'elle ne peut être tenue d'une quelconque garantie décennale sur cette partie ancienne qu'elle n'a pas réalisée ; qu'au surplus, les demandeurs prétendent être en mesure de soutenir être fondés à agir sur le fondement de la garantie décennale en présence d'une réception partielle, mais les conditions d'une telle réception partielle ne sont pas réunies en l'absence de procès-verbal de réception, d'une part, et de démonstration de la réalisation de tranches indépendantes ou formant un ensemble cohérent ; que le bâtiment A a été édifié il y a plus de 10 ans de sorte qu'aucune garantie décennale n'est due ; que la seule non-conformité à la réglementation thermique n'emporte pas de ce seul chef garantie décennale, ceci alors qu'il n'a jamais été allégué que les demandeurs occuperaient un logement particulièrement énergivore qu'ils habitent depuis maintenant plus de 5 années ; qu'elle n'est donc redevable de la garantie décennale à ce titre ; qu'elle n'a pas réalisé de travaux sur le plancher du bâtiment A, de sorte qu'elle est insusceptible de voir une garantie quelconque, encore moins en raison d'une oxydation dont le traitement relève de l'entretien manifestement non réalisé par les acquéreurs ; qu'il n'a jamais été constaté de désordre ou d'insuffisance de température dans ce bâtiment A ; que les acquéreurs ont acheté le bien en pleine connaissance d'une absence de VMC et l'expert judiciaire n'a jamais constaté de moisissure en lien avec une insuffisance de ventilation mais exclusivement en raison de l'absence d'achèvement de l'étanchéité ; que les défauts affectant l'électricité ont été portés à la connaissance des acquéreurs, ainsi qu'ils résultent du diagnostic électricité ; que l'expert n'a pas constaté de désordre structurel du bâtiment B ; que s'il résulte de ses investigations que les acquéreurs doivent renforcer la structure pour réaliser la végétalisation de la toiture, il n'en demeure pas moins qu'ils ont explicitement déclaré faire leur affaire personnelle de cette absence de végétalisation ; qu'il n'a jamais été constaté de désordre décennal en lien avec le bardage ; que s'agissant des menuiseries extérieures, il n'est pas démontré que le désordre allégué ne trouve tout simplement pas son origine dans l'inachèvement de l'étanchéité du toit terrasse ; que l'expert n'a pas constaté que le désordre allégué soit directement à l'origine de moisissure en pied et en cueilli de murs puisque ses propos sont généraux et ont pour seule finalité d'exposer les conséquences de l'absence de talon et de rejingot ; que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z].
Réponse de la cour
L'article 1792 du code civil dispose que tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.
Aux termes de l'article 1792-1 2° du code civil, toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire est réputé constructeur de l'ouvrage.
En application de ces dispositions, le vendeur-constructeur est tenu à garantie décennale à compter de l'achèvement qui caractérise l'auto-réception de l'ouvrage.
Le caractère apparent ou caché des désordres s'apprécie en la personne du maître de l'ouvrage constructeur et au jour de la réception, qui correspond pour celui-ci à l'achèvement des travaux, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (3e Civ., 10 novembre 2016, pourvoi n 15-24.379, Bull. 2016, III, n° 152 ; 3e Civ., 19 septembre 2019, pourvoi n° 18-19.918).
En l'espèce, l'acte authentique de vente stipule :
« Travaux réalisés depuis moins de dix ans
Madame [P] déclare avoir réalisé par elle-même les travaux suivants depuis son acquisition :
- isolation refaite
- électricité refaite
- plomberie refaite
- sols refaits
- peintures refaites
- bardage
- terrasse
- extension en béton cellulaire ».
Mme [P] qui a elle-même effectué ces travaux avant de revendre le bien, est donc réputée constructeur en application de l'article 1792-1 du code civil.
S'agissant de la date d'achèvement des travaux, il convient de constater que le maire de la commune de [Localité 8] a accordé un permis de construire modificatif à Mme [P] pour la réalisation d'une extension de 40 m². Le 28 mai 2015, Mme [P] a déclaré l'ouverture du chantier à compter du 8 mai 2015. Le 23 septembre 2016, Mme [P] a déclaré l'achèvement de la totalité des travaux. Il s'ensuit que Mme [P] n'est pas fondée à soutenir que les travaux faisant l'objet du permis de construire étaient inachevés lors de la vente.
La venderesse soutient que le prix a été négocié compte-tenu de l'inachèvement des travaux, alors que l'acte de vente mentionne une réduction du prix, causée par la seule non-conformité du bien à la réglementation thermique RT 2012 :
« Sanctions de la non-conformité
Au regard des règles de construction :
Le vendeur déclare que l'extension ne respecte pas la norme RT 2012 ainsi qu'il ressort de la consultation faite auprès du Cridon dont la réponse en date à [Localité 7] du 16 novembre 2016 demeurera annexée aux présentes (annexe 13) ainsi qu'une copie des articles L. 152-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation relatant les sanctions pénales applicables en cas de non-respect de cette nonne (annexe 14).
Une copie de cette consultation a été transmise aux parties le 17 novembre 2016 qui en ont donc eu connaissance préalablement aux présentes.
A titre forfaitaire et purement indemnitaire, le vendeur accepte d'abandonner la somme de cinq mille euros (5 000,00 euros) à l'acquéreur afin d'indemniser celui-ci du préjudice éventuel lié à l'absence de respect de la RT 2012. L'acquéreur s'interdit donc tout recours envers le vendeur dans l'hypothèse où il viendrait à subir un quelconque préjudice lié au non-respect de cette norme ».
Il convient de constater que les désordres invoqués par M. [E] et Mme [Z] ne relèvent pas de la réglementation thermique RT 2012, de sorte que la garantie décennale ne peut être écartée au seul motif de l'acceptation d'une réduction du prix accordée à ce titre.
Le point de départ de la garantie décennale doit donc être fixée au 23 septembre 2016, et les acquéreurs ont agi dans le délai de forclusion. Il convient d'examiner chacun des désordres allégués par les appelants afin de vérifier s'ils relèvent de la garantie décennale de Mme [P].
1- Sur l'enveloppe périphérique du bâtiment A
Les appelants se prévalent à ce titre du fait que les modules ne sont pas dédiés à l'usage d'habitation, ni pour une construction durable et que l'expert judiciaire a indiqué que les parpaings de béton cellulaire de 15 cm d'épaisseur ne sont pas conçus pour des murs porteurs et que l'épaisseur des parois de bungalow, n'assurent pas la résistance thermique requise pour l'habitation.
Il apparaît que les appelants instaurent une confusion entre les parois des éléments modulaires munis de bardage et les murs de l'extension (bâtiment B) réalisés en parpaings.
S'agissant des seules parois des éléments modulaires, il convient de constater que le rapport d'expertise ne mentionne aucune mesure objective des températures à l'intérieur des éléments modulaires, outre le fait que les acquéreurs ont souhaité acquérir le bien à un prix minoré du fait de la non-conformité de l'habitation à la réglementation thermique applicable pour réaliser eux-mêmes les travaux nécessaires. Le désordre n'est donc pas établi.
2- Sur la toiture du bâtiment A
Le rapport d'expertise judiciaire mentionne :
« La toiture, enveloppe horizontale, est composée d'un bac acier à ondes, porté par la structure métallique du bungalow, sans étanchéité.
L'épaisseur relevée est de 13 cm entre le plafond depuis l'intérieur du logement et le creux de l'onde du bac à l'extérieur. 13 cm est une épaisseur très en dessous de la norme, pour pouvoir inclure une isolation conforme à la réglementation thermique.
Nous avons repéré à un endroit du plafond depuis l'intérieur, la présence d'une isolation mince thermo-ré'ecteur De type Triso.
Ce produit ne peut pas se substituer à une isolation de 320 mm pour un R de 7 ou 8 attendu.
Ce produit ne comporte pas non plus de pare-vapeur. La faible épaisseur de cet ensemble, constitue un risque avéré de pont thermique, engendrant des désordres visibles depuis l'intérieur de l'immeuble ».
Il n'est pas établi que Mme [P] ait procédé ou fait procéder aux travaux de couverture des éléments modulaires, de sorte que sa garantie décennale n'est pas applicable à la toiture en bac acier.
3- Sur le plancher du bâtiment A
L'expert judiciaire a indiqué supposer que le plancher est composé de panneaux d'aggloméré hydrofuge situé sous le revêtement et a constaté que la structure est profondément oxydée, outre le fait que le plancher n'est pas isolé.
Toutefois, il n'est pas établi que Mme [P] ait procédé à des travaux portant sur le plancher des éléments modulaires de type Algeco, de sorte que sa garantie décennale n'est pas applicable.
4- Sur le système de chauffage du bâtiment A
Le rapport d'expertise mentionne :
« Nous relevons la présence d'un poêle à granulés, état neuf. Nous avons demandé que nous soit transmise la fiche technique produit. La partie demanderesse a procédé au complément de chauffage en installant des convecteurs dans les pièces éloignées du poêle. Ce dernier ne suf'sant pas à chauffer la totalité du volume ».
L'expert s'est borné à rapporter les déclarations des acquéreurs sur l'insuffisance de l'installation de chauffage sans procéder à aucune mesure de température et d'analyse de la puissance thermique nécessaire pour procéder au chauffage du bâtiment A en éléments modulaires. Le désordre n'est donc pas établi.
5- Sur le système de ventilation du bâtiment A
Le rapport d'expertise mentionne :
« Nous n'avons pas relevé la présence d'un système de ventilation contrôlée (VMC) Elle est inexistante, pourtant à caractère obligatoire même en simple 'ux.
La ventilation naturelle seule par ouverture des fenêtres ne peut satisfaire aux obligations réglementaires sanitaires / Normes DTU 68.1 et 68.2. Et nouveau DTU 68.3 publié en juin 2013 s'appliquant au marché privé.
L'absence d'une ventilation dans une habitation rend celle-ci insalubre.
Elle est à l'origine (l'absence d'une ventilation) d'un taux d'humidité supérieur à la norme, et con'nement, en conséquence de quoi l'apparition des champignons, de salpêtre et autre moisissures est inévitable.
Aucune des menuiseries mises en oeuvre ne comporte une prise de renouvellement d'air ».
Il n'est pas établi que Mme [P] ait procédé ou fait procéder aux travaux portant sur les menuiseries. S'agissant de l'absence de ventilation, celle-ci était connue tant de la venderesse que des acquéreurs. Il résulte des échanges entre les parties, antérieurs à la vente, que les acquéreurs souhaitaient acquérir le bien en l'état pour y installer une VMC et les tuyaux de distribution. Le défaut de ventilation ne relève donc pas de la garantie décennale de Mme [P], mais est imputable aux acquéreurs qui n'ont pas procédé à ces travaux.
6- Sur l'installation électrique du bâtiment A
Le rapport d'expertise judiciaire mentionne plusieurs anomalies de l'installation électrique présentant un risque pour la sécurité de l'habitation : accès direct aux conducteurs, absence d'inter-différentiel de coupure générale à l'intérieur des locaux, raccordement du sèche-serviette non-conforme, distance du bord extérieur du receveur de douche de moins de 60 cm du plafonnier.
Ces anomalies étaient connues de la venderesse et des acquéreurs, aux termes du diagnostic de l'installation électrique annexé à l'acte de vente mentionnant les catégories d'anomalies suivantes : la protection contre les surintensités adaptée à la section des conducteurs, sur chaque circuit ; les règles relatives aux zones dans les locaux comportant une baignoire ou une douche ; des matériels électriques présentant des risques de contacts directs. Le rapport mentionnait également qu'il était préconisé au propriétaire de supprimer les anomalies recensées en contactant un électricien dans les meilleurs délais « afin d'éliminer les dangers qu'elle(s) présente(nt) ».
Il s'ensuit que ces désordres étaient existants dès l'achèvement de l'ouvrage et connus du vendeur constructeur, de sorte qu'ils étaient apparents et ne peuvent relever de la garantie décennale de Mme [P].
7- Sur la structure du bâtiment B
Les appelants soutiennent que l'expert a indiqué qu'ils avaient accepté de faire leur affaire de la toiture végétalisée dans l'ignorance de l'impossibilité technique de réaliser ladite toiture végétale.
L'acte authentique de vente comporte la clause suivante :
« Le vendeur déclare néanmoins qu'il n'a pas réalisé le toit végétalisé dont la réalisation sera à la charge et sous la responsabilité de l'acquéreur ».
Il n'a été constaté aucun désordre lié à l'absence de toit végétalisé rendant le bien impropre à sa destination. Si le permis de construire prévoyait une toiture végétalisée, il n'est pas justifié d'une injonction de la commune portant sur l'absence de toiture végétalisée. Les acquéreurs ayant indiqué faire leur affaire de la toiture végétalisée, il leur appartenait de la faire réaliser moyennant une modification du toit ou d'y renoncer en formant une demande de permis de construire modificatif. En conséquence, la garantie décennale de Mme [P] n'est pas due sur ce point.
8- Sur le bardage des façades
Le rapport d'expertise mentionne : « ce revêtement montre des faiblesses de maintien, visibles en de
nombreux endroits, du fait des disjointements, autant verticaux qu'horizontaux.
[...]
La mise en oeuvre dans la partie Bungalow, a consisté à 'xer des tasseaux contre la paroi en tôle, avant de clipser les lames de bardage, au risque de créer des points d'in'ltration, et oxydation de la paroi extérieure ».
Toutefois, l'expert judiciaire n'a relevé aucun désordre survenu ou devant survenir dans le délai de la garantie décennale, de nature à porter atteinte à la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination. En conséquence, la garantie décennale de Mme [P] n'est pas applicable.
9- Sur les menuiseries extérieures
L'expert judiciaire indique :
« La porte-fenêtre coulissante neuve de la chambre parentale, n'est étanche ni à l'air ni à l'eau, y compris au niveau de la traverse basse de seuil. Nous avons relevé l'absence de talon, et rejingot.
Défaut de mise en oeuvre.
Des ponts thermiques génèrent de la moisissure, en pied et en cueilli de murs ».
Si l'expert a reconnu que les moisissures avaient pour origine l'absence de renouvellement d'air, il n'en demeure pas moins que la porte-fenêtre de la chambre parentale n'est pas étanche à l'air et à l'eau, de sorte qu'elle est impropre à sa destination. Il s'ensuit que la garantie décennale de Mme [P] est engagée au titre de cette menuiserie installée dans l'extension qu'elle a fait édifier.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de la garantie décennale du constructeur.
B- Sur l'indemnisation des préjudices
Moyens des parties
M. [E] et Mme [Z] indiquent que l'expert a conclu à l'impossibilité de procéder à des travaux de reprises ponctuelles ; que la seule solution retenue par l'expert judiciaire est donc une démolition/reconstruction ; que l'expert indique pour un type 4 un prix moyen de construction de 220 000 euros, hors frais de démolition ; que selon le devis versé aux débats et dont a pris acte l'expert judiciaire, le coût de reconstruction de la maison et la démolition de l'ancienne s'élève à la somme de 230 015 euros ; que Mme [P] sera donc condamnée à leur verser la somme de 230 015 euros avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ; qu'ils sont bien fondés à solliciter une somme de 5 000 euros pour satisfaire au déménagement et emménagement nécessaires dans le cadre de ce dossier, avec indexation sur l'indice BT 01, avec pour indice de départ la date de novembre 2019, date du dépôt du rapport d'expertise de M. [Y] ; qu'ils vivent dans des conditions extrêmement difficiles, car les murs à l'intérieur sont pleins de moisissures, rendant l'ouvrage insalubre, notamment avec 3 jeunes enfants ; qu'ils sollicitent donc l'indemnisation de leur préjudice de jouissance depuis la vente à la somme de 500 euros par mois depuis le 2 janvier 2017 ; que les travaux de démolition et de reconstruction vont durer sur une période de 12 mois et pendant cette période, le bâtiment sera inhabitable ; qu'ils devront donc à retrouver à se loger dans la même commune, afin de permettre le maintien des 2 plus grands enfants du couple dans leur école ; qu'ils sont bien-fondés à solliciter la condamnation de Mme [P] à prendre en charge ledit préjudice de jouissance à hauteur de 2 000 euros par mois ; que nul ne saurait mettre en doute le préjudice moral subi ; qu'ils sont constamment inquiets de la survenance d'un éventuel incendie par exemple en pleine nuit et l'état d'insalubrité de la maison et la présence de moisissure nécessitent une attention constante au niveau des enfants ; qu'ils ne peuvent plus rien stocker dans les armoires, les vêtements moisissant ; qu'enfin envisager une démolition et une reconstruction est source de préjudice, avec toutes les éventuelles préoccupations liées au suivi d'un chantier, ce qu'ils n'envisageaient pas en ayant décidé d'acheter un ouvrage déjà construit ; que ce préjudice de jouissance sera évalué à la somme de 20 000 euros.
Mme [P] réplique que M. [E] et Mme [Z] ont acheté une maison ancienne dont les caractéristiques ont été rappelées tant à l'occasion de leurs pourparlers avant la vente, que sur l'acte authentique ; que dans ces circonstances, ils ne peuvent nullement solliciter une condamnation à payer une maison neuve sauf à leur procurer un avantage injustifié ; qu'ils ne peuvent pas non plus prétendre au paiement d'une somme déterminée par référence à la construction d'une maison neuve sans jamais justifier du lien de causalité entre le désordre décennal qui serait établi et le quantum des sommes demandées ; que la demande de condamnation, tout à fait exorbitante, est sans rapport avec la situation et les rabais négociés en contrepartie desquels les vendeurs ont explicitement renoncé à agir ; qu'ils ne pourront qu'être déboutés de leurs demandes, sauf à ce que la juridiction retienne que les préjudices allégués ne sont en réalité arrivés que par la seule faute des demandeurs ; que dans le cas contraire, la cour ne pourra que juger que la faute des demandeurs est exclusivement à l'origine de leur préjudice, l'exonérant alors totalement de sa responsabilité ; que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [E] et Mme [Z] sur le fondement de la garantie décennale du constructeur.
Réponse de la cour
La garantie décennale de Mme [P] est engagée au seul titre de la fenêtre coulissante de la chambre parentale. Faute d'établir une cause étrangère, sa garantie est due sans qu'elle puisse être exonérée même partiellement de celle-ci, la faute alléguée des acquéreurs étant d'ailleurs sans lien avec le défaut d'étanchéité à l'air et à l'eau de la menuiserie.
M. [E] et Mme [Z] produisent un devis pour la démolition et la reconstruction de la maison d'habitation pour un coût de 230 015 euros. Or, seul le désordre imputable à Mme [P] peut donner lieu à indemnisation de sorte qu'il n'y a pas lieu de condamner celle-ci au coût de la démolition et de la reconstruction de la maison d'habitation.
Il résulte de l'article 4 du code civil que le juge ne peut refuser de réparer un dommage dont il a constaté l'existence en son principe.
Il convient d'indemniser M. [E] et Mme [Z] du coût nécessaire à la dépose et à la repose d'une fenêtre coulissante de la chambre parentale à hauteur de la somme de 1 500 euros, au paiement de laquelle Mme [P] sera condamnée.
Il n'est pas établi que le seul désordre relevant de la garantie décennale aurait causé un préjudice de jouissance, les moisissures étant causées par l'absence de ventilation que les acquéreurs auraient dû installer dès qu'ils l'avaient indiqué à Mme [P]. De même, ces travaux de courte durée ne justifient pas le déménagement des occupants, de sorte que le préjudice de jouissance n'est pas établi.
Enfin, il n'est pas établi que le seul désordre affectant la menuiserie serait la source d'un préjudice moral causé aux acquéreurs, qui motivent d'ailleurs leur demande à ce titre par des éléments relavant du préjudice de jouissance de l'intégralité de la maison d'habitation.
Les demandes d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral seront donc rejetées.
II- Sur la demande reconventionnelle de Mme [P]
Moyens des parties
Mme [P] soutient que M. [E] et Mme [Z] ont accepté d'acquérir une maison d'habitation modulaire avec extension en béton creux dont ils avaient connaissance des désordres et des inachèvements qui l'affectaient et pour lesquels ils ont obtenus de nombreuses réductions de prix en renonçant à toute action relative à ces désordres et inachèvements ; que c'est pourtant au titre de ces mêmes désordres et inachèvement qu'ils ont diligenté une expertise judiciaire, une action au fond et désormais cette procédure d'appel ; qu'en réalité, M. [E] et Mme [Z] tentent tout pour obtenir le paiement d'une maison neuve ; qu'ils seront donc condamnés à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la procédure abusive.
M. [E] et Mme [Z] n'ont pas formulé d'observations sur cette demande.
Réponse de la cour
Ainsi qu'il a été précédemment exposé, l'action de M. [E] et Mme [Z] était partiellement fondée, de sorte que Mme [P] ne rapporte pas la preuve d'une faute commise dans le droit d'agir en justice. Sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive sera rejetée.
III- Sur les frais de procédure
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens et accordé à Me Lerner, membre de la SARL Arcole le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile et dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [P] sera condamnée aux entiers dépens d'appel, de première instance et de référé, comprenant le coût des honoraires de l'expert judiciaire, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Il convient également de la condamner à payer à M. [E] et Mme [P] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Tours du 15 juin 2023, en ce qu'il a :
- rejeté les demandes de M. [E] et de Mme [Z] présentées sur le fondement de la garantie décennale du constructeur ;
- condamné M. [E] et de Mme [Z] aux entiers dépens et accordé à Me Lerner, membre de la SARL Arcole le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;
- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONFIRME le jugement en ses autres dispositions critiquées ;
STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et Y AJOUTANT :
DIT que Mme [P] doit sa garantie décennale à M. [E] et Mme [Z] au titre de la fenêtre coulissante de la chambre parentale de l'immeuble vendu ;
CONDAMNE Mme [P] à payer à M. [E] et Mme [Z] la somme de 1 500 euros au titre des travaux de reprise de la fenêtre coulissante de la chambre parentale ;
DÉBOUTE M. [E] et Mme [Z] du surplus de leurs demandes indemnitaires ;
DÉBOUTE Mme [P] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
CONDAMNE Mme [P] aux entiers dépens d'appel, de première instance et de référé, comprenant le coût des honoraires de l'expert judiciaire ;
AUTORISE les avocats de la cause à recouvrer directement et à leur profit, contre la partie condamnée aux dépens, ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision ;
CONDAMNE Mme [P] à payer à M. [E] et Mme [Z] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par Madame Nathalie LAUER, Présidente de Chambre et Mme Karine DUPONT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT